Black Cat Crossin’
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST

Nda : Black Cat Crossin’ est un groupe qui n’aime pas poser et qui ne jure que par la spontanéité. L’écoute de son premier album, « Too Many Things To Light », en est la preuve irréfutable. Dégoulinant d’une énergie aussi brute que pure, le disque nous fait tomber dans une véritable faille spatio-temporelle. Si cette dernière convoque les âmes de nos illustres modèles, elle sait aussi nous ramener vers des faits et des sonorités résolument inhérentes à notre époque.Plaintes blues et désarroi sont donc au rendez-vous, sans pour autant masquer la fabuleuse fureur d’exister d’un quintet qui manie aussi bien l’ironie qu’une énergie revisitée à la sauce garage rock. A quelques jours de la sortie du disque, Black Cat Crossin’ est venu rendre une visite à l’émission Route 66…afin de répondre aux questions qui suivent.

Quels sont vos cursus musicaux respectifs, en amont de la fondation du groupe ? 66
Stéphane Kirchherr : Nous avons tous commencé dans des associations musicales alsaciennes. Nous avons beaucoup travaillé avec des communautés de communes, tout en ayant nos propres groupes. Nos chemins se croisaient régulièrement, au fil d’évènements scéniques. Cela doit faire, aujourd’hui, une dizaine d’années que nous nous connaissons. A titre personnel, je me suis formé sur le terrain en jouant avec diverses formations. Notre bassiste Théo est, quant à lui, issu du Conservatoire.
Anthony Metté : Pour ma part, j’étais en Ecole de Musique (Fac de Musicologie) après avoir eu un groupe de rock au Lycée.
Jérémy Lorentz : Je suis un autodidacte et je joue avec Stéphane depuis de nombreuses années…

Quel est votre rapport au blues? De quelle manière chacun d’entre vous a-t-il découvert cette musique ?
Stéphane Kirchherr : Le blues est venu par le biais d’un « travail d’archéologie musicale ». C'est-à-dire en recherchant les influences des groupes que j’écoutais alors que j’étais lycéen. Ainsi, j’ai découvert Leadbelly en écoutant l’album « Unplugged » de Nirvana. Je me demandais d’où cela venait… Les White Stripes ont enfoncé le clou, ce groupe demeure l’une de mes plus grandes références musicales. En me renseignant et en lisant les interviews de ces artistes, j’ai appris à connaitre des noms de bluesmen. C’est ainsi qu’Howlin’ Wolf, Sonny Boy Williamson et les autres me sont devenus familiers. Pendant une longue période, je n’ai plus écouté que cela.
Jérémy Lorentz : C’est pareil pour moi et, avec Stéphane, nous nous faisions découvrir certains artistes propres à cet idiome (comme Robert Johnson et Son House). Nous nous prêtions nos disques et en empruntions à la médiathèque. Cette découverte du blues a été brutale et, au départ, nous avons eu du mal à nous y mettre. De fil en aiguille, nous ne pouvions plus nos arrêter d’en écouter. Nous avons creusé de plus en plus le sillon de cette musique qui est si prenante…
Stéphane Kirchherr : A cette époque, internet n’était pas omniprésent. Donc nous cherchions les disques avec assiduité et patience. Nous avons passé des heures entières dans des médiathèques et chez les disquaires. C’est de cette manière que nous avons pu réunir les multiples morceaux de cette musique.

Vous faisiez, à travers The White Stripes, référence à Jack White. Ce dernier a, probablement, ouvert une brèche en déchirant les étiquettes (en mélangeant sons roots et musiques plus actuelles). Vous avez, totalement, intégré cette démarche en l’appliquant à votre musique…
Stéphane Kirchherr : Oui, exactement ! Notre groupe est basé sur une démarche assez similaire. Nous nous sommes retrouvés de manière « informelle » afin d’improviser sur du blues. Rien n’était prémédité et nous n’avions établi aucun plan. Nous étions, simplement, attirés par le blues et nous avons développé un son au fur et à mesure. Dès lors, notre but a été de conserver une base de blues ancien tout en travaillant avec des sons nouveaux. Nous ne voulions pas sonner comme du Chicago blues classique. Nous voulions y intégrer divers univers, comme le garage rock. A ce titre, la démarche de Jack White a toujours été très importante à nos yeux.

Etes-vous remonté jusqu’à la scène garage des années 1960, en écoutant des groupes tels que The Sonics ou The Trashmen qui ont été parmi les premiers à « cradifier » le rock’n’roll ?
Stéphane Kirchherr : Oui, d’ailleurs ta formule est parfaite. « Cradifier » le rock’n’roll est une chose primordiale en ce qui nous concerne. C’est presque devenu un gimmick pour Anthony. Souvent, lorsque nous répétons des nouveaux morceaux, il s’arrête pour nous dire « c’est trop propre, cela ne me plait pas ». Du coup il massacre le truc afin de lui apporter une touche plus sale, plus expressive et pour le rendre plus vivant.

