L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST | ||
Pouvez vous vous présenter? Je
suis né en Louisiane d'où je suis parti très jeune en 1947 pour Chicago.
J'y ai vécu une quarantaine d'années. Là-bas j'ai enregistré pour le label
Chess et côtoyé Muddy Waters, Howlin Wolf, John Lee Hooker. En 1952 j'ai
même joué avec Elmore James. Quels sont les caractéristiques de vos concerts ? Mes shows sont très différents de ce que vous avez l'habitude de voir. Vous ne m'entendrez pas jouer " Sweet Home Chicago " (rires). Il est possible que certains d'entre vous n'aiment pas mon style. Je viens de la vieille école, vous savez. Si vous n'aimez pas ce que je fais, ayez du respect pour mon travail. Il faut voir mes concerts avec un oil neuf, car ce n'est pas quelque chose auquel vous êtes habitués. A l'image des 227 disques que j'ai enregistré en 50 ans. Pouvez vous nous parler de votre prochain album ? Je travaille dessus depuis un an et je pense que ce sera l'un des meilleurs de toute ma carrière. Depuis toujours, j'écris mes chansons et les produit. Quel est la définition de votre style ? A la base c'est du blues avec une bonne dose de funk. Au niveau des textes ça correspond à ce que font les comédiens de one-man-show, c'est à dire des sketches, des petites histoires. Cela correspond à ma vraie culture, c'est de là que je viens. Aujourd'hui je suis l'un des derniers à faire ce que je fais, même le dernier dans mon genre. Un jour quelqu'un m'a écrit pour me dire que j'étais un Muddy Waters qui se serait réincarné en Prince ! Votre père était " preacher ", vu vos prestations est-ce que vous pouvez nous dire comment à eu lieu la cassure ? En fait il n'y a pas eu de cassure, je suis toujours le fruit de cette éducation religieuse. Je ne bois pas, je ne fume pas, je ne me défonce pas et suis marié. Je fait la séparation entre ce que je suis en tant qu'homme et ce que je représente en tant qu'artiste. Si je suis marié, cela ne m'empêche pas de regarder les femmes aux jolies jambes, mais je ne les embête pas. Je
suis toujours très fermement attaché aux valeurs chrétiennes. Mon père
ne m'a jamais interdit de faire du blues, même s'il ne m'a jamais dit
d'en faire. J'en ai déduit que mon père me laissait faire ce que je
voulais. Le fait d'écrire de nombreuses chansons avec de longs passages parlés en argot américain ne vous pose -t-il pas un problème vis à vis du public non anglophone ? En même temps c'est en partie grâce à cela que je suis quelqu'un d'important aux USA. Arrêter cela c'est prendre le risque de perdre mon public aux Etats-Unis, le choix est difficile. Mon prochain album sera moins dans ce style de sketches et de comédie et j'espère qu'il m'ouvrira plus de portes dans le reste du monde. Mais pour faire cela il fallait déjà que j'installe ma popularité en Amérique. J'espère que ce disque m'ouvrira les porte du monde entier sans fermer celles des Etats-Unis. C'est mon pari. Vous savez le blues ne pourra jamais revenir à ce qu'il était dans les années quarante et cinquante. Il ne peut qu'évoluer. Je passe énormément à la radio aux USA et ici en Europe on trouve difficilement mes disques. A l'inverse les albums " classiques " se vendent bien en Europe alors qu'on entend très rarement cette musique en Amérique car ça a tant été fait. Les jeunes noirs américains ont envie d'entendre quelque chose qui leur corresponde davantage. C'est pourquoi on entend plus Bobby Rush que les disques Alligator. Vous avez été interdit de shows dans certains états, est-ce vrai ? Cela s'est effectivement passé. A l'époque il a été dit que j'étais l'Elvis Presley noir a cause des déhanchements. En fait les gens se trompaient c'est Elvis Presley qui était le Bobby Rush blanc. L'erreur que ces gens là ont fait c'était de croire que Bobby Rush n'avait qu'un seul aspect, alors que je travaille aussi bien pour les enfants que pour les personnes âgées.
Nous nous penchons sur le problème avec ma firme de disques pour améliorer la chose, surtout pour le prochain album. Vous verrez sur ce disque il y aura beaucoup d'harmonica et de guitare. Je suis guitariste et ce sera du blues avec une autre direction dans la façon de jouer de la guitare. Il y a longtemps quand BB King a commencé à jouer comme BB King, ça n'a pas intéressé grand monde jusqu'à ce qu'un blanc se mette à jouer comme ça. Après c'est devenu le truc à faire. Quand moi je me déhanchais sur scène, ce n'étais pas le truc à faire jusqu'à l'arrivée d'Elvis Presley. Idem pour mes shows ce n'était pas le truc à faire jusqu'à l'arrivée de Tina Turner. Avec elle c'est devenu hip, seulement je n'ai pas les mêmes jambes que Tina Turner (rires). Quelle est pour vous la différence entre le chitlin' circuit et les clubs traditionnels ? C'est une situation particulière. Dans le chitlin' circuit, tu n'es pas payé pour jouer. Enfin, dans le temps c'était comme ça. Tout ce que tu avais, c'était une assiette de poulet et un sandwich. C'était ton salaire. La plupart du temps c'était des tout petits clubs pour les noirs. Quand j'ai commencé je ne faisais pas ça pour de l'argent mais juste pour l'amour de la musique. Aujourd'hui mon job est de transmettre ce que j'ai appris du blues. Je remercie l'Europe d'avoir conserver la flamme du blues car grâce à cela c'est une musique qui actuellement revient aux Etats-Unis. De ce fait je peux rester moi même et ne pas avoir à essayer d'être quelqu'un d'autres, c'est grâce à vous..
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Les liens : Blues Passions
de Cognac Propos recueillis par David BAERST
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