Nda : Humble et discret, Carol’s Cousin poursuit inlassablement sa route. Après un superbe album (« No ») édité à la fin de l’année 2013, l’artiste a décidé de repartir à l’assaut des Etats-Unis et en particulier d’une scène encore trop méconnue en France…celle de Tulsa dans l’Oklahoma. Pour ce faire, il a acheté à son arrivée une splendide Pontiac Bonneville datant de 1979 (revendue en Louisiane avant son départ) avec laquelle il a parcouru les 6000 kilomètres de son rêve américain. Au gré du bitume avalé, des bars fréquentés et des concerts auxquels il a assisté, notre homme a réalisé des rencontres qui s’avèreront probablement déterminantes pour la suite de sa carrière. Une cure de blues qui nous réserve donc de belles surprises pour l’avenir. Des surprises faites d’échanges, de partages et de bonne musique made in USA…
Dom, ton dernier album en date (« No », paru fin 2013) s’ouvre par la chanson « Barfly ». S’agit-il d’un clin d’œil au film du même nom (en partie inspiré par la vie de l’écrivain Charles Bukowski), réalisé par Barbet Schroeder en 1987 ?
C’est, en effet, un film que j’ai adoré dès sa sortie. Le tandem Mickey Rourke-Faye Dunaway fonctionne à merveille dans ce long-métrage qui nous rappelle que nous aimons, nous aussi, les bars (rires) !
Tu étais, déjà, notre invité dans l’émission le 14 juillet 2010. Pour ceux qui n’étaient pas à l’écoute à ce moment-là, peux-tu te présenter ?
Je m’appelle Dom Ferrer, j’ai 52 ans et je suis musicien dans l’âme depuis toujours. Je ne fais plus que cela, non pas pour gagner ma vie mais, pour le plaisir de ne faire plus que ça…
Tu dis que tu es, depuis toujours, musicien dans l’âme. De ce fait, j’aimerais que tu évoques la manière dont cet art est venu à toi… Quel a été le déclic en ce qui te concerne ?
C’est aux antipodes de ce que je fais aujourd’hui. En effet, c’est David Bowie qui m’a fait aimer la musique au moment de la sortie de son album « Diamond Dogs » en 1974. J’avais 11 ans et j’ai été particulièrement interloqué par la pochette du disque. Lorsque je l’ai ramené chez moi, ça a été la « révolution » à la maison… C’est un superbe enregistrement que j’écoute toujours avec plaisir.
Est-ce à partir de ce moment-là que tu as décidé de te lancer dans la pratique de la guitare ?
Oui, absolument… Je me suis rendu à l’école de musique du coin, ce qui m’a foncièrement fait chier (rires) ! J’en suis parti après la deuxième leçon et j’ai continué mon apprentissage seul…
Je te connais, en tant qu’artiste solo, depuis environ 6 ou 7 ans. Cependant, quel a été ton parcours en amont de cette carrière ?
J’ai toujours joué « un peu » seul… Par contre, auparavant, je faisais partie de quelques formations mais sans grands éclats. Cette configuration ne me convenait pas, surtout en ce qui concerne les compositions. On est obligé de faire trop de compromis en groupe, car il faut satisfaire tout le monde…
Après ta découverte de Bowie qu’est-ce qui t’a amené à te frotter à des musiques plus roots, issues du terroir américain ?
J.J. Cale ! Sa musique a été le « truc » ! Eric Clapton a permis de la véhiculer mais je ne suis vraiment pas fan de ce dernier alors que J.J. Cale m’a marqué dès la première fois que je l’ai entendu.
Qu’est-ce qui t’a le plus touché chez lui, le fait qu’il soit parvenu à rester en marge du show business malgré son succès ?
C’est avant tout sa manière de jouer qui m’a marqué. Ce côté nonchalant, laid-back…et, surtout, ce groove inégalable. Personne ne peut groover comme lui, c’est impossible ! Je m’y suis, moi-même, essayé mais c’est très compliqué même si cela peut paraitre simple à la base. Ceci parce qu’il s’agit, tout simplement, de son groove à lui…
Tu envisages de continuer à te produire sous ton vrai nom (Dom Ferrer), pourquoi ce choix ?
