Nda : Inspiré par les ruptures amoureuses, le sud de l’Alsace et le fidèle van de tournée « Daisy » (sans oublier la bière, qui demeure le moteur premier de la fine équipe), l’album « What’s Flowin’ In My Veins » (Beast Records – L’Autre Distribution) marque le passage à trois du groupe Dirty Deep. Afin de célébrer sa sortie, son fondateur chanteur-guitariste-harmoniciste (et auteur-compositeur) Victor Sbrovazzo est revenu donner de la voie dans l’émission Route 66. Il y a évoqué ce nouveau disque ainsi que les diverses évolutions de son concept, avant de repartir sur les routes (avec, en point de mire, une première tournée américaine et des collaborations de plus en plus prestigieuses). Voici quelques morceaux choisis de notre dialogue du jour…
Qu’évoque le titre « Goin’ down south » par lequel débute l’album ?
Cette chanson parle de ma ville natale, Altkirch. J’habite à Strasbourg depuis 7 ans et, à chaque fois que je retourne voir mes parents, mes amis me disent « tu te casses dans le sud ». J’ai pris cela au pied de la lettre et j’ai commencé à traduire Altkirch par «Ol’ Church City». Depuis, je continue à aller manger de la carpe frite (spécialité culinaire locale, nda) dans mon sud profond, celui de l’Alsace (rires) !
Je considère Dirty Deep comme un véritable concept, qui est passé de la formule one-man band à une configuration en trio (en passant par le duo). Peux-tu revenir sur l’évolution de celui-ci, depuis ta première venue dans le studio de l’émission (en février 2013) ?
J’ai commencé tout seul en 2010 car, parmi mes amis les plus proches, aucun n’était partant pour jouer du blues dans nos chers juke joints alsaciens. Puis, j’ai rencontré Geoffroy Sourp lors d’un concert que j’assurais seul. Il se produisait alors au sein du groupe de Kevin Weiss. Ce dernier est, également, vendeur au sein d’un fameux magasin de guitares situé à Strasbourg (Veitz Guitares). Geoffroy venait de découvrir le registre de Seasick Steve et a trouvé des similitudes entre ma musique et celle chanteur-guitariste californien. Je l’ai ramené en voiture sur Strasbourg et il m’a, rapidement, dit que ce serait bien que l’on essaye de jouer ensemble. J’ai immédiatement été partant car il est, pour moi, le meilleur batteur de l’univers ! Il m’a recontacté un mois plus tard, afin de me proposer un concert en duo. Cela fait, maintenant trois ans que nous jouons ensemble…Geoffrey s’étant produit dans de nombreux groupes différents, dont le duo Chirak (qui mélange allègrement stoner, rock progressif et pop) avec le bassiste Adam Lanfrey, nous avons fini par faire une jam tous les trois ensemble après un concert dont nous partagions l’affiche. Au premier accord j’ai levé les yeux, j’ai regardé Geoffroy et me suis dit « bordel, si c’est ça une basse…j’en veux une ! ». De ce fait, depuis l’élaboration de l’album « What’s Flowin’ In My Veins », Dirty Deep est devenu un trio.
Connaissais-tu bien le parcours de tes deux comparses avant de les rencontrer ?
Tous deux sortent du Conservatoire et ont abordé de nombreux registres au sein de leurs différents projets. Comme l’a dit Willie Dixon « The blues is the roots, the rest is the fruits », donc ils n’ont eu aucune difficulté à se joindre à moi pour jouer du blues. De mon côté, je ne sais faire que cela mais nous avons facilement trouvé une bonne symbiose.
Vous goûts musicaux respectifs étaient-ils très proches ou t’ont-ils fait découvrir certaines facettes musicales qui t’étaient inconnues et qui t’ont permis de faire évoluer ta musique ?
En matière de musique il y avait, bien sûr, beaucoup d’atomes crochus entre nous. Nous sommes, par exemple, tous les trois des admirateurs de R.L Burnside ou d’Etta James. Geoffroy possède un background qui va du hardcore au hip-hop alors qu’Adam est passé par toutes les formations possibles et imaginables. De ce fait, de nouvelles influences sont entrées en ligne de compte lors de la composition de nos derniers morceaux…
Lors de vos tournées, vous retrouvez-vous systématiquement dans les choix des disques que vous emmenez dans le van ?
