Canned Heat 2004
- John Paulus
- Fito de la Parra
- Dallas Hodges
- Stanley Behrens
- Greg Kage
Etant parmi les premiers groupes blancs à
jouer le blues, comment évaluez-vous l'évolution du blues
blanc depuis quatre décades ?
(Fito) Ah ! Tous nos rêves, et nos espoirs également tendaient
vers l'idée que le blues serait reconnu un jour en tant que partie
intégrante de l'art américain dans le monde entier. Okay
? Cela pris donc des années à se concrétiser. Ce
but s'est finalement réalisé. On trouve aussi bien du blues
allemand que français, que mexicain. Les groupes de blues sont
présents partout. Mais c'est idée s'est si bien réalisée
qu'à présent, les choses vont parfois trop loin. Le marché
est devenu plus confus et plus politisé.
Néanmoins, comme je l'ai remarqué avant, nos débuts
furent très difficiles. Même nous avons eu du mal à
trouver des clubs dans lesquels jouer. Tout simplement parce les propriétaires
de clubs avaient peur des groupes de blues. Beaucoup de blancs n'avaient
pas la moindre idée de ce qu'était le blues. Donc quand
nous avons commencé, nous avons en quelque sorte ouvert le chemin.
Mais nos rêves se sont finalement réalisés. Malheureusement,
Bob Hite et Alan Wilson ne sont plus là pour le constater. En tant
que blancs, ils ont certainement été parmi les tous premiers
initiateurs du blues, les musicologistes originaux qui ont apporté
leur connaissance du blues au reste du monde.
Pouvez-vous nous présenter la formation
actuelle de Canned Heat ?
(Fito) Nous sommes ensemble depuis cinq ans. Voici Stanley Behrens qui
chante, joue de l'harmonica et de la flûte.
(Stanley) J'ai une voix très haute comme celle d'Alan. Son influence
sur moi a été très grande dès le début
des années soixante. J'ai grandit en jouant du blues et en accompagnant
Willie Dixon. Canned Heat était le premier groupe de blues blanc
avec lequel j'ai joué.
Etais-ce facile d'intégrer le groupe ?
(Stanley) J'avais l'expérience qui allait dans le même sens
que ce que faisait Alan. Dès sa mort, j'ai eu envie de rejoindre
le groupe. Simplement, cela leur a pris trente ans pour me trouver !
(Fito) Au suivant !
(John) Bonjour, je suis John Paulus. Je joue de la guitare dans ce groupe
depuis les cinq dernières années. Le blues et le rythm'n
blues me comptent au nombre de leur fans depuis bien des années.
Je suis également fan du groupe de longue date. Avant de l'intégrer,
j'ai fait partie des Bluesbreakers de John Mayall pendant cinq ans. Je
suis ravi de faire part intégrante de Canned Heat, ça je
peux vous l'affirmer !
(Fito) Suivant !
(Dallas) Je suis Dallas Hodges. Je chante en lead singer et je joue également
de la guitare. Notre parcours ensemble depuis ces cinq ans a été
très intéressant. Nous avons visité de nombreuses
parties du monde que je n'avais jamais vues. J'ai beaucoup aimé
et je suis encore plus content d'être présent ici. J'espère
que tous ceux qui verront ce show s'amuseront autant que nous.
(Fito) Au dernier !
(Greg Kage) Je suis Greg Kage, bassiste du groupe depuis dix ans. Je
suis originaire de Chicago, la cité du blues. Je suis très
heureux d'être en France.
Tout à l'heure, vous avez évoqué
un marché politisé. Qu'entendez-vous par là ?
(Fito) Par moment, cela se passe comme dans chaque autre univers. Que
se soit celui de la musique, du cinéma ou de l'entreprise, on retrouve
des prises de positions. Par exemple, certaines personnes refusent de
donner à Canned Heat la reconnaissance qu'il mérite. Beaucoup
font débuter l'apparition du blues blanc à Steve Ray Vaughan
! Ces différentes opinions et ces façons de penser génèrent
une confusion dans le monde du blues. Voilà à quoi je faisais
allusion en parlant de marché politisé. Quand l'argent des
grandes compagnies et les mauvais commentaires d'autres groupes s'en mêlent,
on retrouve les mêmes tendances du comportement humain.
