Chris Bergson
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST

Nda : A force de combiner avec talent tous les styles qui ont forgé son éducation musicale, Chris Bergson est parvenu à développer une personnalité artistique qui le démarque totalement de ses confrères chanteurs-guitaristes. Egalement auteur-compositeur inspiré, il a déjà sorti 8 albums et n’a de cesse de donner des concerts sur le continent américain…mais également en Afrique ou en Europe. Particulièrement affable, ouvert et disert, le new-yorkais m’a reçu dans sa loge avant l’une de ses prestations scéniques…faisant fi d’un emploi du temps particulièrement chargé. En effet, au lendemain d’un concert donné en Haute-Marne, il n’aura guère eu le temps de profiter de son passage éclair en Alsace. A peine son gig terminé, il devait filer guitare en mains…contraint de mettre le cap à l’est. C’est là que, quelques heures plus tard, il donnait le coup d’envoi d’une série de dates en Russie. Un exploit pour les uns mais un moindre mal pour ce blues-rocker surmotivé, doté d’un inaltérable sourire et d’une énergie à revendre.

Chris, durant ton enfance, évoluais-tu au sein d’une famille amatrice de musique ?66
Oui, absolument ! Ma mère et mon père étaient de grands amateurs de musique. D’ailleurs, ils en jouaient puisque mon père pratiquait un peu la guitare lorsqu’il était à l’Université. J’ai grandi en étant confronté à une large collection de disques qui faisait preuve de l’éclectisme de leurs goûts respectifs. Cela allait de la musique folk au blues, en passant par le classic rock (avec, notamment, les Beatles) ou encore le jazz. J’ai, moi-même, commencé à collectionner les disques alors que j’étais très jeune. J’ai eu la chance d’avoir des parents me suivent dans cette passion et qui m’aident à me constituer une discothèque. Lorsque j’étais enfant, grâce à eux, j’ai pu assister à des concerts réunissant de formidables artistes. J’ai été élevé dans la région de Boston et, ainsi, j’ai pu voir des pointures du jazz ou du blues en leur compagnie. C’est de cette manière que j’ai assisté à une prestation de Miles Davis et Dizzy Gillespie…mais j’ai aussi vu Kenny Burrell, Joe Past, Jim Hall etc. Ceci sans parler des incroyables festivals de blues dans lesquels mon père m’emmenait. Je me souviens, par exemples, de grandes soirées au Beacon Theater de New York City…comme cet incroyable concert qui réunissait John Lee Hooker, Buddy Guy & Junior Wells, Bobby « Blue » Bland et The Fabulous Thunderbirds. Puis, le soir suivant, il y avait Albert King à l’affiche… C’était une grande période et, à chaque fois, j’étais très excité à l’idée d’en apprendre un peu plus sur le blues.

Au milieu de toutes ces musiques, te souviens-tu de celle qui a été la première à te toucher ?
Il s’agissait, probablement, de celle des Beatles. Je me suis vraiment plongé dans l’univers de ce groupe lorsque j’étais un enfant. Ma regrettée grand-mère s’appelait Rita. Je me souviens donc, très spécialement, de la chanson « Lovely Rita » qui figure sur l’album « Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band ». Un 33 toursque mes parents diffusaient régulièrement sur la chaine familiale. J’adorais aussi le titre de George Harrison « Here comes the sun ». Tu sais, la musique des Beatles est tellement imaginative et créative… Il est très facile d’entrer dans cet univers lorsqu’on est un enfant…

Pourquoi t’es-tu, plus spécialement, plongé dans l’apprentissage de la guitare…plutôt que dans celui d’un autre instrument ?
Depuis que je suis tout petit, j’ai toujours été fasciné par cet instrument. Mon oncle possédait une guitare mexicaine classique à neuf cordes. A chaque fois que nous allions lui rendre visite je la saisissais et la posais sur le sol afin d’en jouer. Apparemment, alors que je n’étais âgé que de 3 ans j’étais littéralement scotché devant un tableau représentant des guitaristes espagnols. Cette œuvre était exposée dans un grand musée new yorkais que je visitais régulièrement avec mes parents. J’ai , depuis mon plus jeune âge, toujours été passionné par cet instrument de musique. C’est vers mes 7 ans que j’ai commencé à prendre des leçons. De plus, c’est l’instrument idéal pour pouvoir chanter en même temps qu’on en joue.

