L'émission "blues"
de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST
Phil, en prélude à cet entretien,
peux-tu me présenter la composition actuelle du groupe ?
Tout à fait, d'autant plus que c'est la première fois que
nous nous produisons au Caf' Conc'.
Aux claviers, il y a Bala Pradal qui est, à mes côtés,
le membre fondateur du groupe. Notre batteur Stéphane Minana
est aussi avec nous depuis longtemps, il avait arrêté à
une période mais il est revenu il y a quatre ans. Le dernier membre,
en date, du groupe est notre bassiste Séverin Pignol, il
a remplacé Lamine Guerfi qui était présent
sur nos deux albums et dans le groupe depuis les débuts. Enfin
le deuxième guitariste est mon vieux copain Rodolphe Dumont.
Il est issu d'un groupe français de Blues qui était assez
connu, les Bloosers. Il ne joue pas régulièrement
avec nous mais il a participé aux deux albums.
Peux-tu revenir sur les circonstances de la création
de Big Dez avec Bala ?
J'avais monté un petit groupe, en banlieue, avec mon frère.
Puis j'ai rencontré Bala par le biais d'un autre groupe avec lequel
il jouait et dont le batteur donnait des cours au nôtre. Nous avons,
alors, eu l'idée de fonder Big Dez, c'était en 1996.
Le Blues était-il déjà votre
"créneau" avant de vous rencontrer ?
Notre créneau non mais notre musique du quotidien oui !
Nous en écoutions beaucoup.
L'intégration dans le "milieu Blues"
français s'est-elle faite rapidement?
Rapidement c'est vite dit...
Nous avons fait beaucoup de Cafés, de Clubs et de Pubs le week-end
pour nous forger un répertoire. Après nous avons décidé
d'attaquer la composition de morceaux.
Je suis parti 2 ou 3 fois aux USA où j'ai des potes. Cela m'a
donné l'envie d'enregistrer notre premier album "Sail on Blues"
qui a été fait à Austin, Texas. Après nous
sommes revenus avec ce disque qui nous a permis de trouver de meilleures
dates.
C'est près de deux ans plus tard que nous y sommes retournés
afin d'y enregistrer notre deuxième CD "Night After Night".
Là aussi les chroniques ont été bonnes, nous avons
donc participé à quelques Festivals en France. Cependant
nous aimerions en faire plus car nous nous produisons plus fréquemment
dans des Clubs. Actuellement nous tournons plus dans les autres pays d'Europe,
qu'en France.
Comment s'est passée ton intégration
dans la scène Blues locale, au Texas ?
J'ai deux copains, un toulousain et un parisien, qui sont expatriés
là-bas depuis un bon moment. Ils m'ont présenté des
gens, ce qui m'a permis de jouer un petit peu. J'accompagnais alors, à
la guitare, des artistes d'Austin.
Ce furent mes premières connexions avec ce milieu. Par la suite
j'ai monté des tournées pour un très bon chanteur,
Mike Cross, que nous avons fait venir en Europe. Enfin, le fait
d'enregistrer un album dans cette ville nous a fait connaître encore
plus de personnalités de la scène locale.
Quelles étaient les réactions des
artistes locaux vis à vis de toi ?
Il n'y a pas eu de problème, je dirais même qu'il y a moins
d'égocentrisme au Texas qu'à Paris en France…
Chez nous les mecs essayent de se " tirer dans les pattes
", là-bas ce qui compte c'est la musique !
A partir du moment où tu commences à jouer, les texans voient
que tu parles la même langue qu'eux. Je n'ai donc pas eu de problème
et je ne garde, de cette expérience, que des bons souvenirs. J'ai
été " boosté " là-bas, je
m'y suis forgé un style, un répertoire et le groupe y a
enregistré deux albums à ce jour.
Il est connu qu'il y a de nombreux musiciens français
qui exercent leur art au Texas, en as-tu rencontré beaucoup et
t'ont-ils aidé ?
On ne peut pas dire qu'ils m'ont aidé, par contre ils m'ont permis
de changer mon point de vue musical sur le Blues. Je ne le pratique plus
comme je le faisais avant en France. Cela se ressent surtout au niveau
du chant mais aussi de mon jeu de guitare.
