L'émission "blues"
de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST
Pour
commencer Bernard, peux tu me dire ce que représente Strasbourg pour
toi, car tu t'es vraiment produit dans cette ville à de nombreuses
reprises ?
Oui absolument, tout au long de ces années j'ai joué à
de nombreuses reprises un peu partout à Strasbourg. J'ai de nombreux
amis qui viennent d'ici.
Souvent lorsque je joue de l'autre côté de la frontière,
en Allemagne, ces amis qui vivent aussi bien à Strasbourg qu'à
Mulhouse viennent me saluer. Oui, c'est une longue histoire entre moi, mon
père (Luther Allison, décédé en 1997, Nda)
et les amoureux de blues d'ici, de Strasbourg. C'est vraiment cool d'être
de retour (rires).
As tu toujours des contacts réguliers avec
des musiciens français ?
Je n'en ai pas beaucoup parce que je suis retourné vivre aux Etats-Unis.
Je suis cependant resté en contact avec Boney Fields dont
je prends des nouvelles presque toutes les semaines. Il y a aussi beaucoup
de nouveaux musiciens qui perpétuent la tradition et qui essayent
de donner le meilleur d'eux même pour satisfaire les gens.
Peux tu présenter tes musiciens actuels,
sont-ils des membres récents du groupe ?
Aux claviers il y a Mike Vlahakis qui est avec moi depuis 8 ans,
Jassen Wilber le bassiste est avec moi depuis 5 ans, Andrew
Thomas le batteur m'accompagne quant à lui depuis 4 ans. Voilà
le nouveau groupe (rires) !
Nous sommes donc ensemble depuis un bon moment, j'ai choisis la formule
du quartette, c'est à dire sans cuivre, il y a environ 6 ans. J'aime
cette configuration, jouer uniquement avec une section rythmique. D'autant
plus que les musiciens qui sont derrière moi sont très bons
et nous nous considérons comme des frères.
Aujourd'hui, quelle définition pourrais
je donner à ta musique ?
Je continue à l'appeler le blues de la prochaine génération
car c'est une combinaison de plusieurs styles ; traditionnel, rock, funk .
Tu vois il y a diverses influences qui sont bien représentées
dans mon dernier album " Energized " (paru sur Ruf
Records, Nda), un disque live qui a été enregistré
durant la dernière tournée. Nous pouvons y trouver aussi
bien des titres de Luther Allison que mes propres créations. Oui
je nomme définitivement mon style, le blues de la prochaine génération
!
Peux
tu m'en dire un peu plus sur ce disque ?
Il a été enregistré en Octobre 2005 lors du premier
jour de ma tournée allemande à Göttingen. Nous sommes
arrivés des USA et avons tout de suite enregistré dès
notre premier set. Je suis surpris du résultat car nous avions
fait un break assez important. D'habitude j'attends que nous tournions
au moins depuis 3 semaines avant d'enregistrer quelque chose.
Lors du mixage j'ai été bluffé par la qualité
de l'enregistrement, j'ai cherché d'éventuelles erreurs
et j'ai consulté mon groupe pour cela. Cependant nous n'en avons
pas trouvé, c'est vraiment du live. Je me suis retrouvé
dès le premier morceau et on m'a dit "Wouah, c'est comme
si vous tourniez depuis un long moment!". Chaque membre du groupe
a vraiment sa place dans l'enregistrement et le disque tient vraiment
bien la route.
Dans le blues j'ai constaté que les membres des groupes changeaient
souvent. Moi j'ai une grande force car je peux me reposer sur des musiciens
que je vois aussi bien sur scène qu'en dehors de la scène.
Je passe beaucoup de temps avec eux, aussi bien sur le plan privé
que sur le plan musical. Ceci nous permet d'être très soudés
et de retrouver rapidement nos automatismes. J'ai trouvé ainsi
la meilleure formule, à mon sens....
En tout cas tu aimes cette formule des albums
live, c'est ton troisième à ce jour je crois....
C'est mon deuxième album live, le premier était "No
Mercy" (paru sur le label Inak en 1994, Nda).
Le DVD sortira dans quelques semaines, il représentera vraiment
ceux que sont Bernard Allison et ses musiciens actuellement. Je l'aime
vraiment! (Rires)
(Après vérification, c'est bien moi qui avait raison,
"Energized" est le troisième album live de Bernard, le
deuxième étant "Kentucky Fried Blues" également
paru sur le label Ruf en 2003, Nda)
Peux tu me parler de ta collaboration avec Thomas
Ruf (fondateur de Ruf Records)?
Thomas était au départ le road manager de mon père
avant que Ruf Records existe. C'est mon père qui l'a poussé
à fonder son propre label en lui disant "Si tu fondes ton
propre label, j'enregistrerai pour toi!", Thomas a dit ok!
Puis il m'a vu accompagner mon père au sein de son groupe et a
pensé que j'étais prêt pour enregistrer à mon
tour pour lui. Il m'a donc appelé et a fait beaucoup pour la famille
Allison en Europe. Par exemple j'ai été très surpris
par l'accueil dans certains pays, comme l'Allemagne qui représente
probablement mon plus gros marché.
