Boogie Matt (Matthieu Fromont), lors de notre première
rencontre, j'avais omis de te poser une question se rapportant à
ton parcours musical. Peux-tu revenir sur celui-ci et sur l'avant Bo Weavil
?
L'avant Bo Weavil c'était quand j'étais gamin ! En effet,
le groupe fête ses douze ans d'existence cette année
J'ai eu la chance de naître dans une famille de musiciens et, dès
mon plus jeune âge, j'ai été bercé par la musique
de mes parents. Comme j'ai vécu dans plusieurs studios d'enregistrement,
durant mon enfance, j'ai connu la joie de croiser de nombreux artistes
qui venaient enregistrer leurs disques. J'ai aussi accompagné,
tout gamin, mes parents lors de tournées
Je me suis mis à la guitare à l'adolescence, après
avoir commencé par les tablas à l'âge de 6 ans et
par la batterie à l'âge de 8 ans. En fait, c'est vers l'âge
de 17 ou 18 ans que je me suis réellement mis sérieusement
à la guitare.
A cette même époque, j'avais croisé la route de Jean-Jacques
Milteau qui m'a transmis l'amour de l'harmonica. J'en ai beaucoup
joué pendant 4 ans.
J'avais, un temps, arrêté la guitare car je m'étais
fait voler la mienne. C'est une rencontre très importante dans
ma carrière de musicien qui m'a permis de m'y remettre. J'ai, en
effet, rencontré Lee Hallyday, le beau-père de Johnny
qui l'avait mis sur les planches alors que ce dernier n'était encore
qu'un gamin.
Je l'ai fréquenté pendant quelques temps dans les années
1990-91. Il m'a fait un cadeau conséquent en arrivant un jour avec
une guitare qu'il m'a offerte tout en m'encourageant à me lancer
dans une carrière artistique. J'ai donc intégré une
école de Jazz à Paris.
Bien que payant une année complète, au bout de 2 ou 3 mois
j'ai quitté les cours car le niveau était bien supérieur
à ce que je pouvais imaginer. Il faut dire qu'à cette époque
je savais juste bien interpréter l'introduction de " Johnny
B. Goode " de Chuck Berry (rires) ainsi que quelques shuffles
et quelques Blues. Cependant, cette école m'a tout de même
permis d'apprendre quelques petites choses et surtout d'y rencontrer de
nombreux musiciens avec lesquels j'ai formé mes premiers groupes.
Dans un de ces groupes figurait Stan Noubar Pacha qui est un guitariste
que j'apprécie particulièrement.
J'y ai aussi croisé Romain Golivet qui est le pianiste
qui joue sur les 2 derniers albums des Bo Weavil. Ce dernier m'a offert
l'opportunité de rencontrer Vincent " Sleepy Vince "
Talpaert (contrebassiste du groupe, Nda) qui est mon collègue
de toujours au sein des Bo Weavil.
Justement, quelle est la configuration exacte
du groupe, puisque j'ai pu vous voir aussi bien en duo qu'en trio ?
Pour des raisons techniques, nous n'avons pas pu emmener avec nous notre
pianiste. Il n'est pas toujours évident d'avoir des pianos sur
place dans les endroits dans lesquels nous nous produisons.
D'autant plus que nous avons toujours refusé de jouer sur des
synthés car leurs sons ne nous conviennent pas. Aujourd'hui, je
tiens toujours à intégrer un pianiste, d'autant plus que
les pianos électriques et les Wurlitzer se sont considérablement
améliorés.
J'espère que nous pourrons concrétiser la chose prochainement.
Cependant, nous jouons depuis cet hiver avec un batteur, Denis Beaudrillard,
qui nous avait déjà accompagnés en 1995-96. Cette
formule de trio ne se fera plus mais nous intégrons de temps à
autre un troisième membre au groupe.
Il est vrai que Bo Weavil est avant tout un duo. Pour la simple raison
que c'est plus simple et plus économique. De ce fait, sur tous
nos concerts, nous en avons fait au moins 90% à deux.
Pourquoi avoir choisi cette symbolique de "
fossoyeurs " pour la pochette de l'album ?
Cela s'est fait par le plus grand des hasards. Pendant le mixage de l'album,
une nuit, vers les 3-4 heures du matin, un ami de notre producteur est
venu nous rendre visite.
