Bob, comment l'amour des guitares t'est-il venu?
J'ai commencé la musique à l'âge de 3 ans après
avoir écouté le " Bolero " de Ravel. C'est toujours
la même mélodie avec une orchestration de plus en plus grande,
des syncopes etc
Cela m'a vraiment fasciné
J'ai commencé la guitare à l'âge de 5 ans.
Je n'ai pris qu'une leçon qui m'a tenu toute la vie.
La seule limite, pour moi, est la curiosité.
Je ne crois pas au talent, je crois au désir
Si tu veux tu peux, tout simplement
Ce n'est pas compliqué, il suffit de jouer et jouer encore.
Je n'aime pas qu'on dise " travailler la musique ", je
préfère le terme " jouer ".
Quand tu joues et que tu écoutes tu peux très facilement t'améliorer.
Te souviens-tu de ta première guitare ?
C'était une guitare en bois qui appartenait à ma mère,
ce n'était pas grand chose
Ma première " National " était une guitare de
1933 que je me suis procurée en 1967. J'ai utilisé cette
même guitare jusqu'en 2002.
Quelles étaient tes sources d'inspiration,
dans la guitare, quand tu as commencé à jouer ?
Au début, du Blues avec Charley Patton
Je l'ai écouté de plus en plus, il est pour moi le "
grand-papa " de tous les " grands-papas " (Bob me montre
alors son bottleneck qu'il a fabriqué avec un goulot de bouteille
il y a plus de 40 ans et avec lequel il joue encore sur scène.
Il me déclare alors, avec humour, que cela est digne du "
Guinness Book ", Nda).
Après je me suis mis à la musique hawaïenne "
roots " des années 20 et j'ai commencé à voyager
à travers le monde à la recherche de musiques faites de
guitares (mexicaine, latine, africaine, indienne etc
).
J'ai suivi mes oreilles
Pour moi la musique des colonisés est bien plus intéressante
que la musique des colonisateurs
Quand as-tu commencé ta carrière
professionnelle ?
J'ai commencé en étant musicien de rue, en faisant la manche
Puis j'ai intégré des petits Clubs avant de commencer à
tourner en Europe dans les années 80.
A ce jour, je me suis produit dans le monde entier, d'Asie en Afrique,
de Papouasie en Nouvelle-Guinée etc
J'en profite pour collaborer avec de nombreux artistes, ce qui me permet
de passer de bons moments. J'ai lié de grandes amitiés avec
beaucoup de monde. Ces personnes m'ont fait acquérir de nombreuses
connaissances musicales, nouvelles pour moi.
Justement, quelles sont tes plus belles rencontres
dans le métier ?
Sans hésitation René Lacaille (multi - instrumentiste réunionnais,
Nda). C'est plus qu'une amitié, il est comme de ma famille. Je
pourrais faire n'importe quoi pour lui (Bob le redit alors en réunionnais,
Nda). Je sais que c'est réciproque
Nous venons juste de jouer à Grenoble, c'était super
Il m'a beaucoup appris lors de tournées, au Canada, en Australie
ou en Afrique par exemple.
C'est un grand musicien mais il est aussi un exemple dans la vie de tous
les jours, dans sa façon de se comporter en famille, dans la vie
musicale etc

Tu as teinté ton Blues de beaucoup de sources
d'inspiration diverses. Y en a-t-il une que tu n'as pas encore eu l'occasion
de t'approprier ?
Je suis ouvert !
Je vais jouer, prochainement, avec un bon musicien malgache, Solorazaf,
qui vit à Paris. Nous avons 2 ou 3 concerts communs de prévus
cette année. La musique malgache est très profonde
Je crois que tu mènes aussi une action
pour aider les musiciens qui n'ont pas les moyens de se payer des instruments,
en Afrique par exemple
Oui nous avons une petite fondation avec laquelle nous essayons de récupérer
des instruments afin d'en faire don aux pays où il est difficile
de s'en procurer.
Il y a beaucoup de guitares dans nos pays mais très peu dans les
pays en voie de développement, donc il faut partager !
Il n'y a qu'une richesse dans le monde, il faut donc la partager !
L'aspect éducatif tient aussi un rôle
important pour toi
Oui j'ai un projet en Papouasie, je vais aussi collaborer avec une Université
en Australie. Je suis professeur là-bas
Quand tu rentres dans un pays en tant que professeur, cela fait mieux
que musicien pour les douanes (rires) !
T'arrive-t-il de recroiser quelques-uns de tes
anciens élèves qui seraient, à leur tour, devenus
musiciens ?
Oui surtout à l'issue de stages
Je reviens, d'ailleurs, de Toulouse où j'ai fait un stage résidentiel
de 3 jours, en français, avec un groupe nommé " Variation
Music ". Ce stage avait pour but de permettre à ces guitaristes
de comprendre le rythme et de le jouer et improviser.
J'aime beaucoup enseigner actuellement car je deviens un peu vieux. J'aime
enseigner aux jeunes car les jeunes sont notre futur. C'est très
difficile, de nos jours, avec toutes les publicités qui ventent
des cultures insignifiantes. La vie c'est parler, manger, nouer des amitiés,
l'amour, la musique naturelle, faire un buf avec quelqu'un etc
Tu enregistres, en Europe, pour Ruf Records. Comment
se passe cette collaboration ?
J'ai deux vies parallèles
Mes projets ethniques sont enregistrés pour World Music Network
qui est une bonne compagnie anglaise.
J'enregistre mon côté Blues pour Ruf en Allemagne
qui est, aussi, une très bonne compagnie. Ce sont des gens très
intelligents, sensibles, pratiques, carrés et propres.
Je suis vraiment très content de tout cela
Je viens d'enregistrer un nouveau CD pour Ruf. Celui-ci sera un peu plus
politique et dur, il sortira en octobre 2007.
Le prochain album avec World Music Network sera lui, orchestral, et sortira
en Juillet 2007.
J'y joue de 28 instruments moi-même, formant ainsi un orchestre
avec des couleurs très fines.
As-tu une conclusion à ajouter. Quelque
chose qui te tienne à cur ?
Je suis très triste pour votre pays avec l'élection de Sarkozy.
Chez nous, tout le monde le sait, nous avons Bush qui n'est pas très
intelligent. Il n'est, cependant, pas le vrai président. Le vrai
président est Dick Cheney
Vous avez en Sarkozy un petit Cheney mais avec une gueule plus gentille
Faites attention à la privatisation
Si tu veux voir le futur d'un pays privatisé il te suffit de voir
ce qui se passe à la Nouvelle-Orléans depuis le passage
de l'ouragan Katrina fin août 2005
J'espère aussi que Sarkozy ne touchera pas au régime des
intermittents. Car une société sans intermittents, musiciens,
artistes, gens qui travaillent dans les théâtres, est une
société très pauvre.
Chez nous, aux USA, au niveau de la culture c'est devenu très
très pauvre
www.bobbrozman.com
Note : Cette interview a été
réalisée alors que Bob rangeait ses instruments après
le concert, pressé par le temps et devant se rendre à Francfort
où son avion pour la Californie partait quelques heures plus tard.
Il a, malgré tout, tenu à faire cet entretien un peu acrobatique.
Je l'en remercie
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