Wanted Man - M.Soul a capturé l’âme de Johnny Cash !
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST

Wanted Man - M.Soul a capturé l’âme de Johnny Cash !

Loin de moi l’idée de dénigrer les qualités musicales des tribute bands, dont pléthore possèdent d’indéniables atouts techniques. Cependant, à titre personnel, je n’ai jamais versé dans ce type de nostalgie (parfois pathétique)…dont la quête absolue du mimétisme a tendance à me rendre mal à l’aise.
Un sentiment qui, naturellement, s’est emparé de moi lorsque le canadien M.Soul (issu d’une famille anglophone comme ne l’indique pas son vrai nom, Marcel Soulodre) m’a contacté pour la première fois. C’était au début de l’année 2014, afin de convenir d’une invitation dans l’émission Route 66.
Il faut dire que je n’avais pas, alors, une connaissance parfaite du personnage et encore moins de son spectacle hommage à Johnny Cash, « Wanted Man », qu’il a rodé sur les scènes nord-américaines dès 2003 (la première se déroulant, tel un passage de relai, le lendemain de la disparition de l’homme en noir).
Dès nos premiers échanges, l’idée de voir se pointer un opportuniste s’est rapidement effacée de mon esprit. Ceci, au profit d’un profond respect pour le fin connaisseur face auquel je me retrouvais.En effet notre homme a passé sa jeunesse, à Winnipeg dans le Manitoba, baignant dans un environnement totalement voué à la musique.
Ainsi, après avoir été imprégné par celle qu’interprétaient les violonistes basés dans les provinces maritimes, Marcel s’est rapidement tourné vers le rock’n’roll balbutiant que ses grandes sœurs écoutaient (Gene Pitney, Elvis Presley, Buddy Holly, Roy Orbison…) avant de se plonger dans le blues de Muddy Waters ou d’Howlin’ Wolf pour mieux revenir au folk et à la country. Le tout avant d’emprunter un virage psychédélique puis de se passionner pour le premier album du Velvet Underground (dont il possède l’un des rares tirages initiaux). Bref, à peine sorti de l’adolescence, Marcel connaissait tout de la culture musicale américaine du XXème siècle.
Par extension, cela l’a irréductiblement conduit à diversifier son bagage en se plongeant dans la bonne littérature d’outre Atlantique (Jack Kerouac et Mark Twain en tête). De quoi trouver l’inspiration nécessaire pour intégrer un premier groupe, The Ministers Of Soul, qui mettait définitivement sur orbite la carrière de ce francophile affirmé.
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Mais revenons-en à nos moutons ou, dans le cas présent, à nos caribous.
Le 09 novembre 2018 M.Soul et sa troupe s’emparaient de la scène de l’Illiade à Illkirch-Graffenstaden, afin de livrer le premier de trois concerts de présentation de la nouvelle mouture du show « Wanted Man » (les deux autres se déroulant à Lucerne en Suisse, puis à Freiburg en Allemagne).
Accompagné par une rythmique solide (Olivier Aslan à la batterie, Lionel Ehrhardt à la basse) et l’impressionnant Jean-Paul Distel à la guitare (bluffant de feeling et d’humilité dans son interprétation des parties réservées jadis au regretté Luther Perkins), Marcel débute sur les chapeaux de roues nous guidant d’emblée dans l’univers de Johnny Cash. Entre deux chansons (sous l’œil bienveillant de Lionel Galonnier en régie) l’artiste parvient à replonger l’assistance, venue en masse, dans l’Arkansas natal du « man in black » puis dans son Tennessee d’adoption (au sein du Studio Sun de Sam Phillips, qui a vu éclore une future star sur le point de « rockabiliser » la country music).
De l’enfance à la renaissance, en passant par la consécration et la descente aux enfers, le chanteur-guitariste-harmoniciste et son groupe naviguent avec une rare aisance dans ces années 1950 et 1960 si singulières, jonglant avec délice entre chansons intemporelles et anecdotes liées à la vie tumultueuse de celui qui au final demeure l’une des plus belles incarnations de cette époque. Ce conte didactique, tenant davantage de la communion que de la réunion, défile sans temps mort jusqu’à la fin des années 60 (et les fameux shows dans les pénitenciers de Folsom et de San Quentin). Une période, en partie, évoquée en présence de la chanteuse Tara Esther qui se voit ici confier la lourde tâche d’incarner June Carter…qui est entrée dans la vie de Johnny Cash quelques années plus tôt (mais qui était son grand amour secret depuis bien plus longtemps).
Brisant des mythes, injustement, gravés dans les esprits de certains (et oui, Johnny Cash n’a jamais séjourné en prison malgré ses déboires avec la justice américaine…pour de tristes histoires de possession de drogues et même d’incendie de forêt), le spectacle reste fidèle à la réalité. De ce fait, admirateurs en devenir et amateurs éclairés se retrouvent face aux propos d’une véritable équipe de professeurs…qui n’a nul besoin d’user de logiciel PowerPoint pour faire entrer la bonne parole dans les têtes de tous.
