Rencontre avec Richard Bohringer
au croisement du Blues et de la vie
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST


Rencontre avec Richard Bohringer au croisement du Blues et de la vie.

J'attendais depuis longtemps cette rencontre avec Richard Bohringer (son livre "C'est beau une ville la nuit" m'avait aidé à supporter mon service militaire, c'est dire!!!). Une sensation bizarre, on se presse pas car on sait qu'elle arrivera tôt ou tard… naturellement. J'avais simplement envie de nous faire profiter de son amour du Blues…

Ce fût enfin chose faite ce dimanche 26 Novembre 2006 à Colmar. Tel un animal sauvage, l'acteur, écrivain, réalisateur, auteur, chanteur est, dans un premier temps, incontrôlable. Je ne parviens pas à lui faire cracher le morceau niveau musique !

Pourtant Richard Bohringer dit ce qu'il a à dire et retombe systématiquement sur ses pieds. Malgré l'horaire très matinal et le timing hyper serré, il se prêtera au jeu et me gratifiera d'un entretien entre gravité et légèreté, entre feu et glace, entre sourires et coups d'Blues.


Les rencontres tiennent une place importante dans votre œuvre. Comment expliquez-vous cet amour des gens qui vous guide depuis tant d'années ?

Ce n'est pas dans mon œuvre, c'est dans ma vie…
Je n'ai pas d'œuvre, je suis un mec et c'est dans la vie que j'aime rencontrer les gens. J'en rencontre sans livre, sans musique et j'en rencontre avec livre, avec musique.
C'est le même truc…

J'aime la route aussi. Si on aime la route on a une obligation de compassion. Ceci dans le sens le plus noble du terme…
Sur la route, on se donne la main donc on finit par être ce que la route donne, un vécu perceptible et imperceptible gigantesque. Je crois que la volonté et la tentative d'être, comme ça, complètement noyé dans le plus grand nombre, seul un psychiatre pourrait l'expliquer.

L'espace de la route et l'horizon me donnent une enfance que je n'ai pas eue. En fin de compte je crois que c'est là que se place le " truc ", cette espèce d'ivresse.

Je me souviens d'un poulain, un jour dans les Ardennes belges, qui brusquement s'est aperçu qu'il pouvait courir.
Il tétait sa mère, en ayant les pattes en équerre, sur une belle colline végétale. Puis il est sorti de sous le ventre de sa mère et a regardé l'espace et le ciel bleu magnifique. Il y avait un petit peu de vent…
Brusquement il s'est mis à courir maladroitement puis très vite avant d'être atteint par une grande ivresse.
Je voyais un poulain saoul mais ivre de liberté.

Malheureusement pour ceux qui m'aiment, je crois que je suis comme ça…

Pour en venir à la musique, lorsqu'on lit votre dernier ouvrage (L'ultime conviction du désir, Nda), on a l'impression d'entendre une bande sonore sur laquelle on rencontrerait, de façon virtuelle, des artistes tels que Eddy Louiss, Miles Davis, Jimi Hendrix etc…
Comment expliquez-vous cette association quasi systématique?


D'abord il y a des choses qui ne s'expliquent pas… qu'elles soient sues ou non sues.
De plus, ça me paraît assez simple de l'expliquer car il n'y a aucune raison que j'écrive autrement que de la façon dont j'écris…

J'ai été nourri par la syncope plutôt que par la syntaxe donc il est normal que je me débrouille avec la syncope.

J'ai passé ma vie dans la musique et c'est la première chose que j'ai apprise. Je fonctionne comme cela, j'écris toujours des choses qui pourraient être dites, dans le respect de la tradition orale.

Parlons, justement, de votre cursus musical. Vous avez commencé très tôt, aussi pourriez-vous me parler de ces expériences et de ces routes empruntées il y a très longtemps aux côtés d'artistes tels que Vince Taylor et Bobbie Clarke ?

C'était un peu plus rigolo que maintenant. Même les stars étaient plus modestes. Nous faisions la route ensemble…

La futilité d'aujourd'hui, je parle bien de la futilité et non de la légèreté qui est une chose superbe, c'est à dire " se prendre pour " existait beaucoup moins qu'actuellement.
Il y avait beaucoup moins de lunettes de soleil et beaucoup moins de bagnoles à vitres fumées. En plus, ces dernières ne servent à rien car lorsque les mecs ne sont pas reconnus - ils ouvrent la vitre !