Etant photographe, il a cherché son matériel et nous a
photographiés juste devant l'entrée du studio par un froid
de canard.
Nos instruments étaient restés au fond du studio et comme
nous cherchions des éléments à prendre dans les mains,
nous avons simplement saisi une pioche et une pelle qui traînaient
là.
Après coup, ce concept de " fossoyeurs " est venu, il
correspond au nom de l'album " Mo' Diggin' " (A Rag
Records, Nda) qui signifie creuser un peu plus.
Ceci veut dire -creuser un peu plus près des racines- pour nous,
mais aussi -prendre son pied- en argot américain. Le côté
sombre et vaudou colle aussi très bien, il faut l'avouer, à
notre style de musique.
C'est peut-être aussi une façon de
représenter votre talent à " ressusciter " des
vieux blues ?
Oui, il y a de ça
Chacun y voit ce qu'il a envie d'y voir. Nous avons trouvé une
forme de liaison entre le titre, la pochette et un rappel de certaines
chansons qui sont dans l'album.
Comment s'est passée l'élaboration
de l'album, tant au niveau des titres qu'au niveau technique, puisque
sur vos anciens disques vous utilisiez du matériel " vintage
" ?
En effet les précédents albums avaient été
enregistrés en Suède avec du matériel " vintage
", le même qu'utilisait Elvis Presley sur Sun Records à
son époque.
Pour " Mo' Diggin' ", notre producteur nous a emmenés
dans un studio à la pointe avec une console incroyable de chaleur.
Nous avons utilisé l'outil qu'on nous a mis dans les mains et avons
décidé d'enregistrer à un niveau pas trop fort de
façon à profiter pleinement des machines et des ré-enregistrements.
En effet, pour quelques morceaux nous avons fait des " re-recordings
" pour trouver des ambiances.
En ce qui concerne le choix des morceaux, j'avais quelques compositions
dans la poche. J'avais aussi cette vieille envie de rassembler sur un
album quelques titres de piliers du Blues. J'avais envie de rendre hommage
aux textes du Blues et à quelques chansons principales du genre.
Celles qui m'ont fait le plus vibrer.
Le choix a été très difficile
Y a-t-il des thèmes récurrents que
tu souhaites souvent aborder ou bien est-ce complètement aléatoire
?
Les thèmes récurrents sont ceux que l'on retrouve généralement
dans les textes de Blues comme les amours ratées ou l'espoir. Il
y a aussi des titres créés pour faire la fête.
Dans la façon dont j'écris mes textes, je m'inspire beaucoup
du vocabulaire du Blues tout en faisant des chansons qui me soient propres
et qui portent mon vécu. C'est souvent des mots simples, inutile
de faire de grandes frasques littéraires pour exprimer cela.
Le Blues n'est pas vraiment de la poésie, c'est un sentiment et
il n'y a pas besoin de 12.000 mots pour exprimer le Blues.
As-tu une idée du public des Bo Weavil,
j'ai l'impression que c'est un public assez jeune en moyenne ?
Nous avons depuis toujours ce public de fans de Blues, ces " Blues
Society " que l'on retrouve partout en Europe. Ce sont des gens
qui, en général, n'ont pas moins de 35 ans.
Il y a aussi le public " Rock'n'Roll " qui est un peu moins
âgé et, depuis peu de temps, nous ressentons un certain intérêt
des plus jeunes qui découvrent cette musique.
L'intérêt est, à nouveau, de plus en plus croissant
pour les musiques pures, avec des guitares électriques, comme le
Blues et le Rock.
Vous êtes un groupe très attaché
à la scène, combien de concerts faites-vous par an ?
Nous en avons fait une multitude pendant plusieurs années. Avec
le deuxième album, paru en 2001, nous n'avons pas arrêté
de tourner de nombreuses années.
A tel point que nous n'avions plus le temps de nous poser pour retravailler
autre chose et retourner en studio. C'est, en partie, pour cela que tant
d'années se sont écoulées entre nos deux derniers
disques.
Ces derniers temps, nous avons fait moins de scène car nous sélectionnons
davantage les endroits dans lesquels nous nous produisons. Nous privilégions
les vraies salles de spectacles au détriment des cafés et
des bars. De ce fait, nous faisons environ 50 concerts par an.
