Fred Chapellier
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST

Nda : A quelques semaines de son cinquantième anniversaire, Fred Chapellier revient en force dans les bacs des disquaires…avec l’album le plus introspectif de sa riche carrière. Un enregistrement particulièrement soigné, que l’artiste a décidé de partager avec ses plus fidèles compagnons de route. Réalisé sans chichis, mais avec l’aide précieuse du producteur anglais Steven Forward, « It Never Comes Easy » frappe d’amblée par sa cohérence, sa clarté et sa consistance musicale. Une pierre importante à ajouter au bel édifice d’un artiste qui (plus affûté et décontracté que jamais) s’est, une nouvelle fois, confié à mon micro.

Fred, la chanson « It never comes easy » a donné son nom à ton nouvel album (label Dixiefrog, avril 2016). Ce n’est probablement pas un hasard car, même si tu es aujourd’hui le bluesman français le plus en vue, tu sais mieux que quiconque que rien ne s’obtient sans un minimum d’abnégation et de travail…66
Absolument, d’ailleurs cet album est un bilan des 50 premières années de ma vie. Je me rends compte que, sur ce demi-siècle, j’ai passé la moitié de mon existence à travailler pour en arriver là où j’en suis actuellement. Rien n’est arrivé par hasard, sans efforts et sans travail. Cette chanson et l’ensemble de ce disque en sont la preuve et représentent, comme je te le disais, un bilan…

Quelle a été la durée totale de la conception du disque, de son écriture jusqu’aux derniers moments passés en studio ?
Exactement un an de travail acharné… J’ai commencé à écrire en février-mars 2015. J’ai, volontairement, pris le temps qu’il me semblait nécessaire. J’ébauchais les chansons, puis je les laissais « reposer » car je voulais avoir le recul nécessaire avant de les graver. Cet album est donc constitué à 100% de compositions personnelles et j’ai écrit une partie des textes. Pour ces derniers, je me suis aussi octroyé les services de mes amis Billy Price, Neal Black, Steven Forward et Charlie Fabert. Je n’ai rien laissé au hasard sur l’écriture de ces chansons. Je voulais que le résultat final soit le plus proche possible de ce que j’avais en tête. C’est pour cela que le fait de prendre son temps est une chose positive.

Lorsque tu m’as fait découvrir le résultat final, je t’ai dit que ce qui m’a frappé en premier lieu est la fluidité et l’homogénéité qui s’en dégage. L’album ne peut s’écouter que d’une traite… Quels ont été les moyens mis en œuvre pour obtenir un tel résultat ?
Le fait de dire que, lorsque l’on commence à écouter l’album on a envie de le faire jusqu’au bout, est une bonne remarque et je l’entends assez régulièrement par l’entremise des personnes qui le possèdent déjà. Il faut dire que j’ai souhaité travailler avec un grand producteur pour arriver à cela. C’est par l’entremise d’un ami commun que j’ai été mis en relation avec Steven Forward qui est anglais (mais qui réside, actuellement, à Paris). Je connaissais son travail aux côtés de Ray Charles, The Rollings Stones, Gary Moore, Chris Rea et tout un tas d’artistes connus. Il se trouve qu’il connaissait plutôt bien mon histoire et mes albums, car il m’a proposé ses services dès qu’il a appris que je m’apprêtais à préparer un nouvel enregistrement. Cela m’a beaucoup touché…

Nous nous sommes donc retrouvés à Paris où une demi-heure nous a été suffisante pour comprendre que l’on marchait dans le même sens. Il a parfaitement compris ce que je voulais et j’ai immédiatement deviné que je tenais là l’ingénieur du son qu’il me fallait. Je voulais d’un disque bien produit, bien enregistré et bien mixé. Il s’est chargé de tout cela et c’est avec lui que nous avons choisi le studio d’enregistrement adéquat. Il s’agit, en l’occurrence, de Black Box Studio (à Noyany-La-Gravoyère qui se situe à proximité d’Angers) qui est un excellent endroit. Steven a mixé l’ensemble, en ma compagnie, à Human Studio à Paris. Nous sommes, tous les deux, très satisfaits du résultat !

