Comment avez-vous ressenti ce concert ?
J'ai adoré ! Nous voyageons depuis une semaine entre l'Espagne,
l'Italie et la France pour terminer par les festivals de musique. J'ai
toujours rêvé d'aller à Montreux. Mon père
m'en avait tellement parlé. Il venait me dire : " je
viens de rentrer du plus merveilleux des festivals : le Festival
de Jazz de Montreux ". Je me disais que peut-être
qu'un jour, moi aussi j'aurais la chance de pouvoir m'y rendre. Je n'imaginais
pas que cela se ferait pour lui rendre hommage. Je suis très heureuse
d'être ici en compagnie des vedettes du rythm'n blues qui font partie
de notre groupe à Memphis, Tennessee. Mon frère Marvel joue
de l'orgue et notre sur Venice nous a rejoint pour cet hommage à
Rufus Thomas ; tous réunis.
En quelque sorte, c'est une affaire de famille !
Absolument, et c'est fantastique de pouvoir le faire de cette manière.
Nous avons ainsi pu travailler ensemble, tout en rendant cet hommage.
Comment avez-vous vécu d'avoir eu un père
tel que Rufus Thomas ?
Maintenant nous sommes blindés à tous égards. Nous
chantons ensemble depuis des années, depuis que je suis toute petite
fille, en fait. Mon frère jouait et composait également
de son côté. Nous composons des chansons depuis toujours.
Ma sur a enregistré en solo et sur mes albums. Dans son prochain
album, elle va chanter un titre que je lui ai composé.
Quelles sont les musiques que vous écoutiez
au départ : le gospel, le blues ?
Je crois bien que la première musique que j'ai écoutée
venait probablement de l'église. Du moins celle que je pouvait
reconnaître et qui m'intéressait. J'ai très vite fait
partie du chur. En même temps, comme mon père était
musicien, j'ai toujours entendu toutes sortes de musiques. Pas uniquement
du gospel : du blues, la pop qu'adorais ma mère et toutes
ces chansons qui passaient à la radio. Elle voulait connaître
les chansons les plus populaires, ainsi que la musique country. Dans notre
voisinage se trouvait une chanteuse d'opéra afro-américain.
Elle rassemblait tous les enfants des environs, tous des afro-américains,
en fait. Nous ignorions tout de l'opéra. Mais elle organisait des
fêtes où elle nous invitait tous chez elle pour nous interpréter
des titres d'opéra. Je possède donc un petit vécu
en matière d'opéra. Du blues jusqu'à l'opéra !
Que représente pour vous le son de Memphis
ou le Memphis Blues ?
Le blues est une forme artistique purement américaine. Elle a débuté
aux Etats-Unis comme bien d'autres styles de musique. Mais à l'écoute
du blues, tous comprennent que c'est une musique typiquement américaine.
Plusieurs villes clament être à l'origine du blues :
Chicago, le Mississippi, ainsi que quelques artistes. Je crois que cette
forme originale doit finalement tout à Memphis, Tennessee. Ceux
qui venaient à Memphis cherchaient vraiment à créer
quelque chose. Etant originaire de Memphis, j'en suis très fière.
Nous devons notre renommée à la musique et à notre
travail artistique. Il y a là de quoi être fier.
Vous étiez des tout débuts de la
firme Stax. Quel regard jetez-vous sur cette période ?
Je suis très étonnée de voir des jeunes musiciens
qui n'ont pas connu l'époque de mon père et qui perpétuent
la tradition. Ils ont appris à connaître cette musique que
nous n'avons jamais cessé d'interpréter. La jeune génération
poursuit ce que nous avons commencé. Ce qui nous permet aussi de
continuer. A force de jouer dans ces festivals, les plus jeunes spectateurs
ont l'opportunité d'écouter pour de vrai les chanteurs originaux.
Comme de nombreux interprètes ont repris nos chansons, il est important
qu'ils sachent qui sont les chanteurs originaux, ceux qui ont enregistré
ces titres les premiers. A présent, nombreux sont les artistes
de cette époque qui trouvent l'opportunité de se produire
sur scène. C'est merveilleux d'avoir été invités
pour chanter et faire encore une fois partie de la communauté artistique.
Vous avez également partagé la vedette
avec Otis Redding le temps d'un album. Etait-ce une période bénie
pour vous ?
C'est un temps béni pour enregistrer en compagnie d'Otis Redding.
J'avais l'habitude de chanter des ballades et des chansons plutôt
douces. Il me disait : " Viens donc chanter avec moi !
Tu en es capable ". Nous nous sommes rendus à Detroit.
Comme tout c'est bien passé, il m'a proposé d'enregistrer
un album entier. Au départ, il était prévu de faire
un album de type européen en 45 tours. Mais nous nous étions
tellement amusés à enregistrer " Tramp "
que nous avons voulu continuer. Il a très bien marché.
Quelle est votre actualité discographique ?
Mon nouvel album s'intitule " Carla and friends ". Il
est composé principalement de collaborations avec des artistes
de Memphis. Nous avons fait un spectacle tous ensemble. Puis tout a été
masteurisé et édité en disque. Il est déjà
sorti, donc il devrait être disponible ici aussi.
Comment trouvez-vous la situation des musiques
" roots " à Memphis et aux Etats-Unis ?
On trouve de plus en plus de studios d'enregistrement. La musique continue
à se diversifier en genres différents comme le rap.
Memphis fourni toujours un contingent d'artistes de tous les styles :
du rock au blues en passant par le rap et le gospel. Que des personnes
très douées. Memphis leur doit sa renommée et le
jeune génération en fait partie intégrante.
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