Beth Hart
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST

Beth, en préambule à cet entretien, peux-tu revenir sur le cursus musical que tu a suivi durant ton enfance ?
Dès ma plus tendre enfance, j’ai commencé à jouer du piano. J’avais alors quatre ans…
C’est au même moment que je me suis mise à étudier la musique.
Quelques années plus tard, je me suis lancée dans l’apprentissage du violoncelle… je devais avoir huit ans. Le chant classique a suivi BHnaturellement. C’est donc dans ce registre que s’est développé mon approche de la musique.
Cependant, à la maison, ma mère écoutait des artistes venus d’horizons différents. Ainsi, j’entendais des disques de Billie Holiday, Diana Washington, Ella Fitzgerald etc…
Je trouvais cela formidable mais me suis rapidement orientée vers des registres plus rock. J’ai découvert les univers de Black Sabbath, Led Zeppelin et bien d’autres…
Naturellement, j’ai commencé à ajouter des textes aux musiques que je composais à ce moment là. A quatorze ans, je chantais régulièrement des chansons que j’avais écrites moi-même. Puis, j’ai intégré une école secondaire spécialisée dans les arts et le spectacle, située à Los Angeles. Je l’ai quittée après ma deuxième année, alors que j’avais seize ans. Je me suis immédiatement prise en main afin de chercher à travailler dans le milieu musical, du côté d’Hollywood…
J’ai commencé a chanter et à participer à des spectacles à Los Angeles avant d’animer une émission de télévision alors que j’avais dix neuf ans. Deux ans plus tard j’ai pu signer un important contrat qui m’a permis de partir en tournée pour la première fois. J’avais à peine vingt deux ans…

De quelle manière as-tu enregistré ton premier album « Beth Hart And The Ocean Of Souls » , qui date de 1993 ?
J’ai commencé à enregistrer ce disque alors que je devais avoir dix neuf ou vingt ans. Il a été signé sur un label indépendant. Le nom du groupe était Beth Hart And The Ocean Of Souls, qui a aussi donné son titre au disque. Je n’apprécie pas tellement le résultat final et ne garde pas un grand souvenir de cette expérience.
Mon première disque enregistré pour une grande compagnie (une major), à savoir Atlantic, est « Immortal » (1996, nda).

En signant chez Atlantic, je suppose que tu as eu la chance de rencontrer Ahmet Ertegun. Peux-tu me parler de cette époque de ta vie ?
Oui, je l’ai rencontré… j’ai rencontré Ahmet…
J’ai eu la chance de diner avec lui. C’était vraiment amusant car, comme tu peux l’imaginer, il était vraiment charmant et attentionné avec les gens.
Il tenait à ce que je perpétue la tradition de la musique de la fin des années 1960 et ceci dans un registre qui fasse penser à celui de Janis Joplin. Je ne sais pas si j’aurais du l’écouter ou pas mais le hasard a fait que un ou deux ans plus tard, je me suis retrouvée à l’affiche d’une comédie musicale à Broadway. Il s’agissait de « Love, Janis », un spectacle basé sur la correspondance entre la chanteuse et sa mère.
Ce dernier n’avait pas vraiment pignon sur rue car il se jouait dans un esprit moins commercial que ce que l’on a l’habitude de voir à New-York. On appelle cela un off-Broadway show.

Était-ce uniquement une performance de chanteuse ou une prestation durant laquelle tu jouais aussi la comédie ?
J’y chantais beaucoup mais j’y jouais, également, un peu la comédie.

Nous parlions d’Ahmet Ertegun, mais ta carrière t’a aussi permis de rendre hommage à d’autres grands noms de la musique comme Les Paul et Toots Thielemans…
Je n’ai jamais chanté avec Les Paul mais j’ai participé, au milieu de nombreux autres artistes, à un album qui lui rendait hommage. J’y interprétais le morceau « I wanna know you »...
C’est un titre que j’ai d’ailleurs enregistré en duo avec Neal Schon (chanteur-guitariste et membre fondateur du groupe Journey, nda) qui est vraiment formidable.
Cela s’est passé peu de temps après que je reçoive un coup de fil de Jeff Beck, me demandant de collaborer avec lui. Je me suis donc rendue dans sa maison en Angleterre, où nous avons travaillé dans le studio qui y est installé. Par la suite nous avons fait des concerts au Etats-Unis ensemble. C’était un grand privilège de pouvoir être à ses côtés et de le voir jouer, nuit après nuit.
Après avoir vu l’un de ces shows, le guitariste Slash a également m’a également sollicitée afin que je participe à une chanson de l’un de ses albums (il en découle le morceau « Mother Maria » qui était téléchargeable en faveur d’Haïti, nda).
Puis, deux ans plus tard, c’est Joe Bonamassa qui, à son tour, m’a suggéré de travailler avec lui. J’ai donc chanté « No love on the street » sur son album « Dust Bowl ». Cette première expérience commune lui a donné l’idée de faire un disque complet ensemble.
Cette pensée a fait son chemin et dès que son entourage artistique lui a donné le feu vert, il m’a appelée pour me dire « j’ai envie de faire ce disque, on y va ! ».
C’était incroyable et il en découle l’album « Don’t Explain » ..