La couleur musicale de votre premier E.P. était-elle très différente de celle que vous employez actuellement ?
Jérémy Lorentz : Notre musique, à ce moment-là, était moins typée. Nous avons « maturé » notre son avant de sortir l’album. Nous y explorons de nouvelles facettes de notre musique, même si les bases primordiales de cette dernière sont inscrites dans l’ADN du groupe depuis toujours. Avec notre comparse Stéphane Bonacci, qui a enregistré et mixé l’album, nous avons fait en sorte d’aller le plus loin possible. Il a pris le temps de chercher, afin que le résultat soit le plus naturel, le plus percutant et le plus typé possible. Nous ne voulions pas tomber dans des stéréotypes qui sont, souvent, utilisés dans le blues.
Stéphane Kirchherr : Dans notre travail de composition,l’idée des Black Cat Crossin’ a sensiblement évolué. Notre but de départ, était vraiment de prendre des thèmes propres au blues, pour les retravailler. Sur l’album, il s’agit de compositions pures…ponctuées par quelques clins d’œil. Notre démarche consiste à gagner en originalité.

Votre son a, également, gagné suite aux concerts que vous avez donnés…
Stéphane Kirchherr : Tout le groupe repose sur le live. Avant que nous nous lancions vraiment, il n’y a eu que l’E.P. auquel tu faisais référence. Donc, tout s’est construit au fil de nos concerts. Avec l’album, notre démarche est de mettre en avant des arrangements et des clips. Nous souhaitons travailler tout ce qu’il y a autour de la scène car, auparavant, nous ne nous focalisions que là-dessus. Notre son s’est créé en jouant…
Jérémy Lorentz : Nous avons, malgré tout, déconstruit les morceaux que nous jouions depuis des années. Il faut dire que nous nous sommes aperçus que ces derniers évoluaient gig après gig. Notre envie de créer quelque chose de nouveau a donné naissance à ce disque.

Pouvez-vous, justement, revenir sur la conception de ce dernier ?
Stéphane Kirchherr : Cela s’est fait dans la douleur car nous y avons passé près d’une année (entre l’enregistrement, le mastering etc.) pour le créer. Pour cela, nous avons été contraints d’opérer une « pause scénique ». Nous souhaitions, vraiment, nous poser pour écrire et arranger. De ce fait, énormément de choses ont été rejetées ou remaniées. Beaucoup d’idées se sont « clashées » entre elles. Il fallait trouver notre juste milieu entre blues, garage et arrangements ciselés. En effet, un titre tel que « May 1968 » va assez loin dans la finesse. De plus, il était primordial de conserver notre aspect brut. Trouver l’équilibre entre ces deux contraintes a pris du temps. Beaucoup de morceaux ont été rejetés et de nombreuses choses ont été remaniées avant que nous en soyons satisfaits. Nous voulions que chacun d’entre nous aime chaque titre…et soit content de le jouer !

Tout le groupe a participé au travail d’écriture. Toi Stéphane, tu t’es vraiment impliqué dedans. Certains textes font même preuve d’un certain engagement. Quel était l’état d’esprit qui t’animait lors de cette étape de la conception du disque ?
Stéphane Kirchherr : Il ne s’agit pas d’un « concept album » mais j’étais dans un état d’esprit qui me poussait à ne pas faire des choses trop personnelles. Je refusais toute écriture trop introspective, comme cela se fait dans le songwriting classique. J’avais en tête les premiers albums de Bob Dylan mais je n’estime pas avoir écrit des protest songs. J’écrivais les morceaux en lisant des articles de presse et en voulant évoquer autre chose que ma propre personne. Je voulais faire une sorte de photo (en noir et blanc) de ce qu’il se passe à l’extérieur.

Impossible de ne pas évoquer le titre « May 1968 »…
Stéphane Kirchherr : La trame de fond de l’album est cette hypocrisie que l’on retrouve face à des choses telles que Mai 68. Il s’agit de faits qui sont devenus des objets de marketing, des imageries remaniées, travesties et qui deviennent désuètes.

On sent une multitude d’influences sur l’album (du piano évoquant New-Orleans, jusqu’aux chœurs gospel)…
Stéphane Kirchherr : Les harmonies vocales sont très importantes pour nous. Nous souhaitions cet apport, sans que cela ne prenne trop de place…ce qui nous a demandé un certain travail. La puissance de plusieurs voix qui sonnent à l’unisson est une chose qui nous plait depuis le début. Cela fait partie de la « marque de fabrique » du groupe… Nous nous inspirons des chants de travail et de tous ces gens qui se contentaient de « taper sur des bouts de bois ».

La photo illustrant « Too Many Things To Light », dans ce milieu industriel, est-elle également porteuse d’un message ?
Stéphane Kirchherr : Cet univers graphique correspond à notre univers musical. Nous souhaitions une photo dynamique, qui se situe dans un univers industriel…en noir et blanc mais sans être sombre. Cette dominance du blanc était réfléchie… Le photographe qui est l’auteur du cliché est Matthieu Noiret. Il a beaucoup de talent et travaille encore en argentique (ce qui est très cohérent avec notre travail, puisque nous enregistrons sur bandes). C’est un ancien de la Marine, qui est constamment en voyage. Il est très difficile de rentrer en contact avec lui. Il a tout lâché pour vivre sa passion à travers le monde. Il prend des photos très sociales, très brutes… Cela est plus « caractériel » que tout ce que l’on peut voir par ailleurs.

Remerciements : Caroline Vonfelt (Sin-Zéo)

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Interview réalisée au Studio RDL - Colmar
le 29 novembre 2017

Propos recueillis par David BAERST

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