Dick Rivers
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST


Dick, pour un animateur radio tel que moi, c’est assez « intimidant » de t’interviewer dans la mesure où tu as toi-même longuement officié sur les ondes (RMC, Radio France). Quel est ton plus ancien souvenir concernant ce média. Avais-tu, durant ta jeunesse à Nice, accès aux radios américaines par exemple ?

En effet, en tout j’ai dû faire 11 ou 12 ans de radio… Quand j’étais jeune, la seule station que les gens de ma génération pouvaient écouter tard le soir était Radio Luxembourg (Your Station Of The Stars) qui venait d’Angleterre. Elle devait émettre en ondes moyennes, nous la cherchions avidement sur la bande… Il était peut être possible de capter des radios pirates américaines mais je n’avais pas encore la culture nécessaire pour celà, j’étais trop petit pour les connaitre. Par contre je conserve un grand souvenir des bars dans lesquels se réunissaient les GI’s, c’était leurs propres établissements.  Ils y passaient leur musique… C’est ce qui m’a permis de découvrir les fondements de leur culture avant la majeure partie des français. Ceci-dit, je ne suis pas le seul à m’être retrouvé dans ce cas de figure. Gérard Depardieu à Châteauroux ou Alain Bashung en Alsace, pour ne citer qu’eux, ont suivi le même cursus… Tous les gens qui vivaient à proximité de bases militaires américaines ont eu, ce que j’espère être, la grande chance de connaitre en « avant-première » cette musique venue d’outre Atlantique…dick

Lorsque l’on parcourt ta carrière, on constate la manière remarquable dont tu as toujours su t’entourer. Tout en conservant tes racines musicales tu as réussi à rester en symbiose totale avec ton époque. Quelle a exactement été ta ligne de conduite artistique tout au long de tes 50 années de carrière ?
J’ai toujours essayé de ne pas me prendre au sérieux et de me considérer comme un éternel débutant. J’adore les musiciens et, de ce fait, j’ai toujours gardé les oreilles bien ouvertes. Je me considère moi-même comme appartenant à cette famille, bien que je ne joue pas d’un instrument. J’ai un grand respect pour eux et ils me le rendent bien. J’aime suivre l’évolution de la musique tout en respectant mes multiples racines. D’ailleurs je dis souvent dans mes interviews que le rock’n’roll que j’ai connu  à la fin des années 1950 à Nice, lorsque j’avais une douzaine d’années, est mort le jour où Elvis est parti à l’armée. Quand  j’ai débuté ma carrière, le rock’n’roll américain qui avait bercé ma jeunesse faisait déjà partie du passé. Ce style a été, par la suite, merveilleusement « reconduit » et amélioré par les groupes anglo-saxons. La progression de ce genre musical est vraiment extraordinaire par rapport à ce qu’il était à sa création.

Avec le recul, et avant la sortie de ton album » Mister D » (2011), quelles sont les périodes de ta vie artistique dont tu es le plus fier ?
Celle de demain… Quand je termine un disque c’est terrible, c’est un véritable crève- cœur pour moi… Le « bébé » ne m’appartient plus. La créativité est une adrénaline extraordinaire au moment de la conception d’un album. Par contre, dès sa sortie, il appartient aux médias et au public. A partir de là, le seul moyen de récupéré le bébé est de partir en tournée. Quand je suis sur scène, j’en reprends possession. Il n’y a pas un soir qui ressemble à 100% à l’autre. Le répertoire reste le même mais il y a toujours des modifications dans ma manière de chanter ou dans les arrangements. C’est, par exemple, le cas depuis mon concert à l’Olympia le 31 mars 2012. Nous ne faisons pas du copier-coller et j’aime bien avoir de bonnes (ou de moins bonnes) surprises…

