Flyin’ Saucers Gumbo Special
(Fabio Izquierdo)
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST


Nda : Lorsque l’on parle de dates marquantes, en ce qui concerne les relations franco-louisianaises, la première qui vient à l’esprit est bien souvent celle du 9 avril 1682. En effet, ce jour-là (sous la houlette de Cavelier de La Salle), la France a pris possession du territoire américain au nom de Louis XIV…
Sans aucune flagornerie mal placée, je me permets d’ajouter que le 29 septembre 2014 va aussi marquer les esprits de bon nombre de passionnés de faits inhérents à l’Etat du Pélican (qui, disons-le, sont souvent plus férus de blues que d’histoire) en raison de la sortie, ce jour-là, de l’album « Swamp It Up ! » du groupe Flyin’ Saucers Gumbo Special.
Un disque, qui fleure bon le terroir de Clifton Chenier et qui nous fait croiser quelques-uns des meilleurs musiciens actuels. Le tout au gré d’une dépaysante promenade sur des marécages aussi moites que les mains d’un entraineur de foot brésilien, un soir de match contre l’Allemagne. Une telle réussite artistique m’a conduit à retrouver Fabio Izquierdo (chanteur, harmoniciste, accordéoniste, songwriter…), membre fondateur du combo. Ceci dans le but d’obtenir quelques informations sur ce nouvel opus et pour me rendre compte que, par le biais de ce quintet bordelais, la France rend (sans aucune mauvaise arrière-pensée colonisatrice cette fois-ci) l’un des plus beaux hommages jamais rendus à la patrie du zydeco.

Fabio, en cet automne 2014, le groupe Flyin’ Saucers Gumbo Special est de retour avec un nouvel album. Peux-tu revenir sur sa pré-production (écriture des morceaux etc…) ?
Pour ce disque, l’écriture a été très rapide. Nous avons commencé à bosser dessus en janvier 2013 et, en l’espace de six mois, tout était terminé. Nous avons fait quelques résidences et je pense que (riches des expériences liées à nos précédentes sessions) nous avons trouvé là la manière de travailler qui nous convient le mieux. 66

De quelle manière se sont déroulés les enregistrements. En raison des invités présents sur le disque, étaient-ils très fractionnés ?
Il y a eu trois sessions différentes…La première, en mai 2012, a duré deux jours et s’est déroulée avec Jimmy Burns. En septembre de la même année, nous avons pris deux nouvelles journées afin de pouvoir enregistrer les titres avec Sugaray Rayford. Les dernières prises datent, quant-à-elle, de l’automne 2013 (du 27 octobre au 02 novembre) et nous ont permis de mettre en boite le restant des morceaux (sur six jours). Tout a été organisé en fonction des dates des tournées européennes de nos invités respectifs (en ce qui concerne ceux qui vivent outre Atlantique).

Vous étiez-vous fixé un but précis quant à la teneur des textes et l’orientation musicale du disque ?
Pas du tout en ce qui concerne la teneur des textes. Pour ce qui est de notre orientation musicale, nous avons souhaité affirmer notre répertoire. C’est-à-dire aborder la musique de Louisiane, dans le sens large du terme. Sans nous forcer, nous désirions trouver des titres qui nous collent bien à la peau et que nous prendrons du plaisir à jouer sur scène. Le but final étant, bien sûr, de rester nous-mêmes et de proposer du Flyin’ Saucer Gumbo Special pur jus !

