Bo Weavil 2
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST


Boogie Matt (Matthieu Fromont), lors de notre première rencontre, j'avais omis de te poser une question se rapportant à ton parcours musical. Peux-tu revenir sur celui-ci et sur l'avant Bo Weavil ?
L'avant Bo Weavil c'était quand j'étais gamin ! En effet, le groupe fête ses douze ans d'existence cette année…

J'ai eu la chance de naître dans une famille de musiciens et, dès mon plus jeune âge, j'ai été bercé par la musique de mes parents. Comme j'ai vécu dans plusieurs studios d'enregistrement, durant mon enfance, j'ai connu la joie de croiser de nombreux artistes qui venaient enregistrer leurs disques. J'ai aussi accompagné, tout gamin, mes parents lors de tournées…

Je me suis mis à la guitare à l'adolescence, après avoir commencé par les tablas à l'âge de 6 ans et par la batterie à l'âge de 8 ans. En fait, c'est vers l'âge de 17 ou 18 ans que je me suis réellement mis sérieusement à la guitare.

A cette même époque, j'avais croisé la route de Jean-Jacques Milteau qui m'a transmis l'amour de l'harmonica. J'en ai beaucoup joué pendant 4 ans.

J'avais, un temps, arrêté la guitare car je m'étais fait voler la mienne. C'est une rencontre très importante dans ma carrière de musicien qui m'a permis de m'y remettre. J'ai, en effet, rencontré Lee Hallyday, le beau-père de Johnny qui l'avait mis sur les planches alors que ce dernier n'était encore qu'un gamin.

Je l'ai fréquenté pendant quelques temps dans les années 1990-91. Il m'a fait un cadeau conséquent en arrivant un jour avec une guitare qu'il m'a offerte tout en m'encourageant à me lancer dans une carrière artistique. J'ai donc intégré une école de Jazz à Paris.

Bien que payant une année complète, au bout de 2 ou 3 mois j'ai quitté les cours car le niveau était bien supérieur à ce que je pouvais imaginer. Il faut dire qu'à cette époque je savais juste bien interpréter l'introduction de " Johnny B. Goode " de Chuck Berry (rires) ainsi que quelques shuffles et quelques Blues. Cependant, cette école m'a tout de même permis d'apprendre quelques petites choses et surtout d'y rencontrer de nombreux musiciens avec lesquels j'ai formé mes premiers groupes. Dans un de ces groupes figurait Stan Noubar Pacha qui est un guitariste que j'apprécie particulièrement.

J'y ai aussi croisé Romain Golivet qui est le pianiste qui joue sur les 2 derniers albums des Bo Weavil. Ce dernier m'a offert l'opportunité de rencontrer Vincent " Sleepy Vince " Talpaert (contrebassiste du groupe, Nda) qui est mon collègue de toujours au sein des Bo Weavil.

Justement, quelle est la configuration exacte du groupe, puisque j'ai pu vous voir aussi bien en duo qu'en trio ?
Pour des raisons techniques, nous n'avons pas pu emmener avec nous notre pianiste. Il n'est pas toujours évident d'avoir des pianos sur place dans les endroits dans lesquels nous nous produisons.

D'autant plus que nous avons toujours refusé de jouer sur des synthés car leurs sons ne nous conviennent pas. Aujourd'hui, je tiens toujours à intégrer un pianiste, d'autant plus que les pianos électriques et les Wurlitzer se sont considérablement améliorés.

J'espère que nous pourrons concrétiser la chose prochainement. Cependant, nous jouons depuis cet hiver avec un batteur, Denis Beaudrillard, qui nous avait déjà accompagnés en 1995-96. Cette formule de trio ne se fera plus mais nous intégrons de temps à autre un troisième membre au groupe.

Il est vrai que Bo Weavil est avant tout un duo. Pour la simple raison que c'est plus simple et plus économique. De ce fait, sur tous nos concerts, nous en avons fait au moins 90% à deux.

Pourquoi avoir choisi cette symbolique de " fossoyeurs " pour la pochette de l'album ?
Cela s'est fait par le plus grand des hasards. Pendant le mixage de l'album, une nuit, vers les 3-4 heures du matin, un ami de notre producteur est venu nous rendre visite.