Nous reparlerons de Steven Forward un peu plus tard mais, auparavant, j’aimerais évoquer un autre aspect de l’album qui est la partie vocale. Je te trouve, en effet, plus décontracté que jamais lorsque tu chantes. Est-ce une chose dont tu es, également, conscient ?
C’est un aspect de ma personnalité artistique que je continue à beaucoup travailler (technique, respiration etc.). Si j’ai pris mon temps pour écrire les chansons, c’est aussi pour qu’elles correspondent le mieux à ma voix. Je ne voulais pas avoir à « lutter » dans mon interprétation. J’ai donc composé dans les bonnes tonalités, bref j’ai principalement écrit pour la voix. En ce qui concerne les guitares, je savais que je pourrais m’adapter à n’importe quelle circonstance. Je ne voulais pas tomber dans le piège de faire un album de guitariste et de chanter par-dessus. Dans ce cas de figure, c’est exactement le contraire. C’est un album de chansons sur lequel la voix est privilégiée par rapport aux guitares.

Après le succès que tu as connu ces dernières années, je pensais sincèrement que tu allais t’orienter vers une très grosse production et t’entourer de pointures anglo-saxonnes pour t’accompagner. Au contraire, tu as opté pour l’option « familiale » en sollicitant tes plus fidèles collaborateurs. Que peux-tu dire sur l’équipe musicale qui t’a suivi dans cette aventure ?
Le fait d’avoir enregistré (dans ces conditions et avec ces gens-là) cet album est, pour moi, un retour aux sources et à la maison. Je partage la moitié de ma vie sur la route avec ces musiciens, afin de donner des concerts. Ce sont mes amis… Avec le travail accompli, je savais que ce disque serait important à mes yeux. Il me fallait donc des gens importants à mes yeux… J’ai fait beaucoup de collaborations ces dernières années et il était, à mon sens, légitime de proposer un vrai album estampillé Fred Chapellier, sans un seulinvité. Ceci pour montrer aux gens, à travers mes chansons, qui je suis vraiment…

Musicalement quelle a, justement, été l’orientation que tu as choisie pour ce disque. T’es-tu inspiré de certaines choses en particulier ?
Je ne me suis inspiré de rien du tout sur ce disque, ce qui n’était pas forcément le cas pour les albums précédents. J’ai simplement engrangé des chansons (15 ou 16) et j’ai conservé celles qui me plaisaient le plus. J’ai écrit sans me dire que tel ou tel titre sera un morceau de blues, de funk, de soul ou de rock. Je me suis complètement laissé aller. Je ne voulais pas sonner comme quelqu’un d’autre, je voulais tout simplement sonner comme Fred Chapellier.

Si le son de l’album est homogène dans son ensemble, cela n’empêche pas ce dernier d’être varié dans ses sonorités. As-tu utilisé beaucoup de guitares différentes afin d’obtenir des sons qui vont du blues au rock garage des sixties ? T’es-tu équipé en fonction de chaque morceau ?
C’est une bonne remarque… J’ai, principalement, utilisé ma Fender Custom Shop reissue ’52 Telecaster qui est une guitare fantastique. Je me suis, aussi, servi de ma Gibson Custom Shop reissue ’59 Les Paul… Le résultat sonne très roots car, à 90%, chaque guitare est directement branchée dans l’ampli…sans aucun effet. J’ai, cependant, mis à contribution un très bon Fender Twin Reverb (modèle assez récent) dont le gain permet d’avoir le « crunch » nécessaire sans que ce soit la grosse saturation.

De temps en temps, j’ai légèrement boosté à l’aide d’un overdrive. J’utilise toujours les effets avec parcimonie. Il y a aussi un petit peu de Delay (effet audio basé sur le principe de la chambre d’écho, nda) sur un ou deux titres (comme « A silent Room »), pour gagner un peu en ampleur. Sur « Changed mind » il y a une grosse réverb’ qui sonne sixties, ce qui est volontaire. Sur « Let me be your loving man » j’ai mis à contribution une vieille tête d’ampli Orange afin d’obtenir un grain un peu différent. C’est, à peu près, tout…66

Tu me disais, en ce qui concerne ce nouveau disque, que l’accent avait été porté sur ta voix. Je trouve aussi, malgré tout, que tes guitares sonnent comme jamais. Il faut dire que Steven Forward est passé maître pour mettre en valeur les guitaristes. Sais-tu ce qui l’a touché dans ton jeu ?
Tout ce que je peux te dire est que Steven est complètement devenu fan de ce que nous faisons. A la base c’est déjà son style de musique de prédilection, comme l’atteste son « tableau de chasse ». Il met un point d’honneur à bien enregistrer l’ensemble mais les sons de guitares sont très importants à ses yeux. Je tiens, aussi, à rebondir en disant que je ne me suis jamais senti aussi bien qu’avec les guitares et l’ampli que j’ai en ma possession actuellement. Si je peux me targuer d’avoir toujours utilisé du bon matériel, je pense avoir trouvé là la perfection. C’est, en ce qui me concerne, une bonne combinaison…