Il m'a engagé alors que je vivais à Paris et que des labels
français m'offraient le privilège d'enregistrer pour eux.
Thomas m'a offert la possibilité, d'aller en studio pour travailler
sur mes propres projets, m'offrant de la liberté tout en me guidant
dans mes choix. Aussi bien lorsque ceux-ci lui plaisaient que lorsqu'il
n'était pas d'accord avec moi. Grâce à lui j'ai aussi
pu produire moi même mon dernier album studio.
Aujourd'hui te produits tu souvent aux USA?
Nous jouons là-bas entre nos tournées en Europe. Nous nous
y produisons lors de grands Festivals à travers les Etats-Unis
et pour d'importantes représentations comme par exemple en ouverture
des concerts de Jonny Lang, de BB King ou encore de George
Thorogood. Nous y jouons aussi bien dans des petits clubs que dans
des Festivals, cette diversité est une grande richesse pour nous.
Est-ce que tu ressens un grand intérêt
de la part du public pour le blues en Amérique?
Je pense que l'état du blues est mauvais. Tu sais pour moi chaque
musique est comme un chiffre sur une horloge. Chaque fois que l'aiguille
avance elle tombe sur une nouvelle génération qui propose
de nouvelles choses.
De plus en plus d'endroits ferment et ceux qui restent ont du mal à
payer des musiciens.
C'est une situation qui est facile à comprendre car aujourd'hui
tu peux aller dans n'importe quel magasin et trouver un DVD pour 3 dollars
puis commander des pizzas pour 15 dollars et rester chez toi tranquillement.
Au contraire aller assister à un concert revient de plus en plus
cher. Il faut payer son billet 15 ou 20 euros ou 20 dollars puis si tu
veux boire une bière ou du vin il faut encore payer et cela finit
par devenir très cher.
Ceci n'est pas une situation facile et oblige les musiciens à
beaucoup voyager et aussi à beaucoup travailler pour permettre
au plus grand nombre et surtout aux jeunes de découvrir le blues.
Nous voulons continuer ce que Muddy Waters et BB King ont fait. Aujourd'hui
lorsque je demande à des jeunes de citer des guitaristes de blues
il me parleront de BB King, de Buddy Guy, d'Eric Clapton, de Stevie Ray
Vaughan et Gary Moore.
Je leur précise alors qu'il y a eu tant d'autres talents, avant
Stevie il y a eu T Bone Walker ou encore Lightnin' Hopkins, il faut les
écouter. Il est aussi important d'avoir sa propre personnalité
car tu entendras partout jouer "Pride & Joy", mais Stevie
avait son propre son.
Comme Jimi Hendrix l'avait, comme Luther Allison l'avait, comme Lucky
Peterson l'a, comme Bernard Allison l'a....
C'est la seule façon de capturer le public.
Justement que pense tu de la nouvelle génération
de guitaristes comme Aynsley Lister ou Jonny Lang?
J'ai eu l'occasion de tourner avec Aynsley et je l'apprécie. C'est
pareil pour Jonny Lang, il est incroyable. Je crois d'ailleurs qu'il prépare
un nouvel album orienté rock-blues.
Les deux dernières années il a fait des tournées
acoustiques où il montrait sa face blues et j'ai beaucoup aimé.
Il a déménagé sur Los Angeles et s'est marié
là-bas. Il a rejoint la chorale de son église pour entraîner
sa voix qui est de plus en plus incroyable, c'est fabuleux!
Alors qu'il a à peine 23 ans....
As tu de nouveaux projets?
Le projet le plus immédiat sera probablement de retourner en studio
afin d'enregistrer un nouveau disque et bien sûr de jouer en live
et de faire ma musique (rires)!
As tu une orientation particulière que
tu souhaiterais donner à ta musique, pourquoi pas un album acoustique?
Je suis content de ce que je fais et je souhaite garder le même
concept. Ne pas juste enregistrer un album de blues mais mixer toutes
mes influences. Mon père me disait toujours de faire ce que je
voulais faire, d'aller où je voulais aller et il aimait mon style.
Nous voulons jouer avec beaucoup de dynamisme, aller dans différentes
directions, dans plusieurs styles tout en restant blues. Les puristes
diront que ce n'est pas du blues au contraire de mon père qui était
considéré comme un pur bluesman.
As tu autre chose à ajouter?
Je suis juste heureux d'être de retour en France et je cherche un
agent français afin de faire d'avantage de dates dans ce pays.
Je souhaite passer 4 mois par an sur les routes en Europe.
La France est un pays que j'aime et qui a joué un rôle important
pour moi et mon père. J'espère revenir pour de grands festivals
et me produire plus souvent de Paris à Strasbourg. Je sais que
le marché n'est pas très porteur pour cette musique mais
je ne fais pas de politique et il faut continuer à défendre
le blues.
De plus je sais que beaucoup de gens encore souhaitent revoir Bernard
Allison...