Le fait de retravailler avec un groupe français est-il un choix qui te tenait à cœur ou est-ce lié au hasard des rencontres ?
J’ai souvent travaillé avec des musiciens français… Tout se passe par périodes… Ma vie est basée sur des rencontres. Je ne suis qu’un interprète et, comme le disait Florent Pagny : « La différence entre nous les interprètes et les auteurs-compositeurs-interprètes réside dans le fait que ces derniers ont souvent un problème de page blanche ». Je peux te citer en exemple le cas de mon ami Francis Cabrel qui met parfois jusqu’à 3 ou 4 ans pour faire un disque. Il faut qu’il écrive les musiques et surtout les textes. Moi je n’ai pas ce problème… Je rencontre des gens et lorsque ça colle entre nous (Dick cite Joseph D’Anvers, Matthieu Chédid, Benjamin Biolay, Mathieu Boogaerts, Mickäel Furnon de Mickey 3D…) c’est un échange réciproque. Une envie commune de partager une expérience musicale. Je ne suis que la « poudre de perlimpinpin » qui vampirise l’œuvre de quelqu’un d’autre. J’y apporte, enfin je l’espère, ma patte personnelle… Il appartient aux gens de l’apprécier ou non. Je me mets dans la peau d’un auditeur lorsqu’on me fait écouter une maquette de chanson. Je la reçois dans les oreilles comme quelqu’un qui découvrirait l’un de mes nouveaux titres. Si ça me plait et que je pense pouvoir y apporter quelque chose je l’enregistre. C’est un peu comme un costume de prêt à porter que je transformerais en du sur mesure !

De quelle manière as-tu rencontré Oli Le Baron, connaissais-tu ses précédents travaux au sein des groupes Jad Wio ou Ici-Paris pour ne citer que ceux-là ?
Bien sûr ! Nous nous sommes rencontrés au moment de l’élaboration de mon album éponyme de 2006. C’était au studio ICP à Bruxelles. C’est Mitch Olivier, le réalisateur du disque, qui m’a présenté Oli que je connaissais déjà de réputation. L’idée était de partir sur une base guitare-voix et d’habiller les chansons par après. C’est ce que nous avons fait puisqu’il m’a écrit un morceau sur cet album (déjà sur un texte de Jean Fauque). La même année, aux Francofolies de La Rochelle, j’ai fait la connaissance de Joseph D’Anvers puisqu’il faisait partie des invités qui m’accompagnaient sur scène pour la circonstance (soirée conceptuelle autour de l’artiste, intitulée « Ôde à Dick », nda). Il y a eu un atome positif entre nous et m’a dit qu’il avait peut-être des idées pour moi. Je lui ai immédiatement répondu qu’il était le bienvenu… De ce fait, en 2008, il m’a écrit « L’homme Sans Age ». Entre temps, Oli a signé des chansons (dans un anglais parfait) que j’ai gardées sous le coude. Ce sont ces titres que j’ai utilisé, avec des textes en français signés par Joseph D’Anvers, Jean Fauque etc… Tout se fait très simplement et, pour mon prochain disque studio, j’ai déjà une bonne vision de ce à quoi il ressemblera et avec qui je le ferai… mais c’est encore top secret pour le moment !

Est-ce également Oli qui t’a aidé à recruter les excellents musiciens qui t’accompagnent actuellement sur scène ?
Oui d’ailleurs, pour la plupart, les gens qui sont sur scène à mes côtés en ce moment ont participé à l’aventure de « Mister D ». Jr Rodrigues était assistant en studio mais a aussi fait des batteries, Jérôme Goldet a fait des basses sur de nombreux titres, les cuivres sont les mêmes. Il n’y a qu’Olivier Riquet (claviers et guitares sur scène) qui n’était pas sur l’album. Tous ces gens m’accompagnent depuis le début de cette tournée qui a commencé en novembre 2011 au Casino de Paris. Depuis, c’est « Mister D on tour ». Je suis très fier de l’album live « Gran’ Tour – Olympia 2012 » (Verycords) qui est aussi le premier DVD enregistré en public que je sors en France.

Tu me disais tout à l’heure que tu donnais carte blanche à tes auteurs et compositeurs. Concernant « Mister D », qui est un disque qui te colle particulièrement à la peau, avais-tu un « cahier des charges » ou des lignes directrices que tu communiquais à Oli Le Baron ?
C’est un travail qui se fait en famille… Tout comme moi, il savait très bien ce qu’il voulait. C’est un musicien complet et sa pré-production était déjà très proche du résultat final. Il n’y a pas eu de grandes surprises entre les « maquettes de luxe » fournies et le disque. Les seules différences notables résident dans ma voix et l’ajout de sessionmen tels que le guitariste texan Charlie Sexton ou d’autres « pièces rapportées ». Des ajouts qui n’ont pas rajouté grand choses à l’efficacité ou à la qualité des chansons en elles-mêmes.