Etant photographe, il a cherché son matériel et nous a photographiés juste devant l'entrée du studio par un froid de canard.
Nos instruments étaient restés au fond du studio et comme nous cherchions des éléments à prendre dans les mains, nous avons simplement saisi une pioche et une pelle qui traînaient là.

Après coup, ce concept de " fossoyeurs " est venu, il correspond au nom de l'album " Mo' Diggin' " (A Rag Records, Nda) qui signifie creuser un peu plus.

Ceci veut dire -creuser un peu plus près des racines- pour nous, mais aussi -prendre son pied- en argot américain. Le côté sombre et vaudou colle aussi très bien, il faut l'avouer, à notre style de musique.

C'est peut-être aussi une façon de représenter votre talent à " ressusciter " des vieux blues ?
Oui, il y a de ça…
Chacun y voit ce qu'il a envie d'y voir. Nous avons trouvé une forme de liaison entre le titre, la pochette et un rappel de certaines chansons qui sont dans l'album.

Comment s'est passée l'élaboration de l'album, tant au niveau des titres qu'au niveau technique, puisque sur vos anciens disques vous utilisiez du matériel " vintage " ?
En effet les précédents albums avaient été enregistrés en Suède avec du matériel " vintage ", le même qu'utilisait Elvis Presley sur Sun Records à son époque.

Pour " Mo' Diggin' ", notre producteur nous a emmenés dans un studio à la pointe avec une console incroyable de chaleur. Nous avons utilisé l'outil qu'on nous a mis dans les mains et avons décidé d'enregistrer à un niveau pas trop fort de façon à profiter pleinement des machines et des ré-enregistrements. En effet, pour quelques morceaux nous avons fait des " re-recordings " pour trouver des ambiances.

En ce qui concerne le choix des morceaux, j'avais quelques compositions dans la poche. J'avais aussi cette vieille envie de rassembler sur un album quelques titres de piliers du Blues. J'avais envie de rendre hommage aux textes du Blues et à quelques chansons principales du genre. Celles qui m'ont fait le plus vibrer.
Le choix a été très difficile…

Y a-t-il des thèmes récurrents que tu souhaites souvent aborder ou bien est-ce complètement aléatoire ?
Les thèmes récurrents sont ceux que l'on retrouve généralement dans les textes de Blues comme les amours ratées ou l'espoir. Il y a aussi des titres créés pour faire la fête.
Dans la façon dont j'écris mes textes, je m'inspire beaucoup du vocabulaire du Blues tout en faisant des chansons qui me soient propres et qui portent mon vécu. C'est souvent des mots simples, inutile de faire de grandes frasques littéraires pour exprimer cela.

Le Blues n'est pas vraiment de la poésie, c'est un sentiment et il n'y a pas besoin de 12.000 mots pour exprimer le Blues.

As-tu une idée du public des Bo Weavil, j'ai l'impression que c'est un public assez jeune en moyenne ?
Nous avons depuis toujours ce public de fans de Blues, ces " Blues Society " que l'on retrouve partout en Europe. Ce sont des gens qui, en général, n'ont pas moins de 35 ans.

Il y a aussi le public " Rock'n'Roll " qui est un peu moins âgé et, depuis peu de temps, nous ressentons un certain intérêt des plus jeunes qui découvrent cette musique.

L'intérêt est, à nouveau, de plus en plus croissant pour les musiques pures, avec des guitares électriques, comme le Blues et le Rock.

Vous êtes un groupe très attaché à la scène, combien de concerts faites-vous par an ?
Nous en avons fait une multitude pendant plusieurs années. Avec le deuxième album, paru en 2001, nous n'avons pas arrêté de tourner de nombreuses années.

A tel point que nous n'avions plus le temps de nous poser pour retravailler autre chose et retourner en studio. C'est, en partie, pour cela que tant d'années se sont écoulées entre nos deux derniers disques.

Ces derniers temps, nous avons fait moins de scène car nous sélectionnons davantage les endroits dans lesquels nous nous produisons. Nous privilégions les vraies salles de spectacles au détriment des cafés et des bars. De ce fait, nous faisons environ 50 concerts par an.

