HOboken Division
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST

Nda : Plus qu’une note, ceci est un avertissement…Attendez-vous à être submergés par une vague HOboken Division dans les mois et années à venir ! C’est en tout cas tout le mal que je souhaite à ce duo nancéen dont la mixité, l’énergie, le talent et la pureté ne sont pas sans rappeler les heures glorieuses des White Stripes. Une déferlante que j’ai pris à sa source en allant à la rencontre de Marie et Mathieu, quelques minutes avant leur entrée sur scène pour la première grand’ messe de leur toute jeune existence. Une prestation qui, si elle n’avait rien de religieuse, leur a permis de convertir bien des fidèles. Alors, prêts pour votre baptême made in HOboken Division ?

Afin de débuter cet entretien, pouvez-vous vous présenter l’un et l’autre ? hd
Marie : Je suis Marie, du groupe HOboken Division, respectivement à la basse et au chant au sein de notre duo.
Mathieu : Je suis Mathieu et je m’occupe de la guitare, de l’harmonica et des machines.

Quel a été l’avant HOboken Division, étiez-vous déjà membres d’autres groupes ou le fait de vous lancer dans la musique est une chose nouvelle pour vous ?
Mathieu : J’avais un groupe auparavant. Il était constitué de cinq membres. HOboken Division a vu le jour car je souhaitais que Marie enregistre une chanson avec ce combo. De fil en aiguille nous avons parlé de la manière dont la musique fonctionne dans les groupes. Nous avons trouvé un dénominateur en commun en constatant que notre but est de produire quelque chose d’authentique. Nous nous sommes donc rejoints sur ce point et nous avons commencé à travailler ensemble. Au départ, nous n’interprétions que des reprises…Un jour, une amie, nous a suggéré de nous programmer sur un concert… à condition que nous proposions au public que des compositions originales. Nous en avons donc écrites huit en un mois, puis tout a coulé de source. Le reste est venu naturellement.
Marie : Pour ma part, mes projets antécédents étaient moins aboutis que ceux de Mathieu. Ils étaient orientés vers le travail en studio et je ne faisais que très peu de scène. Je posais également ma voix pour des musiques de films réalisés par des amis…

D’où provient ce nom d’HOboken Division, quelle en est la signification ?
Mathieu : Tous les GI’s américains, de la première guerre mondiale, partaient du port d’Hoboken dans le New-Jersey. Nous nous sommes dit qu’il s’agissait là de la première vague de blues et de jazz qui est arrivée en Europe. Parmi ces soldats, en 1914, il devait forcément y avoir des mecs du Bayou. De surcroît ces derniers devaient souvent savoir « gratter » trois accords. Ils ont amené une partie de leur culture quand ils sont arrivés en France ou sur les terrains des conflits. Notre nom est donc un hommage à tous ces gens-là, qui sont venus en Europe avec leur musique.
De plus, une crise importante s’est produite plus tard. A ce moment-là, de nombreuses personnes du sud sont « montées » vers le nord des USA en raison du Dust Bowl (série de tempêtes de poussière s’étant produite dans les années 1930 au moment de la grande dépression, nda). Elles arrivaient à Hoboken puis étaient dispatchées vers New-York, Chicago etc…Hoboken est donc l’un des grands carrefours de toutes les influences américaines, bref de la musique qui nous tient à cœur.

Justement, puisque votre éventail musical semble très large, pouvez-vous être plus précis quant à vos influences ?
 Mathieu : Oui, il est vraiment très large. A titre personnel, je suis très porté vers le psych-rock (The Brian Jonestown Massacre, The Black Angels…) et le blues du delta (R.L. Burnside, Mississippi Fred McDowell, Reverend Gary Davis…). J’apprécie aussi un côté plus punk dans la musique (Iggy Pop, MC5…).Marie, elle, est plus inspirée par le jazz… mais pas que (rires) !