Peux-tu revenir sur votre première rencontre ?
Ma première rencontre avec Joe Bonamassa a eu lieu alors que nous effectuions tous les deux une tournée en Hollande. Nous nous sommes retrouvés dans le même hôtel…
Il était déjà venu assister à quelques uns de mes concerts en Angleterre, mais je n’avais jamais eu la chance de le rencontrer à ces occasions. Il était uniquement passé assister aux shows…
C’est donc dans un hôtel hollandais que, pour la première fois, j’ai pu le saluer.

Comment avez-vous sélectionné, ensemble, les chansons qui constituent l’album « Don’t Explain » ?
C’était un travail très facile puisque j’ai, simplement retenu des chansons que j’aimais dans une liste qu’il avait établie. De son côté il a fait la même chose à partir d’une suggestion de morceaux que j’avais moi-même formulée. Puis, parmi les chansons qui restaient, nous avons fait un choix commun en prenant celles qui nous semblaient être les meilleures.
Nous avons donc enregistré douzes chansons dont dix constituent l’intégralité du disque.

BH

Le fait de partager la scène avec lui, lors d’une tournée commune, a également du être une très belle expérience
La première fois que nous avons partagé une scène ensemble, c’était lors d’un petit concert que j’avais donné à Los Angeles. Nous voulions jouer ensemble quelques morceaux…
Je me souviens que mon frère était également présent ce soir-là.
Ce dernier m’avait même dit à l’issue du concert « oh mon Dieu, c’est le meilleur show de toute ta carrière… avec le meilleur guitariste au monde ! » (rires).
Joe est une personne tellement simple et facile… Il aime jouer de la guitare, chanter et ne possède pas une once d’égocentrisme… Il veut simplement jouer…

Quelle était l’atmosphère durant les sessions d’enregistrement ?
J’étais très nerveuse…
Tu sais, enregistrer avec Joe Bonamassa (ce que je souhaitais vraiment) est une chose très impressionnante. Il insuffle tellement de talent dans tout ce qu’il fait…
Le reste de l’équipe était également de très grande qualité. Ainsi le producteur Kevin Shelley a fait un travail fantastique avec tout le reste de l’équipe, m’offrant la possibilité de travailler avec un groupe constitué de grandes pointures de la musique (Anton Fig à la batterie, Blondie Chaplin à la guitare, Carmine Rojas à la basse etc…).
Les chansons retenues sont difficiles à interpréter et, avec un tel groupe derrière moi, il fallait vraiment que j’assure. Je me disais constamment « oh mon Dieu, oh mon Dieu » (rires) !
Finalement tout s’est passé très vite… Nous avons enregistré deux jours, fait un petit break puis repassé deux nouvelles journée en studio. En ce cours laps de temps, tout était en boite…

Pourrais-tu me décrire ta journée de travail idéale ?
Sur la route, c’est assez répétitif. Tu te lèves, tu vas à l’aéroport ou dans ta voiture. Tu voyages pendant des heures puis tu arrives à la salle pour y faire les balances puis y donner ton concert.
Lorsque je suis en tournée je ne fais que très rarement de la promotion comme c’est, exceptionnellement, le cas avec toi aujourd’hui.
Je me consacre principalement aux interviews et aux prestations télévisées pendant des périodes qui y sont entièrement consacrées. J’essaye de séparer les deux choses au maximum…
Chanter la nuit puis se lever peu après pour faire une télé n’est pas une chose évidente. Je le faisais lorsque j’étais plus jeune, mais je considère que c’est trop difficile pour moi.
Lorsque je suis chez moi, à la maison, j’écris beaucoup (ce que je ne fais que rarement durant mes déplacements). Je préfère écrire chez moi…c’est une chose importante que j’aime faire en toute tranquillité.
Sinon, quand je ne me consacre pas à la musique, j’aime m’occuper de ma famille, cuisiner, jardiner. Je possède des chiens, un oiseau et des chats, ce qui m’occupe beaucoup…

Où puises-tu ton inspiration ?
Pendant longtemps je puisais mon inspirations dans les tragédies et dans les faits-divers qui se déroulaient à travers le monde…
Depuis quelques années j’écris sur des choses beaucoup plus positives et joyeuses. Je pense qu’à mon âge il est bon de voir la vie de manière un peu différente, plus rafraichissante. Ceci est, bien sûr, lié à mon état d’esprit actuel qui me pousse à privilégier les évènements positifs.

