Tout d'abord, comment avez-vous découvert
le blues ?
Un peu par hasard. J'ai trouvé un disque offert à l'achat
d'un appareil de style Teppaz. C'était une de ces vieux électrophones
" Guilde du disques " vendus avec un disque de musique
classique et un disque de jazz. Ce guitariste de jazz m'avait déjà
accroché l'oreille, alors que je n'étais pas originaire
d'une famille qui en écoutait.
J'ai commencé à faire de la guitare par hasard. Comme mon
frère ne se servait pas de la sienne, je l'ai prise. J'ai commencé
par essayer d'apprendre des accords, en reprenant Brassens par exemple.
Un jour, le père d'un de mes amis m'a fait écouter un disque
de blues.
Un mec qui s'appelait Big Bill Bronzy, un très grand guitariste
de blues. Quand j'ai écouté ça, j'ai flashé.
En l'écoutant, je me demandais comment il pouvait produire tous
ces trucs alors qu'il était tout seul. A force d'écouter,
j'ai réussi à trouver les accords. A partir de là,
je n'ai plus cessé d'en écouter.
Après, j'ai connu ma période folk, tout en restant fidèle
au blues. Dans les années 60, le folk était à l'honneur
avec les débuts de Bob Dylan, Joan Baez etc
Là, je
me suis vraiment branché sur le blues. A Paris, j'ai rencontré
un tas de gens. Une sacrée équipe qui a engendré
d'un côté Malicorne et de l'autre Jean-Jacques Milteau.
J'ai commencé à jouer avec Bill Deraime et Jean-Jacques
Milteau vers fin 69, début 70, par là. On avait enregistré
un premier disque, maintenant introuvable, en 1971. Nous formions un groupe
de style Jug Band, avec la basse lessiveuse et le wash board.
Pendant une dizaine d'années, j'ai joué en duo avec Jean-Jacques
Milteau (guitare et harmonica).
Maintenant, depuis près de 15 ans, je joue avec un violoniste :
Jean-Louis Mahjun. Lui aussi avait pas mal de disques à son actif
avec son groupe de l'époque. On tourne la plupart du temps tous
les deux.
Le blues est toujours resté une base pour moi. Mais à partir
de là et compte tenu du style que je pratique, j'adore faire mes
propres arrangements sur d'autres musiques. En fait, ma technique permet
de jouer comme sur un piano, donc on peut adapter pratiquement n'importe
quoi, à part le rap !
Vous avez joué tous les styles de blues
et même au-delà !
Il y a des centaines de styles de blues différents. Je suis plutôt
un spécialiste du blues acoustique, c'est-à-dire le blues
qui a été joué jusque dans les années trente,
sur des guitares acoustiques car les guitares électriques n'existaient
pas encore.
Après, des gens comme T-Bone Walker sont arrivés avec la
guitare électrique. C'est eux qui ont donné à la
guitare la place de soliste qu'elle occupe à présent. Dans
les groupes, ceux qui jouent d'une guitare électrique en sont les
héritiers, depuis le Chicago Blues et en allant jusqu'à
Steve Ray Vaughan.
Même si ce n'est pas un style que je pratique. J'adore l'écouter,
mais je suis resté dans le créneau pour lequel je suis connu.
Tous les styles de blues acoustique que les musiciens noirs ont commencé
à jouer à partir de la fin des années 1910, 1920.
Ils ont ouvert la porte à un tas de styles différents.
Vous avez commencé par être autodidacte
et par la suite vous avez écrit des méthodes de guitare.
A partir de 1975, j'ai fait des disques tout comme Marcel Dadi
et Michel Haumont, parmi tant d'autres à cette époque.
La mode voulait qu'on ajoute au disque un livret avec les tablatures des
morceaux. Cette pratique c'est perdue depuis.
J'avais enregistré 4, 5 disques de cette façon. Ensuite,
avec mon violoniste Jean-Louis Mahjun, on a enregistré quatre disques
de guitare-violon-mandoline.
J'ai aussi publié trois méthodes de blues aux éditions
Lemoine. J'ai enregistré deux vidéos dont une seule reste
disponible depuis qu'elle existe en format DVD.
Avez-vous eu des retours des guitaristes que vous
avez formés depuis toutes ces années ?
