Ben l’Oncle Soul
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST

 

Ben, quels sont les enseignements principaux que tu as retenus de ta première expérience musicale, au sein d’un ensemble de gospel (le groupe tourangeau Fitiavana, nda) ?
C’était très formateur, il s’agissait du premier groupe au sein duquel je chantais. J’y ai exercé ma voix, travaillé l’harmonie et ça m’a aidé à m’émanciper musicalement parlant. Cela m’a aussi permis d’être plus à l’aise…
Au sein d’un chœur c’est toujours plus facile car il y a les autres qui vous portent. Au bout d’un moment on se sent le courage de prendre le « lead » et de chanter tout seul. ben
C’est vraiment ce qui m’a formé…

A l’image d’Al Green, pourrais-tu revenir à cette musique et la mêler à ton actuelle carrière de soulman ?
Oui, je pense même que le gospel fait toujours  partie de l’une de mes influences dans la musique que je compose actuellement. Cette dernière est un mélange de plein de choses, des choses qui m’ont aidé à me construire.

Qu’est-ce qui t’a décidé à t’exprimer davantage en français qu’en anglais ?
Si mes références sont plutôt noires américaines, au moment de passer de l’autre côté de la barrière et d’écrire des chansons, le fait de revenir à ma langue natale s’est fait naturellement.
D’ailleurs je ne me suis pas longtemps posé la question…
Il me manquait juste des référents puisque peu de français s’étaient, jusqu’alors, aventurés à mélanger la soul music à la chanson française. J’ai donc écouté des artistes tels que Nino Ferrer, Claude Nougaro et Serge Gainsbourg… Ce sont des gens qui se sont beaucoup imprégnés de sonorités américaines. Puis je me suis dit qu’on est jamais aussi bien servi que par soi-même… je me suis donc lancé dans une aventure « soul en français ».

Comment s’est effectué ce virage musical, où as-tu trouvé ta « soul wash » (en référence à « Soul Wash The Movie » court métrage, inspiré du premier EP de l’artiste, dans lequel Ben interprète le rôle d’un patron de magasin de disques en déclin, il y trouve la force de lutter contre ses problèmes grâce à une potion magique nommée « soul wash » administrée par son grand-père, nda)  ?
J’avais juste envie de faire le pont entre hier et aujourd’hui. Mes disques de chevet datent des années 1950-60, une période que je n’ai pas connue puisque je n’étais pas né.
Cette musique, inspirée d’hier, j’avais besoin de la dater d’aujourd’hui…
C’est pour cela que nous avons enregistré « Soul Wash » en reprenant des tubes des années 1990-2000.
Des morceaux qui passaient à la radio pendant mon adolescence, alors que j’étais au lycée.
Du coup on a fait « Barbie girl » d’Aqua, « I kissed a girl » de Katy Perry, « Say you’ll be there » des Spice Girls… Des titres qui sont très représentatifs de cette époque et qui sont considérés comme des monuments de cette période. L’amusement était de pouvoir se les approprier en les faisant à « l’ancienne » !

Comment expliques-tu l’engouement actuel autour de cette musique ?
Je ne sais pas trop à quoi cela tient…
Moi-même, il y a quelques temps, je n’étais pas autant sollicité par les médias.
Je pense que c’est un phénomène de mode, de période, d’époque et un besoin de « retour aux sources ».
Cela fait du bien à tout le monde et, de plus, c’est une musique qu’il est agréable de « consommer » en live. Les programmateurs me contrediront peut-être mais je crois que beaucoup de gens ont besoin de passer deux heures avec un artiste afin de pouvoir s’évader. En tant que tel, je me fais une joie contribuer à cet « échappatoire culturel ».

Les reprises que tu fais, actuellement, sur scène sont très différentes…
Oui et, au fur et à mesure des concerts, nous changeons et alternons nos « clins d’œil ». Un jour ça va être Otis Redding, un autre Stevie Wonder etc…
Nous essayons de nous amuser sur scène, en rendant hommage aux artistes que nous aimons…
Bien sûr, nous interprétons une majorité de compositions personnelles…