Au final, Steven a juste mis deux micros devant l’ampli et n’a presque pas eu à faire d’equalisation. Il a, donc, été très important en ce qui concerne le positionnement des micros, le choix de la console de mixage (qui date des années 1970 et qui a été acheté à un studio mythique de Chicago). Tout cela a apporté quelque chose au son. Enfin, je me permets d’ajouter que Steven Forward est un magicien… Tout a été une question d’osmose, nous ne nous sommes jamais posé de question. Nous avons posé le matériel, il a disposé les micros et 3, 4 nous avons enregistré. Tout a été fait en live (solos, rythmique…) dans le studio. Il n’y a pas de re-re. J’ai, simplement, ré-enregistré les voix et le clavier a été ajouté par la suite. Sinon, tout a été fait dans les conditions du live.

Une fois de plus, on sent que tu as été très pointilleux sur le son. Un aspect sur lequel rebondissent certains de tes « détracteurs » qui te reprochent d’être trop « clean » et pas assez blues. Que peux-tu leur répondre ?
Je n’ai rien à répondre, sinon que si cet album n’est pas du blues…cela ne me pose aucun problème. J’aime autant le rock, que la soul, que le funk, que le blues… Je tiens simplement à faire ma musique, peu importe l’étiquette que telle ou telle personne va y apposer. Je respecte totalement le choix des gens et, si elle ne plait pas à certains, ce n’est pas un problème. A titre personnel, je suis très satisfait de cet album…

Tu citais précédemment les gens qui t’ont entouré pour l’écriture des textes. Les as-tu aiguillés vers certains thèmes qui te tenaient particulièrement à cœur ?
Oui, je les ai même carrément aiguillées ! Je voulais que ce disque soit plus profond et personnel. La chanson « A silent room » est un hommage à mon père, disparu il y a deux ans. J’avais commencé à écrire le texte mais c’était un travail assez délicat. J’ai donc demandé à Steven Forward et à Charlie Fabert de s’y mettre ensemble. Pour « It never comes easy », j’ai donné des consignes à Neal Black pour qu’il puisse résumer ma vie, en expliquant quelques-unes des étapes par lesquelles je suis passé pour en arriver où j’en suis aujourd’hui. La plupart du temps j’ai donné des thèmes (et parfois même des phrases ou des mots) afin d’aiguiller le travail de mes auteurs.

Depuis une bonne dizaine d’années, tu as accumulé les collaborations (en tant qu’accompagnateur mais, aussi, au sein de ton groupe que tu n’hésites pas à faire évoluer pour des projets bis comme la tournée hommage à Peter Green). As-tu de nouvelles idées qui vont dans ce sens ?
Oui j’ai déjà quelques idées, même si c’est encore un peu flou dans ma tête. En fait, j’essaye toujours d’avoir un ou deux projets d’avance. Par exemple, je vais bientôt repartir en tournée (pour deux ou trois semaines entre septembre et octobre 2016) avec le chanteur américain Billy Price. En décembre, je tournerai en France avec le guitariste danois Aske Jacoby qui est très connu dans son pays mais encore assez peu en France. Nous sommes rentrés en contact et je lui ai proposé de lui apporter mon aide en France. Pour l’occasion, il sera accompagné par mon groupe alors que je serai simplement présent en tant que guest (je ferai trois titres avec lui). Nous travaillons également sur une tournée en Norvège, Suède et Finlande. Je devrais m’y produire en octobre-novembre 2016. Maintenant que l’album est sorti, mon objectif principal est donc de tourner au maximum. Je n’ai pas d’enregistrements de prévus dans un futur proche…

Question finale habituelle…as-tu une conclusion à ajouter à cet entretien ?
Non, sinon remercier l’émission Route 66 qui me soutient et qui m’aide depuis de nombreuses années. C’est toujours un plaisir… C’est, également, toujours un plaisir de revenir en Alsace…une région que j’aime beaucoup. Ecoutez toutes et tous cet album « It Never Comes Easy » et faites-vous votre propre idée. Essayez d’enlever les étiquettes (blues, jazz, funk, disco etc.) et rendez-vous compte par vous-même du résultat final !

www.fredchapellier.net
https://www.facebook.com/FRED-CHAPELLIER-48282679037

 
Interviews:
Les photos
Les vidéos
Les reportages
 

fredchapellier.net
facebook.com/FRED-CHAPELLIER

Interview réalisée
au Grillen - Colmar
le 25 mars 2016

Propos recueillis par
David BAERST

En exclusivité !

 

 

Le
Blog
de
David
BAERST
radio RDL