Toutefois, après ces moments de grâce illustrés par des « chansons d’amour pour la vie, des chansons éternelles » le show peut perdre légèrement de sa splendeur aux yeux des fans « harcore » du créateur de « I walk the line ». En effet, quid des années 1970 et 1980 ? Trop souvent dénigrées par le grand public il est vrai, elles se voient ici réduites au strict minimum en raison de la « ringardisation » de l’icône américaine qui avait alors du mal à trouver un second souffle. Pourtant, malgré le « risque commercial » que cela aurait pu représenter, il aurait été passionnantd’évoquer la fin du « Johnny Cash Show » (émission de télévision diffusée sur la chaine ABC, durant laquelle l’homme en noir avait l’habitude de se frotter à des artistes de rhythm and blues ou à la jeune génération incarnée par des gens tels que Neil Young, Arlo Guthrie ou James Taylor), son rapport ambigu avec l’administration Nixon qui a eu bien tort d’en faire son porte-étendard (en pleine Guerre du Viêt Nam, lors d’un concert à la Maison Blanche, Johnny Cash a mis à mal la politique du Président américain), son triomphe au sein du super-groupe The Highwaymen (également constitué par Willie Nelson, Waylon Jennings et Kris Kristofferson) et surtout son implication aux côtés du peuple amérindien qui défendait justement ses droits. Ceci, sans oublier d’évoquer quelques albums qui sortent du lot (« Man In Black » en 1971, « The Last Gunfighter Ballad » en 1977 etc.). Au final, seuls « City of New Orleans » et « Ghost riders in the sky » (respectivement interprétées par Johnny Cash en 1975 et 1979) sont sauvés des eaux et joués au milieu d’une série de morceaux datant de la décennie précédente.
Du coup, nous sommes directement promus en 1994 avec l’évocation du producteur Rick Rubin dont la collaboration avec Cash a donné naissance aux chefs-d’œuvre que l’on connait(soit la série d’albums « American Recordings »). Une période évoquée avec talent par Marcel qui reprend des titres tels que « The man comes around » ou « Hurt », interprétés avec maestria mais dont l’impact des productions originales ne peut être restitué en live (mais, il faut bien l’avouer, même Johnny Cash n’y est jamais parvenu).
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Le final du spectacle efface rapidement de nos esprits cette faille temporelle. La troupe reprenant avec entrain une série de morceaux dont un poignant « Peace in the valley » (un gospel écrit en 1937 par Thomas A. Dorsey) interprété A cappella devant un parterre en extase. D’ailleurs Cash a repris avec bonheur nombre de ses contemporains (Mahalia Jackson avec le titre cité, mais aussi Bob Dylan avec « It ain’t me babe », « If I were a carpenter » de Tim Hardin, « City of New Orleans » de Steve Goodman,ou l’antique « Joshua fit the battle of Jericho » des Harrod’s Jubilee Singers). Des lectures personnelles de musiques diversifiées (blanches et noires) dont la restitution faite par M.Soul et son gang nous montre à quel point « Wanted man » est un show éclectique, conçu pour tous. Un hommage essentiel pour ceux qui connaissent (ou non) le parcours de l’un des plus grands troubadours de la musique folk.
Cette réussite ne doit, toutefois, pas nous faire perdre de vue les grandes qualités d’auteur-compositeur de M.Soul qui sait s’éloigner de la rythmique inhérente à l’œuvre de Johnny Cash (et son fameux «Boom chicka boom » initié par The Tennessee Three dans les fifties) pour nous offrir des morceaux originaux dotés d’une grande teneur. Il suffit pour cela d’écouter le très réussi album « This Time The Girl’s In Trouble », paru en 2016.

En attendant de retrouver le musicien canadien avec son propre répertoire, n’hésitez pas à vous déplacer pour « Wanted Man » dont le succès (et la longévité) n’est en rien démérité. Au contraire, ce spectacle nous permet de redécouvrir une œuvre qui est, ici, interprétée avec personnalité, respect et modestie. De surcroît, cette dernière est parfaitement restituée dans le contexte de son époque, tout en demeurant furieusement en phase avec la notre.
Sans être l’incarnation de Johnny Cash, l’attachant M.Soul demeure incontestablement l’un des meilleurs interprètes (et un défenseur de première classe !) de l’intemporel répertoire de celui dont la disparition nous a brisé le cœur le 12 septembre 2003.

David BAERST

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