Billy, en premier lieu, j’aimerais te demander de te présenter à ton public français…
Il n’y a rien de plus simple !
Bonjour à toutes et tous, mon nom est Billy C.Farlow. Je suis un chanteur de blues né en Alabama, Etats-Unis d’Amérique. J’ajoute que je suis très content d’être ici…
Comment ton enfance s’est-elle déroulée en Alabama ? Est-ce là-bas que tu as été sensibilisé à la musique ?
Je suis né dans une ferme où j’ai eu la chance d’avoir une mère qui me faisait écouter beaucoup de musique, d’ailleurs elle chantait elle-même.
Elle me parlait beaucoup des chansons que l’on pouvait entendre. C’est vraiment un souvenir très précis, bien que j’étais particulièrement jeune…
Mon grand-père possédait un grand champ de coton. Il y avait une forte population noire qui venait y travailler. Le week-end, même les petits-enfants de la famille se joignaient à eux pour la récolte. De ce fait, je me retrouvais à leurs côtés et étais charmé par leurs chants. C’est sous cette double influence que j’ai décidé de commencer la pratique de la guitare. Dans le sud, beaucoup de gens aimaient la musique et jouaient au moins d’un instrument.
C’était d’ailleurs le cas dans ma famille dont beaucoup de membres étaient des adeptes du banjo, du violon… ou d’un tout autre objet à partir du moment où un son en sortait !
J’ai donc été, très tôt, baigné dans une atmosphère musicale mêlant aussi bien les influences noires que blanches.
Ce sont ces éléments qui ont donné naissance à la véritable entité de la musique du sud… qui est tellement bonne !

Par la musique de quels artistes as-tu été touché en premier ?
Probablement par celle de Hank Williams. Il était l'un des artistes les plus connus en Alabama. Il faut dire qu'il était natif de cet état (plus précisément de Mount Olive près de Georgiana, nda). Il a été une très grande star jusqu'à sa mort, le 1er janvier 1953 (il est né le 17 septembre 1923, nda).
Les gens n'arrêtaient pas de parler de lui. Quand j'étais enfant, j'entendais tout le monde l‘évoquer et raconter des histoires à son sujet. Je croyais vraiment que c'était la personnalité la plus importante de la planète !
Quand j'ai débuté l'apprentissage de la guitare, c'est avec ses chansons que je me suis exercé en premier lieu.
A la même période, j'appréciais beaucoup The Staple Singers ainsi que Jimmy Reed.
J'ai toujours été plus sensible à la musique de ce dernier alors, qu'en grande majorité, les blancs se tournaient plus naturellement vers ce que faisait BB King.
C'est lui qui m'a donné l'envie de pratiquer l'harmonica. Au même titre que Sonny Boy Williamson que j'ai eu l'occasion de rencontrer par la suite, à Chicago, après que ma famille se soit installée dans le nord du pays dans les années 1960 (à Détroit en 1963, nda).
En dehors de Sonny Boy Williamson. Quels sont les autres musiciens que tu as rencontrés ?
Je m'étais fait beaucoup d'idoles en écoutant la radio lorsque j'étais enfant. Lors de l'un des premiers voyages de ma famille à Détroit, j'ai eu l'occasion de me rendre dans un Club où se produisait Muddy Waters. J'étais encore très jeune et ne réalisais pas vraiment devant quel monument de la musique je me trouvais alors. A un moment donné il s'est approché de moi pour me parler en se présentant de la sorte "Hello, comment vas-tu mon gars, je suis Muddy Waters...".
J'en avais vraiment la chair de poule et j'avais du mal à y croire. Je lui ai donc demandé, à mon tour, comment il allait. C'était merveilleux, je devais avoir moins de 15 ans...
Je n'ai pas joué avec lui à ce moment là mais j'avais réussi à le trouver et à le rencontrer ce qui, en soit, était déjà formidable (rires) !
