Nda : Apôtre d’une musique aussi hargneuse que décomplexée, Catfish s’apprête à défendre vaillamment son nouvel EP « Morning Room » (Odeva/Imusician) sur les scènes hexagonales. Le duo, constitué par la chanteuse-bassiste-percussionniste Amandine Guinchard et par le guitariste-percussionniste-harmoniciste Damien Félix, auquel s’est adjoint le claviériste Bouveret-Akengin marque une nouvelle fois les esprits et invoque les fantômes d’un rock sixties psyché décadent (digne des texans de Mouse & The Traps) sur ce disque dont les relents lugubres sont estompés par un état d’esprit pour le moins optimiste. Faire s’entrechoquer avec classe les extrêmes, c’est le pari que s’était fixé le groupe qui n’a, quoiqu’on en dise, rien oublié des leçons prodiguées jadis par les bluesmen qui hantaient leurs rêves d’adolescents. Bref, un défi relevé haut la main…qui propulse définitivement Catfishau firmament du macrocosme de la scène musicale indé française.
Au moment où nous enregistrons cet entretien, la nouvelle vient tout juste de tomber sur les télescripteurs. En effet, votre duo s’étend et devient un trio. Pouvez-vous me présenter Mathis, qui vient de s’embarquer à vos côtés dans cette aventure ?
Damien : Oui, Mathis est un petit jeune de Besançon…enfin je dis petit jeune car il est beaucoup moins âgé que nous (rires) ! Il s’agit d’un claviériste qui est déjà membre de plusieurs groupes tels que Rising Sun ou Neptune. Il possède de nombreuses qualités et, après avoir réalisé quelques essais en sa compagnie, nous lui avons proposé d’intégrer Catfish.
A force de brouiller les pistes de par l’étendue de votre spectre musical il semble que vous avez aujourd’hui, aussi bien sur un point de vue musical que visuel, trouvé un style qui vous est propre. Comment définissez-vous ce dernier ?
Amandine : Nous avons tendance à dire qu’il s’agit de rock mais, effectivement, notre musique subit l’influence de plein de choses. Le problème des étiquettes est de parvenir à trouver un nom à ce que nous faisons… Notre son possède un côté punk et lorgne avec l’electro. Sur notre nouvel EP, un aspect psychédélique est également mis à jour via l’arrivée d’un clavier.
Damien : Il est vrai que, pour cet EP, nous avons moins senti le poids le poids des influences sur nos épaules. La composition s’est déroulée de manière spontanée. Par rapport à nos précédentes productions, tout a été très rapide…
J’ai lu quelques chroniques concernant la sortie de « Morning Room ». L’une d’entre elle met en exergue un son « heavy blues ». C’est une chose que je trouve surprenante. Etes-vous d’accord avec ce qualificatif, vous sentez-vous encore rattachés à la scène blues ?
Damien : Oui, dans le sens où il s’agit de la musique qui est à la base du projet Catfish. Nous venons de là donc, forcément, cette influence est toujours sous-jacente. Cependant, je conçois parfaitement que tu sois étonné car, sur cet EP, on le ressent beaucoup moins. Le terme heavy fait, probablement, référence au côté bien lourd et bien crade de nos sons de guitares. C’est dans ce sens que cela se justifie…
Est-ce pour condenser un maximum d’énergie en un minimum de place que vous avez décidé de sortir ce disque sous la forme d’un EP de 5 titres ?
Amandine : Non, le but est de donner un avant goût de notre prochain album que nous espérons sortir en 2020. On peut dire qu’il s’agit d’un apéritif (rires) !
Le disque est, aussi, marqué par une forme de légèreté voire d’insouciance. S’agissait-il de l’un de vos objectifs ?
Damien : En tout cas, il s’agit d’une chose assez nouvelle dans notre musique. Jusqu’à là, cette dernière était plus lourde, plus sombre. L’adjectif lumineux revient souvent à propos de cet EP. Ceci est aussi lié à ce mode de création spontané. Nous cherchions un nouvel élan et avions besoin de fraicheur…d’où cet aspect plus lumineux.
Votre démarche musicale, avec l’ajout d’un Farfisa, agrémentée de relents sixties m’a fait penser au dernier album en solo de Dan Auerbach des Black Keys (« Waiting On A Song »). Où avez-vous puisé votre inspiration au moment de la composition des titres ?
Damien : Dan Auerbach et la musique des Black Keys est quelque chose qui nous parle ! C’est une musique que nous écoutons beaucoup, même si nous ne puisons pas directement dedans. Il est vrai que ces sons de claviers nous plaisent… Pour ma part, j’ai beaucoup pensé aux Doors…un groupe que j’ai énormément écouté à mon adolescence et que je n’écoute plus vraiment. Cela reste gravé en moi… Sinon, j’ai un peu de mal à citer des influences pour ce disque, alors que tout le monde en trouve. Nous avons créé cela sans trop y réfléchir…
Pouvez-vous revenir sur l’enregistrement de l’EP et sur l’équipe qui vous a entourés dans sa réalisation ?
