Dr John, vous vous déplacez toujours avec
une superbe canne qui doit en dire long sur votre personnage
Cette canne a été fabriquée par un prisonnier détenu
dans un établissement de Louisiane, le Louisiana State Penitentiary
d'Angola.
Cette personne a été condamnée à une peine
de 300 ans
Ce pénitencier est très lié
à l'histoire de la Louisiane, pouvez-vous nous en dire plus ?
Il y a beaucoup de gens qui ont gâché leur vie en la passant
en partie là-bas, y compris des musiciens.
Ces musiciens pouvaient aussi bien y être pour avoir " trempé
" dans des histoires de drogue, ce qui était le plus fréquent,
mais aussi pour avoir commis des délits qui étaient des
crimes.
Que faut-il pour créer ce mélange
musical si particulier qui est propre à la Nouvelle-Orléans
?
Je pense, tout d'abord, que la Nouvelle-Orléans est une ville qui
a toujours été sous l'influence de nombreuses cultures différentes.
Donc tout s'y est, très tôt, mélangé
A titre d'exemple j'ai grandi en fréquentant des immigrants, comme
des cubains, qui passaient par cette ville pour rejoindre New-York. Souvent
ils n'avaient pas assez d'argent pour rejoindre cette destination donc
ils restaient en Louisiane. Tous ces mélanges d'origines ont créé
ce qui est devenu la musique de la Nouvelle-Orléans. Cela continuera
encore demain
Comment s'est passée votre rencontre avec
la religion Vaudou ?
C'était quelque chose qui était en voie de disparition,
j'ai simplement voulu contribuer à ne pas laisser disparaître
ce type de tradition.
La Nouvelle-Orléans est encore très
marquée par le passage de l'ouragan Katrina, y compris sur un point
de vue musical. Pensez-vous que cette ville redeviendra ce qu'elle était
avant cette catastrophe ?
Que la ville ressemble physiquement à ce qu'elle était avant
m'importe peu
Ce qui est important à mes yeux c'est que les gens y reviennent
car elle s'est, en partie, vidée. Je viens de New-Orleans et je
sais ce qui s'est passé, j'ai surtout pu constater à quel
point les politiciens nous mentent.
Aux yeux du restant du pays, pensez-vous que la
Nouvelle-Orléans soit considérée comme une ville
phare de la culture américaine ?
Cela ne m'intéresse pas particulièrement et je ne tiens
pas, plus que ça, à y contribuer.
Ma vraie préoccupation actuelle est de voir les gens revenir.
Quelle influence Professor Longhair a-t-il eu
sur vous ?
Professor Longhair était vraiment une figure très importante
pour moi.
Au même titre que beaucoup d'autres musiciens de la ville, il m'a
beaucoup soutenu
Au décès de mon père il est un peu devenu mon père
de substitution
Il m'a marqué comme il a marqué de nombreux autres artistes
qui lui ont succédé; Huey " Piano " Smith, James
Booker, Henri Butler etc
Comment vivez-vous le fait d'être considéré
comme une icône par de nombreux musiciens actuels ?
Je peux déjà m'estimer heureux d'avoir pu vivre jusqu'à
l'âge que j'ai aujourd'hui
Quand on voit la vie que j'ai menée, on se rend compte que je ne
devrais plus être de ce monde.
Je crois que si on vit assez longtemps, la reconnaissance des gens plus
jeunes vient automatiquement.
Vous avez eu l'occasion de travailler avec deux
producteurs légendaires, Phil Spector et Jerry Wexler.
Comment avez-vous pu imposer votre musique à
ces deux très fortes personnalités ?
J'ai travaillé avec beaucoup de producteurs très difficiles.
Il faut simplement réussir à gérer ces tempéraments
Regrettez-vous les méthodes de travail
de vos débuts ?
Oui, d'ailleurs j'ai maintenu le plus longtemps possible le fait d'enregistrer
sur une seule piste alors que partout ailleurs les artistes travaillaient
déjà sur 2, puis 4, puis 8, puis 16 pistes
Pour finir comment définiriez-vous le mieux
la musique de la nouvelle-Orléans ?
Il y a un tel meeting pot musical à La Nouvelle Orléans
On y trouve des influences d'Afrique, des Caraïbes, de Cuba, des
influences haïtiennes sans oublier l'influence européenne
qui est très importante. Il y a une grande part de musique française
et espagnole dans notre culture
www.drjohn.org
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