Oli t’apporte un son nouveau et inédit en ce qui concerne ta carrière. Sur scène c’est vraiment tonitruant, à l’image de la version de « Pills » (titre créé en 1961 par Bo Diddley, nda) que vous interprétez ensemble lors de tes concerts. Elle est digne de celle des New York Dolls (enregistrée, quant-à-elle, en 1973)… Mickey Blow, ton harmoniciste a eu l’occasion de jouer avec Johnny Thunders par le passé. Avais-tu l’habitude d’écouter ces artistes dont, aujourd’hui, tu côtoies l’univers musical ?
Je vais te faire une réponse de normand… j’aime toute la bonne musique ! Mes goûts sont très larges. Tiens-toi bien, ça va de Luciano Pavarotti à Pearl Jam en passant par Willie Nelson, Alain Bashung, une partie de l’œuvre de Francis Cabrel… Je connais les New Yorks Dolls mais je t’avoue ne pas en être un inconditionnel comme Oli Le Baron. Je mentirais si je disais le contraire… C’est horrible et facile à dire mais j’aime tout ce qui est bon. Je suis « bon public », quand quelque chose me flatte l’oreille musicalement et surtout vocalement, j’adhère ! Je n’ai pas de « chapelle » même si, bien sûr, il y a des chanteurs que j’aime plus que d’autres… surtout pour des raisons techniques. C’est le cas d’Elvis Presley sans qui aucun d’entre nous n’aurait jamais existé… et qui reste l’un des meilleurs chanteurs de l’histoire. Celui qui était mon maître à penser et qui n’est, malheureusement, plus de ce monde est P.J. Proby. J’aime les gens qui m’apportent quelque chose vocalement. Quand je les entends je me dis « merde, j’aurais aimé faire quelque chose comme cela ». J’apprécie même parfois des trucs qui, pour ne pas dire « soupe au lait », sont un peu populaires. Si ça me touche, j’y vais…dick

Je vais te confier une impression personnelle, tu me diras si c’est une chose que tu revendiques… J’ai l’impression que tu es passé du statut de pionnier du rock’n’roll français à celui de l’un des leaders de la scène rock indépendante actuelle. Est-ce une chose dont tu es conscient ?
(rires) C’est un grand compliment, que Dieu t’entende… personnellement je le pense aussi (rires) ! Il faudrait juste que le peuple et l’ensemble des médias en soient aussi conscients. Tu sais, le propre même de la France est d’être un pays très « conservateur ». Les français aiment bien classer les gens par ordre… Heureusement que la nouvelle génération, que je conquière  petit à petit, n’est pas nostalgique et ne connait pas mon passé. Elle me découvre à travers mes nouveaux disques avant de s’intéresser à mes enregistrements antérieurs. Il y a aussi ceux qui m’ont connu à travers leurs parents qui, aujourd’hui, me respectent. Pour répondre à ta question, j’ai envie de te dire que personnellement je le pense. C’est paradoxal mais je suis, quelque part, plus respecté en tant que chanteur au Canada et même dans le microcosme du show business anglo-saxon que dans mon propre pays. C’est une réalité…

Tu es en tout cas, un grand passeur. En travaillant avec des gens tels qu’Oli Le Baron, tu permets à de nombreux jeunes d’être confrontés à la musique d’artistes tels que Neil Diamond, Elvis Presley, Vince Taylor ou Willie Nelson…
Ce sont, en effet, des artistes auxquels je rends hommage en tournée et dans mon album « Gran’ Tour – Olympia 2012 » car j’y reprends quelque- uns de leurs titres. J’adore la country music et Willie Nelson est pour moi l’un des meilleurs…