Amandine : Cet enregistrement était assez particulier car il é été réalisé chez nous, dans notre local. Cela a constitué un retour aux sources car c’est également là que notre premier EP a été conçu. Nous étions entourés de Thomas Jacquot qui est à la tête du studio Le Zèbre à Besançon. Il nous a enregistrés chez nous avant d’effectuer le mastering dans son studio. Nous avions également, à nos côtés, deux musiciens additionnels qui sont le batteur Antoine Passard et Benjamin Muller aux claviers. Ces derniers sont membres de l’autre groupe de Damien, qui s’appelle Bigger (qui vient de sortir l’excellent EP « Tightrope », nda). La production est signée par Aurélien Bouveret (Le Bruit Qui Pense) alors que notre attachée de presse (devenue co-manageuse) est Marina Daviaud. Nous sommes entourés de gens que nous connaissons depuis très longtemps. Nous avons pleinement confiance en eux, nos liens sont très forts !
Vous êtes toujours, également, toujours aussi attachés à l’aspect visuel de votre œuvre…
Damien : C’est Jenny Calinon, dite Rouge Poisson, qui fait notre comm’ depuis le début de l’histoire. Elle nous connait très bien et c’est elle qui a créée l’identité visuelle de Catfish. Avec elle, c’est toujours très fluide. Elle a bossé sur l’EP, ainsi que sur les deux clips attenants (le premier pour la direction artistique et le deuxième pour la réalisation). Comme cet EP est plus lumineux que les précédents disques du groupe, nous avons souhaité une imagerie en rapport…tout en essayant de conserver une petite touche sombre, parce que nous aimons bien cela !
Il y a beaucoup de liberté dans votre musique. En accordez-vous beaucoup aux créatifs qui travaillent avec vous ou, au contraire, leur remettez-vous un cahier des charges précis ?
Amandine : Jenny nous connait si bien qu’il est inutile de lui donner des indications. Elle tape toujours là où il faut même si nous donnons toujours notre avis. Elle a souvent les bonnes idées pour enjoliver ce que nous faisons musicalement. C’est en ça que réside l’intérêt de travailler avec des gens de confiance, sur tous les différents corps de métiers qui nous entourent. Nous pouvons laisser les gens faire ce qu’ils ont à faire…sans mettre notre nez dedans !
Damien : Nous travaillons avec ces gens depuis un moment. De ce fait, nous avons nos habitudes de travail. S’il existe un réel dialogue entre nous tous, nous accordons beaucoup de confiance à ces personnes.
Quels sont les thèmes qui se dégagent du disque ?
Amandine : « Morning Room », évoque un petit salon…celui qui voit le jour en premier dans une maison. C’est un peu comme si nous nous levions chez quelqu’un de différent chaque matin. De ce fait, on y croise des personnalités (fictives ou non) très différentes les unes des autres. Notre vision des choses est plutôt optimiste, même s’il y a toujours un aspect un peu glauque qui se cache derrière. Il faut voir le bon côté des choses et s’en complaire. Nos textes sont forcément en relation avec l’énergie de notre musique. De ce fait, il est évident que nos textes actuels sont plus lumineux qu’auparavant.
Damien : Il y a deux lectures possibles en ce qui concerne cet EP. On retrouve ce côté frais de prime abord alors que les textes abordent des choses pas très rigolotes… Ceci est fait de manière optimiste, en se disant que tout va bien se passer !
L’album qui découlera de cet EP sera-t-il réalisé dans le même état d’esprit ou pensez-vous aborder d’autres univers musicaux ?
Damien : Je pense que nous avons trouvé une recette qui fonctionne bien. Cette manière d’écrire nous colle parfaitement à la peau. De ce fait, je pense que notre prochain album se fera dans cette esthétique là. Nous avons envie de « creuser » nos sons de claviers. De plus, il nous semble important de garder une cohérence sonore tout au long d’un album. A titre personnel, j’aime les albums qui s’écoutent d’une traite et qui ne partent pas dans tous les sens. Nous allons aussi conserver notre manière de travailler. C’est-à-dire d’écrire vite sur des périodes assez courtes, pour ne pas se perdre là-dedans…
Damien, tu me disais que le blues demeure ancré dans l’ADN du groupe. Aujourd’hui, vous possédez la capacité de pouvoir vous produire dans des endroits très différents et dans le cadre de festivals variés. Le public, un peu plus blues, de vos débuts vous a-t-il suivis dans votre évolution musicale ?
Amandine : A l’instant où nous enregistrons cet entretien, notre répertoire actuel n’a été joué qu’une seule fois sur scène. Nous commencerons les concerts en trio à compter de mai 2019 et c’est à ce moment-là que nous découvrirons la réaction des gens. En tout cas, à l’écoute, il semble que le résultat plait beaucoup. Des gens se retrouvent davantage sur ce disque (tout comme sur notre premier album), alors qu’ils ont un peu moins aimé le deuxième. Ils retrouvent cette énergie brute, viscérale… C’est plutôt chouette ! En ce qui concerne le public blues, je pense qu’il s’habitue à être surpris par nos turpitudes musicales (rires) ! A notre grande surprise, si ces personnes peuvent être surprises de prime abord, elles accrochent aux propos !
Damien : Le blues est une musique qui est vivante. Le « blues à la papa » et ses solos à rallonge existent toujours mais, d’un autre côté, cette musique ne cesse d’évoluer. Les puristes du blues, lorsqu’ils écoutent Catfish ou d’autres groupes qui cherchent à réinventer cette musique, retrouvent les influences qu’ils aiment et voient que nous sommes sincères dans notre démarche. Nous pouvons faire autre chose, emmener cette musique ailleurs et la mêler à des influences plus modernes. Donc, même avec un vrai public de puristes, ça marche !
Remerciements : Marina Daviaud (BMK Agency)
https://www.catfish-music.com
https://fr-fr.facebook.com/Catfish.Officiel
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