L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST | ||
Nda : D’un naturel pourtant discret, le saxophoniste Didier Marty est devenu l’un des visages les plus familiers de la scène musicale française. En plus d’avoir accompagné (et de continuer à accompagner) une multitude d’artistes internationaux (Screamin’ Jay Hawkins, Lionel Richie, Linda Gail Lewis, Vigon, Paul Personne, Les Enfoirés…) aux quatre coins de la planète, il a développé de nombreux et ambitieux projets. Des groupes qui, par l’intermédiaire de son état d’esprit épicurien et bon vivant, sont parfaits pour les ambiances festives mais qui, surtout, régalent les champs auditifs de tous les bons amateurs de musique qui se respectent. C’est, par exemple, le cas du Marty Dixie King (avec Muriel Marty au saxophone, Jeannot Cirillo aux percussions, Frédéric Bonneau au banjo, Bruno Brochet au saxophone et Didier Quéron au sousaphone) qui a déambulé à un rythme d’enfer lors de la 32ème édition du Jazz Festival de Munster (Près d’une trentaine de prestations sur cinq jours !). Malgré cet agenda pour le moins chargé, mes retrouvailles avec le musicien ont naturellement abouti vers l’enregistrement d’une nouvelle interview. Il faut dire que Didier Marty, en 2019, se surprend lui-même à rêver de plus en plus de blues… Didier, notre dernier entretien remonte à mai 2006 et s’était déroulé au Club Med World de Paris Bercy. Depuis, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts… Cependant, avant de parler de ton actualité, peux-tu revenir sur les musiciens qui t’accompagnent depuis tant d’années et avec lesquels tu multiplies les projets ? Tout est parti du Mardi Brass Band que j’avais créé et au sein duquel il y avait énormément de musiciens (jusqu’à 37 à l’occasion du Festival de Jazz de La Villette). Parmi eux, certains formaient déjà une famille à part entière…ils avaient l’habitude de jouer ensemble. Tout s’est donc fait naturellement, par affinités. Nous avons toujours envie de nous voir, de jouer ensemble donc il n’y a pas de raison pour que cela s’arrête. Actuellement, nous avons tendance à nous éparpiller car il faut avouer que la région parisienne fait fuir pas mal de gens (rires). Cependant, nous trouvons toujours une solution afin de nous rassembler dans le cadre d’activités musicales. En plus d’être un musicien accompli, tu es un musicien particulièrement occupé. Quels sont les concepts avec lesquels tu tournes le plus actuellement ? En ce moment, je me concentre en effetsur un album de blues. Je me rends compte qu’il s’agit de la musique que j’ai la plus jouée sans, pour autant, réaliser un vrai projet personnel autour d’elle. Cet idiome, et ce n’est pas à toi que je vais l’apprendre, est un univers qui est très vaste. On y trouve un grand nombre d’expressions différentes. J’ai donc commencé à écrire des morceaux et à chercher un son. Pour cela, je me suis davantage mis à la guitare…un instrument que j’ai toujours « bricolé ». Je n’ai pas encore terminé mais, pour le moment, il en résulte un blues plutôt sauvage. Ce n’est pas très orchestré, alors que mon idée de départ était de mettre des cuivres un peu partout. Initialement, mon but était de produire un son qui soit vraiment étoffé, à la manière de celui de B.B. King. Petit à petit, la configuration du groupe s’est réduite. Ceci non pas par nécessité économique, mais par une sorte d’appel de la musique elle-même. Par exemple, je joue moins de saxophone et plus de guitare… J’ai commencé à « poser » des morceaux en studio, en jouant sur une boucle de batterie. L’ingénieur du son du studio dans lequel je travaille est aussi bassiste, du coup je lui ai donné la structure de mes titres et il m’a accompagné. En réécoutant les premiers jets, je me suis dit qu’il fallait conserver quelque chose de cela, de ce son brut et minimaliste…sans nous poser trop de questions. Il y aura des parties de slide et nous avons déjà filmé un clip qui sera bientôt dévoilé. Un autre suivra… A l’heure où nous parlons, deux titres sont mixés et d’autres sont couchés sur la bande sans être finalisés à 100%. Ce projet me tient particulièrement à cœur. Je m’y suis pris assez tôt car j’espère le faire tourner sur des festivals en 2020. Le groupe s’appellera Marty et les Seniors du Blues (rires) ! Avant de continuer à l’évoquer j’aimerais, justement, revenir sur ton passé au sein de la scène blues. Peux-tu me parler de tes principales collaborations dans le domaine ? Auparavant, je jouais très souvent au Quai du Blues. Là, j’ai accompagné la chanteuse Zoom qui se considérait davantage comme une interprète de rhythm & blues. Un soir, elle avait été particulièrement émouvante en évoquant sa petite fille. Elle avait quittée depuis deux semaines, afin de venir se produire en France. Elle avait le blues au vrai sens du terme, elle était déprimée. Elle a alors interprété un blues fantastique. Ce moment demeure inoubliable en ce qui me concerne… J’ai