Nda : Interviewer CJ Chenier est une chose que j’attendais depuis de nombreuses années. Un léger retard dans son emploi du temps ne m’aura, cependant, pas permis de lui poser toutes les questions prévues.
Un aléas ne gâchant en rien mon plaisir de rencontrer celui qui, quelques minutes plus tard, allait permettre à tous les spectateurs de la Salle Poirel de se trémousser dans leur fauteuil.
Il paraitrait que ce joli théâtre à l’italienne ne s’en est toujours pas remis…
CJ, pour commencer, peux-tu me présenter les musiciens qui t’accompagnent actuellement ?
Il y a Daniel Griffin à la basse, Clifford Alexander au rubboard, Tim Betts la guitare, Johnny Polansky au combos et diverses percussions ainsi que Chuck Cotton à la batterie…
Peux-tu me parler de ton enfance au Texas ?
Oui mais tu sais, j’ai grandi au Texas dans un endroit où ne vivaient que des pauvres personnes… totalement dépourvues d’argent.
Mon père, Clifton Chenier, en tant que musicien voyageait beaucoup…
C’est donc, principalement, avec ma mère que je vivais… c’est elle qui m’a élevé…
Ne vivre qu’avec un seul parent dans ce type d’endroit, où il y a beaucoup de bagarres, n’était pas une chose évidente. Je remercie la musique de m’avoir permis d’en sortir…
Malgré ses nombreuses absences, est-ce ton père qui t’a sensibilisé à la musique ?
Oui, mon père a créé une musique nommée zydeco, que l’on appelait auparavant la la music.
J’ai commencé par le saxophone, c’était mon premier instrument.
Il voulait que je joue également de l’accordéon et que, comme lui, je fasse des tournées à travers le monde entier…
La ville où j’ai grandi ne s’intéressait pas vraiment au zydeco… on entendait pas cette musique à la radio, juste de temps en temps dans les clubs.
C’est donc bien lui qui m’a emmené à la musique et, en particulier, celle-ci…
Mais quand tu as commencé la musique, n’appréciais-tu pas l’accordéon ?
J’ai commencé par le saxophone et j’en ai joué dans le groupe de mon père durant 9 ans, mais je n’avais pas pour autant une mauvaise image de l‘accordéon…
C’est donc a ce moment là que tu es devenu un musicien professionnel…
Oui, tu sais avant je jouais dans un « garage band », nous nous exercions dans un garage (rires). Nous avons réussi à donner quelques concerts mais on peut cependant affirmer que mes vrais débuts professionnels remontent à mes 20 ans, lorsque j’ai intégré le groupe de Clifton (en 1978, nda).
Quels ont été pour toi les challenges les plus difficiles à relever lorsque tu a décidé de te produire, sous ton propre nom, comme artiste de zydeco. Cela n’a pas du être évident car, en tant que fils de Clifton Chenier, tu devais être attendu au tournant… ?
(rires) Tu sais, à mes débuts, je ne vivais qu’en pensant à cela.
Il voulait que je continue dans la musique, probablement afin de perpétuer la tradition.
Je n’ai jamais ressenti de pression particulière puisque c’est également une chose que je voulais faire. Une autre raison qui m’a poussé à m’engouffrer dans ce domaine et de faire en sorte que les gens n’oublient pas mon papa.
En dehors de Clifton, quelles ont été tes premières influences musicales ?
Oh, tu sais, j’aimais beaucoup James Brown, Earth Wind & Fire et j’écoutais beaucoup de smooth jazz avec des artistes tels que Wilton Felder, Al Jarreau etc…
J’avais une préférence pour les musiques où le funk était prédominant… The Commodores, Kool & The Gang et des gens tels que ceux-ci…
Que penses-tu de la nouvelle génération d’artistes de zydeco. En particulier ceux qui s’emploient à donner un nouveau souffle à cette musique en y glissant des sonorités inspirées du hip-hop et du rap ?
Tu sais, je ne suis pas vraiment pour le fait de mélanger cette musique à toutes les sauces.
Quand mon père a créé le zydeco il n’y avait, pour tout instruments, qu’une batterie, un washboard et un accordéon…
C’est ce qui représente l’authentique son du zydeco.
Ce sont les racines du genre qui, elles mêmes, proviennent de la lala music.
Mon père y a ajouté du blues, du boogie, des ballades et des choses comme cela, créant ainsi un style original… Quand il l’a développé, en étant accompagné que d’un batteur et d’un joueur de washboard, il l’a nommé la musique zydeco.
Le fait est qu’il n’y a besoin de rien d’autre.