Ce CD/DVD live reflète à merveille ton actuelle tournée. Le tracklisting est un savant mélange entre titres nouveaux, classiques de ton répertoire et reprises…
On a essayé de le faire au feeling (Oli Le Baron et Jr Rodrigues débarquent alors en pleine interview et se lâchent avec humour face au micro, nda).  « Viens tout connaitre » est un titre quasi inconnu en France alors que j’en ai fait un grand succès au Canada. Lors des répétitions, nous cherchions de vieux « trucs » afin de les adapter au groupe. C’est Oli Le Baron qui a eu l’idée de reprendre cette adaptation de « Girl you’ll be a woman ». A ce moment- là, il ne pensait pas à la version originale de Neil Diamond mais à Urge Overkill qui offrait une relecture de la chanson dans le film « Pulp Fiction » (1994) de Quentin Tarantino (l’interprétation du groupe date de 1992, nda). Entre nous, ce n’est pas la meilleure version que je connaisse… celle de Neil Diamond est dix fois meilleure… C’est marrant de présenter aux spectateurs des trucs qu’ils connaissent moins, même si c’est toujours agréable d’entendre les gens applaudir au moment où on commence une chanson. Souvent, je préfère « conquérir »… un peu comme si les spectateurs découvraient un nouveau disque.

Avec tous ces musiciens qui jouent avec toi sur scène, on sent une réelle osmose. Tu redeviens le chanteur d’un groupe à part entière…
J’ai toujours été un chanteur de groupe. J’ai commencé avec Les Chats Sauvages et je ne me suis jamais séparé des musiciens. Dans ma vie professionnelle, que ce soit en France ou au Canada, il n’y a jamais eu de fracture entre, d’un côté, un soi-disant patron et de l’autre des soi-disant employés. J’ai toujours vécu avec mes musiciens. Quand nous avons plusieurs loges, nous sommes toujours les uns chez les autres. Je me suis toujours considéré comme un musicien, mon instrument c’est le chant… Je suis aussi content lorsqu’il y a un beau solo de guitare que lorsque je fais une bonne performance vocale. C’est un tout et c’est cela le secret de la musique. Ce n’est pas un orchestre et un mec devant…

Depuis tes premiers concerts avec ce groupe, on a presque déjà du mal à t’imaginer sans Oli Le Baron…
A mon avis, il va rester longtemps avec moi… Aujourd’hui Mickey Blow, souffrant, est exceptionnellement absent et il nous manque. Du coup, on s’adapte et certains de ses plans se sont vus substituer par les cuivres…

Je suis sûr que tu as déjà la tête qui « fourmille » d’idées. Peux-tu me parler de tes projets dans les grandes lignes ?
Quand les choses ne sont pas faites, tant que l’œuvre en elle-même n’est pas bétonnée… je ne m’avance jamais. Dans ce métier tout change du jour au lendemain. Tant que je ne suis pas sûr des chansons qui, à priori, devraient être très bien et de ce que je peux leur apporter… je ne préfère rien dire. Mon prochain disque est prévu pour novembre 2013 donc on a le temps. Avec cette tournée, je devrais être sur les routes jusqu’à l’été 2013.

Tu as exercé ton art avec beaucoup d’artistes différents. Y a-t-il encore une personne avec laquelle tu souhaiterais particulièrement travailler ?
Il y a une fille avec laquelle j’adorerais chanter et je vais, peut- être, le faire l’année prochaine… mais rien n’est sûr. Je rêverais de faire un duo, dans un registre country, avec Isabelle Boulay. Je l’adore et je regrette que les français ne connaissent pas son album dans ce registre musical. Je l’écoute en boucle dans ma bagnole, il est magnifique. C’est une grande chanteuse francophone de country… comme seuls les canadiens savent le faire !

Est-ce que tu aurais une conclusion, à l’attention de nos auditeurs, à ajouter à cet entretien ?
Je vous aime et j’espère vous retrouver très bientôt sur les routes de France et de Navarre… !


Remerciements : Sarah Chantepie, Pauline Rouchaléou, Babette, Mister D et toute son équipe…


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Interview réalisée à
La Filature
Audincourt
le 11 novembre 2012

Propos recueillis par
David BAERST

En exclusivité !

 

 

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BAERST
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