Enrico Crivellaro
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST

 

Enrico, pour commencer, peux-tu revenir sur tes origines ?
Je suis originaire d’Italie, plus précisément d’une ville nommée Padova… et je suis né il y a très longtemps (rires) !
J’ai toujours ressenti beaucoup de passion pour le blues et pour la guitare…

Justement, d’où t’es venu cet amour de la guitare ?enrico
J’ai attrapé ce virus grâce à mes parents qui m’ont offert ma première guitare alors que je n’avais qu’une petite dizaine d’années. Pour plusieurs raisons, j’ai toujours eu un attrait pour la musique. Quand j’étais enfant j’écoutais les Beatles, les Rolling Stones et d’autres groupes tels que ceux-ci. Sans être un grand collectionneur, mon père possédait une belle discothèque constituée d’enregistrements de jazz. De ce fait, j’ai été bercé par les disques de Coleman Hawkins, Count Basie, Duke Ellington et par de nombreux big bands. J’en suis littéralement tombé amoureux…

J’ai commencé la pratique de la guitare au même moment, vers l’âge de 8 ou 9 ans. Je n’avais pas encore trouvé la direction musicale dans laquelle je souhaitais m’engouffrer et je me souviens m’être exercé sur « Limbo jazz » de Coleman Hawkins (extrait de l’album « Duke Ellington Meets Coleman Hawkins » paru en 1963, nda). Puis, de fil en aiguille, je me suis mis à jouer des titres des Beatles avant qu’un de mes amis me donne une cassette qui contenait des titres de Muddy Waters sur une face et des chansons d’Albert Collins sur l’autre, j’avais douze ans.

Prenais-tu des cours de guitare à ce moment là ?
Au départ j’avais un professeur qui me disait où mettre les doigts. Cependant tout était assez automatique pour moi. Tant et si bien que pendant des années, je me suis contenté d’écouter des disques en essayant de jouer par-dessus. Plus tard je me suis installé aux Etats-Unis. A ce moment là, j’avais vraiment une idée précise du style de musique que je souhaitais interpréter. Je voulais m’investir au maximum dans la guitare blues…
J’ai donc perfectionné mon jeu aux côtés de maitres en la matière comme Duke Robillard, Ronnie Earl et même le jazzman Kenny Burrell…

Avais-tu déjà commencé à te produire professionnellement avant de t’installer aux USA ?
Oui, absolument, c’est en Italie que j’ai débuté ma carrière professionnelle…

Peux-tu me parler de ton premier groupe ?
Il était très mauvais, comme aucun autre je pense (rires) !
C’était avec des amis, nous partagions la passion de la même musique.

Pourquoi as-tu décidé de t’installer aux USA ?
Je me suis installé là-bas pour une unique raison…
Si tu veux jouer cette musique de la façon la plus sérieuse qui soit, tu ne peux pas ne pas d’imprégner de la culture qui va avec… Il faut savoir d’où cela vient…
Je voulais essayer de comprendre et de connaitre les fondations de cette culture.
C’est un passage obligatoire à mon humble avis !

A-t-il été facile, pour le jeune italien que tu étais, de te faire une place dans la patrie du blues ?
Cela a sûrement été plus facile que je ne me l’étais imaginé…
Il suffit de prendre l’exemple du jazz à New-York. Cette musique proprement américaine s’est développée par l’apport des cultures de personnalités venus du monde entier. Que ce soit des argentins, des brésiliens, des suédois ou des algériens tous ont permis au jazz de trouver de nouvelles directions artistiques. De même, je pense que le blues américain est curieux. Il sait s’ouvrir, particulièrement aux musiciens européens.

Tu as rapidement accompagné des grands noms du blues aux USA. Peux-tu revenir sur ces collaborations ?
Je garde de merveilleux souvenirs de toutes ces rencontres artistiques…
Je m’estime très chanceux d’avoir pu jouer avec tant de musiciens. J’écoutais la plupart d’entre eux lorsque j’étais enfant. Ainsi j’ai accompagné James Harman, Finis Tasby, Lynwood Slim… En plus, je suis devenu un ami des ces personnalités du blues. Pour moi, rien n’est meilleur que cela !

J’ai vécu le rêve que je faisais gamin. J’ai vraiment beaucoup de chance d’avoir pu jouer avec tous ces gens. Ils étaient mes héros et sont devenus mes amis…

As-tu, rapidement, réussi à te produire sous ton propre nom ?
Non, le premier vrai groupe que j’ai intégré était celui de Janiva Magness. J’ai rencontré cette dernière trois jours après mon arrivée à Los Angeles. Je participais à une jam session durant laquelle j’ai joué trois morceaux. Elle était là, m’a entendu et m’a dit « Quel est ton nom, qu’est-ce que tu fais ? » (rires).enrico
Puis je suis devenu son guitariste…

Tu as, malgré tout, pu amorcer une carrière sous ton propre nom…
Oui mais ça a pris un peu de temps. Il n’est jamais facile de se faire un nom, surtout lorsqu’il est aussi compliqué que le mien (rires) !
Si tu veux t’imposer, il faut d’abord rencontrer des musiciens qui finissent par te reconnaitre puis par te faire confiance. Je trouve qu’il serait très arrogant de venir en Amérique et de dire « Hey, je suis là et je veux jouer ma musique ! ».

