L'émission "blues"
de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST
Pouvez-vous nous parler de " Beyond the Clouds
", votre nouvel album ?
Ce nouveau disque contient 11 morceaux originaux. Ils sont pour la plupart
co-composés avec mon pianiste Lionel Gaget qui s'est également
occupé des arrangements de la section de cuivres.
Tous les textes sont en anglais, contrairement au premier album où
j'interprétais trois chansons en français. Ce qui avait
malheureusement limité la distribution de l'album à l'hexagone.
J'ai donc décidé cette fois-ci de tout écrire en
anglais, ce qui constitue le seul aspect maketing de la chose.
Que pensez-vous de la scène française
de blues traditionnel, vous qui avez une orientation musicale proche de
la soul ?
Il est vrai que je trace mon propre chemin musical. J'ai la chance de
jouer la musique que j'ai envie de jouer. Je connais la plupart des groupes
de blues français pour souvent les croiser. Nous nous respectons.
A-t-il été difficile de mener de
front deux carrières, l'une en tant que guitariste de Screamin'
Jay Hawkins, l'autre en solo ? J'ai
passé cinq très bonnes années avec Screamin' Jay
Hawkins. C'est quelqu'un qui jouait assez peu. En cinq ans, je n'ai été
confronté qu'une seule fois à avoir à choisir entre
jouer quelque part sous mon nom ou jouer avec lui dans un autre endroit.
J'avais alors choisi de jouer sous mon nom et il m'avait encouragé
dans ce sens.
Sa disparition, professionnellement parlant, n'a pas eu d'incidence sur
ma carrière. Même si le fait de l'avoir accompagné
sur scène m'a indéniablement propulsé.
Avec Jay, je me mettais au service de sa musique. Il voulait de la guitare
partout, et que ça joue très fort. Aujourd'hui, j'essaye
de jouer plus sobrement en donnant une grande importance à chaque
note. Sur un plan personnel, sa disparition m'a beaucoup marqué
Vous avez souvent eu l'occasion de vous produire
sur de grandes scènes ?
Avec Screamin' Jay, nous ne faisions que de grandes scènes. La
plus grande, c'était en clôture du Festival de Blues de Chicago,
en 1996, où nous avons joué devant 350.000 spectateurs.
Je me suis également produit au Festival de Jazz de Montréal
devant 10.000 personnes.
Ceci dit, ce n'est pas l'aspect quantitatif qui me stimule le plus. J'essaye
de faire de la musique avec autant de minutie, quelque soit le nombre
de gens présents dans la salle.
Lors de l'enregistrement de l'album " At
Last " de Screamin' Jay Hawkins à Memphis, vous avez côtoyé
de grands " sessionmen " américains tels Roger Hawkins
et David Hood. Est-ce que cela vous a donné l'envie de tourner
un jour avec de tels musiciens ?
Absolument pas, dans la mesure où, pour moi, qu'un musicien soit
américain, français, japonais ou moldave n'a pas d'importance.
Si ça joue bien, ça joue bien !
J'ai appris ceci en écoutant Screamin' Jay Hawkins qui vantait
son groupe français en le vendant et en disant : " Moi,
je me fous de savoir d'où ils viennent, puisque je les impose et
je les choisis ".
Maintenant, il serait grand temps, bien qu'il soit déjà
un peu tard, que les mentalités se réveillent là-dessus.
Qu'on cesse de jouer sur ce racisme à l'envers contre les musiciens
français. Etre musicien de blues français en France est
une " malédiction ". Être musicien blanc de blues,
c'est pas facile
Ceci est dû au fait que certaines personnes du public " blues
" continuent à croire qu'un Noir vaut mieux qu'un Blanc. Cette
question m'exaspère, parce que c'est représentatif d'une
bonne conscience facile. Moi, la cause noire, je l'ai épousée
en tant qu'humaniste, pas en tant que musicien. Le respect de l'autre,
je ne l'ai pas appris en jouant le blues.
N'étant pas démagogue, il est vrai que les Noirs ont une
voix différente que, par ailleurs, je trouve meilleure que celle
des Blancs. C'est un choix personnel qui n'a pas de valeur humaine. Il
y a encore des gens qui croient que si on est Noir, alors on a le blues.
Laissons aux Noirs la possibilité de faire une carrière
dans le domaine qu'ils souhaitent. Laissons-leur la possibilité
de louer des appartements comme n'importe quel Blanc et laissons-les jouer
la musique qu'ils ont envie de jouer. Qui, aujourd'hui dans le monde noir
a envie de jouer le blues ?
BB King, que j'ai rencontré, me disait que le blues est devenu
universel. C'est une très belle revanche ...