En dehors des invités (que nous évoquerons plus tard) et du groupe en lui-même, avez-vous constitué une équipe spéciale autour de ce projet. Un noyau dur de collaborateurs s’est-il formé autour de vous ?
Oui !Je tiens, en premier lieu, à évoquer Aurélie Roquet (On The RoaD Again) qui fait plus que du booking et de l’administratif pour nous. C’est un peu une mère, même si elle n’aime pas ce rôle-là (rires) ! Il est toujours utile d’obtenir son avis et ses idées sur nos projets… ainsi que son aide afin de pouvoir les mettre en forme. En ce qui concerne le lieu où se sont déroulées les sessions, nous sommes restés fidèles au studio Berduquet qui nous avait bien plu lorsque nous y avons mis en boite notre précédent opus. Notre preneur de son est toujours Philippe Iratçabal en qui nous avons une confiance absolue (que ce soit pour l’enregistrement ou le live). Le mastering, quant-à-lui, a été réalisé au Globe Audio à Bordeaux. Puis nous avons étoffé l’équipe puisque nous avons trouvé un contrat, qui nous convient parfaitement, avec le label Quart De Lune et son directeur Jacques Panis. Au fur et à mesure tout s’est mis en place et nous avons trouvé un attaché de presse, des partenaires. Tous ces gens-là nous ont permis de porter le projet à bout de bras. Il s’agit vraiment d’une bonne équipe, très soudée…

J’aimerais, bien sûr, que tu évoques les différents intervenants du disque. Honneur aux dames avec Loretta (du groupe Loretta & The Bad Kings et de The Three Gamberros) que vous devez côtoyer régulièrement depuis longtemps…
C’est d’autant plus vrai que, à chaque fois que l’un de ses groupes passe à Bordeaux (ville où réside Fabio, nda), je fais le maximum pour assister au concert. Son guitariste Anthony Stelmaszack est un ami que nous respectons énormément, tout comme Mig Toquereau (qui, en plus de mener une carrière sous son propre nom, est le bassiste de The Three Gamberros, nda). Loretta fait donc partie intégrante de notre univers. Le morceau « Freeborn man », qu’elle interprète sur notre album, n’était pas prévu pour elle au départ. Il est très swamp, trainant et possède une ligne de basse qui est à la base même de sa création. Ce pourrait être la ligne de basse d'un titre de James Brown, joué au ralenti. Dans notre groupe c’est, en principe, celui qui écrit la chanson qui la chante. Cependant, avec ma tonalité, il m’était difficile de la faire sonner correctement sur disque. Dans un premier temps, j’ai donc pensé à Little Bob auquel l’univers de cette composition correspond bien. Sans réponse de sa part, nous avons hésité à la conserver. Heureusement notre guitariste, Fabrice Joussot, a déclaré que ce morceau était parfaitement calibré pour Loretta. Il m’a donc poussé à l’adapter pour une femme et, au final, cela lui va comme un gant. De plus, je crois qu’elle est très contente du résultat…

D’autant plus que vous n’aviez jamais été accompagnés par une chanteuse auparavant…
Dans le passé nous avons, parfois, fait appel à des choristes. Là, il est clair que la présence de Loretta donne une autre couleur à notre musique. Nous sommes tous fans de cette chanson, tout comme nous le sommes de la manière de chanter de son interprète. Travailler avec elle a été un vrai plaisir !66

Lui aussi fait partie de la famille, Sugaray Rayford que vous avez contribué à faire connaitre en Europe. Peux-tu revenir sur votre relation avec ce chanteur ?
A la longue, il est vrai que nous sommes devenus des potes. Lors de la première tournée que nous avons faite avec lui, par l’intermédiaire d’Aurélie Roquet, il était en cours de négociation avec le label californien Delta Groove (dont l’artiste a rejoint le catalogue depuis, nda). Nous étions partis pour trois semaines et, au bout de quelques jours, les coups de fils devenaient de plus en plus fréquents avec les Etats-Unis. Pour lui, tout s’est enchainé très vite. Si, en toute humilité, nous avons pu contribuer à le faire connaitre en Europe, nous en sommes très contents. C’était d’ailleurs le but affiché, nous voulions faire quelque chose pour lui. Depuis, il cartonne et nous en sommes particulièrement heureux !