Penses-tu que Amy Winehouse, qui vient de disparaitre, a joué un rôle primordial dans la reconnaissance de la new soul ?
Oui, nous lui avons d’ailleurs rendu hommage le lendemain de sa mort. Nous devions faire un concert avec elle en Autriche. Sa tournée ayant été annulée un mois et demi avant cette date, nous savions que nous n’aurions pas le plaisir de la rencontrer. C’est une perte immense, elle a ouvert énormément de portes à la new soul. Les artistes qui pratiquent cette musique actuellement lui doivent beaucoup. Mon succès en France est certainement lié aux portes qu’elle a ouvertes. Elle a réussi à mettre tout le monde d’accord… aussi bien dans le monde du rock, du reggae, de la pop ou chez les puristes de la soul.
Dès son deuxième album elle a signé un « classique » du genre. C’est une artiste qui va beaucoup nous manquer et qui n’est pas prête à quitter la pile de disques de chevet de beaucoup de gens.
C’était une perle rare…

ben

Aimerais-tu, à ton tour, ouvrir des portes ?
Je me qualifie souvent comme étant un « passeur ». Il y a de plus en plus de jeunes qui viennent à nos concerts même si notre public est constitué de gens de 7 à 77 ans. Mon plus beau compliment, à ce jour, m’a été offert par une petite fille de 12 ans. A la fin d’un show elle m’a dit « merci Ben, c’est grâce à toi que j’ai découvert Donny Hathaway »… J’étais très surpris car c’est un artiste, qu’à titre personnel, je n’ai découvert qu’à l’âge de 17 ans alors que je baignais depuis toujours dans la soul.
C’est très touchant car ces musiciens ne sont pas très médiatisés. C’est une petite « porte de culture » que je propose. Au moins, maintenant, les jeunes savent que ce genre musical existe. Après, ils peuvent faire leur choix…

Comment s’est déroulée ta tournée américaine ?
Nous avons fait Los Angeles, San Francisco, Chicago, New York puis le Canada avec Toronto et Montréal. C’était assez incroyable… même si j’avais déjà eu l’occasion de me rendre à New York et Montréal à plusieurs reprises. A cette époque, nous avions joué dans des petits Clubs alors que là, c’était une vraie rencontre avec le public américain. Nous ne savions pas à quoi nous attendre et nous avons reçu un superbe accueil. Il y avait de la curiosité, du plaisir et une grande ouverture d’esprit !
Je ne savais pas comment le français serait reçu là-bas alors que ça leur raconte, tout de suite, une petite histoire. Ceci dans le sens où ils savent que leur musique a dépassé les frontières et a influencé le monde entier.

As-tu comme objectif de te rendre à Détroit et Memphis qui sont les villes où la musique que tu pratiques est née ?
Oui, bien sûr !
Cela fait, d’ailleurs, partie des objectifs de l’année 2012. Je souhaite y faire des petites balades même s’il ne s’y passe malheureusement plus grand-chose. Il n’y a plus que des vestiges qui sont devenus des musées…
J’ai envie de voyager un peu partout dans le monde afin de me nourrir de plein de « trucs »…

Parmi tes illustres aînés, certains (principalement issus de la firme Stax) étaient particulièrement engagés auprès des minorités. Je pense, par exemple, à Isaac Hayes. Quel est pour toi le message que doit porter la soul music des années 2000 ?
Nous n’avons plus exactement les mêmes problèmes qu’à l’époque. Je n’ai pas connu de ségrégation raciale, de mouvements politiques extrémistes ressentant le besoin de s’exprimer, ni de guerre (même s’il y en a un peu partout dans le monde)…
Je n’ai jamais entendu le côté politique des choses car ma vie était douce. De ce fait, aujourd’hui, je préfère parler de relations humaines et de ce que je connais. Peut-être qu’un jour je serai davantage apte à réagir sur des faits d’actualité ou des choses qui me touchent. Actuellement, je le fais au « feeling » sans me forcer. Je sais qu’il y a une valeur politique dans la soul et que cela fait partie du « background ». Je ne l’oublie pas, c’est dans un coin de ma tête…

Par quel biais as-tu intégré le label Motown France et que cela représente-t-il pour toi ?
C’est un peu le hasard…
J’avais monté une page Myspace et, très vite, on m’a proposé des premières parties à Paris (Raphael Saadiq, Dwele, Musiq Soulchild, India Arie…). Cela nous a donné l’idée d’inviter des gens du label Motown (qui venait d’ouvrir une antenne en France) pour notre premier concert en solo, à l’Opus Café.
Il y avait pas mal de monde à ce concert et, du coup, ils ont eu du mal à se frayer un chemin dans ce Club. Cela a dû les agacer et, du coup, ils m’ont signé (rires) !