Cela veut-il dire qu'il est plus difficile de
conserver son intégrité ?
(Fito) Nous avons connu des périodes troubles. Certaines associations
de blues parlent très peu de nous. Canned Heat est un groupe très
particulier. Du fait que nous ne soyons pas uniquement un groupe de blues.
Notre particularité est de mêler le country blues au rock'n
roll. Pour certains puristes du blues, nous faisons du rock ! Pour les
puristes du rock' roll, nous sommes trop bluesy ! De notre point de vue,
nous avons notre propre son. Inutile d'imiter les maîtres noirs
du blues quand on peut y injecter le rock'n roll. Au courant de l'histoire
de Canned Heat, heureusement que nous avons été acceptés
dans les cercles des amateurs de rock. A d'autres moments, nous avons
été rejetés par les puristes du blues. Mais on s'en
fout ! La vie est faite ainsi.
Combien d'années avez-vous mis à
être reconnu et à acquérir votre personnalité
?
A mon avis, le groupe a développé sa propre personnalité
au moment où je l'ai rejoint en apportant un projet tourné
vers l'avenir. C'est en 1967 que je suis arrivé. A ses débuts,
Canned Heat était assez proche d'un groupe de puristes du blues.
Avant de m'engager, ils avaient décidé de jouer plus fort,
plus puissamment et d'aller au-delà de la mentalité de coffee
house. Si vous vous souvenez de cette époque, on jouait dans ces
coffee house un blues très soft pour quelques beatniks. Nous voulions
en sortir. En m'intégrant dans le groupe, je pense qu'ils voulaient
ajouter un élément plus rythm'n blues et rock'n roll.
Vous êtes fier d'avoir fait partie de ce
mouvement culturel des années soixante ?
Cette révolution, vous voulez dire ! C'est super d'en avoir fait
partie. La majorité des gens reconnaît notre influence. Canned
Heat est le groupe qui a rendu le blues " accessible " au public
blanc. C'est en tout cas ce que vous dites, vous les journalistes. "
Canned Heat a marié le country blues au rock'n roll ",
"Canned Heat donné le goût du blues au public blanc"
: ce sont des formules de journalistes.
Bien entendu, nous avons été le premier groupe de blues
à placer des chansons dans le Top Ten. C'est très important
pour l'époque. " On the road again " est indéniablement
un titre de Mississipppi Blues marqué par l'influence de John Lee
Hooker. " Going up the country " vient du " Bulldog
Blues " d'Henry Thomas, soit du country blues Texan. "Lets
work together", notre troisième hit, a été
écrit par Wilbert Harrison, lequel chante également du blues.
Nous avons eu la chance d'arriver au bon moment et au bon endroit pour
donner au blues sont premier hit dans le monde entier. Après cela,
le blues est devenu plus populaire dans de nombreux endroits comme en
France, en Allemagne. Les gens ont appris à connaître cette
musique qui venait de vieux noirs par le biais des
jeunes gamins blancs que nous étions alors.
John Lee Hooker a déclaré
que personne ne jouait le boogie comme Canned Heat et lui. Pouvez-vous
nous parler de votre relation ?
C'est exact. C'est la vérité. Nous étions chacun
admiratifs de John Lee Hooker, avant même de former Canned Heat.
C'est quelque chose de très étrange, presque un lien spirituel
entre nous. Dans mon enfance à Mexico, j'écoutais John Lee
Hooker. Tous les autres également écoutaient John Lee Hooker
avant de se connaître. Lors d'une de ses dernières interviews,
il a bien dit : " ces gars m'aimaient avant même de me connaître
".
Nous avons rencontré John Lee Hooker vers 1969 environ.
Depuis lors, nous sommes restés très proches.
Nous avons joué ensemble. Un album commun a été enregistré
: " Hooker'n Heat ", puis " Live Hooker'n Heat at Folk
Venice " et enfin sur " the Healer " son disque le plus
connu. Plus tard encore, j'ai personnellement joué dans son groupe
dans les dernières années de sa vie. Quand je ne jouais
pas dans Canned Heat, j'accompagnais le " Coast to Coast Band ",
comme il l'appelait. Je considérais cela comme un privilège
que de jouer derrière John lors de ses derniers moments. J'étais
encore avec lui deux jours avant sa mort.