Le fait d'aller à Chicago ou au Texas aide beaucoup…
Les musiciens, aux USA, ont beaucoup plus de difficultés à
" percer " que les musiciens français chez nous. Nous
avons beaucoup d'aides ici, dont l'intermittence qui va, malheureusement,
peut-être s'arrêter.
Là-bas il faut vraiment constamment jouer pour pouvoir vivre du
Blues, d'ailleurs 90% des musiciens exercent une autre activité
professionnelle pour subvenir à leurs besoins.
Pourquoi avoir absolument voulu enregistrer vos
deux albums au Texas ?
C'est grâce à Pierre Pellegrin que j'avais rencontré
à Paris (et qui fait partie des deux copains expatriés,
Nda) alors qu'il jouait avec Paul Orta. Il m'avait dit qu'il habitait
à Austin.
Comme j'étais déjà fan de Stevie Ray Vaghan et des
Fabulous Thunderbirds (bien que Phil soit avant tout un fan du Chicago
Blues, ville dans laquelle il s'est rendu en premier, m'a-t-il confié,
Nda) j'ai voulu découvrir cette " petite " métropole
étudiante où il fait très beau.
J'ai vraiment aimé, l'ambiance y est " cool ", il y
a beaucoup de musiques entre le Rock, le Funk, le Hard-Rock, le Rap, la
Techno etc…
Malheureusement le Blues y a presque disparu.
Je me suis dit, par la suite, autant enregistrer notre album là-bas
avec nos potes.
Il y a de très bons studios en France et en Europe cependant le
fait d'aller là-bas, aussi pour le fun et l'ambiance, a pesé
lourd dans la balance.
Cela vous a, en tout cas, permis d'avoir des invités
de marque sur vos CD. Je pense à Uncle John Turner, The Texas Trumpets
etc…
Oui, d'ailleurs Uncle John était avec Pierre Pellegrin et Paul
Orta en tournée européenne.
C'est un des derniers " grand monsieur " du Blues au Texas
et il a été très ouvert avec moi. Il est très
cultivé à l'inverse de pas mal d'américains qui ne
connaissent rien en dehors de leur pays. Il adore la France et m'a souvent
invité à participer à des jams. Je m'étais
toujours dit que le jour où j'enregistrerais je l'inviterais afin
de profiter de son superbe shuffle !
Pour le deuxième album j'ai profité, par exemple, de mes
diverses rencontres sur scène avec Sax Gordon. Il a donc
accepté de venir jouer sur le disque…
Par la suite tu t'es exilé en Hollande.
Tu vis, aujourd'hui, à Amsterdam. Est-ce aussi un choix purement
musical et si oui comment s'y porte le Blues ?
Ce n'est pas du tout un choix musical, c'est un choix amoureux puisque
ma femme est une hollandaise tout comme mon fils. Ceci dit je garde un
pied à Paris puisque ma mère y vit tout comme le restant
du groupe.
En ce qui concerne la scène musicale hollandaise, on y trouve de
très bons groupes de Blues et d'excellents Festivals. Proportionnellement
à la taille du pays il y a beaucoup plus de " Blues Clubs
" qu'en France.
Il y a aussi ce qu'ils appellent des " Blues Cafés "
le samedi soir ou le dimanche après-midi. Là-bas tout le
monde parle anglais, la culture américaine y est plus présente
et, de ce fait, le Blues y connaît encore une certaine popularité.
En France c'est par vague, ça disparaît puis ça revient
etc…
Le fait de vivre là-bas ne t'a pas trop
" coupé " de la scène Blues française,
as-tu gardé des contacts ici ?
Oui d'ailleurs quand je suis à Paris j'anime une " Jam Session
" au Caveau des Oubliettes le dimanche soir. Cette ville reste
une place tournante et j'aime y retrouver des gens comme Nico Wayne
Toussaint, Amar Sundy, Boney Fields etc…
En plus, aujourd'hui, avec l'informatique tout va très vite. Pour
preuve nous nous sommes contactés hier via internet, alors que
j'étais à Amsterdam, et aujourd'hui nous réalisons
cette interview au Caf' Conc' d'Ensisheim…
Comment expliques-tu que Big Dez tourne autant
en dehors de la France ?
