Alain Giroux
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST

Tout d'abord, comment avez-vous découvert le blues ?
Un peu par hasard. J'ai trouvé un disque offert à l'achat d'un appareil de style Teppaz. C'était une de ces vieux électrophones " Guilde du disques " vendus avec un disque de musique classique et un disque de jazz. Ce guitariste de jazz m'avait déjà accroché l'oreille, alors que je n'étais pas originaire d'une famille qui en écoutait.

J'ai commencé à faire de la guitare par hasard. Comme mon frère ne se servait pas de la sienne, je l'ai prise. J'ai commencé par essayer d'apprendre des accords, en reprenant Brassens par exemple. Un jour, le père d'un de mes amis m'a fait écouter un disque de blues.
Un mec qui s'appelait Big Bill Bronzy, un très grand guitariste de blues. Quand j'ai écouté ça, j'ai flashé. En l'écoutant, je me demandais comment il pouvait produire tous ces trucs alors qu'il était tout seul. A force d'écouter, j'ai réussi à trouver les accords. A partir de là, je n'ai plus cessé d'en écouter.

Après, j'ai connu ma période folk, tout en restant fidèle au blues. Dans les années 60, le folk était à l'honneur avec les débuts de Bob Dylan, Joan Baez etc… Là, je me suis vraiment branché sur le blues. A Paris, j'ai rencontré un tas de gens. Une sacrée équipe qui a engendré d'un côté Malicorne et de l'autre Jean-Jacques Milteau.

J'ai commencé à jouer avec Bill Deraime et Jean-Jacques Milteau vers fin 69, début 70, par là. On avait enregistré un premier disque, maintenant introuvable, en 1971. Nous formions un groupe de style Jug Band, avec la basse lessiveuse et le wash board.
Pendant une dizaine d'années, j'ai joué en duo avec Jean-Jacques Milteau (guitare et harmonica).

Maintenant, depuis près de 15 ans, je joue avec un violoniste : Jean-Louis Mahjun. Lui aussi avait pas mal de disques à son actif avec son groupe de l'époque. On tourne la plupart du temps tous les deux.

Le blues est toujours resté une base pour moi. Mais à partir de là et compte tenu du style que je pratique, j'adore faire mes propres arrangements sur d'autres musiques. En fait, ma technique permet de jouer comme sur un piano, donc on peut adapter pratiquement n'importe quoi, à part le rap !

Vous avez joué tous les styles de blues et même au-delà !
Il y a des centaines de styles de blues différents. Je suis plutôt un spécialiste du blues acoustique, c'est-à-dire le blues qui a été joué jusque dans les années trente, sur des guitares acoustiques car les guitares électriques n'existaient pas encore.

Après, des gens comme T-Bone Walker sont arrivés avec la guitare électrique. C'est eux qui ont donné à la guitare la place de soliste qu'elle occupe à présent. Dans les groupes, ceux qui jouent d'une guitare électrique en sont les héritiers, depuis le Chicago Blues et en allant jusqu'à Steve Ray Vaughan.
Même si ce n'est pas un style que je pratique. J'adore l'écouter, mais je suis resté dans le créneau pour lequel je suis connu.

Tous les styles de blues acoustique que les musiciens noirs ont commencé à jouer à partir de la fin des années 1910, 1920. Ils ont ouvert la porte à un tas de styles différents.

Vous avez commencé par être autodidacte et par la suite vous avez écrit des méthodes de guitare.
A partir de 1975, j'ai fait des disques tout comme Marcel Dadi et Michel Haumont, parmi tant d'autres à cette époque. La mode voulait qu'on ajoute au disque un livret avec les tablatures des morceaux. Cette pratique c'est perdue depuis.
J'avais enregistré 4, 5 disques de cette façon. Ensuite, avec mon violoniste Jean-Louis Mahjun, on a enregistré quatre disques de guitare-violon-mandoline.
J'ai aussi publié trois méthodes de blues aux éditions Lemoine. J'ai enregistré deux vidéos dont une seule reste disponible depuis qu'elle existe en format DVD.

