Eric Noden
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST

 

Eric, pour commencer cet entretien, pourrais-tu te présenter en quelques mots ?
Absolument !
Mon nom est Eric Noden et je suis un musicien de blues acoustique qui vit à Chicago, dans l’Illinois.

As-tu suivi un cursus particulier en ce qui concerne l’apprentissage de la guitare ?
Je me suis intéressé à la guitare via mon père, qui jouait du blues acoustique à la maison. C’était son hobby…
J’ai donc grandi dans cette ambiance, en l’entendant s’exercer. Sa musique « envahissait » littéralement notre espace de vie à chaque fois qu’il saisissait son instrument.
A l’âge de 8 ans, j’ai commencé à jouer de la guitare car j’étais à la fois intrigué par cet instrument et très intéressé par la musique en général.
En effet, ce n’était pas spécifiquement le blues qui avait ma préférence alors.
Au fil des ans j’ai appris la guitare classique, la guitare électrique et de nombreux styles divers et variés.
Aux alentours de 19 ans, je me suis davantage intéressé au blues acoustique. Un registre qui a commencé à me plaire de plus en plus et qui, de surcroît, offre la possibilité de se produire en solo assez facilement.
De nombreuses facettes de cette musique m’ont intéressé…

Pour nous, en France, le simple nom de Chicago évoque le blues électrique d’après guerre. On a tendance à oublier la scène acoustique qui l’avait précédé. A titre personnel, comment es-tu devenu un passionné de pre-war blues ?
Je suis, en fait, originaire de l’Ohio. Je n’ai déménagé à Chicago qu’en 1994.
Ceci dit j’ai toujours été captivé par les prémices du Chicago blues, à savoir sa face acoustique avec des musiciens tels que Big Bill Broonzy, Tampa Red et tous ces artistes des années 1920-1930...
Je reste très content de pouvoir jouer de la guitare électrique de temps en temps, j’apprécie le blues électrique…
Cependant, pour moi, le côté acoustique de cette musique me parle davantage. Je ressens beaucoup de choses en me produisant dans cette formule. Il s’agit de sensations assez inexplicables…
En effet, cela reste assez différent que ce que l’on a l’habitude d’entendre à Chicago aujourd’hui. Il s’agit vraiment d’un son tiré tout droit du passé. Une musique directement inspirée par le country blues et le pre-war blues.

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Dans l’ensemble, les américains sont-ils encore sensibles à ces genres musicaux ?
Ils le sont mais, en définitive, les grands amateurs ne représentent qu’une niche.
Ce n’est pas « superpopulaire » mais il y a un grand nombre de fans de musique acoustique.
Lorsque je joue dans des festivals aux USA, je peux me retrouver face à un public constitué d’amateurs de folk ou de musique acoustique dans un sens plus large.
Ces gens se retrouvent dans ce que je fais.
Je peux donc me produire pour des personnes dont les sensibilités musicales sont variées et cela ne pose pas de problème.

A titre personnel, qu’est-ce qui te touche le plus dans ces styles ?
Je crois que c’est simplement l’émotion qui s’en dégage. La technique passe à un plan secondaire. Cette musique me parle vraiment, elle a une âme et me fait vibrer.

Tu es actuellement en tournée européenne avec Joe Filisko. Peux-tu me parler de votre collaboration, depuis combien de temps jouez-vous ensemble ?
Joe et moi jouons, sous la forme d’un duo, depuis deux ans.
Je le connais depuis plus de temps car nous enseignions tous les deux à la « Old Town School Of Folk Music » à Chicago.
C’est pour travailler dans cette école que j’ai quitté l’Ohio…
J’ai donc connu Joe avant que nous commencions à tourner ensemble en duo.
Nous nous retrouvons dans l’amour de différents styles musicaux des années 1920-1930.
Je n’ai pas mis longtemps à me sentir à l’aise en commençant à tourner avec lui. C’est une bonne collaboration et nous sommes toujours à l’affût de nouvelles découvertes et de nouveaux voyages qui, à chaque fois, nous permettent de trouver de l’inspiration et de nous renouveler.

Avant cette collaboration, jouais-tu uniquement sous ton propre nom ou avec d’autres artistes ?
Il m’arrivait parfois de jouer avec d’autres gens mais, de manière très dominante, c’est en solo que je m’exprimais sur scène. Bien sûr, c’était déjà avec un répertoire consacré au blues acoustique.
De temps en temps, je me produisais avec un autre harmoniciste, un pianiste ou un tout autre musicien.
Bien que nous ayons formé ce duo avec Joe, il m’arrive encore de jouer tout seul.
Il m’arrive aussi d’être accompagné par un groupe nommé The Sanctified Grumblers.
J’ai donc trois projets musicaux bien distincts.