Il faut être prudent et consciencieux afin d’aller vers les bonnes personnes pour pouvoir apprendre d’elles. Ce processus peut durer des années. Une fois que ta réputation est établie, dans un style particulier de musique, tu peux essayer de faire quelque chose. Il ne faut pas oublier qu’il existe des milliers de guitaristes très talentueux à Chicago ou Los Angeles. Tu ne peux y arriver que si tu aimes sincèrement la musique que tu as fait tienne.

Sur combien d’enregistrements as-tu prêté ton talent à ce jour ?
Je ne sais pas si je vais arriver à donner un chiffre exact (rires) !
Officiellement, j’ai sorti deux disques sous mon propre nom (« Key To My Kingdom et « Mojo Zone ») sur le label canadien Electro-Fi. Mon troisième opus est en préparation et sortira très rapidement, dans quelques mois je pense…
Bien sûr j’ai joué sur de nombreux autres disques, en me mettant au service de différents artistes : James Harman, Finis Tasby, Janiva Magness etc…

Quelle définition correspondrait le mieux à ta musique ?
C’est une question difficile…
Dire « j’aime jouer de tout » est très à la mode mais je n’y arrive pas !
J’aimerais vraiment en être capable mais je n’y arrive pas !

De la même manière je sens que je ne serai jamais un guitariste de blues, dont le son est vraiment profond, comme Magic Sam ou BB King par exemple. Je n’arriverai jamais à cette perfection parce que je ne suis pas né avec ce touché dans le sang, il ne correspond pas à ma culture d’origine. Je suis un italien de pure souche, je ne suis pas originaire du Mississippi. De ce fait je ne pourrai jamais aller chercher des sonorités aussi profondes, celles que les musiciens du sud des USA peuvent avoir au fond de leurs tripes.
Mes influences étant différentes, ce sont celles-là que j’essaye de transcrire dans ma musique.

As-tu conservé des connexions avec la scène blues italienne ?
Oui, bien sûr, d’ailleurs je connais de nombreux artistes issus de cette scène.

Qu’en penses-tu objectivement, est-elle vivace ?
Je peux te dire que ce n’est pas une scène de très grande qualité. Heureusement, il y a de jeunes groupes (dont les membres sont âgés de 15 à 20 ans) qui ont du talent et qui essaye de redorer le blason du blues italien. Je pense, par exemple, au groupe T-Model Boogie qui s’est même produit au Chicago Blues Festival. Nick Beccatini est aussi un bon guitariste qui a vécu quelques années à Chicago. Il a joué avec Son Seals et s’y est produit avec son propre groupe pendant longtemps.

Le problème ne vient pas du talent des artistes italiens. Il vient de la diffusion et de la promotion du blues dans ce pays. Les magasins de disques ne consacrent que des rayons minuscules à cette musique et on y trouve que très peu de revues spécialisées. Le journaux généralistes n’évoquent jamais le blues et il n’y a pas beaucoup de clubs. Certains subsistent et possèdent un bon public. Cependant cela n’a rien à voir avec Memphis, Chicago ou la Nouvelle-Orléans (rires) !

Tu es, actuellement en tournée européenne aux côtés du chanteur-harmoniciste Brian Templeton. Dans quelles circonstances l’as-tu rencontré ?
C’était à Boston, il y a de nombreuses années puisque ça remonte au moment où je me suis installé aux USA. Je me suis rendu sur la Côte Est  mais aussi dans le Connecticut, à New York et à Boston où vit Brian. Nous nous sommes revus 7 ou 8 ans plus tard alors qu’il commençait à travailler avec un promoteur italien qui lui a permis de réaliser des tournées dans ce pays. Il avait besoin d’un musicien, m’a entendu et proposé de l’accompagner. Depuis ,nous nous produisons régulièrement ensemble.
J’adore Brian Templeton et j’estime qui est l’un des meilleurs chanteurs vivants…

En dehors de ton prochain CD, quels sont tes projets ?
Prendre des vacances, j’en ai besoin (rires) !
J’ai mon propre groupe mais j’estime que nous n’avons pas suffisamment l’occasion de jouer ensemble. J’aimerais accentuer la cadence de nos propres concerts. C’est un groupe instrumental, sans chanteur…

Nous mixons des musiques différentes et avons une approche différente du blues. J’aime le jazz par exemple… Le challenge, pour moi, est de créer un bon blues sans chanteur  et de marquer les esprits dans cette formule. C’est une chose que j’aimerais réussir à faire…

Connais-tu des guitaristes français de blues ?
Oui, je connais Xavier Pillac qui est un bon ami. J’ai également croisé Jeff Zima qui est américain mais vit en France. Il y a deux ou trois ans, au Canada, j’ai rencontré le groupe Awek avec Bernard Sellam. Ce dernier est un incroyable guitariste… C’est un groupe formidable, constitué de gars vraiment sympas !

As-tu une conclusion à ajouter à cet entretien ?
Tu sais, c’est très spécial d’aller tenter sa chance aux USA. Les amateurs de blues ici, en Europe, s’intéressent principalement aux américains… ce qui est logique !
Le fait qu’un journaliste français, tel que toi, se penche sur le musicien italien que je suis me touche beaucoup. Je tiens vraiment à te remercier pour cela…

Remerciements : Fabrice Bessouat pour m’avoir mis en relation avec Enrico Crivellaro et Brian Templeton, Mariette Kopp pour la choucroute !

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Interview réalisée
au Caf’ Conc’ d’Ensisheim
le 27 septembre 2011

Propos recueillis par
David BAERST

En exclusivité !

 

 

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