Duck Duck Grey Duck
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST

Nda : C’est dans le cadre de la tournée du Festival « Les Nuits De L’Alligator » que j’ai pu retrouver le chanteur-guitariste Robin Girod de Mama Rosin’. Ceci afin qu’il me présente son nouveau groupe, Duck Duck Grey Duck, fondé aux côtés du batteur Nelson Schaer et de Pierre-Henri Beyrière à la basse. Ensemble, sur le label Casbah Records, ils ont sorti un disque qui fait déjà date et qui connait un vif succès, « Here Come… ». C’est entre leur concert et celui du combo de Jon Spencer, Heavy Trash (qu’ils ont accompagné sur scène), que tout ce beau monde a répondu à mes questions. Une nouvelle occasion de mettre en exergue la pugnacité, l’esprit d’ouverture et le talent de Robin Girod… que l’on peut, incontestablement, considérer comme l’une des figures majeures de la scène alternative européenne du XXIème siècle.

Votre premier album vient à peine de sortir, mais passe déjà pour un disque de référence dans le microcosme des musiques roots en Europe. Comment expliquez-vous cet engouement naissant autour du groupe ?
Robin : Nous nous posons nous-mêmes la question… Je pense que nous ne nous y attendions pas et nous avons été très surpris. Outre le fait que nous nous sommes bien marrés en studio (et que nous avions des morceaux cools qui, comme tu peux l’entendre, sonnent comme des jams), je crois que la principale raison de cette reconnaissance est liée au travail effectué par notre producteur Yvan Bing. Ce dernier y est pour beaucoup et nous a fait bénéficier de son expérience, puisqu’il a aussi bien travaillé avec des grands qu’avec des tous petits noms (Gilberto Gil, Moriarty, Mama Rosin’, Wu Tang Clan…). 66
Quand il nous a entendus, il a estimé qu’il existait un créneau très intéressant pour notre musique. Ceci dans la mesure où personne ne fait ça en Europe. En effet, nul artiste ne joue du blues un peu psyché… Il y a soit les groupes de psyché-garage, soit ceux de « belouze » comme on les appelle. Parmi eux il y en a qui s’en sortent bien car ils apportent une touche originale. C’est, par exemple, le cas de nos copains les Hell’s Kitchen. Yvan n’a pas voulu faire les choses à moitié et a décidé de passer un maximum de temps à faire de la production. Il a littéralement sorti le son et a fait en sorte de créer un album qui qui se démarque, par sa propre touche, dès que tu le poses sur ta platine.
Nous nous en sommes rendu compte rapidement. Au début, nous étions même un peu effrayés… surtout moi qui suis un habitué des résonnances à la Voodoo Rhythm ou à la Lo-Fi. Le son fait qu’il a directement pu capter, avec ce style de musique, une autre osmose…

Vous êtes déjà tous les trois membres d’autres groupes et vous déployez beaucoup d’énergie par ailleurs. De ce fait, pourquoi avez-vous décidé de vous lancer dans un nouveau projet ?
Robin : Je crois que nous ne l’avons pas décidé…Avec Nelson nous avons toujours fait de la musique ensemble, puis arrêté puis recommencé. Ceci depuis que nous avons 15 ou 16 ans. Nous sommes passés du jazz à la musique cajun à nos tous débuts, ainsi que par un groupe de rock lorsque nous avions 20 ans. En nous retrouvant, nous nous sommes rendu compte que nous pouvions jouer quatre heures d’affilées ensemble, en faisant des reprises ou en improvisant. Nous avons donc cherché un bassiste afin de rendre le truc plus « fat ». Notre choix s’est porté sur Pierre-Henri qui, dans notre région, est l’un de ceux qui possède un vrai son et une véritable approche stylistique.
Nous avons enregistré un premier morceau pour une vidéo de snow board (pour la marque DCShoes, nda). De fil en aiguille nous sommes revenus une deuxième fois en studio, puis une troisième. Naturellement le disque est arrivé et nous avons trouvé un label. Il s’est passé une chose à laquelle on ne s’attendait pas. Cela aurait pu être un side project « bonard » mais c’est, finalement, devenu une espèce de locomotive pour nous tous. Ceci est également valable pour les autres groupes genevois car nous pouvons en prendre pour faire nos premières parties, comme nous le faisions auparavant avec Mama Rosin’…c’est cool !