As-tu pris ta Victoire de la Musique (révélation scénique de l’année 2010) comme une consécration ?
Je l’ai prise comme une haltère, car elle est très lourde (rires)…
Au moment de la remise du prix, cela faisait un an et demi que nous étions en tournée pour défendre notre premier album. Nous avons pris cela comme un encouragement, c’était une victoire collective pour tout le groupe (à savoir tous les musiciens, les techniciens et les gens qui nous aident). C’était flatteur et cool mais, mine de rien, ça ajoute une petite pression supplémentaire. Nous sommes davantage attendus au tournant et ne pouvons jamais relâcher nos efforts. Cela n’est pas plus mal car ça maintient une certaine vigueur et nous pousse encore à nous améliorer. Une telle récompense tire forcément vers le haut…

Malgré cette succession de concerts, trouves-tu du temps pour travailler sur ton prochain album ?
Non, pas vraiment…
De plus, je n’arrive pas à faire deux choses à la fois. Handicap qui est un vrai truc de « mecs »…
Je suis toujours impressionné par toutes ces filles qui savent téléphoner, repasser, envoyer un e-mail (etc…) simultanément (rires) !
Nous nous servons du peu de temps que nous avons à disposition afin d’encore améliorer le show (changer les arrangements, les enchainements, modifier l’ordre des chansons etc…).
Sur les Festivals, nous avons eu l’occasion de croiser des gens comme Prince, Charles Bradley, Sharon Jones, Maceo Parker etc…
Bref, que des groupes qui nous ont mis de vraies « claques »… juste comme ça, sans prétention…
Du coup, ça donne envie de bosser et de ne nous donner aucune limite sur scène. Nous allons là où nous voulons aller… c’est vraiment génial !
Grâce à cela, je sais que je ne ferai pas mon prochain disque de la même manière que le premier. Ce dernier a été composé sans une expérience suffisante du live. Après 300 dates de concerts (des petits Clubs aux plus grandes scènes des Festivals), nous avons vraiment l’envie d’enregistrer un nouvel opus.
Il y a fort à parier que cet opus sera taillé pour la scène. Il se passera beaucoup de choses pour notre prochaine tournée…

Peux-tu revenir sur le court-métrage « Soul Wash » ?
Deux petits jeunes, dont Douglas Attal (à la réalisation sur un scénario de Kamel Guemra, nda) sont venus me voir après avoir inventé une histoire « musico-fantastico-pédagogico-solistico » (rires). C’est un hommage à un univers un peu magique, ludique et assez enfantin. Je me suis prêté au jeu et j’ai trouvé formidable que deux mecs s’intéressent à ça et me demandent de tenir mon propre rôle. J’ai vécu cette expérience avec grand plaisir et je garde d’excellents souvenirs du tournage. Même si cela requiert d’autres qualités…
En tout cas cela m’a aussi donné l’envie de faire du cinéma…

Sur le EP « Soul Wash » est spécifié « Lesson 1 », y aura-t-il une « Lesson 2 » ?
Pourquoi pas, ce disque est arrivé comme une récréation musicale, une espèce de break régénérant au milieu de l’enregistrement de l’album. C’est donc un truc qu’on a fait « entre deux eaux », pour s’amuser…
J’aime bien cette fonction qui permet de « relancer la machine » lorsque je me sens un peu submergé par mon travail.

Que t’inspire le fait de devenir, à ton tour, un modèle pour des artistes plus jeunes. Je pense, par exemple, à Nina Attal qui apprécie particulièrement ta démarche artistique…
On l’a croisée il n’y a pas longtemps Nina…
Je ne savais pas qu’elle parlait autant de moi… merci, c’est mignon Nina (s’adressant à cette dernière par micro interposé, nda)…
Je dois encore être trop jeune pour être un « repère » mais j’espère que je le deviendrai au fil des ans.
C’est une chose qui doit faire du bien au moral et à l’égo (rires) !

Comment penses-tu faire évoluer ta manière d’aborder ta soul music ?
La soul music transpire, plus ou moins, ton vécu et ta vie…
Il suffit de se lever le matin et de marcher. Il faut regarder et être à l’écoute permanente de plein de choses. C’est le déroulement de la vie qui va nourrir mon inspiration. Tout cela va aller tout seul, je ne m’en fais pas une seconde…

www.myspace.com/oncleben

Remerciements : Léonore Betz, Christine & Claude Lebourgeois.

 

 

 
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Interview réalisée
au Festival de la Foire aux Vins
le8 août 2011

Propos recueillis par
David BAERST

 

 

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