Pouvez-vous nous présenter votre groupe
?
Avant tout à la guitare, Brit Johson qui est originaire de San
Antonio au Texas. A la basse, Jonathan Luko qui est né aux Philippines
et qui vit maintenant à la Nouvelle Orléans. Enfin, à
la batterie, John Perkins qui vient de la Louisiane. Evidement, je m'occupe
moi-même de la guitare et du chant.
D'où venez-vous et quand avez-vous abordé
la musique pour la première fois ?
J'avais près de onze ans quand j'ai commencé à m'y
intéresser. Je suis originaire d'une petite ville du Wisconsin
nommé Two Rivers. Il n'existait alors pas grand-chose à
faire pour un jeune aveugle dans cette ville. C'est pourquoi j'écoutais
souvent la radio pour m'occuper quand j'étais seul. La musique
m'a très vite touché. En écoutant la radio, je me
suis passionné pour la musique noire. Durant la nuit, j'atteignait
les radios éloignées du Sud des Etats-Unis qui diffusaient
de la soul, du rytm'n blues, du gospel entre autres.
Je parle là des années 50 car alors les radios du Nord ne
passaient tout simplement pas de musique noire. On entendait les versions
blanches des titres noirs. Par exemple, pour "Tutti Frutti"
de Little Richard, c'est la version de Pat Bone qui était diffusée.
Cela m'intéressait beaucoup d'écouter ces stations tard
dans la nuit afin d'entendre les versions originales de ces enregistrement
de ma musique préférée.
J'ai commencé à faire de la scène à partir
de 13 ans. Depuis, je n'ai pas cessé et j'ai maintenant 61 ans
! Cela fait donc 48 ans que je suis en scène.
Pourquoi avez-vous choisi de jouer de la guitare
?
J'ai toujours voulu jouer de la guitare. Ma grand-mère en avait
une. Je crois bien me souvenir que dès l'âge de cinq ans,
je pensais déjà à avoir mon propre groupe un jour.
Cela doit être ma destinée ! J'ai été choisi
pour faire ceci.
Quant au blues, c'est lui qui m'a choisi ! Dès que je l'ai entendu,
cela m'a plut. Mes amis m'ont souvent dit : " Tu ne devrait pas écouter
cette musique de nègres ". Mais, étant aveugle, je
ne perçois pas la couleur. Je peux quand même apprécier
le son. Et j'adore ce son. La couleur de peau ne n'importe qui m'importe
peu. C'est déplorable qu'après toutes ces années,
on trouve encore des problèmes à ce niveau.
Quels musiciens avez-vous rencontré pour
la première fois ?
Pour ce qui est de rencontrer mes héros, entre tous, le premier
à m'avoir marqué est Ray Charles. Le fait qu'il soit aussi
aveugle et qu'il soit tellement bon. Je me souviens de l'avoir vu en 1962
jouant de l'orgue lors de la veille de Noël. Ce spectacle m'a tant
impressionné que j'ai décidé de devenir un entertainer,
un musicien comme lui. Après lui, les personnes que j'ai rencontrées
et qui m'on profondément influencées sont BB King, Freddie
King, James Cotton, Albert King, Albert Collins, Matt Murphy. J'ai eu
la chance de devenir ami avec John Lee Hooker, Son Seals. J'étais
également assez proche de Muddy Waters. Le seul gars que je n'ai
jamais rencontré est Howling Wolf. Avec Elmore James, j'aurais
rêvé de rencontrer ces deux gars-là mais je n'en ai
jamais eu la chance. J'ai eu l'occasion de faire la connaissance de Willie
Dixon.
J'ai donc pu croiser la route de nombreux bluesmen. Je suis fier de déclarer
qu'ils sont au nombre de mes amis. Bien entendu, une grande partie d'entre
eux appartient au passé maintenant. Mais Buddy Guy est encore présent
et c'est tant mieux. Cette génération de bluesmen nous a
pratiquement quitté. C'est tellement triste parce qu'il n'y a pas
tant de gens que ça qui essayent de conserver vivante cette tradition
du blues. Il y en a, mais pas autant qu'il faudrait.
De ma propre opinion, le blues est en train de se diluer terriblement.
Les contraintes commerciales prennent le pas sur la qualité du
son. Pour moi, beaucoup de jeunes tels Johnny Lang qui tentent de sonner
blues devraient étudier encore plus dur. Il faut d'abord écouter
attentivement cette musique avant de se lancer.
Ce qu'il y a de particulier avec le blues, c'est qu'il s'agit d'une forme
d'art qui passe par l'écoute. Le blues passe par l'oreille et il
faut lui prêter une oreille attentive. Il faut s'immerger dans le
blues avant de le comprendre. Prenez exemple sur T-Bone Walker. Le seul
capable de jouer tel T-Bone Walker reste encore Duke Robillard. T-Bone
Walker est quasiment entré dans l'oubli, ce qui est désastreux.
Il était si cool. Lui non plus, je n'ai jamais eu la chance de
le rencontrer. J'aurais adoré car j'apprécie beaucoup T-Bone.
Je possède tous ses disques.
Ayant eu la chance d'accompagner Freddie King à quelques reprises,
j'ai eu l'occasion de jouer sur sa propre guitare, ce qui est fantastique.
J'ai aussi fait un set une fois avec Albert Collins. Très excitant
! J'adore Albert. Il était réellement le grand maître
de la Télécaster. Personne ne lui arrive à la cheville.
Il n'a jamais changé. Il est toujours resté le même.
Les producteurs et les maisons de disques ne le faisaient pas dévier
d'un pouce. C'est là le seul reproche que je peux teir à
propos de BB King. Il est devenu très commercial. Mais j'imagine
très bien qu'après toutes ces années, à son
âge, pourquoi pas ? L'argent d'abord et lui le mérite bien.
Mais cela doit bien faire vingt ans que je n'ai plus acheté de
disque de BB King. Je préfère les vieux albums de l'époque
de Memphis.
Pouvez-vous évoquer votre dernier album
?
En 2001, j'ai sorti l'album que j'attendais de faire depuis des années.
Finalement, j'ai eu la chance d'enregistrer ce disque " Six String
Therapy " avec Duke Robillard et son groupe. Ses propres disques
m'ont toujours impressionné. Ma maison de disques n'a jamais cru
utile de me donner un producteur. Auparavant, je me suis produit moi-même.
Ce qui n'est pas toujours une bonne idée car personne n'est là
pour trier les bonnes idées des mauvaises. Il faut parfois prendre
le temps de s'asseoir pour discuter avec quelqu'un. Avec Duke, nous avons
vraiment bien fonctionné ensemble. C'est mon meilleur album et
aussi mon préféré. Je ferais volontiers un autre
disque avec Duke Robillard. Lui et Kim Wilson font partie de ceux qui
permettent à cette musique de perdurer.
Depuis j'ai enregistré un nouvel album en octobre 2003 à
Montréal. C'est un live pris dans un théâtre nommé
le Spectrum. Nous l'avons aussi en vidéo, donc il sortira également
en DVD.
Quelques mots à rajouter ?
J'adore l'Europe. Une si belle région à vivre et excellent
pour y jouer du blues. Ici les gens n'ont pas besoin d'être éduqués
à la musique. Ils la connaissent bien. On peut se relaxer et faire
ce qu'on sait faire de mieux. J'adore ça : je m'amuse et je me
sens rajeunir ! Parfois je rêve de faire la connaissance d'une jeune
française dans la trentaine avec qui je pourrais m'établir.
Ça serait fun !
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