Est-ce aussi, pour vous, une manière d’aborder d’autres répertoires et des musiques que vous n’aviez pas encore eu l’occasion de jouer dans le passé ?
Pierre-Henri : Pour moi c’était clairement l’occasion de faire un truc qui tourne bien, avec un autre son et une autre énergie. Cela m’a plu et a tout de suite fonctionné. J’apprécie surtout le son de grosse caisse de Nelson. Pour moi c’est cela qui, dès le départ, a donné notre identité.
Nelson : Comme Robin te l’a dit, nous jouons ensemble depuis que nous avons 15 ans. Du coup, c’est déjà une longue histoire… Auparavant, nous n’avions jamais eu un vrai groupe que nous avons mené de bout en bout et dont nous avions décidé de promouvoir la musique. Là, c’est tombé sous le sens. Nous nous sommes tous les trois trouvés, ça tourne bien et notre direction est très claire. Nous ne nous posons pas trop de questions, ça va tout seul. L’album a été enregistré sans tergiversation, ça a été spontané et rapide. C’est cool !

D’où vient ce nom Duck Duck Grey Duck, y a-t-il une origine particulière ?
Robin : C’est, plus ou moins, le « jeu du mouchoir » dans deux états américains, dont le Minnesota. Dans les pays anglo-saxons on le nomme le « duck, duck, goose ». Pour moi, cela représente surtout le nom du groupe (orthographié Duck Duck Gray Duck, nda) qui porte la référence numéro 1 du label Mississippi Records. Ce dernier a, clairement, changé ma vie. J’ai d’ailleurs eu l’occasion de bosser avec pour le compte de Moi J’Connais Records. Pour moi, il était important de rendre hommage à ce groupe, même s’il n’a pas existé longtemps. C’est lui qui a donné naissance à Mississippi Records, qui est pour moi le meilleur label du monde. Je me réjouis à l’idée d’envoyer notre disque à celui-ci, chose que je n’ai pas encore faite à ce jour…

Votre musique évoque un alliage entre le blues, la musique surf et une soul résolument black. A titre personnel, comment la définiriez-vous ?
Robin : On nous pose souvent la question mais c’est une chose difficile à dire. Il est clair qu’elle vient de la musique black mais elle est aussi l’héritière de ces jeunes de 16 ans qui faisaient de la folk music en usant de distorsions. Cela tenait du rock garage et du blues car ils imitaient ce qu’ils entendaient à la radio. Quand tu regardes la manière dont la musique s’est développée, tu ne comprends pas…tu ne comprends rien ! En ce qui nous concerne, je pense que c’est pareil. Nous avons tous des influences précises et l’idée est de nous retrouver autour d’un riff ou d’une suite d’accords. Parfois c’est plus chaloupé, plus soul alors que parfois nous exprimons un son plus surf et plus dur avec des réverbs. Nous adorons aussi les sonorités fuzz… Il en résulte un type de son évident mais qu’il est difficile à qualifier, car nous ne sommes pas non plus un groupe de blues pur et dur.
Lorsque nous avons été choisis pour participer à la tournée « Les Nuits De L’Alligator », on se demandait si nous devions pour l’occasion établir une setlist un peu plus bluesy. Nous avons donc été obligés de définir, nous-mêmes, ce que nous faisons mais nous n’y sommes pas parvenus. Nous sommes un groupe de rock au sens très large.

A la première écoute du disque, il y a une chose qui m’a marqué. J’y ai, en effet, trouvé un aspect très « cinématographique ». Notamment dans un instrumental comme « Transworld » qui semble tout droit sorti d’un film des années 1970, issu du mouvement nommé la blaxploitation… Est-ce une chose volontaire, le cinéma a-t-il une part importante dans votre cheminement artistique ?
Nelson : Nous ne nous sommes pas beaucoup posé de questions en faisant cet album, c’était très spontané. Nous aimons tous le cinéma, donc nous y faisons bien sûr référence. Ceci-dit, ce n’est pas une chose réfléchie. Ces morceaux instrumentaux partent de choses simples et, souvent, d’une ligne de basse autour de laquelle tout se développe et se fait tout seul. Il n’y a pas eu de réflexion particulière. Cependant, si tu dis que cet album possède des connotations cinématographiques c’est chouette ! D’ailleurs nous devrions proposer ces titres à des réalisateurs (rires) !
Pierre-Henri : Nous sommes davantage partis sur une question d’énergie et de flair entre nous. Nous avons mis tout ce que nous aimons dans ce disque. Nous aurions pu l’arranger différemment mais c’est comme cela que c’est sorti.
Robin : Je trouve que le fait d’avoir des morceaux instrumentaux sur un disque de rock est une chose assez rare…ça surprend et ne donne pas l’illusion d’un texte que tu racontes. Cela laisse beaucoup plus de place à l’imaginaire et aux images qui défilent devant ta gueule. Trois des douze morceaux de l’album sont des instrumentaux et nous nous sommes surpris avec cela. C’est une chose juste et la musique surf est souvent instrumentale, tout comme le jazz. Ce sont des choses qui nous parlent et, au final, je suis d’accord avec toi. Je trouve que ces morceaux sont clairement visuels…66