trouvé cela magnifique, c’était magique ! Il n’a suffit que de trois accords saupoudrés de magie pour qu’elle crée ce moment incroyable. L’artiste qui m’a le plus marqué dans le blues est Muddy Waters. Je l’ai vu sur scène et j’ai trouvé cela magnifique. Arriver à produire un tel son avec si peu de notes est une chose incroyable. A chaque fois, on avait l’impression que la scène allait décoller…c’est inexplicable (rires) ! Sinon, parmi les gens que j’ai accompagnés dans le blues, nous pouvons citer Patrick Verbeke qui signe actuellement son retour…et j’en suis très content ! C’est quelqu’un d’important dans le paysage du blues français et pour nous tous ! J’ai aussi joué sur un album de Paul Personne « La Chance », 1989) avec lequel j’ai, également, fait quelques dates. C’est un formidable instrumentiste et j’ai gardé le son de sa guitare en tête. Puis, j’ai fait un album avec Greg Zlap et j’avais participé au disque de The Duo constitué par Claude Langlois et Pascal « Bako » Mikaélian. Je croise toujours ces derniers et nous continuons de faire des choses ensemble… J’ai également joué sur le dernier album de Bill Deraime (« Nouvel Horizon », 2018) où, malheureusement, ils se sont trompés dans les crédits. En effet, les morceaux sur lesquels j’ai joué ne correspondent pas à ce qui est écrit sur la pochette (rires). C’est d’autant plus rageant car je suis très fier du son de saxophone (à la Jr. Walker) que j’avais produit sur l’un des titres. Au final, je ne suis pas crédité dessus (rires) ! J’aimerais encore évoquer la regrettée Ruby Wilson qui était une chanteuse extraordinaire. Être à ses côtés sur scène était une véritable leçon. Comment gérer 15 jours au Mériden (avec un concert de 3 heures chaque soir) en conservant une voix aussi forte et « engagée ». J’ai vu comment elle a géré cela et, chaque jour, il y avait un moment magnifique. Il faut dire que c’est elle qui s’occupait du club de B.B. King à Memphis, donc elle avait du métier et l’habitude du truc ! Le blues est la musique avec laquelle j’ai fait le plus de rencontres, le plus de choses marquantes. Puis, il y a des trucs qu’on aime dans cette musique…qui ne sont pas, forcément, estampillés blues. Par exemple Ray Charles qui, à chaque fois qu’il s’est aventuré dans ce registre, était vraiment terrible ! Tout cela fait que, en m’engageant sur le projet d’un album de blues, je suis contraint de mettre la barre assez haute. Ceci afin, de rendre grâce à tous ces gens avec lesquels j’ai travaillé. J’espère que je pourrai être à la hauteur de mes ambitions (rires) ! Afin de t’épauler dans tes travaux, envisages-tu de faire appel à quelques-uns des acteurs de la scène blues française ? Le fait de revenir au blues avec cet album est-il aussi pour toi, en plus de signer un retour aux sources, l’occasion de te replonger spirituellement sur ta vie et ton parcours ? Outre cet aspect, y’a-t-il d’autres thèmes que tu souhaiterais développer ? Je vais avoir mes droits à la retraite, mais cette dernière correspondra à celle d’un musicien…c’est-à-dire qu’elle ne sera pas énorme. Comme je ne veux pas faire de choses alimentaires, je vais continuer à défendre ces projets. A force de les travailler sur scène, ces derniers deviennent de plus en plus faciles à façonner. Pour ce futur disque de blues, j’ai débuté par la partie médiatique. J’ai, par exemple, tourné un clip avant de terminer l’enregistrement…afin d’en assurer la promotion bien en amont. J’espère que cela va fonctionner… Je pense que nous nous reverrons après la sortie de l’album afin d’en parler. En guise de conclusion à cet entretien, puisque tu abordes un grand nombre de registres au sein de tes divers répertoires, j’aimerais simplement savoir s’il y a un que tu n’as pas encore exploré et que tu souhaiterais développer dans l’avenir… D’ailleurs, dans notre spectacle consacré à Chuck Berry, nous finissons sur une version de « Memphis, Tennessee » qui sonne dixieland. De même nous y interprétons une version doo-wop de « Almost grown ». Tout ce que nous aimons, nous le mettons dans la même marmite. C’est d’ailleurs ce qui se fait à la Nouvelle-Orléans. Les musiciens jouent plusieurs styles… J’en ai marre de ces compartiments ! Un jour j’ai rencontré un guitariste (à savoir Dominique Gaumont, 1953-1983) qui avait enregistré deux disques avec Miles Davis (« Get Up With It » et « Dark Magus » en 1974). Lui disait toujours « je fais de la musique totale »… Je n’ai pas cette prétention là, mais j’ai vraiment envie de réunir toutes les musiques que j’aime au sein d’un même projet. Ceci, tout simplement, afin d’obtenir un résultat qui me ressemble. Remerciements : Jean-Pierre Vignola, Nadège du Jazz Festival de Munster et toute l’équipe du Marty Dixie King. |
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Interview réalisée au Propos recueillis par David BAERST En exclusivité !
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