Par la suite, tu as même poursuivi ton apprentissage dans une grande école de musique. Peux-tu me parler de celle-ci ?
Oui, j’ai débuté ces études à la Manhattan School Of Music située à New York. J’ai alors entrepris des études de guitariste de jazz. Je m’estime très chanceux d’avoir pu étudier auprès de grands spécialistes du genre tels que Jim Hall. Je me suis aussi perfectionné, de manière formelle ou informelle, au contact de Peter Bernstein, Jack Wilkins etc. J’ai vraiment étudié auprès d’un grand nombre de grands guitaristes de jazz qui ont tous une approche sensiblement différente de cet art. Le fait de fréquenter cette école a été une grande expérience, cela m’a beaucoup aidé ! Durant mes deux dernières années passées là-bas, j’ai commencé à donner de nombreux concerts à New York. La transition entre cet art appliqué à l’école et celui inhérent à la scène a donc été graduel. Puis, j’ai donné de plus en plus de concerts et je n’ai jamais arrêté depuis…

Avec le bénéfice de toutes ces influences, tu produis un blues particulièrement inspiré et original. Comment le définis-tu ?
Je suppose que la meilleure dénomination pour ma musique est, tout simplement, rock’n’roll (rires). Du rock’n’roll américain, du rock roots ou de la musique roots… L’un de mes groupes préférés, l’un de ceux qui a eu le plus d’influence sur moi est The Band. D’ailleurs, je me sens très chanceux d’avoir pu jouer aux côtés du grand Levon Helm qui était batteur et chanteur au sein de ce légendaire combo. The Band est un point de référence à lui tout seul. J’aime beaucoup sa musique qui lorgne du côté de nombreux styles différents de musiques américaines. Pléthore de groupes se contentent d’explorer un ou deux registres différents, ce qui fait que leurs chansons peuvent parfois se ressembler. The Band, quant à lui, explorait tout le spectre de la richesse musicale des Etats-Unis. Dans sa musique, on retrouvait du blues, de la country music, de la folk, de la musique de la Nouvelle-Orléans, du rhythm & blues, du rock’n’roll originel et bien sûr (surtout au niveau des textes) de grosses réminiscences de l’œuvre de Bob Dylan que le groupe a accompagné durant plusieurs années. J’essaye de suivre ce chemin dans ma propre musique. Les chansons que j’écris sont imprégnées de différents styles !

A ton avis, les musiciens doivent-ils se sentir investis d’une mission éducative vis-à-vis de la jeunesse ?
Je ne me sens pas concerné par la chose (rires) ! En effet, il suffit de voir et d’entendre quelqu’un comme Flo Bauer (qui assure ma première partie ce soir) pour constater que beaucoup de jeunes n’ont pas besoin de recevoir trop de conseils. Il y a beaucoup d’autres exemples à travers le monde. Par exemple, je rencontre de nombreux débutants à New York et j’ai l’impression qu’ils sont de plus en plus jeunes (rires) ! Ce sont des gens qui travaillent énormément et qui n’hésitent pas à traverser la ville afin d’assister à des concerts ou dans le but de participer à des scènes ouvertes. De notre côté, la seule chose que nous pouvons leur offrir et le fait de monter sur scène avec nous à l’occasion d’une jam.

En tant qu’auteur-compositeur, où puises-tu ton inspiration ?
Je m’inspire d’artistes qui figurent parmi mes influences. Ainsi, je peux encore te citer The Band et Levon Helm qui en était le batteur et chanteur. Je m’inspire, également, de Bob Dylan, de Jimi Hendrix, de Ray Charles, du pianiste de jazz Bill Evans dont j’adore les harmonies. Je puise aussi dans la soul music avec Aretha Franklin, Otis Redding etc. D’ailleurs, j’ai été très touché par le film « Amazing Grace », réalisé par Sidney Pollack, qui met en scène Aretha Franklin lors d’un concert qui s’est déroulé en 1972. Tous ces gens-là m’aident à construire le songwriter que je suis devenu. Ceci-dit, je reste à l’écoute de tout ce qu’il se passe en dehors de la musique. Par exemple, j’adore assister à des expositions de peintures, de photographies et me rendre dans des musées lorsque j’ai un jour de libre. Mes chansons proviennent de mon sens de l’observation qui est assez développé. Je me documente beaucoup sur la vie qui grouille autour de moi à New York City. C’est une ville formidable où on retrouve des personnalités très différentes. Le fait de se rendre dans des cafés et d’observer les gens y est une chose fascinante. Tous ces caractères affirmés me donnent des idées. Tout résulte simplement de l’observation…

