Charles Bradley
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST


Nda : Ce n’est qu’en 2011 que le concept de chance s’est enfin intéressé à Charles Bradley. Depuis, ce soulman à la voix impressionnante et à l’impeccable jeu de scène, ne cesse de rattraper le temps injustement perdu. Il parcourt inlassablement la planète avec, pour toutes armes, un groupe soudé autour de lui (The Menahan Street Band mené par Thomas Brenneck) et un cœur immense. Auréolé d’un succès critique et commercial pour ses deux premiers albums et consacré par la sortie d’un documentaire retraçant sa vie, faite de drames puis de succès, l’artiste était de retour à Strasbourg le 5 novembre 2013. Il fêtait, ce jour-là, son 65ème anniversaire et m’a reçu dans sa loge pour une interview aussi poignante que chaleureuse. Cette dernière a été réalisée, pour l’occasion, devant un immense plateau de fruits de mer.

 Charles, que ressens-tu à l’idée d’être de retour sur les scènes françaises, afin d’y présenter ton nouvel album « Victim Of Love » ?
J’en suis très heureux… J’ai 66rencontré de nombreuses personnes formidables dans ce pays, depuis la poignée d’années que je m’y rends régulièrement. Quelques-unes d’entre elles font maintenant partie de mes proches. C’est d’ailleurs le cas dans toute l’Europe et encore plus spécifiquement en Allemagne. C’est en effet dans ce pays que j’ai fait la connaissance d’une jeune femme, qui est actuellement à tes côtés. Cette dernière est devenue l’une de mes meilleures amies. C’est une très belle personne…

A ton avis, en quoi ta vie a-t-elle le plus changé depuis la sortie de ton premier album « No Times For Dreaming » en 2011 ?
Tu sais, j’ai toujours le cœur brisé… mais j’essaye d’atteindre un bon équilibre. C’est un long chemin et un travail difficile que je veux réaliser afin de prouver à tous ceux qui n’ont vécu, ne serait-ce, qu’une partie de ce qui s’est passé pour moi, que tout et possible et que l’on peut s’en sortir.

De quelle manière as-tu signé un contrat avec le label Daptone Records ?
En premier lieu, j’ai rencontré Gabriel « Gabe » Roth (musicien et co-fondateur du label avec Neal Sugarman, nda) alors que je me produisais avec un groupe appelé The Jimmy Year Band (au sein duquel Charles reprenait le répertoire de James Brown, nda). C’est Jimmy qui a parlé de moi à Gabe… J’ai donc été reçu par ce dernier qui m’a offert l’opportunité d’enregistrer pour son label (dans un premier temps en 2002 avec le 45 tours « Take it as it comme part. I & II » avec le groupe Sugarman 3, nda). Afin que tout se déroule dans les meilleures conditions, il m’a aussi proposé de collaborer avec Thomas « Tom » Brenneck. A partir de ce moment-là, tout s’est enchainé et ma carrière a pris forme.

Justement, peux-tu m’en dire plus sur ta collaboration avec Thomas Brenneck, de quelle manière travaillez-vous ensemble ?
Tom m’a permis, dans un premier temps, d’enregistrer les 45 tours “Now That I'm Gone (Look How You're Crying) / Can't Stop Thinking About You” (2004) et “This Love Ain't Big Enough For The Two Of Us/ Twilight eyes “(2006) avec lui et son groupe Dirt Rifle & The Bullets (sous le nom de Charles Bradley & The Bullets, nda). Auparavant, c’est dans un studio de répétitions que nous avions créé nos premiers liens. J’avais rejoint ce combo à Staten Island et m’étais mis à chanter sur leurs musiques en improvisant des textes. Tom et moi sommes devenus de bons amis mais nous nous sommes éloignés lorsque les Bullets se sont séparés et qu’il a formé un groupe d’afrobeat nommé The Budos Band. Je l’ai donc perdu de vue pendant 5 ans, avant de le retrouver à Brooklyn où il venait d’emménager. Lors de ma première visite chez lui, nous avons eu une longue discussion. Il souhaitait que je me livre totalement à lui et que j’évoque des passages douloureux de ma vie et, en particulier, l’assassinat de mon frère. Cette expérience a été difficile à vivre sur un point de vue émotionnel. Cependant, elle a rapidement aboutie sur une première chanson, « Heartaches and pain ». Cette dernière est née dans l’appartement de Tom… Depuis nous collaborons très étroitement ensemble, avec lui tout se passe pour le mieux.