En tout cas, je pense que le fait de déménager à Détroit a été, pour toi, une opportunité formidable pour découvrir un blues différent par rapport à celui que tu avais l'habitude d'entendre dans le sud...
Oui, d'ailleurs j'ai exploré avec beaucoup de passion cette scène dont le "roi" était, à l'époque, John Lee Hooker. J'ai eu l'occasion d'y rencontrer beaucoup de musiciens tels qu'Eddie Burns et de nombreux autres artistes issus du label Fortune Records (fondé en 1946 par Jack & Devora Brown, nda).
Je pourrais aussi citer l'harmoniciste Little Sonny et surtout la chanteuse Sippie Wallace qui était originaire du Texas. Cette dernière (1898-1986, nda) a eu une très grande carrière et a compté, parmi ses accompagnateurs, des gens tels que Louis Armstrong dans les années 1920 (mais aussi Johnny Dodds, Sidney Bechet, King Oliver etc..., nda). J'ai eu l'occasion de croiser de nombreuses personnalités mais je crois que c'est elle qui m'a le plus impressionné.
Je pense que tu as eu la possibilité de jouer avec beaucoup de ces musiciens...
Oui, bien sûr, à de nombreuses reprises. Je participais à beaucoup de « jam sessions » donc je me suis souvent retrouvé sur scène à leurs côtés. Cela permettait de voir et d'apprendre beaucoup de choses...
Peux-tu me parler de ton premier groupe, Billy C. & The Sunshine ?
Bien sûr !
C'est un groupe du Michigan que j'ai fondé (en 1966) en compagnie du batteur Lance Dickerson qui était, auparavant, en classe avec moi. Plus tard, lorsque le groupe s'est dissout, tous les membres ont poursuivi de belles carrières.
Lance, tout comme le guitariste Larry Welker, a accompagné Charlie Musselwhite. Notre pianiste Boot Hamilton a, quant à lui, joué avec Mitch Ryder & The Detroit Wheels.
Pour ma part j'ai intégré le groupe de Sam Lay, The Mojo Workers, à Chicago (en 1968, nda).
Nous sommes tous restés dans la musique, nous n'étions pas qu'un groupe de gamins... nous étions aussi sérieux (rires) !

Conserves-tu beaucoup de bons souvenirs de cette époque de ta vie ?
C'est probablement, de toute ma carrière, ma période préférée. Tout était nouveau pour nous et, de plus, la plupart des anciens bluesmen étaient encore vivants.
Nous tournions fréquemment et, à titre personnel, lorsque j'ai rejoint Sam Lay à Chicago j'ai pu faire des jams avec quelques uns d'entre eux.
J'avais à peine 16 ans (donc probablement avant la création de Billy C. & The Sunshine, nda) quand, un soir, James Cotton m'a fait monter sur scène à ses côtés pendant une bonne vingtaine de minutes.
Quand tu es gamin, ce sont des souvenirs qui deviennent impérissable... tout devient magique !
Oui, ce sont sûrement les meilleurs moments de ma vie...
Je crois que tu es devenu, assez rapidement, un bon ami de Sam Lay (très grand batteur de l’histoire du blues de Chicago, il reste aussi connu pour sa participation au groupe The Paul Butterfield Blues Band ainsi qu’à sa collaboration avec Bob Dylan période « Highway 61 Revisited« , nda)...
Oui, je l'ai rencontré alors qu'il était le batteur de James Cotton. Il l'a quitté afin de monter sa propre formation que j‘ai intégrée. C'était un excellent leader pour moi !
L'ambiance était géniale, les filles venaient nous voir après les concerts... C'était vraiment un bon groupe au sein duquel officiaient aussi Louis Myers et Johnny Twist aux guitares et Earnest Johnson à la basse. Bref, beaucoup de pointures qui se produisaient, par ailleurs, avec les plus grands noms du Chicago Blues.
De quelle manière as-tu intégré le groupe Commander Cody and His Lost Planet Airmen ?