Jouer sur scène avec lui, l'écouter chanter
sur la mort et le fait d'être encore en vie
Il me donnait
des frissons quand j'entendais sa voix dans les écouteurs. "
So sad, so sad, I'm going to my friends ". Il chantait, il
parlait de la vie dont John Lee Hooker était un expert. Ne jamais
vivre deux fois la même chose
Toujours tenter quelque chose
de différent
Cela fut une grand aventure et aussi un privilège d'avoir, d'une
certaine manière, fait partie de la famille de John Lee Hooker.
Vous avez choisit le nom du groupe
d'après la chanson de Tommy Johnson ?
Oui, c'est le " Canned Heat Blues " de Tommy Johnson
qui nous a inspiré ce nom. Vous connaissez l'histoire selon laquelle
durant la Prohibition, les gens avaient pris l'habitude de boire de l'alcool
à brûler en le filtrant à travers un tissu.
Cela vous fait plaisir de partager
l'affiche avec Manfred Man et Jethro Tull, ce soir ?
Nous avons déjà fait trois festivals en Autriche avec Manfred
Man et Jethro Tull. Nous venons directement d'Autriche, au fait. Neuf
heures de route pour venir jouer ici ! J'ai parlé récemment
avec le batteur de Jethro Tull, qui est très cool. Nous, les musiciens
des sixties, avons beaucoup de choses à nous raconter.
Bien sûr, nous avons fait Woodstock avec Jethro Tull et ensuite
bien d'autres concerts pendant les années soixante, de même
qu'avec Manfred Man.
Quel effet cela vous fait d'avoir
votre version de " Lets work together " sur la musique du film
" Big Fish " de Tim Burton ?
J'adore ça ! Ecoutez, c'est génial ! J'ai reçu 1,75
dollars de la part de l'Union. Sérieusement ! J'ai été
payé 1,75 dollars pour les droits de cette chanson. Nous avons
perdu nos droits d'auteurs dans l'océan corporatif des grandes
compagnies de disques. Ils ont emporté nos royalties. Mais, ceci
mis à part, c'est bon de voir une de ses chansons revenir continuellement
dans les films, dans les publicités (Pepsi, Coca-Cola, McDonalds,
Levi's). Ils ont tous repris la musique de Canned Heat. On retrouve aussi
" Lets work together " dans " Forrest Gump ",
si vous vous rappelez. " On the road again " figure dans
" Flashback ". Nos chansons peuvent encore être entendues
partout dans le monde.
Quelles ont été les
circonstances dans lesquelles " On the road again " a été
composé ?
Comme je l'ai dit auparavant, c'est avant tout une reprise librement inspirée
de John Lee Hooker. Les paroles appartiennent en grande partir au domaine
public, à l'exception des vieux blues de Chicago écrits
par Floyd Jones.
Nous n'avions aucune idée du succès qui
allait nous tomber dessus. Souvenez-vous que nous n'étions qu'un
groupe de blues. Personne n'écoutait vraiment les groupes de blues.
Lorsque nous composions, nous ne pensions pas à fabriquer des tubes.
Nous n'avions jamais espéré devenir populaires. Nous étions
au bon endroit au bon moment, rien de plus. Le monde était prêt
pour notre musique. Les groupes d'aujourd'hui balancent des tubes préfabriqués.
Un musicien ne doit pas penser qu'à être connu. Sa mission
est d'abord d'éduquer et de rendre les gens heureux.
Etes-vous en train de préparer
un nouvel album ?
On vient juste d'en discuter il y a peu de temps. Je n'y avais pas pensé
depuis longtemps. Aujourd'hui, durant notre trajet de neuf heures en bus,
nous avons commencé à en parler. Qui pourrions-nous inviter,
que pourrions-nous jouer
Donc c'est de ce jour que date notre premier
" effort intellectuel ". il faudra ensuite rendre tangible cet
effort.
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