En France, nous avons la fâcheuse habitude de nous cacher derrière un nom qui n’est pas le nôtre. J’ai fait la même chose, même si Carol’s Cousin a pour moi une vraie signification car c’est un clin d’œil à ma cousine Carole. Aujourd’hui, je pense enfin pouvoir dévoiler ma véritable identité. Avant, je n’aurais jamais osé mais j’ai maintenant envie d’associer les deux noms…
Peux-tu revenir sur ton précédent album (sobrement titré « Carol’s Cousin ») qui était le premier ?
A l’époque, je jouais avec une violoniste et je souhaitais conserver une trace de cette expérience. Nous avons commencé à enregistrer des trucs que je ne trouvais pas si mal. Nous avons conservé l’enregistrement tel quel et il est devenu mon premier disque…qui n’était pas parti pour en être un. Par contre « No » est un vrai album et nous pouvons le considérer comme le premier. Il est plus réfléchi et abouti. Les arrangements y sont mieux ciselés et on y trouve divers musiciens qui viennent m’y prêter main forte. Nous avons commencé à orchestrer les chansons ensemble, en gardant en tête que ces dernières seront, par la suite, principalement interprétées en solo sur scène. Nous sommes donc restés « soft » et les sessions se sont déroulées dans la spontanéité, dans l’urgence. Nous avons simplement ajouté un peu de crème sur le gâteau.
Les chansons, quant à elles, étaient-elles prêtes longtemps à l’avance ?
Tout était, effectivement, déjà composé avant d’entrer en studio…
De quelles expériences t’es-tu inspiré avant de bâtir les morceaux qui composent « No » ?
Je n’ai pas de recette spécifique. Je m’inspire de ce que je vois, de ce que j’entends et de ce qui me touche.
Le terme « No » qui donne son nom à l’album exprime la négation. N’est-ce pas une prise de risque lorsque son but est de toucher un public plus important que son prédécesseur ?
Peut-être, même si je ne me suis pas posé la question. C’était surtout un titre très court (rires). Je me suis dit que ce mot claquait vraiment ! La chanson du même nom me permet de « gueuler » un petit peu, ce qui est rare chez moi car je suis plutôt complentatif dans ce que je fais. C’est l’histoire d’une rupture… Souvent on n’ose pas dire les choses dans ce cas de figure alors que, là, j’envoie vraiment tout chier…
La seule reprise de l’album est « Let the music play » de Calvin Russell. Pourquoi ce choix ?
J’ai toujours aimé ce gars-là et je l’ai vu en concert plusieurs fois. Je me souviens, notamment, de sa prestation aux Eurockéennes en 1993. Elle était d’une puissance terrible… L’histoire du bonhomme est, aussi, assez atypique et me touche beaucoup. J’ai voulu reprendre ce morceau l’année de son décès (en 2011, nda) afin de lui rendre hommage. Je l’ai fait à ma façon…
Tu reviens d’un voyage aux Etats-Unis, était-ce le premier ?
Non… L’idée de ce voyage était d’effectuer un retour aux sources et d’aller voir ce qui s’est passé dans ce pays depuis mon précédent trip. J’étais curieux de savoir si j’allais ressentir les choses de manière différente et s’il allait influencer ma vie. Je ne suis pas du genre à raconter des histoires qui ne sont pas les miennes…il faut que je les vive avant de les mettre en musique. Je fais de la musique qui ressemble à de la musique américaine et qui, finalement, en est. Comme c’est là-bas que ça se passe, je me devais d’y retourner.
Tu y as passé un certain temps dans l’Oklahoma mais as-tu gravité dans d’autres états avant de te rendre à Tulsa ?
Avec mon manager Cab Aboura nous sommes partis de l’Idaho, dans le nord-ouest, où nous avons acheté une voiture afin de descendre à La Nouvelle-Orléans. Le tout en suivant un itinéraire dessiné en amont du voyage. Je tenais passer par Tulsa, c’était un point non négociable…je voulais m’y rendre et cela a vraiment été cool.
Outre Tulsa, as-tu ressenti des chocs musicaux dans d’autres villes traversées par ton itinéraire ?