Le fait de vous produire en duo était donc une réelle volonté de votre part, c’est en effet un peu la marque de fabrique de nombreux artistes de delta blues, au sein de l’écurie Fat Possum Records notamment (T Model Ford, R.L. Burnside, Junior Kimbrough…). Plus près de nous, nous pouvons également évoquer The White Stripes un groupe auquel vous pouvez faire penser à plus d’un titre. Revendiquez-vous cette filiation musicale ?
Mathieu : Oui, c’est tout à fait cela ! Lors de nos premiers concerts, nous avons ressenti un bon feeling entre nous. Pour ne rien te cacher, au départ notre but était avant tout de devenir intermittents du spectacle en faisant des reprises. Comme nous nous sommes rendu compte que nous n’y arriverions jamais par ce biais, on s’est dit qu’on allait le faire à l’ancienne… comme des bluesmen (rires) ! Bien sûr, nous voulions aussi produire une musique que nous aimons vraiment. Ceci dit, le coup du duo est aussi, au départ, lié à une restriction budgétaire. Au final, nous nous retrouvons vraiment dans cette configuration car la contrainte de devoir tout gérer (y compris les boites à rythmes) nous permet de trouver des trucs très originaux. Des choses que nous n’aurions pas découvertes en étant un groupe plus étoffé, chacun se contentant alors de trouver son accord de son côté. Nous, nous faisons une basse, une mélodie, de l’harmo etc… Le travail à deux est vraiment très intéressant, il apporte beaucoup d’originalité…

Vous produisez-vous également avec des boucles ?
Mathieu : Oui… Il y en a qui ne changent pas mais, pour d’autres, toute la gestion des paternes de batterie est faite au pied. On passe sur un roulement, puis il n’y a qu’un kick sur tous les temps etc…

Vous revendiquez un certain héritage du delta blues pourtant, aux yeux de beaucoup, vous êtes avant tout un groupe de rock indé. Personnellement, comment vous situez-vous ?
Mathieu : C’est assez compliqué…Nous aimerions nous situer dans la lignée de plusieurs mouvances issues du terroir de Detroit. A savoir : le blues acoustique, le blues électrique, le rock, le punk, le hip-hop et la techno (via les machines qui sont utilisées dans les deux derniers registres musicaux cités). En gros, il s’agit donc de « Detroit style » (rires) !
Marie : Se revendiquer du blues tombe sous le sens car toutes les musiques qui sortent aujourd’hui viennent de là. Cela semble facile à dire mais c’est vrai !Si nous sommes principalement influencés par le delta blues c’est parce ce que c’est la musique que nous avons le plus écoutée lorsque nous composions. C’est donc ce qu’on avait le plus envie de retranscrire. Certains de nos morceaux semblent, bien évidemment, éloignés de cet univers qui pourtant est à la base de notre inspiration et de nos envies.

Parmi les groupes actuels, desquels vous sentez-vous proches… à titre personnel ce sont encore des duos qui me viennent en tête (Left Lane Cruiser etc…) ?
Mathieu : Oui, complètement… Je tiens également à citer Chicken Diamond, Thomas Schoeffler Jr et aussi un truc qui n’a rien à voir mais que j’aime beaucoup… Jessica 93. Ce dernier se produit seul et utilise des boucles dans un registre proche du coldwave. Sinon, il y a un disque dont je me sens très proche… il s’agit de « A Ass Pocket Of Whisky » de R.L. Burnside, produit avec l’étroite complicité du Jon Spencer Blues Explosion.
Marie : Tout ce qui est vraiment brut car c’est ce qui nous ressemble le plus. C’est ce vers quoi nous avons envie d’aller… cette musique qui sort telle quelle. Nous apprécions ce qui est brut et violent, qui possède un côté garage que nous revendiquons. Il n’est pas nécessaire d’emballer des masses ce que tu fais, à partir du moment où l’émotion est là. Il faut que ce soit animal…

Vos premiers morceaux sont agrémentés de vidéos très réussies. L’aspect visuel est donc particulièrement soigné dans votre œuvre. Comment travaillez-vous ce côté artistique ?
Mathieu : Nous avons des amis qui sont dans la vidéo. Cela nous a donné un bon coup de main. Notre clip (pour le morceau « Sugardaddy », nda) nous a couté un peu de café et quelques bières. Chose qui prouve que l’on peut se débrouiller lorsque l’on ne bénéficie ni de beaucoup d’aide, ni de beaucoup d’argent.
Marie : Nous travaillons cet aspect comme nous faisons de la musique. Nous sommes simplement là pour donner quelque chose et espérer que les gens apprécient et suivent, ou non, le résultat. Nous ne cherchons pas à « racler » partout pour parvenir à notre but. L’image et les clips sont des choses primordiales aujourd’hui pour un groupe, même si le fait de trouver une idée pour représenter tel ou tel morceau peut constituer une sacrée « prise de tête ». C’est de cette manière que, de plus en plus souvent, les gens viennent à la musique et découvrent des artistes. De ce fait, autant créer des images fortes, parfois un brin humoristique, qui fonctionnent et qui soient bien léchées.