Etant le seul à avoir le permis de conduire dans le groupe, c’est moi qui tiens le volant. De ce fait, je me considère un peu prioritaire pour choisir la musique (rires). Cependant, je suis avide de découvertes et j’apprécie le fait qu’ils me fassent écouter de nouveaux CD. Il y a juste lorsqu’ils choisissent une musique pour s’endormir, alors que je conduis depuis 5 heures et que je n’ai eu que 3 heures de sommeil, que cela me pose un problème (rires). En principe, j’attends qu’ils soient tombés dans les bras de Morphée pour passer une musique plus énervée, du Rage Against The Machine par exemple ! Les nappes d’orgue, lorsque je commence à cligner des yeux, ce n’est pas très revigorant (rires) !
Quels sont les artistes, dont tu ne peux plus te passer aujourd’hui, que tes deux comparses t’ont fait découvrir ?
Geoffroy m’a fait découvrir Johnny Hallyday. Lors de nos premiers concerts en commun, il ramenait systématiquement bon nombre des CD du pionnier français du rock’n’roll. Du coup, j’ai découvert beaucoup de morceaux qui m’étaient inconnus jusqu’alors… et je suis également devenu fan. Adam, quant à lui, m’a fait découvrir pas mal de choses diverses et variées dont le groupe The Presidents Of The United States Of America que nous trouvons cool et que nous écoutons régulièrement (surtout quand Geoffroy dort car, ce dernier, n’aime pas tous les morceaux). Adam et moi chantons toujours les paroles en nous regardant amoureusement, c’est drôle ! Il y en a beaucoup d’autres sont j’ai oublié les noms… mais les découvertes ont été nombreuses !
Peux-tu revenir sur la genèse de « What’s Flowin’ In My Veins». Etait-ce un travail en solitaire ou as-tu élaboré les morceaux en compagnie d’Adam et Geoffroy ?
J’ai beaucoup de mal à composer tout au long de l’année. Ceci parce que j’ai énormément de distractions… En effet, habitant au centre-ville de Strasbourg, je vais souvent boire des bières en terrasse (rires) ! De ce fait, je me constitue une sorte de sac contenant un maximum d’idées (riffs, thèmes…). Puis, je me donne une date butoir pour finaliser mes compositions et je me mets à travailler dans l’urgence. Cet album a donc été composé en 6 jours. Avec Geoffroy et Adam, nous nous sommes retrouvés dans un local et nous avons réunis toutes nos idées dans un grand chapeau. Après l’avoir secoué, nous en avons sorti une « Margarita » dégueulasse.
Environ deux instrumentaux sont nés chaque jour. Puis j’ai pris l’habitude de partir dans un petit coin perdu du Sungdau (territoire situé dans le sud de l’Alsace, nda) où j’aime bien me retrouver afin d’écrire les textes. J’y ai emmagasiné de nombreuses thématiques, des choses qui m’ont fait plaisir ou qui m’ont emmerdé depuis notre précédent album. J’ai continuellement écrit pendant une semaine avant de retrouver le studio pour tout finaliser.
Il y a donc trois thèmes récurrents qui traversent l’ensemble de l’album : ton van, les ruptures sentimentales et, bien sûr, le sud de l’Alsace…
Oui, c’est exactement cela. J’y fais aussi référence à mon passage dans la ville de Troyes où j’ai l’impression d’avoir trouvé une deuxième famille.
Depuis ta dernière venue dans l’émission, tu as vécu beaucoup de choses (tournées dans toute la France et à l’étranger, rencontres prestigieuses, captation de la chaine franco-allemande Arte pour l’émission Tracks…). Toutes les anecdotes glanées à l’occasion de ces diverses expériences ne t’ont-elles pas donné l’envie d’écrire ?
Maintenant que je suis en couple je vais, en tout cas, probablement revoir ma manière d’écrire (rires) ! Je pense que, dans l’avenir, je m’inspirerai davantage de faits vécus plutôt que ressentis. Concernant mes concerts au Canada, par exemple, je n’avais pas beaucoup de choses à dire car en dehors de traverser Montréal et de boire encore davantage de bières…nous ne faisions pas forcément plus que d’habitude (rires).
J’ai, malgré tout, fait quelques clins d’œil à ce voyage dans l’album… On y trouve beaucoup de sens cachés. Il faut décortiquer chaque phrase de ce dernier pour dénicher ce qui se trouve derrière. Il y a des significations sous-jacentes, qui ne sont pas complètement explicites après une simple lecture…
Où l’enregistrement s’est-il déroulé ?