Nous ne sommes pas restés suffisamment longtemps à La Nouvelle-Orléans pour nous imprégner des scènes de la ville. Par contre, j’étais très intéressé par la musique cajun. Si j’y retourne un jour, ce sera vraiment pour cela. Ses évolutions (et tout ce qui en découle) ne sont vraiment pas dénuées d’intérêt.
Quand on pense à Tulsa, le nom de J.J. Cale nous vient immédiatement en tête. On y trouve, toujours, aujourd’hui une scène très vivace. La connaissais-tu déjà bien avant ton voyage et avais-tu noué des contacts avec certains musiciens résident dans cette ville ?
J’avais pris des contacts avec des musiciens, par contre on ne peut pas dire que je connaissais bien cette scène. D’ailleurs j’estime que je ne la connais toujours pas bien car elle est très dense. Il y a ceux dont on parle mais aussi les autres qui sont peu connus. Dans cette ville, ça joue de partout (et tout le temps) et tous les artistes se retrouvent et mélangent leurs talents. Le partage y est une notion très importante et rien n’y est bloqué. Ce n’est pas le centre des Etats-Unis tel que l’on pourrait se l’imaginer, avec une profusion de culs-terreux. S’ils sont des culs-terreux ils sont, en tout cas, très ouverts d’esprit. Ils pratiquent une musique qui est tout sauf morte, elle est très vivante !
Combien de temps es-tu resté sur place ?
Une petite semaine sur un voyage qui en comptait trois…
Quels sont les musiciens que tu as pu y côtoyer ?
En premier lieu celui qui m’a fait l’honneur de m’inviter sur scène, David Castro. Il venait de sortir son nouvel album (la veille de notre arrivée à Tulsa). Lors de la release party il m’a tendu une guitare et permis de jouer 4 ou 5 morceaux en ouverture de son gig. Il n’était pas prémédité d’y jouer car, là-bas, rien n’est sûr jusqu’au dernier moment. Dans ce sens, Cab m’a beaucoup aidé et je l’en remercie. Jouer de la musique américaine dans son berceau a été un grand moment pour moi…
Quand un artiste tel que David Castro donne un concert à Tulsa, cela doit vite tourner en une réunion de musiciens…
Ses copains viennent le voir et finissent toujours par jouer. Là-bas, énormément d’artistes se produisent seuls avec une guitare…mais ils se mettent à trois ou quatre de front puis jouent chacun à leur tour. Ils interviennent aussi sur les morceaux des autres et partagent des titres en commun…c’est très convivial !
Beaucoup de jeunes artistes se produisent dans un registre très roots à Tulsa, quel est leur état d’esprit ?
C’est très cool, le mot laid back a été inventé pour eux comme J.J. Cale en a fait la démonstration. Il a une belle descendance qui constitue le new tulsa sound. Il s’agit d’un mélange de blues, jazz, country…c’est du piedmont blues.
Quels sont les autres musiciens qui t’ont marqué sur place ?
Il est difficile de répondre à cette question… Il y a des clubs partout et je ne me souviens même pas du nom de l’artiste que nous avons vu le premier soir. Il faut dire que nous étions passablement éméchés (rires) ! Il faut simplement savoir que ça joue bien et partout, c’est ce qu’il faut retenir. Nous espérons, rapidement, faire découvrir des artistes de cette ville au public français. Leurs disques sont vendus un peu partout à Tulsa, aussi bien dans les bars que dans les magasins de fringues. Ils sont tous issus du même label, Horton Records.
Tu as probablement des idées de chansons plein la tête après ce trip. Comptes-tu leur donner vie via un enregistrement aux Etats-Unis ?
Nous mettons cela en place actuellement. Il est vrai que l’idée est de retourner là-bas et d’enregistrer avec un line-up américain constitué de musiciens de Tulsa. Je veux que ça sonne comme j’en ai envie ! Ce sera une très belle équipe !
Ces musiciens sont assez rares en Europe, peut-on imaginer un échange de bons procédés entre vous ?
Nous avons, en effet, comme idée d’accentuer un partenariat. J’adore cette scène musicale et il me tient à cœur de la faire découvrir en France. Si cela me permet, en échange, d’avoir accès au public américain ce sera la cerise sur le gâteau. Me rendre au berceau de ma musique et y raconter mes histoires bouclera la boucle…
Remerciements : Cab Aboura
https://www.facebook.com/carolscousinmusic
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