Avez-vous eu des retours des guitaristes que vous avez formés depuis toutes ces années ?
J'ai eu la chance de rencontrer pas mal de grands guitaristes. J'ai aussi formé nombre d'élèves, dont je retrouve une partie dans les concerts.
J'ai l'occasion d'en rencontrer chaque année dans des stages où ils viennent se perfectionner. Pas mal de professeurs de guitare font travailler leurs élèves sur mes méthodes blues en France, en Italie et en Espagne.

Avec le temps, votre méthodologie a-t-elle changée ?
Ma manière d'enseigner a évoluée, bien entendu. J'enseigne un style relativement fixé. Ceci dit, j'ai maintenant acquis mon propre style à force d'écoute.
Comme tout le monde fait, au début, on écoute et on reproduit. Après, on se construit sa propre sensibilité, sa manière d'interpréter. L'essentiel, c'est d'avoir un style identifiable à la première écoute.

Depuis vos débuts, le blues est mieux connu en France. Avez-vous vécu cette évolution ?
Bien sûr que je l'ai connue ! Je fais du blues depuis 1963, 1964. Ça fait un petit paquet d'années ! Le blues est un style qui n'a jamais vraiment disparu. Il est si basique. Tant de musiques modernes s'en sont inspirées. Ne serait-ce que le rock'n roll, par exemple !
En plus, c'est un style rythmique qui part du ventre. L'émotion, la manière de jouer font que même si le technique de guitare n'est pas si compliquée, c'est un style assez long à acquérir.

Comme je le dis toujours à mes élèves : pour pouvoir jouer n'importe quelle musique, il faut d'abord l'avoir dans la tête, dans son MP3 intérieur. Quand on joue un style de musique, il faut que ça chante dans sa tête. On joue ce qu'on a dans la tête : s'il n'y a rien, on ne fait rien !

Que pensez-vous de la scène française de blues ?
On compte pas mal de jeunes groupes qui tournent dans les festivals. Par exemple, sur l'internet, nombreux sont les sites consacrés au blues, notamment la Chaîne du Blues. En même temps, c'est un petit microcosme. Beaucoup sont très puristes, voire intégristes. Personnellement, je peux jouer en concert ce que j'appelle le " world blues ", comme avec Jean-Louis Mahjun.

D'autres styles de musique sont très proches du blues dans l'esprit, même si leur expression diffère. Sans la pentatonique et les accords du blues. Dans d'autres pays, les gens s'expriment sur la vie, l'amour et leurs problèmes. On retrouve toujours une musique qui correspond.
Quand on écoute les paroles du flamenco, du fado ou de la musique tzigane, c'est pratiquement les mêmes histoires qui sont racontées dans le blues.

En concert, je peux très bien me permettre d'interpréter un blues russe ou tzigane. Pour moi, dans l'esprit, c'est la même chose.

Où vous produisez-vous actuellement ?
Je tourne un peu partout en France, en Italie et beaucoup en Espagne. Nous sommes aussi passés à la télévision là-bas. Avec Jean-Louis Mahjun, nous y avons enregistré un disque.

Nous avons enregistré notre spectacle dans quatre villes différentes. Près de Gibraltar, Algerisas, dans le pays basque et à Madrid. Notre producteur espagnol en a tiré un album live qui est aussi sorti en France. Notre label français l'a pris en licence. Il s'appelle : " Two for the show ".

Comment fonctionne votre collaboration avec Jean-Louis Mahjun ?
Nous formons un duo un peu spécial, Jean-Louis et moi. Nos deux styles, complètement différents, se sont rencontrés. Sur scène, ça fonctionne parfaitement bien parce que notre jeu est basé sur un vieux numéro de clown.

Je suis le Clown blanc et lui fait l'Auguste. Il peut déconner avec ses instruments. Moi derrière, je suis imperturbable. Je lui fournis toute la liberté dont il a besoin pour s'exprimer. Depuis qu'on joue ensemble, tout le monde comprend que nous sommes des clowns.

Faire de la musique n'est pas tout. Il faut aussi assurer le spectacle. Il faut parler, que les gens soient surpris et intéressés. Par-dessus tout, que la musique soit bonne ! Comme le dit la chanson, quand la musique est bonne …

 

 
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Les liens :

Interview réalisée au

Musée du Jouet de Colmar

le 25 février 2006

Propos recueillis par Jean-Luc

En exclusivité !

 

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