Il a eu lieu dans Périgord, dans la maison de campagne de notre ingénieur du son (qui est originaire de La Rochelle et qui vit à Strasbourg). Nous nous sommes enfermés 10 jours et l’enregistrement s’est étalé sur 6 d’entre eux.
Vos vidéos sont toujours très soignées et attendues. Qui travaille avec vous sur cet aspect ?
C’est toujours la même personne qui réalise nos vidéos ou qui nous filme en tournée. Il s’agit de Mathieu Garcia, qui effectue un énorme travail pour nous. Notre dernier clip (pour la chanson « Goin’ down south ») était drôle à faire car il y avait énormément de plans de coupe (notamment pour les passages incluant les ragondins et les serpents). Cela a représenté un travail de longue haleine car il nous a fallu un certain nombre d’autorisations afin de pouvoir utiliser le bateau à l’endroit où nous le souhaitions. La préparation du tournage a donc été très sérieuse alors nous ne l’avons pas beaucoup été durant ce dernier. Nous avions rendez-vous, sur place, le matin à 08h30. Cependant, Geoffroy m’a appelé une demi-heure avant pour me dire qu’il ne fallait pas que je le cherche chez lui car il était toujours dans un bar. De ce fait, il n’a pas eu besoin de jouer le mec bourré, il l’était vraiment (rires) ! Heureusement que j’avais prévu des cannettes, j’ai tout bu rapidement pour pouvoir arriver à son niveau (rires) ! Nos maigres qualités d’acteurs ne nous ont donc pas été très utiles pour jouer des types complètement saouls !
De manière générale, avez-vous enregistré ce disque dans des conditions live ou avez-vous multiplié les pistes ?
Les sections basse-batterie plus les guitares témoins ont été faites en même temps. Les voix et les solos ont été enregistrés à part. L’énergie globale qui se dégage du résultat est donc assez live. C’est un savant mix de live et de re-recordings à foison…
Le son général du disque est, me semble-t-il, plus rock que sur tes précédents opus. On ressent parfaitement ton goût prononcé pour le mouvement grunge des années 1990…
Cette musique a toujours été l’une de mes principales influences. Depuis mes débuts, je cherche à réaliser une sorte de « crossover » qui unit la musique des bluesmen traditionnels que j’écouteà celle de la période grunge dans toute sa globalité.
On connait ta passion pour les réalisations du label Fat Possum. Dans le blues actuel, quels sont les autres artistes que tu écoutes. Par exemple, la dernière fois que je t’ai vu, tu partageais l’affiche avec le groupe suédois Blues Pills, apprécies-tu son registre ?
J’aime beaucoup Blues Pills mais, dans la veine blues des groupes actuels, ce n’est pas forcément vers eux que je m’orienterais en premier. J’aime les choses rocailleuses qui mélangent diverses influences, comme ce que fait James Leg qui était encore sur mon balcon il y a quelques heures (ce dernier, ainsi que la one-woman band américaine Molly Gene, était l’invité de Victor le soir même de l’émission, nda) …Bien sûr, j’apprécie toujours Scott H.Biram, Left Lane Cruiser et beaucoup d’autres groupes moins connus. Aux Etats-Unis on trouve, un peu partout, des artistes qui se produisent dans ce registre qui allie savamment le hillbilly, le blues traditionnel et le rock’n’roll… Tous ont aussi bien écouté Son House, Etta James, Chuck Berry que Nirvana. Ils possèdent les mêmes influences…
Que pourrais-tu ajouter en guise de conclusion ?
Le contenu de l’album « What’s Flowin’ In My Veins» émane de ce qui coule dans les veines des trois personnalités qui constituent, aujourd’hui, Dirty Deep. C’est pour cela que l’on peut y trouver des réminiscences de hip-hop ou d’afrobeat, qui gravitent autour de notre amour du blues et du rock. Je tiens à remercier tous les gens qui ont travaillé autour de ce projet, à savoir Christin Georgel (illustrations, pochette), Mathieu Garcia (vidéos), Julien Rimaire (management), Beast Records (label), Jérémy Durand de V2C Développement (booking), Nicolas Miliani (presse), Celim Hassani (photos), Leopard Da Vinci (orgue sur le morceau « Shine », capté en live et en public) et, bien sûr, mes deux acolytes Geoffroy et Adam que j’embrasse énormément… là où il ne faudrait pas !
https://dirtydeep.bandcamp.com
https://fr-fr.facebook.com/dirtydeep.official
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