Billy, tu es l’un des harmonicistes les plus influents de ta génération. Tu as eu la chance de connaitre les grandes heures du Chicago Blues dès la fin des années 1940. C’est d’ailleurs Sonny Boy Williamson (John Lee Curtis Williamson) qui t’a donné tes premières leçons. Peux-tu évoquer ces moments passés à ses côtés ?
Effectivement, bien que natif du Mississippi Sonny Boy Williamson a réalisé la plus grande part de son œuvre dans le nord des USA. C’est donc à Chicago que je l’ai rencontré alors que je n’avais que 12 ans. Il m’a donné deux leçons et montré quelques « trucs » afin de pouvoir débuté la pratique de l’harmonica. Il est mort peu de temps après (le 1er juin 1948 à l’âge de 34 ans, nda).
Comment se comportait-il avec toi, était-ce un bon professeur ?
Oui, comme je te le disais précédemment je n’avais que 12 ans. Il était très gentil avec moi, était patient et m’accordait beaucoup d’attention. Ceci-dit, je n’ai pu avoir droit à ses bons conseils que deux fois. C’était juste avant qu’il ne se fasse assassiner (il a été la victime collatérale d‘un hold up qui se déroulait près de chez lui, alors qu’il rentrait d‘un concert, nda).
Dans quelles circonstances as-tu enregistré ton premier disque « Hello stranger » en 1952 ?
Ce disque date de 1953 (Billy me donne une autre date que celle habituellement publiée dans les biographies, nda) et je n’avais que 17 ans. C’est pour cela qu’on m’a surnommé « Billy Boy » (son vrai nom est William Arnold, nda).
A partir de quand as-tu commencé à collaborer avec Bo Diddley, dont tu étais l’harmoniciste ?
En fait, je le connaissais déjà avant de jouer avec lui. J’avais 15 ans lorsque je l’ai rencontré pour la première fois. Il jouait au coin d’une rue et je me suis présenté à lui. Il m’a alors proposé de l’accompagner, chaque week-end, dans la rue. C’est de cette manière que je l’ai rencontré…
C’est à toi que l’on doit le fameux riff d’harmonica du morceau « I’m a man » de Bo Diddley. Que cela représente-t-il pour toi d’être à l’origine de ce succès, qui a fait le tour du monde et qui a, à tout jamais, marqué l’histoire de la musique populaire du 20ème siècle ?
C’est un titre original sur lequel, en effet, je joue de l’harmonica. C’est une expérience formidable de pouvoir participer à l’élaboration d’un tel morceau.
Était-il facile de travailler avec Bo Diddley ?
Oh oui, c’était un type qui était très bon avec les autres, certainement l’un des plus gentils que j’ai eu le plaisir de côtoyer tout au long de ma vie. Lorsque je l’ai rencontré j’avais 15 ans et lui 23... Il a immédiatement fait preuve de beaucoup d’amitié à mon égard.
As-tu une idée du nombre d’enregistrements auxquels tu as participé ?
En fait je n’ai pas accompagné tant d’artistes que cela sur des enregistrements. J’ai mené ma propre carrière discographique et Bo Diddley et l’un des seuls musiciens pour lesquels j’ai enregistré des sessions.
Ton dernier album en date « Sings Big Bill Broonzy » (Electro-Fi Records/2012) est, comme son nom l’indique, un hommage au célèbre chanteur-guitariste (1898-1958). Pourquoi as-tu fait ce choix ?
J’ai également rencontré Big Bill lorsque j’avais 15 ans. Je connais très bien sa musique et je l’apprécie beaucoup. C’était aussi un ami de Sonny Boy Williamson avec lequel il a joué et enregistré. Il est l’un de mes chanteurs de blues préférés et était un gars très amical. J’aime son style « guitaristique » et sa manière de chanter. C’est pour tout cela que je tenais à l’honorer à travers cet album. Je n’ai jamais tellement souhaité rendre de tels hommages sur disque. Sauf pour Sonny Boy (l’album « Sings Sonny Boy/John Lee Williamson est paru en 2008 chez Electro-Fi Records, nda) et Big Bill car ce sont des artistes et des hommes chers à mon cœur, de véritables mentors.
Depuis quelques temps, on te retrouve avec plaisir (sur disques comme sur scène) au sein du concept « Chicago Blues : A Living History » mené par Larry Skoller. Comment as-tu été amené à travailler avec lui ?
Larry Skoller m’a contacté afin de me faire participer à ce projet au milieu de nombreux autres grands noms du genre. C’est une idée qui m’a beaucoup intéressé, le reste appartient à l’histoire (en l’occurrence de magnifiques concerts à travers le monde et deux doubles CD « Chicago Blues : A Living History » en 2009 et « The (R)evolution Continues » en 2011 sur Raisin’ Music Records, nda).
Quel est le premier conseil que tu donnerais à une jeune personne qui souhaiterait devenir harmoniciste comme toi ?
Je lui dirait simplement que pour toute personne qui a ce désir brûlant au fond de son corps, il est possible d’y parvenir. Pour cela, il faut se donner un peu de temps et, surtout, beaucoup travailler.
Es-tu content de te retrouver, une nouvelle fois, confronté au public européen ?
Oh, oui car le public européen est formidable !
Il sait d’où viennent les artistes noirs américains et savent les respecter. Il y a eu beaucoup de guerres ici, les gens savent ce qu’est la détresse et c’est, peut être, pour cela que le blues a su trouver son public de ce côté-ci de l’Atlantique. En principe, partout où il y a eu des épreuves, on aime le blues…
Quand on connait un certain chagrin, il suffit d’écouter cette musique… puis tout va mieux !
Quels sont tes projets ?
Je vais aller jouer en Angleterre puis au Canada, ainsi que de nombreux autres endroits à travers le monde.
Souhaites-tu ajouter une conclusion ?
Revenir sur le public européen que je connais depuis longtemps. Je pense que c’est le meilleur au monde !
Remerciements : Sophie Louvet et Christine Filippi (service de presse du Cognac Blues Passions), Larry Skoller et Bruno Migliano pour les photos.
http://chicagobluesalivinghistory.com
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