Aujourd’hui de quelle manière tes textes sont-ils conçus ?
Les paroles de mes chansons sont de moi et de Tom...

C’est par ton intermédiaire que de nombreux jeunes découvrent actuellement la soul music. Quels sont les messages que tu souhaites leur délivrer en priorité ?
Je veux leur transmettre une chose. J’aimerais, en effet, leur dire qu’ils doivent toujours être honnêtes dans leurs démarches. Parfois, les gens honnêtes sont les derniers à gagner quelque chose mais quand ils gagnent… ils gagnent royalement. Certaines personnes apprécient le fait de « sortir » afin de rafler le plus de choses possible mais, dans le fond, nul n’a besoin de cela. Il suffit simplement de donner de soit même, avec son cœur. Si tu agis avec ton cœur, ta place sera meilleure. C’est à chacun de voir s’il veut d’une vie agitée ou d’une vie meilleure. C’est une question personnelle que chacun doit se poser. Tu sais, il est facile de marcher sur le droit chemin mais il est difficile de devenir quelqu’un de droit. Je te dis cela en connaissance de cause…

Et quels conseils donnerais-tu à un jeune chanteur qui souhaiterait mener une carrière dans la soul music ?
 J’aimerais lui dire un peu près la même chose. Qu’il soit honnête avec lui-même et qu’il fasse comme moi. C’est-à-dire qu’il garde toujours un peu de Dieu en lui pour nous tous. Bien sûr, il faut aussi qu’il conserve l’abnégation nécessaire et qu’il n’hésite pas à frapper à un maximum de portes afin d’avoir le plus de chances possibles d’ouvrir la bonne. Le tout doit, bien sûr, se faire en conservant un maximum d’humilité.

Tu as, récemment, enregistré la chanson « I’ll slip away » de Rodriguez. Pourquoi ce choix, à ton avis y-a-t-il beaucoup de similitudes entre vous deux ?
L’enregistrement de « I’ll slip away » a eu lieu car Tom en a eu l’idée. C’est lui qui est à l’initiative de cette session. C’est une chanson qui permet d’en apprendre davantage sur l’histoire vécue par un homme. Par la vie qu’il a connue…Quand j’ai pris connaissance de ce texte, j’ai pu totalement comprendre l’état d’esprit du personnage et pourquoi il avait chanté cette chanson…

Peux-tu me parler plus en détails de ton dernier disque en date « Victim Of Love » (Daptone Records, 2013) ?
Oui… Je crois que la plus belle chose que l’on puisse dire sur ce disque et qu’il est un véritable document sur ce que sont l’honnêteté et la douleur. « Victim Of Love » a été réalisé avec passion et j’y chante la réalité de ce que je vois, de ce que je pense. J’y aborde tout ce que je ressens…

Es-tu surpris par l’intérêt que les gens portent à ta vie, qui est relatée dans l’impressionnant documentaire « Soul Of America » (disponible en DVD) ?
Oh oui… Je ressens tellement d’amour de la part des gens à travers le monde. Ceci s’est encore accentué depuis la sortie de ce documentaire. Je voudrais simplement dire à ces personnes que je souhaite leur rendre toutes ces ondes positives qui m’ont beaucoup aidé. Je constate tout cet amour autour de moi. C’est une arme efficace pour lutter contre la dépression. Tu sais, parfois tu peux trouver le temps long ou penser que la vie ne vaut pas le coup d’être vécue. Dans ma musique, je cherche toujours à m’exprimer en essayant d’être le plus sincère possible et tout va beaucoup mieux pour moi actuellement. La lumière brille, oui la lumière brille à nouveau… C’est pour cela que si vous êtes dans une mauvaise situation mais que vous êtes combatif, vous finirez toujours à trouver de l’espoir quelque part. Je crois que c’est grâce à cet état d’esprit que j’ai encore pu y arriver à l’âge de 62 ans…