Les gens sont toujours étonnés que je n'aie pas de garde du corps. Que l'on puisse penser à de telles choses me sidère, je n'ai jamais fonctionné comme cela…

Je ne suis bien que sur la route avec la musique et mon groupe " Aventures ". Le milieu du cinéma me sort de l'âme, je ne le supporte pas. C'est une basse-cour avec des coqs et des paons !
Il y a des coqs et des paons qui ont du talent mais ils n'auront jamais le talent qu'ils pourraient avoir s'ils étaient moins vaniteux. La vanité tue tout…

Pouvez-vous revenir sur votre participation au groupe " Alan Jack Civilization " ?

C'était un groupe monté du côté de Tours. Un ramassis de jeunes gens venus de trois régions différentes. Cet ensemble a été fondé à la fin des années soixante ou au début des années soixante-dix, ouais…

Est-ce à cette période que remonte votre amitié avec Paul Personne ?

Non l'amitié avec Paulo remonte à une quinzaine d'années.
J'ai écrit pour lui, voilà…

J'avais vraiment appris à vous connaître par le biais de votre émission de radio " C'est beau une ville la nuit ". On sentait que cela vous tenait vraiment à cœur et, déjà, nous constations une complicité exceptionnelle avec les auditeurs…

La radio c'est le truc le plus " super " qui existe dans le domaine de la communication. C'est mieux que la télévision car les mecs de télé n'ont pas compris ce qu'est l'âme des gens.

Ils ne connaissent pas les gens d'ailleurs…
J'aime les radios associatives car on sait qu'il y a une liberté et que ça touche des gens qui ont des difficultés à résister à ce putain de monde à la con qui devrait être magnifique.

Le concept " C'est Beau une ville la nuit " a été, par la suite, développé sur disque et sur scène. Quelle est la trame du spectacle ?

Ce n'est pas un spectacle, c'est un concert…
C'est de la zic sans trame. Il s'agit d'un concert avec des mots, c'est de la tradition orale…
Il n'y a jamais de trame chez moi. Il n'y a que de l'instinct, malheureusement aussi, de temps en temps…
Je dis cela car l'instinct c'est douloureux. Avec l'intelligence on se démerde, on se dit que c'est l'autre qui est con (rires).

Quand on fonctionne à l'instinct, qu'on est complètement animal, la douleur est présente.
C'est comme la balle ou la flèche du chasseur.
A titre personnel il faut que je me méfie des chasseurs. C'est à moitié une métaphore, ce n'est pas totalement faux.
Je suis hybride, j'ai un côté qui réagit au froid, à la chaleur ou à la difficulté physique comme un animal. Cela me surprend encore aujourd'hui.
J'ai aussi l'instinct du chasseur, ce qui est normal…

C'est très bizarre de vivre avec cet aspect hybride en soit car je sens vraiment cet animal. Ce n'est pas une invention intellectuelle ou poétique.
Les origines de ce mec là sont bizarres (Richard Bohringer parlant de lui, Nda) !
Peut être est-il issu d'un accouplement entre un " je sais pas quoi " et un " je sais pas quoi " ?

Pour terminer, qu'est-ce que le Blues aujourd'hui pour Richard Bohringer ?

La même chose qu'il y a 50 ou 60 ans, c'est ma vie…
C'est la vie de centaines de milliers de personnes, voir de millions…
C'est la seule façon de chanter l'amour avec son éventuelle possibilité. C'est une musique proche de l'âme…

On ne trouve pas simplement le Blues en pays blancs, on le trouve aussi en pays de Gonds, au Mali, en Inde etc…

C'est la musique du cœur et tant que Paul Personne est là tout ira bien !

Ainsi se clôturait cet entretien à l'image du personnage, imprévisible, instinctif et finalement attachant.
Avant de couper mon enregistreur je lui demandais simplement s'il voulait ajouter autre chose.

Le regard en coin, les yeux malicieux Richard Bohringer (qui venait de me confier qu'il était en plein travail d'écriture pour son prochain album) me sourit simplement puis me lança " Non, tout va bien… bonne route ! "

David BAERST

www.richardbohringer.com

 
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