Carlos SANTANA
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST

 

Je suis vraiment reconnaissant de pouvoir être présent ici. C’est comme réaliser un de ses propres rêves que de travailler avec cet homme si généreux. On n’en compte pas tant que ça, si tant est qu’il en existe d’autres. Comme avec Mr Bill Graham, je ne les qualifie jamais d’« imprésarios » mais bien d’« artistes ». Ils comprennent, particulièrement dans ce monde que nous vivons, à quel point nous avons besoin des vibrations positives dont parlait Bob Marley.
Avec tout ce qui se passe en Amérique, plus que jamais, il faut démontrer que la paix dans le monde est réalisable dans le laps de temps qui nous reste à vivre. Nous devons utiliser le son, les résonances et les vibrations pour réveiller l’humanité du cauchemar de la peur et des songes de séparation.
C’est pourquoi nous tentons d’utiliser la musique que nous ont legé Bob Marley, Marvin Gaye et John Coltrane. Leurs chansons si particulières sont entre nos mains. Comme le disait Miles Davis, des signaux préétablis peuvent réarranger notre structure moléculaire pour nous faire pleurer, rire ou danser et même pour donner une érection. Tout est possible. Pourquoi négliger le don qui a fait de nous des êtres humains ?

Quoiqu’il en soit, je me sens très honoré de me trouver ici, aux côtés de ces suprêmes musiciens que sont Wayne Shorter, Herbie Hancock, Chick Corea, John Mc Laughin, Angelique Kidjo , Steve Winwood et bien entendu, Barbara. Cette soirée m’excite beaucoup mais en tant qu’être humain, je suis aussi rempli de peur comme n’importe qui d’autre à ma place.
Jouer en compagnie de Wayne Shorter me rend humble. Nous allons mettre tout notre cœur dans chacune des notes qui seront jouées. L’Amérique aborde maintenant deux yeux au beurre noir à cause du comportement de son gouvernement, mais il ne nous représente certainement pas.
Ils ne représentent que leur agenda. Notre planning à nous est rempli de réconfort, prévu pour élever la conscience, pour transformer et illuminer nous-même et les gens et enfin, apporter unité et harmonie. Voilà exactement ce qui nous réunis en cet endroit.

Il y a longtemps, j’ai réalisé que j’avais débuté comme tant d’autres musiciens de rue, avec un chapeau posé sur le sol afin de collecter ce qui pourrait me nourrir. Je reste la même personne. Bien entendu, le chapeau est devenu gigantesque ! Je suis donc privilégié, grâce aux musiciens qui vont remplir ces chansons de magie et de suprême amour.

En 1988, lors de la tournée avec Wayne Shorter, nous avons monté le projet de partir pour l’Afrique avec des musiciens, de la nourriture et des médicaments. Tout cela aurait coûté beaucoup trop d’argent. Ma femme et moi avions décidé d’offrir la tournée complète. Il fallait quand même payer les taxes de Bush. Tout le reste est allé aider Mr Desmond Tutu en Afrique du Sud à lutter contre le sida.
Tous les quatre ans, des tas de sponsors contribuent à la Coupe du Monde de Football. Au même moment des gens meurent de faim, des centaines de milliers de personnes sont orphelines. C’est donc un geste naturel pour nous. D’autres réagissent également de leur côté.
Prince, Sting, Steve Wonder parmi tant d’autres agissent sans le dire. Par exemple Mr Paul Newman donne depuis vingt ans près de vingt millions de dollars par an pour soigner le monde, éduquer les enfants et il ne s’en vante pas. Nous n’avons pas besoin de publicité. Etre anonyme est préférable.

La seule raison pour laquelle j’ai accepté de rendre publique l’aide apporté à Desmond Tutu est qu’il faut parler de ce désastre. C’est un incendie qui détruit des familles dans toute l’Afrique pour le simple motif qu’ils sont noirs et pauvres ! Rien de cela n’arrive ici en Suisse ou au Canada, ni en Angleterre.
A mes yeux, c’est un génocide dont il ne faut pas se détourner. Que vont demander nos enfants : où étiez-vous quand c’est arrivé ? Eh bien, j’ai fait de mon mieux. Je suis très inspiré quand je reçois des lettres d’enfants. J’imagine un monde où dans 25 ans : l’eau, la nourriture, l’électricité et l’éducation seraient fournies gratuitement dans le monde entier.

J’ai bénéficié d’une excellente éducation. Mr John Lee Hooker, Mr Miles Davis, Mr Wayne Shorter, Mr Buddy Guy et Mr BB King : tous ont été les maîtres d’école. J’espère qu’aucun enfant n’est présent, mais c’est à peine si j’ai été diplômé au lycée. Mon université personnelle a toujours été le Filmore West pour aller voir John Hammond, Charles Lloyd, Miles Davis évidemment, Peter Green et Eric Clapton.
Tels ont été mes professeurs et mes amis. Ils m’ont enseigné qu’il faut sentir chaque note comme la première french kiss de sa vie. C’est valable pour chaque personne.
Lorsqu’on partage une french kiss pour la première fois, on est totalement immergé dans l’instant. Tout le blues est là. Impossible de tricher ça avec la technique. Si vous n’en êtes pas capable, inutile d’essayer. Si vous le pouvez, tous les autres le sentiront aussi.

Ce soir, nous testons la température. J’aimerais monter un groupe de « Prix Nobel » comme le groupe de Dizzy Gillespie. On pourrait inviter des maîtres musiciens avec Mr Desmond Tutu, Mr Carter et la dame qui a gagné le prix Nobel de la Paix en Moyen Orient. Utiliser la musique pour apporter paix et harmonie au monde entier. C’est à voir ! Après ce concert, il sera peut être possible de se retrouver à New York. Inviter Aretha Franklin, Patti Labelle et Witney Houston ...

Dans les années soixante, à cause d’Howling Wolf, Muddy Waters, Son House et tant d’autres maîtres, tous les jeunes blancs s’étaient intéressés aux Rolling Stones, à Cream. Tous jouaient le blues. Peut être un peu plus fort, voire même beaucoup plus fort (comme Led Zeppelin), mais cela restait du blues.
Le blues en a été changé.

Dans le même intervalle, j’avais découvert Tito Puente. Nous avons remarqué que les femmes dansaient différemment avec nous que devant Peter Green, Cream et consorts. Tout à coup, quelque chose se produisait avec les femmes qui devenaient soudain éveillées à leur dons naturels, à leur sensualité. Nous avons constaté : Oh, oh, ça fonctionne !
Le blues est toujours purement émotion. Notre « mossa » consistait en pure émotion, avec plus de protéines cérébrales. Combinées ensemble, on obtient Wayne Shorter !
Je suis un fils de BB King au même titre que Peter Green.

 

 
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Les liens :

Le site de Carlos Santana

Interview réalisée au
Festival de Jazz de Montreux
le 13 juillet 2004


Propos recueillis par Jean-Luc

 

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