Quand aujourd’hui les jeunes y incorporent du rap et d’autres sons actuels… il s’agit d’autre chose pour moi. Ce sont le blues et toutes les musiques que je citais auparavant qui ont donné leur âmes au zydeco… qui n’a besoin de rien d’autre !
Existe-t-il une « famille » du zydeco, de quels artistes te sens-tu le plus proche aujourd’hui ?
Je fréquente Buckwheat Zydeco et garde un faible pour les artistes issus de la « vieille école ».
Je conserve un intérêt particulier pour ces gens, qui s’inspirent directement de la musique créée par mon père.
C‘est en partageant la scène avec ce dernier que je me suis rendu compte qu’il avait son propre style, qu’il pouvait parfois jouer durant toute une nuit.
Un genre qui, malgré tout, te permet d’entendre des sons issus du blues, du boogie… Mon père était un « zydecoman » mais aussi un bluesman.
J’apprécie les gens qui suivent ses traces et suis beaucoup moins enthousiasmé par ceux qui s’engouffrent dans une voie plus contemporaine. Pour moi, si tu ne joues pas dans l’esprit originel, tu ne joues pas de zydeco…
Aux Etats-Unis, les jeunes se reconnaissent-ils encore dans le zydeco traditionnel ?
Tu sais, les jeunes ne savent pas vraiment ce qu’est le vrai zydeco. Il écoutent davantage ce que font les musiciens de leur génération, c’est-à-dire une musique qui puise largement dans le rap et le hip-hop. Ceci se fait au détriment du zydeco traditionnel qui puisait dans des registres tels que le blues.
On perd l’essence même de cette musique… les jeunes ne s’intéressent plus au vieux zydeco…
Est-ce malgré tout, pour des musiciens comme toi, facile de trouver des engagements dans le sud des USA… surtout depuis le passage de l’ouragan Katrina ?
Il est clair qu’il y a de nombreux musiciens qui ont quitté la Nouvelle-Orléans. Ceux qui sont restés font le maximum pour redonner de ses couleurs à la ville. Ils font du très bon travail et y parviennent bien.
Peux-tu me parler, en détails, de ton dernier album en date ?
Le dernier CD que j’ai enregistré s’appelle… (CJ a un trou de mémoire)…
Ne s’agirait-il pas de « Can’t Sit Down » (2011) ?
(rires) Oui, merci c’est ça… « Can’t Sit Down » !
Mais non, ce n’est pas celui-ci… Ah si, c’est bien ça « Can’t Sit Down » (rires) !
Nous avons été nominés aux Grammys avec ce disque. Ceci dans une catégorie qui mélange divers styles de musiques : les brass bands, la musique hawaïenne, la polka, la musique cajun, le zydeco etc…
Je préfèrerais qu’il y ait qu’une catégorie pour chacune de ces musiques car tout mélanger n’est pas une bonne chose. Je crois que cela va, d’ailleurs, être le cas à partir de cette année… Il faut bien admettre que cela fait beaucoup de genres différents regroupés dans une seule catégorie.
La France est étroitement liée à la musique de Louisiane. Ton père utilisait souvent un dialecte français-créole dans ses chansons. De ce fait, ce pays représente-t-il quelque chose de particulier pour toi ?
Tu sais « man », il y a une chose que j’ai toujours regrettée…
Même si j’ai aimé grandir au Texas, cela m’a empêché d’être vraiment immergé dans la culture de la Louisiane… et de pouvoir parfaitement la maîtriser. De ce fait, je n’ai jamais appris à parler le français ou le créole… C‘est pour cela, qu’à titre personnel, je considère comme une mission le fait de populariser cette musique auprès d’un public anglophone. Mon père était un créole, c’était son premier langage et il n’a appris que plus tard à parler en anglais. Mais, comme je te le disais, grandir au Texas ne m’a pas donné la possibilité de me plonger dans cet apprentissage…
La France est un peu la maison de tous les afro-américains qui ont des origines créoles…
Aurais-tu un message en particulier pour les français qui t’écoutent ?
Laisse le bon temps rouler (rires) !
Quels sont tes projets ?
Je suis en cours d’élaboration d’un nouvel album. En principe il me faut 3 ou 4 ans pour réaliser un disque mais j’espère encore pouvoir en commencer un cette année. Je commence à vieillir, il me faut donc accélérer le rythme (rires).
Je commence à réunir de nouvelles musiques pour ce CD à venir, c’est donc en bonne voie !
Souhaites-tu ajouter une conclusion à cet entretien ?
Have fun !
Remerciements : Stéphanie Collard, Caroline Hollard et Déborah Ruffinoni du service de presse du Nancy Jazz Pulsations.
www.cjchenierandtheredhotlouisianaband.com
www.myspace.com/cjchenier
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