Interview d'Ira Tucker, leader de
la formation depuis 1938
Comment arrivez-vous à garder l'âme
du groupe en transmettant le flambeau de génération en génération
?
Cela n'a pas toujours été facile, mais c'est une tradition
que nous essayons de faire perdurer. Il y a peu de temps, nous avons encore
perdu quatre membres du groupe. Depuis toutes ces années, il y
a une trentaine de membres qui se sont succédés les uns
après les autres. Il y a peu de temps, d'autres remaniements sont
encore intervenus.
Vous n'avez jamais interprété autre
chose que du gospel. Est-ce dû à un choix ou à un
manque d'opportunités ?
Depuis que j'ai rejoint les Dixie Hummingbirds (il y a soixante cinq ans),
j'ai eu beaucoup d'occasions d'interpréter du blues ou de la soul
; de la musique profane.
Mais lorsque j'ai débuté dans le groupe, j'étais
très jeune et ma mère m'a dit : " tu feras du gospel
et rien d'autre ". Du coup, je n'ai jamais eu le courage d'interpréter
de la musique profane (rires).
Que pensez-vous de ces affiches de festivals qui
mélangent les genres ?
Je ne me sens pas concerné. Il y a longtemps, nous avons partagé
pendant six mois la scène d'un club new-yorkais avec Lester Young.
De mon point de vue, il ne faut pas juger les autres, mais amener le public
qui est venu écouter du blues ou du jazz à aimer notre musique.
Sister Rosetta Tharpe disait que vous chantiez
comme elle et vous appelais " mon bébé ". Pouvez-vous
nous parler de cette époque ?
Elle était comme ma sur musicienne. Nous avons joué
ensemble des années durant. Je l'ai rencontrée en 1939.
A l'époque, j'étais baryton. Le premier morceau que j'ai
interprété en tant que leader était " Free
me Jésus " qui était un titre de Sister Rosetta
Tharpe. C'est à ce moment-là que nous avons commencé
à faire des tournées communes.
Est-ce que, pour vous, le fait de mélanger
musique sacrée et musique profane, comme le font certains artistes,
est compatible ?
De façon plus personnelle, cela peut m'arriver. Ça dépend
du contexte. Dans certains festivals, on demande aux artistes d'interpréter
pour le final un morceau qui peut être profane ou sacré.
Dans ce genre de contexte, tu te sens obligé de le faire.
Est-ce que, dans la tradition, votre musique se
joue à des moments précis ?
En fait, c'est très simple. Quand tu en as envie, tu chantes !
Il n'y a que des hommes dans votre groupe : choix
ou hasard ?
De façon générale, on voit de plus en plus de femmes
et d'enfants dans les groupes de gospel. Certains de ces groupes sont
parfois constitués de familles entières. Le père,
la mère et les enfants
En ce qui concerne les Dixie Hummingbirds, s'il n'y a pas de femmes, c'est
un choix. Quand tu es en tournée sur la route, le fait d'avoir
des hommes et des femmes dans le groupe peut être un problème
(rires).
Comment expliquez-vous la longévité
des groupes de gospel ?
C'est une combinaison de deux choses. D'abord la façon de prendre
soin de soi-même, quand on est sur la route
Donner le meilleur de soi-même, mais sans jamais tenter de brûler
la chandelle par les deux bouts et au milieu en même temps. Il ne
faut pas essayer d'être le meilleur mais il faut donner le meilleur
de soi.
Il ne faut pas arnaquer les gens. Moi, je veux ce qu'on m'a promis et
rien de plus.
Il y a aussi la foi. J'ai rejoins les Dixie Hummingbirds en 1938 quand
j'avais quatorze ans et je suis toujours là.
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