C'est une chose intéressante parce que je venais du monde du blues...
Détroit, dans le Michigan, était une ville qui bougeait beaucoup. Il s'y passait beaucoup de choses...
Cela est, notamment, lié au fait qu'on y trouve une très grande Université. J'y ai rencontré beaucoup de musiciens et, parmi eux, un certains nombre ne juraient que par la country music et voulaient en jouer. En les entendant, j'ai trouvé cela très "fun" et agréable à écouter.
Des souvenirs de chansons de mon enfance sont alors revenus à ma mémoire. George Frayne (aux claviers, dit Commander Cody) et John Tichy (à la guitare) ont fait remonter beaucoup de choses en moi...
Ils m'ont, à nouveau, sensibilisé à cette musique que j'avais complètement oubliée. Nous avons commencé à jouer ensemble et c'est devenu merveilleux...
Nous nous sommes, très vite, installés en Californie où de nouveau musiciens se sont joints à nous dont mon complice Lance Dickerson ainsi que Buffalo Bruce.
La machine s’est emballée, la suite appartient à l’histoire…
Aujourd'hui, que représente pour toi le fait d'avoir été le chanteur d'un tel groupe (tous leurs albums, de 1971 à 1977, se sont classés dans les « charts » américains, nda) ?
C'est la meilleure chose qu'il pouvait m'arriver...
Nous avons voyagé dans le monde entier, réalisé des chansons qui sont devenues des hits et pris beaucoup de bon temps tous ensemble.
C'est une très belle période de mon existence. Elle a duré 12 ans...
J'ai à nouveau chanté pour Commander Cody, durant une période très courte, dans les années 1990. Il y avait beaucoup de nouveaux gars qui l‘accompagnaient...
J'ai préféré avoir mon propre ensemble et revenir au blues...

Je crois qu'après avoir quitté Commander Cody and His Lost Planet Airmen tu as continué de vivre en Californie...
Le guitariste de Commander Cody and His Lost Planet Airmen, Bill Kirchen, vivait en Californie. Un endroit complètement fou où il se sentait vraiment très bien. Tout comme le batteur de Bill C. & The Sunshine, Lance Dickerson, qui m'avait suivi dans l'aventure...
Il était important pour nous tous d'être à un endroit où il se passait beaucoup de choses d'un point de vue musical et où nous aurions plus de facilité à trouver du travail et une maison de disques. En Californie, tu pouvais vivre en hippie et jouer de la country music. C'était une chose complètement naturelle.
New-York aurait aussi pu être une solution pour nous mais la côte ouest possédait une ambiance propre à elle et, de plus, on y trouvait encore une certaine culture "western". Cette état des USA se souvenait de son passé...
A Nashville, dans le Tennessee, l'ambiance est plus stricte... plus conservatrice.
C'est dans les années 1980 que tu es, définitivement, revenu dans le sud...
En Californie, j'avais un groupe de country & western (avec le pianiste Billy Philadelphia) qui tournait bien.
Lorsque cette expérience s'est arrêtée j'ai, à nouveau, déménagé dans le sud avec ma famille.
J'ai arrêté la musique pendant quelques années. Je travaillais dans une ferme, dans le Tennessee, où j'élevais des vaches, des cochons etc...
Un jour, quelqu'un est venu de Nashville pour me pousser à réenregistrer. Il avait appris que j'étais revenu dans le sud....
Il voulait me faire faire de la country music mais s'est rendu compte que je pouvais aussi faire du blues. Il m'a donc proposé de laisser tomber les titres de Johnny Cash qui étaient prévus et m'a dit "fais ton propre blues". C'est ainsi que j'ai pu réaliser mon premier CD en solo, au début des années 1990 ou quelque chose comme ça....
Justement, peux-tu revenir sur ta discographie enregistrée sous ton propre nom ?
J'ai enregistré 4 ou 5 Cd produits par un guitariste de Nashville nommé Fred James. C'est quelqu'un qui a travaillé avec de nombreux artistes de blues.
