Candye Kane
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST

Pourquoi avez-vous déclaré dans une chanson que Dieu est une femme  ?

J'ai de profondes croyances spirituelles dont je ne parle pas souvent. Je prie régulièrement mais je ne sais pas si je prie pour moi ou pour un autre être. Particulièrement avant de faire un concert je prie pour être capable d'atteindre les gens et les amener à se sentir mieux. C'est assez bizarre mais s'ils se sentent mieux dans leur peau, alors moi aussi je me sentirais mieux ! Donc que Dieu soit une femme ou pas, je ne sais pas : c'est une question personnelle qui regarde chacun de nous.

 Vers où voulez-vous aller avec votre musique ?

Ce que je fais : à savoir présenter du blues traditionnel avec du swing et de la country en y ajoutant des thèmes contemporains comme la bisexualité et le sexisme ... Et ça c'est super ! Je pense que si je peux amener les jeunes vers la musique des origines par le biais de ma musique; alors j'aurais vraiment atteints mon but. Je veux continuer à m'adresser à eux avec des sujets controversés dans ma musique même si cela sonne un peu comme de la musique de grand-mère.

Si on aborde des thèmes qui leur sont familiers, qui les concernent directement et qui s'adressent en fait à nous tous comme le Sida ou la pression culturelle, alors on pourra intéresser les jeunes à cette vieille musique. Beaucoup de bluesmen parmi ceux qui l'ont créée sont en train de mourir de vieillesse et nous avons besoin des jeunes pour faire avancer les choses, pas pour copier ce qui se fait. Il y a un million de mauvais copieurs. Il faut savoir s'impliquer et avoir son propre message sans pour autant renier son intégrité musicale.

Vous voulez donc être un pont entre passé et future ?

Bien sûr ! Essayez seulement de me grimper dessus !

Comment vous exprimez-vous en tant que femme ?

Il n'y a pas tant de femmes que ça dans le milieu de la musique même si celles qui en font partie ont droit à beaucoup d'attention. Pour quelle raison ? Parce qu'elles ont musiciennes ou parce que ce sont des femmes ? Je me pose moi-même la question. Je ne m'intéresse pas à ce problème : si elles attirent l'attention du fait qu'elles soient des femmes; c'est OK ! Mais à mon avis il y a un manque de femmes dans la musique. En fait dans mon groupe cela fonctionne particulièrement bien parce qu'il y a deux femmes qui constituent en quelque sorte le noyau solide du groupe et nous nous occupons de tout. Les hommes qui font partie du groupe sont assez sages pour accepter ce mode de fonctionnement.

Tout est relatif : chacun a sa manière de faire mais en ce qui concerne les concerts, Susie se charge de l'argent et moi je m'occupe du spectacle et c'est comme cela que cela marche. Le problème vient parfois quand il y a un certain nombre de femmes qui travaillent ensemble et tout le monde veux diriger : là c'est difficile ! Je veux encourager les femmes à apprendre à jouer d'un instrument. Un grand nombre d'hommes jouent d'un instrument. Quand on voit les jeunes; un grand nombre d'entre eux entretiennent des idées à propos de devenir une star. Il prennent des cours et chantent dans la salle de bain ou devant le miroir et ils font cela parce qu'ils veulent devenir des musiciens. Beaucoup d'hommes continuent à jouer même quand ils deviennent grands mais les femmes s'arrêtent à un certain point et pensent à avoir un petit ami ou à se marier et avoir des enfants.

Ce qui arrive c'est qu'on retrouve un grand nombre d'hommes qui n'étaient peut-être pas si bon que ça mais qui ont persévéré, alors que des femmes qui auraient pu être géniales ne le seront jamais. Elles restent médiocres car elles n'ont jamais essayé sérieusement. Je fais un effort, surtout dans les pays anglophones, d'interpeller les enfants dans l'audience en disant aux petites filles : " on a besoin de toi comme batteur, ou comme guitariste ". Parce que je pense qu'un grand nombre de fille sont traditionnellement dirigées vers le chant. Mais il serait sympa de voir des filles jouer de la batterie ou de la guitare. Moi-même je joue de la guitare, mais jamais sur scène, uniquement à la maison et pour écrire mes chansons.

Est-ce plus difficile encore d'être une femme dans les milieux du blues que dans ceux de la musique pop ?

En fait dans l'histoire du blues, il y avait des femmes comme Bessie Smith, Billie Hollidays, Ma Rainé pour citer les plus évidentes. Il y a en quelques unes aujourd'hui comme Koko Taylor et Michelle Wilson, qui est une nouvelle, Rory Block, Bonnie Raitt. Il y a quand même beaucoup de femmes qui aiment encore le blues. Je crois qu'en réalité il y a peut-être plus de femmes qui chantent du blues que dans d'autres sortes de musiques. Certainement plus que dans le rock, pour ce que j'en voit.

Je me suis trouvé comme chez moi dans le blues et je ne m'en suis pas rendue compte tout de suite. Quand j'ai commencé à chanter du blues pour la première fois, je me disais que comme j'étais blanche de peau, je ne pouvais pas vraiment chanter de blues. C'était un problème racial, comme si cela appartenais aux noirs. J'ai eu du mal à me faire à l'idée que j'en étais capable. J'ai découvert d'autres chanteurs comme Key Star, Patti Page qui sont tout deux des chanteurs blancs qui enregistrent des albums de blues.

Il y a eu aussi quelques chanteuses de blues noires comme Dana Washington qui sonnent comme si elles étaient blanches quand elles chantent. Ensuite j'ai découvert des femmes comme Bessie Smith qui est bissexuelle, féministe engagée et qui chantait des textes au contenu sexuellement très provocateurs, surtout dans les années 20. Elle a eu beaucoup de courage, moi, ce que je fais n'a rien de téméraire parce qu'elle a été la première à le faire à un moment où c'était dangereux pour elle. Je suis chez moi dans le blues car on m'y apprécie. Heureusement que d'autres ont tracé la voie pour que je soit la plantureuse féministe controversée que je suis.

 

 
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rufrecords.de

Interview réalisée le 27 juillet 1997
au Paléo Festival de Nyon

Propos recueillis par
Jean-Luc & Eric MULLER

En exclusivité !

 

 

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