Tu as été nommé Ambassadeur du Jazz aux Etats-Unis. En quoi cette fonction consiste-t-elle ?
Oui, c’est mon titre officiel (rires) ! Il y a quelques années, en 2002, j’ai en effet été choisi comme Ambassadeur du Jazz. Ce programme remonte aux années 1960 et c’est Dizzy Gillespie qui a été le premier musicien à le représenter. Sous ce titre, mon trio s’est produit dans de nombreux pays d’Afrique de l’ouest. A chaque fois que nous nous y rendons, nous projetons également des films sur le blues qui ont, ainsi, été vus par des habitants de 8 pays situés en Afrique de l’ouest (comme le Sénégal, le Ghana, la Gambie, le Nigéria…). Nous y donnons des concerts, des masterclasses et des workshops auprès des jeunes musiciens locaux. C’est une expérience absolument incroyable et nous avons, ainsi, la possibilité de traverser des nations où il est, parfois, compliqué de se déplacer.

La scène musicale new-yorkaise laisse-t-elle encore une place de choix au blues ?
Il y a tellement d’incroyables musiciens à New York. Malheureusement, la scène des clubs (spécialement pour le blues) se réduit considérablement. Même le B.B. King Blues Club a été contraint de fermer ses portes en avril 2018. Pourtant cet endroit était idéalement situé, à proximité de Times Square. Cela me touche d’autant plus que j’ai eu l’honneur de faire la première partie de B.B. King, tout comme d’Etta James par exemple. Ces lieux sont aujourd’hui fermés et il ne reste qu’un vrai club qui reste consacré au blues à 100%. Il s’agit de Terra Blues qui est installé à Greenwich Village. Les groupes de blues se rabattent donc sur les clubs de jazz. En ce qui me concerne, la tâche est un peu facilitée car mon groupe se complait dans l’exercice de l’improvisation. Ainsi nous pouvons continuer à jouer dans des endroits new yorkais mythiques tels que The 55 Bar qui est établi à Greenwich Village. C’est dans un endroit tel que celui-ci, plus précisément au City Winery, que nous donnerons un grand concert le 17 juin 2019. Celui-ci devrait faire l’objet d’une sortie en CD et DVD. J’en suis très content car des artistes incroyables sont déjà passés par ce lieu dans le passé. Malheureusement, je ne peux que te répondre que New York City n’est pas actuellement une ville très propice à la pratique du blues. Elle reste bien plus concentrée sur le jazz mais j’espère que la situation va favorablement évoluer dans les années à venir.

En dehors de ce futur CD/DVD, as-tu de nouveaux projets ?
Ma prochaine sortie me tient à cœur car il s’agit de mon tout premier DVD. Il est issu d’un concert que nous avons donné l’an dernier en France, en Normandie. C’était au Zénith de Caen et cette soirée était organisée par une association de blues nommée BackStage. A mes côtés, il y avait le formidable chanteur de soul music Ellis Hooks avec lequel j’ai aussi écrit des chansons. Ce DVD fera donc office de document, puisqu’il nous permettra de retrouver ce formidable groupe français qui m’accompagnait alors. Y figurent Philippe Billoin aux claviers, Philippe Dandrimont à la basse et Pat Machenaud à la batterie. Ce CD/DVD sortira en juin 2019…

Aurais-tu un dernier mot à ajouter ?
J’adore revenir ici chaque année. Je considère la France comme ma seconde maison et je suis très touché par la manière dont je suis accueilli dans ce pays. Le public y est vraiment fantastique et je l’apprécie énormément !

Remerciements : Damien Cornélis, Philippe Dandrimont, Pat Machenaud.

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Interview réalisée au
Wood Stock Guitares - Ensisheim
le 18 mai 2019

Propos recueillis par

David BAERST

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