Vous avez, de surcroît, toujours le privilège
d'être l'un des seuls groupes français à réussir
à vous exporter
Oui, nous avons commencé les tournées à l'étranger
en 1997-98. Nous avons eu une grande période sur le Benelux, puis
sur l'Espagne, la Scandinavie avec la Finlande qui nous soutient depuis
toujours, l'Allemagne, la Suisse, l'Italie, l'Autriche etc
C'est un peu plus délicat en Angleterre car il y a un nombre incalculable
de très bons musiciens, la concurrence y est rude ! De plus, les
tarifs n'y sont pas trop attrayants, ce n'est donc pas très motivant
de traverser la Manche.
L'idée de chanter en français ne
t'a jamais effleuré ?
C'est une question que je me pose depuis des années. A un moment
donné, j'estimais qu'il était essentiel de chanter en français
pour faire une carrière. Cependant, ceci réduit la notoriété
d'un artiste à la France. Il faut dire que dans des pays comme
la Belgique et la Hollande les gens ne veulent pas entendre de Blues en
français.
Comme nous avons eu très tôt la possibilité de faire
une carrière internationale en chantant en anglais, nous n'avons
rien changé.
Il faut ajouter à cela qu'exprimer du Blues en français
n'est pas la même démarche que le faire en anglais. Une idée
simple qui prendra 3 ou 4 mots en anglais sera beaucoup plus longue à
exprimer en français.
Je n'ai pas envie de m'attacher à des tas de mots, je préfère
donner une impulsion et une émotion sur un seul mot et pouvoir
" pleurer " ce mot. Je me sens beaucoup plus à l'aise
à le faire en anglais qu'en français.
Peux-tu me parler de cette relation avec Ben Harper
avec lequel tu partageras la scène de l'Olympia demain ?
Tout cela s'est passé par l'intermédiaire de notre producteur
dont le cousin travaille auprès de Ben Harper à Los Angeles.
C'est par cette connexion que ce dernier a découvert nos albums
il y a 2 ou 3 ans. Il y a eu un autre contact par l'intermédiaire
de James Trussart (Luthier renommé installé à
Los Angeles, Nda) qui a aussi parlé de nous à Ben Harper.
Le fait de le rencontrer est un moment que j'attends depuis longtemps.
Ce qu'il a fait pour nous est incroyable, c'est tombé du ciel.
Est-ce que tu appréhendes le fait de te
frotter à un nouveau public qui ne connaît pas le groupe
?
Un concert est un concert, un public est un public. Je n'ai pas de façons
différentes de l'appréhender. Il suffit juste, parfois,
de s'adapter. Pour le concert de Ben Harper nous jouerons, de façon
relativement " soft ", notre Country-Blues.
C'est sûr que l'Olympia est une salle renommée et je ne
cache pas un certain petit trac mais nous avons vu d'autres salles et
d'autres foules. Ce n'est donc pas cela qui m'impressionne le plus. Je
suis plus impressionné à l'idée de rencontrer Ben
que de jouer à L'Olympia finalement (rires) !
As-tu des souhaits pour le futur ou des projets
qui se concrétiseraient ?
Pour ce qui est de l'avenir, j'ai l'intention de sortir, cette année,
un album solo qui est la formule dans laquelle j'ai commencé jusqu'à
nos premières tournées importantes avec Bo Weavil.
Je serai un " One Man Band " jouant aussi bien de la
batterie, que de la guitare, que de l'harmonica.
Ceci se fera dans un style pur et dur, très " roots ".
Parallèlement à cela nous allons travailler sur le prochain
album des Bo Weavil qui, à l'image du dernier, aura une sonorité
plus moderne. Nous essayerons, en tout cas, d'apporter un regard nouveau
sur le Blues.
As-tu autre chose à ajouter en conclusion
?
En conclusion, je demanderai aux jeunes qui nous lisent d'aller s'inscrire,
très rapidement, sur les listes électorales afin de prévoir
l'année 2007. Pour ne pas nous retrouver avec un gros pavé
dans la mare
www.bo-weavil.com
PS/ Suite à un problème plus
humain que technique, les photos prises lors de l'entretien ne sont pas
exploitables. De ce fait ce sont des clichés de Dimitri Coste,
issus du dossier de presse du groupe, qui vous sont ici proposés.
Remerciements: Sophie Neveu, Isabelle et
Jim Morrison qui, à quelques mètres de nous, a probablement
écouté la vision du Blues de Matt avec une certaine délectation...
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