Je parle anglais et espagnol. Ceci m'a beaucoup aidé pour trouver
des contacts. Après, en toute modestie, nos albums ont eu de bonnes
critiques un peu partout et cela nous a ouvert de nombreuses portes. Nous
avons un agent en Angleterre qui nous trouve régulièrement
des tournées. Nous avons d'autres agents en Allemagne, en Belgique
et en Hollande c'est moi qui m'en occupe.
Il suffit de se bouger et puis le fait de chanter en anglais est une facilité
supplémentaire.
Il y a 15 ans, les groupes français remplissaient moins les salles
que les américains. Cette mentalité du public a beaucoup
évolué depuis et c'est, aujourd'hui, la musique qui prime
même si beaucoup de personnes se déplaceront moins facilement
pour venir nous voir que pour aller voir un groupe venu des USA.
Pour revenir à ta question, tourner à l'étranger
demande beaucoup de travail. Il faut passer du temps au téléphone,
devant internet et il ne faut pas avoir peur de se produire dans des endroits
difficiles ou pour peu d'argent. Cela implique aussi de parcourir de nombreux
kilomètres avec la fatigue que cela engendre…
C'est en procédant comme cela que des grands Festivals, surtout
en Hollande et en Belgique, se sont intéressés à
nous. C'est de cette manière que nous nous sommes fait un nom.
Peux-tu évoquer votre façon de travailler,
en ce qui concerne les compositions par exemple ?
Avec Bala nous emmenons chacun nos compositions. Nous étions vraiment
un groupe jusqu'à juin 2006, notre bassiste et notre harmoniciste
étaient là depuis très longtemps. Nous nous sommes
un peu éclatés en raison du grand nombre de dates que nous
faisons et de deux ou trois autres raisons.
Nous redémarrons avec de nouveaux membres actuellement et attendons
de voir comment cela va se passer en 2007.
C'est principalement moi, puis Bala qui avons les idées de compositions
et de textes. Les autres suivent…
Avez-vous déjà commencé à
travailler sur votre troisième album ?
Oui je finalise certains textes actuellement. La musique est prête,
il y a juste quelques ennuis de santé qui m'ont retardé
l'été dernier…
Je ne sais pas encore avec quel " casting " va se faire cet
album qui pourrait déjà être dans les bacs.
Puis comme la vente des disques actuellement c'est un peu comme "
un glaçon dans un verre d'eau chaude ", il n'y a pas
le feu au lac…
Pour rassurer les gens qui nous suivent je dirai simplement qu'il va s'enregistrer
très bientôt…
Sais-tu déjà si vous repartirez
aux USA pour le faire ?
Nous y réfléchissons, ce n'est pas impossible. Il faut simplement
s'organiser financièrement et artistiquement. A ce jour c'est sur
la balance et c'est du 50/50 entre les USA et l'Europe.
Pour des groupes tels que Big Dez, ne serait-il
pas plus judicieux de vendre simplement sa musique sur internet ?
Je pense que je presserai beaucoup moins d'exemplaires du prochain album
que pour les deux premiers.
J'en presserai quand même pour les gens qui aiment le support et
qui veulent l'acheter après le concert.
Par contre il est vrai qu'en mettre dans les bacs des magasins ne veut
plus rien dire.
Le téléchargement sur internet c'est plus aux maisons de
disques et aux distributeurs d'y penser.
Ceci dit nous nous rendons compte que c'est l'avenir, donc nous allons
le faire. Par contre je tiens à ce qu'il y ait un pressage car
le CD est un meilleur support pour démarcher les lieux de concerts.
De plus les fans de Blues ont souvent plus de 40 ans et ils préfèrent
largement avoir un disque dans la main plutôt que de se perdre sur
internet…
As-tu une conclusion à ajouter ?
Ça sent la choucroute, alors comme nous sommes dans la région
nous allons planter la fourchette dedans (rires) !