Quels sont les artistes, qui te sont contemporains, auxquels tu portes le plus d’admiration ?
Actuellement, je suis très influencée par Aloe Blacc qui est un chanteur incroyable. J’aime également beaucoup le groupe Vintage Trouble. J’ai eu l’occasion de partager la scène avec le chanteur (Ty Taylor, nda) qui m’avait invitée à leurs côtés  lors du festival Bospop à Weert en Hollande.
Il m’avait appelée en me disant « Hey, je suis un grand fan… voudrais-tu chanter avec moi ? ».
J’étais très surprise et lui ai répondu « Non, c’est moi qui suis une grande fan de toi, j’écoute le CD de ton groupe tout le temps ! ».
Nous nous sommes donc envoyés quelques chansons correspondant à nos goûts respectifs.
Ainsi il est venu chanter avec moi et mon groupe alors que, de mon côté, je me suis également jointe à Vintage Trouble durant cette manifestation.
C’était une expérience très sympathique et amicale, pleine de fun…
J’adore Amy Winehouse dont j’écoute énormément la musique, quelle tristesse qu’elle soit partie si vite… elle m’a beaucoup inspirée.
Sinon, je me délecte toujours d’anciens artistes qui continuent de m’apporter beaucoup : Billie Holiday, Ella Fitzgerald, Thelonius Monk qui est une référence incontournable… Il y en a tellement, c’est très difficile de pouvoir tous les citer…

Comment décrirais-tu ton propre style ?
Je pense qu’il s’agit d’un mélange constitué de sons puisés dans les répertoires  d’Etta James, Robert Plant, Rickie Lee Jones, Carole King, Aretha Franklin…
On peut vraiment considérer mon style comme une grande combinaison de musiques différentes. J’aime le hard rock autant que les chansons douces et tristes interprétées au piano. Bien sûr, j’adore le blues, le jazz, la soul music et j’essaye de combiner tout cela.
Je pense, en toute honnêteté, que procéder de cette façon peut être un handicap car, souvent, les gens achètent un album afin d’y écouter qu’un seul style…
De ce fait, cette démarche est risquée car elle peut jouer sur les ventes. Mais c’est ce que j’aime donc…

Tu es une grande interprète doublée d’une personnalité scénique particulièrement impressionnante. Que constitue pour toi le fait de te produire sur scène devant un public ?
Certaines nuits cela peut être plus difficile que d’autres, c’est une question de mental. Par contre, la plupart du temps, c’est tout simplement fantastique. Se produire devant des gens qui te connaissent, qui s’intéressent à toi et qui chantent tout au long du show est une chose magique.
A l‘inverse, se produire face à un public qui ne te connait pas très bien est aussi un challenge intéressant, car cela t’oblige à te surpasser.
Je me suis retrouvée dans ce contexte dernièrement, dans le cadre d’un festival français. Ce n’était pas évident et j’ai du me motiver au maximum afin de pouvoir m’imposer au public qui, majoritairement, était venu pour un autre groupe. Cela constitue aussi une expérience intéressante et une belle leçon d’humilité.

Professionnellement parlant, de quoi es-tu la plus fière à ce jour ?
Je crois que ce dont je suis la plus fière est le fait de ne jamais avoir renoncé à faire ce que j’aime. J’exerce ma passion depuis mon enfance et, depuis, j’ai réussi à m’imposer dans ce métier par ma seule volonté. Je n’ai jamais vraiment fait quelque chose de très grand, mais je n’ai jamais eu besoin de m’arrêter et de devoir exercer une autre profession.
Je n’ai jamais arrêté, j’adore ça et je ne le fais ni pour l’argent, ni pour la gloire… C’est ce dont je suis la plus fière, n’avoir jamais cessé !

Quels sont les projets que tu rêverais voir aboutir ?
Mes projets de rêve…  je ne sais pas vraiment…
Je suis vraiment contente de ce qui s’est passé avec Joe Bonamassa. Faire, en sa compagnie, cet album de reprises constitué de quelques unes de mes chansons préférées. J’y ai pris beaucoup de plaisir et j’en suis très fière. J’aimerais poursuivre cette collaboration avec lui dans l’avenir et, pourquoi pas, avec d’autres gens.
Je suis, bien sûr, très excitée à l’idée de voir paraitre mon nouveau disque « Bang Bang Boom Boom » qui sortira la 8 octobre 2012 en Europe.  Cet album est, à nouveau, produit par Kevin Shelley qui avait déjà réalisé un superbe travail sur « Don’t Explain ».
Ici, il m’a permis d’aborder un registre plus swing en utilisant un big band. C’est une nouvelle couleur musicale pour moi. D’ailleurs, je me sentirais prête aujourd’hui à aller encore plus loin dans ma démarche et réaliser un disque qui s’inspire directement de ce que l’on pouvait entendre dans les années 1940 et 1950. Un album que je pourrais enregistrer uniquement avec un big band et un répertoire constitué de vieilles chansons. Ce serait très cool à faire !

Quels sont les espoirs que tu portes en l’avenir ?
Continuer à susciter de l’intérêt et avoir beaucoup d’occupations. Je tiens aussi à être une bonne épouse pour mon mari, à prendre bien soin de mes parents et de mes proches. J’espère pouvoir faire de ma vie quelque chose d’utile, faire en sorte que l’on puisse compter sur moi…

As-tu une conclusion à ajouter ?
C’est vraiment gentil d’être venu pour réaliser cette interview. Je te remercie pour cela !

Remerciements : Olivier Garnier (Replica), Bianca & Scott

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Interview réalisée au
Grand Casino de Bâle
le 20 juillet 2012

Propos recueillis par
David BAERST

En exclusivité !

 

 

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