Tu as aussi joué sur le dernier album en date (« Sings Big Bill Broonzy », Electo-Fi Records) de l’harmoniciste Billy Boy Arnold. De quelle manière as-tu rencontré ce musicien légendaire ?
J’avais organisé un concert en 1996. Ce dernier se déroulait à la « Old Town School Of Folk Music » dont je te parlais précédemment. Cette manifestation  se voulait être un hommage à Big Bill Broonzy. C’est à cette occasion que, pour la première fois, j’ai collaboré avec Billy Boy.
Il aurait aimé sortir ce concert sous la forme d’un disque, mais nous n’en avons tiré qu’une cassette audio.  Le matériel d’enregistrement étant particulièrement « léger », elle n’était pas de bonne qualité sonore (rires).
Je lui ai donc proposé d’aller plus loin dans cette démarche et de sortir un album complet consacré à Big Bill Broonzy. L’occasion nous a enfin été donné de le faire et je me suis fait un plaisir de le produire. J’ai choisi et arrangé les chansons et me suis chargé de sélectionner les musiciens qui ont participé aux sessions.
C’était un véritable honneur de travailler avec une légende telle que Billy Boy…

Aujourd’hui à Chicago, où joues-tu le plus. Est-ce dans des clubs de blues classiques  où est-ce dans des endroits qui n’accueillent que de la musique acoustique ?
Tu sais, la musique que je pratique n’est pas la plus représentée dans cette ville.
De ce fait, je ne joue pas beaucoup dans les clubs de blues même s’il m’arrive de me produire au Buddy Guy’s Legends, où il y a parfois des sets acoustiques le vendredi et le samedi. C’est également parfois le cas à la House Of Blues.
La programmation de la plupart des autres clubs est vraiment orientée vers le blues électrique. C’est pour cette raison que je ne m’y produis qu’exceptionnellement. D’une manière générale, je suis plutôt invité sur des festivals spécialisés ou sur des concerts de folk music. La période la plus faste pour cela est l’été puisqu’en cette saison il y a de nombreuses manifestations en plein air.
J’arrive donc à jouer régulièrement en combinant ces différentes propositions.

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En dehors de Joe Filisko avec lequel tu tournes actuellement, quels sont les artistes issus de la scène de Chicago dont tu te sens le plus proche ?
C’est une bonne question…
Je reste tellement heureux de cette collaboration avec Billy Boy Arnold, dont nous avons parlé tout à l’heure… Je me sens vraiment très proche de lui…
Je suis aussi très ami avec Rick Sherry.
C’est un excellent multi instrumentiste (washboard, harmonica, guitare, clarinette) avec lequel je travaille puisque nous avons fondé le groupe Sanctified Grumblers ensemble.

Que penses-tu des musiciens issus des jeunes générations, qui se spécialisent dans « l’old time music ». Je pense, par exemple, à des gens que j’ai interviewé dernièrement comme le groupe Carolina Chocolate Drops ou Pokey Lafarge ?
Oh oui, j’adore ces gens là, je les trouve formidables !
C’est une bonne chose de constater que tous ces jeunes osent relever le défi et défendre des musiques que l’on pensait désuètes.
J’ai eu la chance d’ouvrir un concert, dernièrement, pour The Carolina Chocolate Drops. J’adore leur musique qui évoque une rencontre en le vieux blues, la country music et le bluegrass. Je suis très satisfait de leur succès actuel…

De quelle manière penses-tu faire évoluer ta musique dans l’avenir ?
Je pense que Joe et moi allons essayer de produire un nouveau CD de v »raie musique ».
J’entends par là que nous allons essayer de capter le vrai esprit des musiques anciennes et l’introduire dans nos nouvelles compositions personnelles.
De ce fait, notre style ne va pas beaucoup changer. Nous voulons simplement guider cette vieille musique sur notre propre voie et écrivons des titres à cet effet. Nous voulons que notre travail soit expressif, très expressif…

As-tu une conclusion à ajouter ?
Je ne pense pas encore avoir découvert assez de nouveaux territoires ici… à bon entendeur… (rires) !
Et bien sûr, merci beaucoup à toi !

Remerciements : Robert « Sunnyside » Koch

www.ericnoden.com
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http://www.sanctifiedgrumblers.com/
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Le Badhus (Festiblues) - Kaysersberg

le 9 novembre 2012

Propos recueillis David BAERST

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