Bob Brozman
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST


Bob, comment l'amour des guitares t'est-il venu?
J'ai commencé la musique à l'âge de 3 ans après avoir écouté le " Bolero " de Ravel. C'est toujours la même mélodie avec une orchestration de plus en plus grande, des syncopes etc…

Cela m'a vraiment fasciné…
J'ai commencé la guitare à l'âge de 5 ans.
Je n'ai pris qu'une leçon qui m'a tenu toute la vie.
La seule limite, pour moi, est la curiosité.
Je ne crois pas au talent, je crois au désir…
Si tu veux tu peux, tout simplement…
Ce n'est pas compliqué, il suffit de jouer et jouer encore.
Je n'aime pas qu'on dise " travailler la musique ", je préfère le terme " jouer ".
Quand tu joues et que tu écoutes tu peux très facilement t'améliorer.

Te souviens-tu de ta première guitare ?
C'était une guitare en bois qui appartenait à ma mère, ce n'était pas grand chose…
Ma première " National " était une guitare de 1933 que je me suis procurée en 1967. J'ai utilisé cette même guitare jusqu'en 2002.

Quelles étaient tes sources d'inspiration, dans la guitare, quand tu as commencé à jouer ?
Au début, du Blues avec Charley Patton…
Je l'ai écouté de plus en plus, il est pour moi le " grand-papa " de tous les " grands-papas " (Bob me montre alors son bottleneck qu'il a fabriqué avec un goulot de bouteille il y a plus de 40 ans et avec lequel il joue encore sur scène. Il me déclare alors, avec humour, que cela est digne du " Guinness Book ", Nda).

Après je me suis mis à la musique hawaïenne " roots " des années 20 et j'ai commencé à voyager à travers le monde à la recherche de musiques faites de guitares (mexicaine, latine, africaine, indienne etc…).
J'ai suivi mes oreilles…
Pour moi la musique des colonisés est bien plus intéressante que la musique des colonisateurs…

Quand as-tu commencé ta carrière professionnelle ?
J'ai commencé en étant musicien de rue, en faisant la manche…
Puis j'ai intégré des petits Clubs avant de commencer à tourner en Europe dans les années 80.

A ce jour, je me suis produit dans le monde entier, d'Asie en Afrique, de Papouasie en Nouvelle-Guinée etc…
J'en profite pour collaborer avec de nombreux artistes, ce qui me permet de passer de bons moments. J'ai lié de grandes amitiés avec beaucoup de monde. Ces personnes m'ont fait acquérir de nombreuses connaissances musicales, nouvelles pour moi.

Justement, quelles sont tes plus belles rencontres dans le métier ?
Sans hésitation René Lacaille (multi - instrumentiste réunionnais, Nda). C'est plus qu'une amitié, il est comme de ma famille. Je pourrais faire n'importe quoi pour lui (Bob le redit alors en réunionnais, Nda). Je sais que c'est réciproque…
Nous venons juste de jouer à Grenoble, c'était super…
Il m'a beaucoup appris lors de tournées, au Canada, en Australie ou en Afrique par exemple.
C'est un grand musicien mais il est aussi un exemple dans la vie de tous les jours, dans sa façon de se comporter en famille, dans la vie musicale etc…

Tu as teinté ton Blues de beaucoup de sources d'inspiration diverses. Y en a-t-il une que tu n'as pas encore eu l'occasion de t'approprier ?
Je suis ouvert !
Je vais jouer, prochainement, avec un bon musicien malgache, Solorazaf, qui vit à Paris. Nous avons 2 ou 3 concerts communs de prévus cette année. La musique malgache est très profonde…

Je crois que tu mènes aussi une action pour aider les musiciens qui n'ont pas les moyens de se payer des instruments, en Afrique par exemple…
Oui nous avons une petite fondation avec laquelle nous essayons de récupérer des instruments afin d'en faire don aux pays où il est difficile de s'en procurer.
Il y a beaucoup de guitares dans nos pays mais très peu dans les pays en voie de développement, donc il faut partager !
Il n'y a qu'une richesse dans le monde, il faut donc la partager !

L'aspect éducatif tient aussi un rôle important pour toi…
Oui j'ai un projet en Papouasie, je vais aussi collaborer avec une Université en Australie. Je suis professeur là-bas…
Quand tu rentres dans un pays en tant que professeur, cela fait mieux que musicien pour les douanes (rires) !

T'arrive-t-il de recroiser quelques-uns de tes anciens élèves qui seraient, à leur tour, devenus musiciens ?
Oui surtout à l'issue de stages…
Je reviens, d'ailleurs, de Toulouse où j'ai fait un stage résidentiel de 3 jours, en français, avec un groupe nommé " Variation Music ". Ce stage avait pour but de permettre à ces guitaristes de comprendre le rythme et de le jouer et improviser.

J'aime beaucoup enseigner actuellement car je deviens un peu vieux. J'aime enseigner aux jeunes car les jeunes sont notre futur. C'est très difficile, de nos jours, avec toutes les publicités qui ventent des cultures insignifiantes. La vie c'est parler, manger, nouer des amitiés, l'amour, la musique naturelle, faire un bœuf avec quelqu'un etc…

Tu enregistres, en Europe, pour Ruf Records. Comment se passe cette collaboration ?
J'ai deux vies parallèles…
Mes projets ethniques sont enregistrés pour World Music Network qui est une bonne compagnie anglaise.
J'enregistre mon côté Blues pour Ruf en Allemagne qui est, aussi, une très bonne compagnie. Ce sont des gens très intelligents, sensibles, pratiques, carrés et propres.
Je suis vraiment très content de tout cela…

Je viens d'enregistrer un nouveau CD pour Ruf. Celui-ci sera un peu plus politique et dur, il sortira en octobre 2007.
Le prochain album avec World Music Network sera lui, orchestral, et sortira en Juillet 2007.
J'y joue de 28 instruments moi-même, formant ainsi un orchestre avec des couleurs très fines.

As-tu une conclusion à ajouter. Quelque chose qui te tienne à cœur ?
Je suis très triste pour votre pays avec l'élection de Sarkozy. Chez nous, tout le monde le sait, nous avons Bush qui n'est pas très intelligent. Il n'est, cependant, pas le vrai président. Le vrai président est Dick Cheney…

Vous avez en Sarkozy un petit Cheney mais avec une gueule plus gentille…
Faites attention à la privatisation…
Si tu veux voir le futur d'un pays privatisé il te suffit de voir ce qui se passe à la Nouvelle-Orléans depuis le passage de l'ouragan Katrina fin août 2005…

J'espère aussi que Sarkozy ne touchera pas au régime des intermittents. Car une société sans intermittents, musiciens, artistes, gens qui travaillent dans les théâtres, est une société très pauvre.

Chez nous, aux USA, au niveau de la culture c'est devenu très très pauvre…

www.bobbrozman.com

Note : Cette interview a été réalisée alors que Bob rangeait ses instruments après le concert, pressé par le temps et devant se rendre à Francfort où son avion pour la Californie partait quelques heures plus tard. Il a, malgré tout, tenu à faire cet entretien un peu acrobatique. Je l'en remercie…



 
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Les liens :

bobbrozman.com

Interview réalisée à

Salmen - Offenburg le 19 mai 2007

Propos recueillis par

David BAERST

En exclusivité !

 

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