Le fait d’avoir travaillé avec lui avant qu’il ne soit réellement connu aux Etats-Unis (sous son propre nom et au sein du groupe The Mannish Boys) représente-t-il une sorte de fierté pour toi ?
Pas vraiment, même si je suis satisfait en raison de la confiance qu’il nous a accordée. Notre univers musical est différent du sien. Avant notre première tournée commune, il nous avait envoyé une liste de titres dont près d’un tiers ne nous convenait absolument pas (des chansons trop classiques ou qui ne le mettent pas suffisamment en valeur). Nous sommes tombés d’accord et tout cela a contribué à créer un échange et un lien. Nous sommes davantage fiers d’être devenus des potes avec ce mec, plutôt que d’avoir pu l’accompagner voire de le faire découvrir au plus grand nombre. Lors de notre deuxième tournée commune (en 2013), il est resté plus de deux mois à la maison. Nous avons donc pu apprendre à nous connaitre sur le bout des doigts. Nous partageons la même vision des choses sur de nombreux points. Maintenant, son taux de notoriété est tel qu’Aurélie peut le faire venir en Europe avec son propre groupe. C’était le but du jeu, qu’il ne laisse pas ses musiciens au chômage quand il vient en Europe. Nous reprenons le flambeau que de manière très ponctuelle…

Jimmy Burns est apparu, je le crois, plus récemment dans votre cercle d’amis-musiciens. Que représente-t-il pour toi ?
Pour moi, Jimmy est l’un des derniers grands bluesmen de Chicago. Cela peut paraitre paradoxal de dire cela quand on connait d’autres mecs, toujours en activité, qui sont plus connus que lui (comme Jimmy Johnson par exemple). Cela est lié au fait qu’il a, un temps, mis sa carrière entre parenthèses afin de pouvoir se consacrer à sa vie de famille et à son restaurant. Il ne s’est remis à tourner qu’au milieu des années 1990 et c’est à cette époque que je l’ai rencontré pour la première fois. C’était lors d’une tournée du Chicago Blues Festival (qui, fin 1997, rassemblait Jimmy Burns, Byther Smith, Golden Big Wheeler et Karen Carroll, nda) qui passait par le Cricketers à Bordeaux. Nous avons, par l’intermédiaire de Fabrice Bessouat, été amenés à l’accompagner pendant deux semaines (en formule trio avec Fabrice Joussot et moi-même) lors d’une série de concerts. C’était des instants magiques et nous avons appris à nous connaitre sur la route. C’est à ce moment-là que l’idée de lui faire enregistrer « Rainy night in Georgia » est venue à nous. Ce titre (écrit et composé par Tony Joe White, nda) revenait souvent dans notre lecteur CD et, à un moment, il s’est mis à le fredonner. C’était tellement magique que nous l’avons également fait sur scène ensemble. Avant d’être un guitariste, Jimmy est pour moi un grand chanteur. Lors de l’enregistrement de cette chanson, tous les gens présents dans le studio ont été très impressionnés. La première prise nous a presque fait pleurer. Il a, cependant, souhaité en faire deux autres sans écouter la précédente. Il a vraiment mis tout le monde d’accord… Il est impressionnant !

Pour coller au maximum à votre univers, davantage orienté vers les musiques de Louisiane, a-t-il dû fournir des « efforts » en particulier ou est-il resté le pur musicien de Chicago blues qu’il est ?
Il est resté lui-même. C’était le deal pour tous nos invités sur ce disque…En ce qui concerne Sugaray Rayford cela s’est fait de la même manière. Il a écouté, dans la voiture, une chanson qu’il ne connaissait pas et a explosé de rires en disant « jamais je ne chanterai une chose pareille aux Etats-Unis car je pourrais être fusillé » (« Pray for your daughter » parle de dope et de tout ce qui en découle). C’est nous qui avons choisi les titres interprétés par nos invités. Ils devaient donc se coller à notre univers, bien qu’ils avaient carte blanche pour faire ce qu’ils voulaient, en restant eux-mêmes. Pour Jimmy, cela a été d’une grande facilité. Il nous a simplement imposé quelques arrangements et a su faire tourner le morceau de manière à ce qu’il finisse par lui appartenir. Il m’a, par exemple, donné des consignes pour mes parties d’harmonica. Il y avait de la souplesse et de bons échanges d’idées. Tout s’est fait tout seul…