J'ai eu la chance de rencontrer pas mal de grands guitaristes. J'ai aussi
formé nombre d'élèves, dont je retrouve une partie
dans les concerts.
J'ai l'occasion d'en rencontrer chaque année dans des stages où
ils viennent se perfectionner. Pas mal de professeurs de guitare font
travailler leurs élèves sur mes méthodes blues en
France, en Italie et en Espagne.
Avec le temps, votre méthodologie a-t-elle
changée ?
Ma manière d'enseigner a évoluée, bien entendu. J'enseigne
un style relativement fixé. Ceci dit, j'ai maintenant acquis mon
propre style à force d'écoute.
Comme tout le monde fait, au début, on écoute et on reproduit.
Après, on se construit sa propre sensibilité, sa manière
d'interpréter. L'essentiel, c'est d'avoir un style identifiable
à la première écoute.
Depuis vos débuts, le blues est mieux connu
en France. Avez-vous vécu cette évolution ?
Bien sûr que je l'ai connue ! Je fais du blues depuis 1963, 1964.
Ça fait un petit paquet d'années ! Le blues est un style
qui n'a jamais vraiment disparu. Il est si basique. Tant de musiques modernes
s'en sont inspirées. Ne serait-ce que le rock'n roll, par exemple
!
En plus, c'est un style rythmique qui part du ventre. L'émotion,
la manière de jouer font que même si le technique de guitare
n'est pas si compliquée, c'est un style assez long à acquérir.
Comme je le dis toujours à mes élèves : pour pouvoir
jouer n'importe quelle musique, il faut d'abord l'avoir dans la tête,
dans son MP3 intérieur. Quand on joue un style de musique, il faut
que ça chante dans sa tête. On joue ce qu'on a dans la tête
: s'il n'y a rien, on ne fait rien !
Que pensez-vous de la scène française
de blues ?
On compte pas mal de jeunes groupes qui tournent dans les festivals. Par
exemple, sur l'internet, nombreux sont les sites consacrés au blues,
notamment la Chaîne du Blues. En même temps, c'est
un petit microcosme. Beaucoup sont très puristes, voire intégristes.
Personnellement, je peux jouer en concert ce que j'appelle le " world
blues ", comme avec Jean-Louis Mahjun.
D'autres styles de musique sont très proches du blues dans l'esprit,
même si leur expression diffère. Sans la pentatonique et
les accords du blues. Dans d'autres pays, les gens s'expriment sur la
vie, l'amour et leurs problèmes. On retrouve toujours une musique
qui correspond.
Quand on écoute les paroles du flamenco, du fado ou de la musique
tzigane, c'est pratiquement les mêmes histoires qui sont racontées
dans le blues.
En concert, je peux très bien me permettre d'interpréter
un blues russe ou tzigane. Pour moi, dans l'esprit, c'est la même
chose.
Où vous produisez-vous actuellement ?
Je tourne un peu partout en France, en Italie et beaucoup en Espagne.
Nous sommes aussi passés à la télévision là-bas.
Avec Jean-Louis Mahjun, nous y avons enregistré un disque.
Nous avons enregistré notre spectacle dans quatre villes différentes.
Près de Gibraltar, Algerisas, dans le pays basque et à Madrid.
Notre producteur espagnol en a tiré un album live qui est aussi
sorti en France. Notre label français l'a pris en licence. Il s'appelle
: " Two for the show ".
Comment fonctionne votre collaboration avec Jean-Louis
Mahjun ?
Nous formons un duo un peu spécial, Jean-Louis et moi. Nos deux
styles, complètement différents, se sont rencontrés.
Sur scène, ça fonctionne parfaitement bien parce que notre
jeu est basé sur un vieux numéro de clown.
Je suis le Clown blanc et lui fait l'Auguste. Il peut déconner
avec ses instruments. Moi derrière, je suis imperturbable. Je lui
fournis toute la liberté dont il a besoin pour s'exprimer. Depuis
qu'on joue ensemble, tout le monde comprend que nous sommes des clowns.
Faire de la musique n'est pas tout. Il faut aussi assurer le spectacle.
Il faut parler, que les gens soient surpris et intéressés.
Par-dessus tout, que la musique soit bonne ! Comme le dit la chanson,
quand la musique est bonne
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