Vous avez, de surcroît, toujours le privilège d'être l'un des seuls groupes français à réussir à vous exporter…
Oui, nous avons commencé les tournées à l'étranger en 1997-98. Nous avons eu une grande période sur le Benelux, puis sur l'Espagne, la Scandinavie avec la Finlande qui nous soutient depuis toujours, l'Allemagne, la Suisse, l'Italie, l'Autriche etc…

C'est un peu plus délicat en Angleterre car il y a un nombre incalculable de très bons musiciens, la concurrence y est rude ! De plus, les tarifs n'y sont pas trop attrayants, ce n'est donc pas très motivant de traverser la Manche.

L'idée de chanter en français ne t'a jamais effleuré ?
C'est une question que je me pose depuis des années. A un moment donné, j'estimais qu'il était essentiel de chanter en français pour faire une carrière. Cependant, ceci réduit la notoriété d'un artiste à la France. Il faut dire que dans des pays comme la Belgique et la Hollande les gens ne veulent pas entendre de Blues en français.
Comme nous avons eu très tôt la possibilité de faire une carrière internationale en chantant en anglais, nous n'avons rien changé.

Il faut ajouter à cela qu'exprimer du Blues en français n'est pas la même démarche que le faire en anglais. Une idée simple qui prendra 3 ou 4 mots en anglais sera beaucoup plus longue à exprimer en français.
Je n'ai pas envie de m'attacher à des tas de mots, je préfère donner une impulsion et une émotion sur un seul mot et pouvoir " pleurer " ce mot. Je me sens beaucoup plus à l'aise à le faire en anglais qu'en français.

Peux-tu me parler de cette relation avec Ben Harper avec lequel tu partageras la scène de l'Olympia demain ?
Tout cela s'est passé par l'intermédiaire de notre producteur dont le cousin travaille auprès de Ben Harper à Los Angeles.

C'est par cette connexion que ce dernier a découvert nos albums il y a 2 ou 3 ans. Il y a eu un autre contact par l'intermédiaire de James Trussart (Luthier renommé installé à Los Angeles, Nda) qui a aussi parlé de nous à Ben Harper.

Le fait de le rencontrer est un moment que j'attends depuis longtemps. Ce qu'il a fait pour nous est incroyable, c'est tombé du ciel.

Est-ce que tu appréhendes le fait de te frotter à un nouveau public qui ne connaît pas le groupe ?
Un concert est un concert, un public est un public. Je n'ai pas de façons différentes de l'appréhender. Il suffit juste, parfois, de s'adapter. Pour le concert de Ben Harper nous jouerons, de façon relativement " soft ", notre Country-Blues.

C'est sûr que l'Olympia est une salle renommée et je ne cache pas un certain petit trac mais nous avons vu d'autres salles et d'autres foules. Ce n'est donc pas cela qui m'impressionne le plus. Je suis plus impressionné à l'idée de rencontrer Ben que de jouer à L'Olympia finalement (rires) !

As-tu des souhaits pour le futur ou des projets qui se concrétiseraient ?
Pour ce qui est de l'avenir, j'ai l'intention de sortir, cette année, un album solo qui est la formule dans laquelle j'ai commencé jusqu'à nos premières tournées importantes avec Bo Weavil.

Je serai un " One Man Band " jouant aussi bien de la batterie, que de la guitare, que de l'harmonica.
Ceci se fera dans un style pur et dur, très " roots ".

Parallèlement à cela nous allons travailler sur le prochain album des Bo Weavil qui, à l'image du dernier, aura une sonorité plus moderne. Nous essayerons, en tout cas, d'apporter un regard nouveau sur le Blues.

As-tu autre chose à ajouter en conclusion ?
En conclusion, je demanderai aux jeunes qui nous lisent d'aller s'inscrire, très rapidement, sur les listes électorales afin de prévoir l'année 2007. Pour ne pas nous retrouver avec un gros pavé dans la mare…

www.bo-weavil.com

PS/ Suite à un problème plus humain que technique, les photos prises lors de l'entretien ne sont pas exploitables. De ce fait ce sont des clichés de Dimitri Coste, issus du dossier de presse du groupe, qui vous sont ici proposés.

Remerciements: Sophie Neveu, Isabelle et Jim Morrison qui, à quelques mètres de nous, a probablement écouté la vision du Blues de Matt avec une certaine délectation...


 
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Les liens :

Le site : bo-weavil.com

Interview réalisée à
Paris 20ème - Bar le Loup Pascalou
le 26 Juin 2006

Propos recueillis par
David BAERST

En exclusivité !

Interview de Bo Weavil

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