Par la suite j'ai fait des sessions pour des artistes comme Bleu Jackson puis, comme je te le disais, à nouveau pour Commander Cody. J'ai aussi enregistré pour Rich Kurch qui avait été, pendant 14 ans, le guitariste de John Lee Hooker. Ce dernier était notre grand dénominateur commun puisque, moi aussi, j’ai eu l’occasion de croiser la route de ce géant du blues.
En fait pour en revenir à ta question initiale, j'ai enregistré une dizaine d'albums sous mon propre nom.
Mon premier enregistrement, pour le label Fortune Records, date de mes débuts à Détroit. C'était avec Eddie Kirkland, le grand complice de John Lee Hooker. Je jouais de l'harmonica pour lui. Je ne joue que sur un titre mais cela a constitué un démarrage idéal pour ma carrière !
Comment définirais-tu, finalement, ton style personnel ?
On pourrait le qualifier de blues ou de rock mais je préfère les termes swamp, swamp rock ou tout simplement roots...
Le mot roots me convient bien en fait. Mon style est composé de tellement d'éléments différents...
Peux-tu me parler du groupe Mercy avec lequel tu as enregistré ton dernier album et qui t'accompagne sur cette tournée ?
Oui, il y a Jean-Paul Avellaneda aux guitares, Bruno Quinonero à la basse et Stéphane Avellaneda à la batterie (remplacé sur cette tournée par Romuald Lopinto). Les deux batteurs que j'utilise sont très bons, ils jouent dans le même style. Romuald est aussi professeur de batterie. Mercy est un très bon groupe et c'est un réel plaisir de travailler avec eux.
Le fait de te produire en Europe représente-t-il quelque chose de particulier pour toi ?
J'y suis venu à de nombreuses reprises avec des groupes différents. Les gens que je rencontre ici savent ce qu'est le vrai blues. Ils connaissent l'histoire de cette musique. Il est difficile de trouver des spectateurs qui ne savent pas qui sont Robert Johnson, Muddy Waters ou Sonny Boy Williamson. C'est un plaisir de se produire pour ces gens qui sont des connaisseurs...
Quels sont tes projets ?
Promouvoir ce nouveau CD "Alabama Swamp Stomp", produit par Jean-Philippe Kaufmann et édité par le label Crosscut Records.
Je travaille déjà sur de nouvelles chansons que je pourrais très bien enregistrer, à nouveau, avec le groupe Mercy. Ce combo est vraiment solide et fait de la bonne musique.
Il prouve que l'on peut prendre du bon temps tout en restant sérieux !
Dans cet entretien, j'ai oublié de préciser que tu es un grand « songwriter » (Billy a, notamment, signé de nombreux succès pour le groupe Commander Cody, nda)...
J'écris beaucoup en essayant de me baser sur ma propre expérience de la vie. En tout cas c'est vraiment le cas sur mon dernier CD. Par exemple "Magnolia Darlin'" est un clin d'oeil à ma petite amie. On y trouve, aussi, aussi des titres plus enlevés comme "Jenny's Comin' Home" qui parle d'une femme "redneck" un peu folle qui quitte son mari... Cela se règle à coups de flingues (rires) !
Tous ces titres sont très caractéristiques de la culture du sud ("southern culture") des USA.
Souhaites-tu ajouter une conclusion ?
Simplement te dire que je suis très heureux d'être ici !
Je suis touché par le fait que tu ais pris le temps de m'interviewer.
Je voudrais saluer les gens qui nous lisent sur ton site internet ou qui nous écoutent dans le cadre de ton émission de radio. Je les invite, bien sûr, à découvrir mon nouveau CD. Si ça leur plaît j'espère qu'il viendront nous voir lors d'une prochaine tournée. J'aime le contact avec le public, c'est un des grands plaisirs de ce métier...
Remerciements : Jean-Phi Kaufmann
www.billycfarlow.com
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