A ce jour, cela a-t-il eu un impact important en ce qui concerne votre notoriété naissante ?
Mathieu : Nous avons constaté que notre clip a bénéficié de beaucoup de partages sur les réseaux sociaux. Grâce à lui, beaucoup de gens nancéens se sont rendu compte que l’on existait (rires) ! Cela nous a interloqués car nous avions déjà beaucoup joué dans cette ville. Beaucoup plus de gens sont venus à nos concerts et, de surcroit, l’outil vidéo est très important pour démarcher les salles de concerts. C’est une aide très appréciable !La vidéo nous a ouvert des portes !hd
Marie : Cela nous fait une actualité. De nos jours il faut, malheureusement, sortir des choses à un rythme très régulier pour que les gens continuent à te suivre.Un clip est une bonne opportunité afin de remettre une couche sur un morceau qui existe déjà. Il lui permet d’obtenir un autre « regard ».Cela permet aussi de relancer tout le réseau de webzines, de blogs et de gens qui nous suivent via notre newsletter.

Aujourd’hui, vous vous retrouvez programmés sur une grande scène, dans le cadre d’une soirée prestigieuse (soirée blues du Nancy Jazz Pulsations 2013). Comment s’est opéré le contact avec cette manifestation ?
 Mathieu : Lorsque nous avons commencé notre projet, il y a deux ans, nous nous étions dit une chose. A savoir que les 25 ans des Eurockéennes et les 40 ans du Nancy Jazz Pulsations se profilaient à l’horizon. Nous nous étions donc fixés pour but d’en « avoir » au moins un des deux (rires) !Du coup, nous les avons « travaillé au corps » …
Marie : Nous avons aussi eu un grand coup de chance car si nous devions être programmés, ce devait être sur des scènes plus petites ou moins prestigieuses. Heureusement, le collectif de graphistes, qui s’est occupé de la communication du NJP cette année, a choisi l’un de nos morceaux pour le teaser de la manifestation. Du coup, nous avons été mieux programmés (rires) !C’est une chance réelle et nous sommes très contents d’être là. Maintenant, nous allons faire en sorte que ce soit un bon concert !

Vous avez édité un EP et votre premier album est en préparation. Pouvez-vous déjà me parler de ce qu’en sera son contenu ?
Mathieu : Nous allons déjà sortir un vinyle deux titres (couplant les chansons « A night out » et « Devil got my woman », nda). L’album sera constitué, en grande partie, de morceaux que nous jouons déjà sur scène. Pour la circonstance, ils seront réarrangés et se verront agrémentés de touches de piano baltringue et d’orgue…
 Marie : Nous allons essayer de repousser nos frontières et d’aller encore plus loin dans notre démarche. Notamment en ce qui concerne notre travail sur les boites à rythmes. Nous souhaitons aussi continuer nos échanges au niveau des instruments que nous utilisons (rajouter des couches tout en faisant des choses qui pourront être appliquées en live par la suite). Nous ne réaliserons pas des choses infaisables, juste pour nous faire plaisir sur le disque, nous resterons bruts !

Vos compositions sont-elles le fruit d’un travail commun ou apportez-vous vos idées chacun de votre côté ?
Mathieu : Tout se fait en totale symbiose et en commun. Marie va venir avec une ligne de chant, si un truc ne me plaira pas elle le retravaillera. Idem pour moi avec ma ligne de guitare. Nous établissions toujours des compromis pour arriver à tailler un costume qui nous va à tous les deux.

Outre votre futur album, quels sont vos projets ?
Mathieu : Après notre prestation au Nancy Jazz Pulsations, nous repartirons en tournée dans le sud-est et passerons par la Suisse et Lyon. En décembre nous jouerons en Belgique, puis nous ralentirons la cadence de nos concerts afin de pouvoir nous concentrer sur les sessions de l’album à venir. Nous espérons reprendre la route pour les festivals de l’été 2014…Ces derniers devraient nous permettre d’annoncer cet album, que nous espérons sortir à l’automne 2014.

Auriez-vous une conclusion à ajouter à cet entretien ?
Mathieu : Merci à Route 66, que cette émission continue de la sorte !
Marie : Rien de plus à dire… merci, de notre côté nous allons aussi essayer de bien continuer notre route (rires) !
Remerciements : Stéphanie Collard et Caroline Hollard du service de presse du Nancy Jazz Pulsations.


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Interview réalisée
Chapiteau du Parc de la Pépinière
Nancy Jazz Pulsations
le 12 octobre 2013

Propos recueillis par
David BAERST

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