Sugaray interprète donc « Pray for your daughter » d’Andre Williams. Comment avez-vous revisité ce titre ensemble ?
J’adore ce titre dont Andre Williams a réalisé une superbe version, sur un album réalisé en compagnie du groupe The New Orleans Hellhounds. Cédric Le Goff a souhaité, comme il le dit, « flyiniser » le morceau (c’est-à-dire lui donner un côté plus « new orleans »). C’est pour cela qu’on y trouve un petit changement de ritournelle et la présence d’un mélodéon qui est particulièrement mis en avant.

De quelle manière se distingue cet album, par rapport à ce que vous avez déjà pu produire par le passé ?
Il est, à mon sens, plus posé sans perdre pour autant l’état d’esprit qui nous caractérise. On y trouve toujours ce côté « fun » et nous essayons systématiquement de penser chanson et refrain (pas de nous contenter d’accumuler des titres avec un chorus de ci de là). Nous voulons que nos mélodies soient facilement enregistrables par le cerveau. Nous nous efforçons aussi de développer un côté dansant et festif. Par contre, ce disque est beaucoup plus moite. Plus nous avancions dans notre travail, plus nous nous disions que ce disque allai « puer le bayou ». C’est ce qui est bon !

Maintenant que vous avez trouvé un label. Cela vous pousse-t-il à vous fixer de nouveaux objectifs avec ce disque ?
Pour le coup nous avons tiré beaucoup plus d’exemplaire que nous le faisions auparavant. L’objectif sera donc de rendre le distributeur et le label contents. Le résultat des ventes sera influencé par les diffusions en radio et par les papiers obtenus dans la presse. Nous avons une bonne notoriété et une bonne image mais nous souffrons d’une couverture nationale trop faible. Notre but sera donc de rectifier le tir à ce niveau-là. Pour nous c’est un nouveau monde et nous allons nous appuyer sur l’expérience de tous ces nouveaux partenaires qui nous entourent.

Avez-vous déjà commencé à préparer une tournée afin de présenter ce disque ?
Nous allons effectuer une « pré-tournée » de sortie avec quelques dates étalées de septembre à mi-novembre. Nous allons aussi travailler sur une vraie tournée pour 2015, qui bénéficiera des retombées du disque.

Souhaites-tu ajouter une conclusion ?
J’aimerais évoquer quelques autres invités de l’album « Swamp It Up ! », car ils sont tous importants. En l’occurrence Anthony Stelmaszack qui a remplacé haut-la-main Fabrice Joussot sur un titre, car ce dernier était souffrant lors de la session. En plus, cela nous faisait plaisir car il a été le premier guitariste du groupe lorsque ce dernier a été créé. Il y a aussi Laurent Bechad aux percussions. Je l’apprécie énormément et il a l’habitude de tourner avec des groupes « barrés ». Il est batteur à la base et travaille actuellement avec le combo Rufus Bellefleur. Le répertoire de ce dernier va de la country à une sorte de métal hardcore. Ce sont des fous furieux ! Nous avons aussi Manu Bertrand (qui a travaillé sur l’album « Rivers » de Dick Rivers) au banjo ainsi que des cuivres. Enfin, et surtout, Phil Sauret nous a prêté son talent au frottoir. Merci Philippe de t’être occupé de nous pour tout cela (rires) !

Remerciements : Aurélie Roquet (On The Road Again), Gwenaëlle Tranchant, Lisa Bécasse et toute l’équipe du service de presse du Cognac Blues Passions.

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Interview réalisée au
Cognac Blues Passions
Colmar le 2 juillet 2014

Propos recueillis par
David BAERST

En exclusivité !

 

 

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