Sur scène, tu es un véritable « performer ». Comment te sens-tu juste avant et juste après un concert ?
Avant de monter sur une scène je dis toujours une bénédiction pour nous tous et je remercie Dieu car il me donne le courage dont j’ai besoin pour faire ce que je fais. Puis, mon but est d’ouvrir mon cœur au maximum afin de pouvoir l’offrir aux gens. Après un concert, je recherche parfois un endroit calme puis je vais aller dormir… afin de me lever dans les meilleures conditions pour reprendre la route. Mon but est simplement de devenir la meilleure personne possible…

Depuis ces dernières années, quels sont tes meilleurs souvenirs relatifs aux tournées que tu as pu entreprendre ?
Il y a eu beaucoup de bonnes expériences. Je me souviens d’un concert dans le sud des Etats-Unis. Il pleuvait énormément et nous jouions en extérieur. Malgré cela, tout le monde était venu assister à notre prestation. Tout le monde était debout sous la pluie. Il y avait des milliers de personnes… Je me suis adressé au public en lui disant « si vous pouvez supporter cette pluie afin de me voir en concert, je dois vraiment donner le meilleur de moi-même ». Puis j’ai sauté, depuis la scène, dans l’herbe boueuse. Nous étions sales et plein de boue mais avons passé un moment fantastique. Lorsque je suis remonté sur scène, j’ai saisi le micro et ce dernier a commencé à faire des bruits électriques aussi bizarres que dangereux en raison de l’humidité. Je me suis donc dit que j’étais complètement fou (rires) !Je crois que quand tu aimes les gens, tu peux faire abstraction de tout ce qui se passe autour de toi et des éléments extérieurs. Ces sensations sont vraiment extraordinaires...

Dieu est-il une inspiration majeure pour toi ?
La musique que je fais constitue un challenge difficile. En effet, je dois toujours garder mon cœur ouvert et exprimer des choses vraies. Par exemple, ma chanson « Why is it to hard to live in America ? » n’évoque que des faits réels. Parfois il m’arrive aussi de ne pas ressentir d’envie et de trainer les pieds avant de monter sur scène. Mais ceci est ma vie, celle que j’ai choisie et je ne peux pas me dérober. Cela me permet de savoir qui je suis car derrière chaque artiste se cache avant tout une personne.

Rétrospectivement parlant, de quoi es-tu le plus fier dans ta vie ?
Ma réponse est, encore une fois, liée aux gens…J’ai rencontré des personnalités formidables à force d’être sur les routes. Ils m’ont donné de l’amour et m’ont aidé à passer un cap. Depuis que je gravite dans le milieu du business de la musique, je suis principalement touché par les rencontres. Toutes ces personnes m’ont donné les encouragements nécessaires afin de me permettre de devenir ce que je suis. C’est une chose qui m’importe énormément car, parfois, j’aimerais davantage être à la maison aux côtés de ma mère. Elle est âgée et j’ai souvent l’étrange sentiment de l’abandonner. Mais elle aussi me pousse dans cette direction et comprend que je fais quelque chose de bien. Elle me dit toujours « continue à avancer, mon esprit sera toujours avec toi ».66

Souhaites-tu ajouter une conclusion à l’attention de ton public français ?
J’aimerais dire à tous ces gens, ainsi qu’à tous les publics qui me suivent à travers le monde, que je les remercie infiniment car ils m’ont donné une chance énorme qui a changé ma vie. Ils ont fait quelqu’un de moi et je tiens spécialement à ajouter, aux européens, que ce sont eux qui m’ont découvert en premier. J’ai toujours ressenti, en me rendant sur ce continent, une profonde gratitude et un amour sans faille. Sans cette reconnaissance, je n’aurais peut-être pas pu poursuivre cette carrière aux Etats-Unis. Ce pays s’est, en effet, ouvert à moi un peu plus tard. C’est définitivement l’Europe qui a lancé ma carrière et je ne l’oublierai jamais. C’est une chose que je dis à chaque personne que je rencontre au gré de mes tournées lorsqu’on me demande où ma carrière a commencé. Je réponds toujours en Europe…


Remerciements : Sébastien Kervala (Differ-Ant), Marc Wiles (Marc Wiles Touring) & Anne-Sophie Henninger (La Laiterie-Artefact)


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Interview réalisée
La Laiterie - Strasbourg
le 5 novembre 2013

Propos recueillis par
David BAERST

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