Vous parlez beaucoup de spontanéité depuis le début de cet entretien. Etait-elle aussi de rigueur au moment de l’écriture des chansons, les sessions ressemblaient-elles à de grandes jams ?
 Pierre-Henri : Robin a vraiment un truc quand il s’agit d’écrire des textes… Il arrive à reprendre des petites histoires vécues de manière très naturelle.
Robin : J’y évoque nos potes, des ambiances, ce qui nous arrive au quotidien. Ne prétendant pas parler bien l’anglais, je ne me risque pas à faire des phrases compliquées donc cela donne des choses spontanées et rythmiques. C’est, un peu, comme dans le vieux blues...on n’y trouve jamais des textes énormes, en dehors de quelques exceptions. Ce sont des injonctions, une manière d’appeler les gens. Pour le dernier titre du disque (« Walkin’ », nda), nous sommes rentrés en studio, nous avons joué et nous sommes sortis sans jamais avoir joué ce morceau auparavant. Il n’y avait pas de paroles, d’ailleurs je dis la même chose tout au long de la chanson. Je chantonne « Walkin’ on the sunshine » une bonne quinzaine de fois et c’est tout. Nous l’avons enregistrée, on s’est cassé et on l’a gardée (rires) !
Ce jour-là il faisait beau et nous nous sommes simplement dit que nous pourrions essayer ce truc. Nous n’avons jamais réussi à le jouer mieux que ça ! Tu joues et tu improvises…c’est ça qui est bon ! Quand on est, comme nous, des amoureux des musiques qui datent des années 1920 à 1950 ça coule presque de source. A l’époque, on ne s’amusait pas à faire 15 prises. Nous voulions retrouver cet état d’esprit.

Finalement, le projet Duck Duck Grey Duck est voué à poursuivre son aventure et à ne pas se contenter de sa place de projet bis…
Robin : Nos carrières sont riches d’expériences diverses. Moi et Nelson connaissons bien le fonctionnement d’un groupe et Pierre-Henri a, aussi, déjà eu l’occasion de participer à divers projets comme l’enregistrement de certains 45 tours et de musiques pour des séries télévisées. C’est une chose que nous ne pouvons pas savoir, c’est une question de hasard.
Avec Mama Rosin’ nous avons tenté de nombreuses expériences. Nous nous sommes souvent plantés et parfois nous avons été agréablement surpris. Pour l’heure, je préfère que nous prenions chaque jour l’un après l’autre. Nous sommes déjà confrontés à une notoriété à laquelle nous ne nous attendions absolument pas. Nous allons nous produire à La Maroquinerie, avons des dates de prévues en Suisse et sommes demandés par de nombreux festivals qui se dérouleront l’été prochain. Cela nous embarrasse presque, c’est un résultat que nous n’avions pas prévu. Laissons donc les faits se dérouler normalement. Pour moi l’essentiel est de réussir à choper le « machin » sur scène et de faire en sorte d’y être à l’aise… afin d’y donner des concerts cools. On peut jouer dans des bistrots et dans des clubs mais, lorsque l’on commence à se produire sur de grosses scènes, il y a une véritable envie de sonner qui se déclenche. C’est pour cette raison que nous emmenons David, qui est aussi l’ingénieur du son de Mama Rosin’, sur la route avec nous. Nous tenons à avoir un gros son qui ressemble au plus près à ce que l’on retrouve dans notre premier disque.

Avez-vous une conclusion à ajouter à cet entretien ?
Pierre-Henri : Tambourin et fuzz, c’est mon dada… je l’impose et ça marche bien, donc on va continuer (rires) !

Remerciements : Nicolas Miliani, Jordane Soubeyrand, Casbah Records.

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Interview réalisée
La Laiterie - Strasbourg
le 18 février 2015

Propos recueillis par
David BAERST

En exclusivité !

 

 

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