Freddy peux tu te présenter et évoquer
ton cheminement musical ?
Je suis né à Mulhouse et j'ai commencé la musique
à l'âge de 11-12 ans à Colmar.
J'ai pratiqué simultanément la guitare et le violon et dès
l'âge de 14 ans je me suis mis au blues.
Ceci grâce à ma sur qui, un jour, m'a ramené
des disques de blues, une musique qui m'a marqué (Freddy
m'avouera plus tard avoir été aussi touché très
tôt par un concert de Memphis Slim en Alsace).
Je pratiquais donc cette musique à la guitare mais également
de la musique classique au violon.
C'était le début
.
Quel style de musique écoutais tu lorsque
tu étais enfant ?
Mon père est un super mélomane en musique classique, c'est
un fanatique de Bach. De ce fait, j'entendais ça tout le temps
.
Mes premiers souvenirs musicaux
tu sais quoi on parlait de blues,
bien je crois que c'était en 1969 à l'âge de 11 ans
alors que nous étions dans les Alpes. C'était le soir où
les américains sont allés sur la lune, ils jouaient "
In the Mood " de Glenn Miller. Ce truc là m'a marqué,
tu sais les changements d'accords très blues, je crois que c'est
là que tout a commencé.
Quels sont les premiers groupes dont tu as fait
parti en Alsace et où te produisais tu à ce moment là
?
C'était à Strasbourg quand j'étais en seconde ou
première on avait un groupe dont je ne me souviens plus le nom.
Après j'ai fais du bal parce que je suis parti de l'école
comme un voleur, ceci dans la région de Mulhouse dans un orchestre
qui s'appelait Franck Jones. J'ai fait cela pendant 3 ans ce qui me permettait
de vivre.
C'était cela mes expériences en Alsace
.
Mes vrais débuts c'était en seconde, faire du blues avec
les copains sans vraiment nous produire. C'était dans le garage,
tu vois
.
Le déclic qui t'a fait partir aux USA c'était
tout de suite et pourquoi ce choix ?
Non, je suis allé la première fois aux Etats-Unis quand
j'avais 21 ans. Je suis parti à l'aventure alors que je jouais
avec cet orchestre de bal puisque j'étais amoureux de musique américaine.
Je me suis dit qu'il faut que j'y aille et que j'aille voir, que j'aille
toucher
.
Je suis parti pendant 2 mois, me faisant remplacer dans l'orchestre. Je
suis allé à la Nouvelle Orléans car j'étais
déjà ami à l'époque avec Jean-Michel Biger
que tu connais (grand batteur français, également alsacien,
ayant accompagné de nombreuses grandes vedettes, Nda), il avait
déjà joué avec Zachary Richard quelques années
auparavant. Il y avait donc ce lien avec New-Orleans. Je suis allé
là-bas juste avec une guitare et une valise puis je suis allé
15 jours à Austin et j'ai eu le " flash ".
Quels sont les premiers musiciens que tu as rencontrés
sur place ?
J'ai joué avec deux jumeaux d'Austin qui s'appellent les Womack
Brothers, on a fait un buf à New-Orleans puis nous sommes
retournés à Austin. Un des types est aujourd'hui le manager
du groupe Los Lonely Boys qui font un carton aux Etats-Unis actuellement
en ayant gagné notamment un Award.
Depuis toutes ces années nous sommes resté en contact et
nous nous téléphonons 1 ou 2 fois par an.
Par la suite, tu as continué à faire
régulièrement des allers-retours entre les 2 pays ?
Oui, après je suis revenu et c'est Jean-Michel qui est parti aux
USA environ 6 mois après.
Il est allé rejouer avec Zachary Richard, ils avaient besoin d'un
guitariste, ils m'ont appelé et j'y suis allé, c'était
en 1982.
C'est suite à cette expérience que
tu t'es établi aux USA ?
Oui, je suis resté à Lafayette pendant 1 an
.
Après un an j'en avais marre, nous sommes donc rentré avec
Jean-Michel puis nous avons commencé l'histoire de Cookie Dingler
(artiste alsacien, auteur du tube monumentale " Ne la laisse pas
tomber " au début des années 80, Nda).
Cela a été un énorme succès,
as tu encore des contacts avec Cookie ?
J'ai toujours des contacts avec Paul, l'autre guitariste, Alex le percussionniste,
Joel le bassiste et avec Jean-Michel bien sûr. 
C'est dès ton retour aux USA, qu'a commencé
la collaboration avec Willy Deville ou y a t'il eu d'autres choses avant
?
En Fait quand ça s'est terminé avec Dingler en 1987, nous
avons fait un groupe de blues The Flying Hot Dogs avec lequel nous
faisions des reprises. Nous tournions en Belgique, Suisse, Allemagne puis
je suis retourné aux Etats-Unis en 1990 pour une tournée
de Zachary Richard. Je savais que Willy cherchait un guitariste, je l'ai
rencontré et j'ai commencé à bosser avec lui la même
année.
T'es tu produit avec d'autres gens parallèlement
à ta carrière avec Willy ?
Je faisais à la fois Zachary et Willy.
Nous avons également fait cette fameuse tournée avec Doctor
John, Johnny Adams, Eddie Bo etc
.
Je faisais aussi des trucs de studio à droite à gauche.
Quelle était la réaction des artistes
américains face à ce jeune français qui venait jouer
leur musique sur leur terrain ?
Il n'y a pas eu de problème mais je suis peut être naïf
.
Je n'ai jamais eu de sentiment de rejet ou de sourire du coin de la part
des autres musiciens.
Effet inverse, quand des artistes français
viennent à Los Angeles enregistrer un album dans lequel tu participes
aux sessions, est ce qu'ils te connaissent ?
Je n'ai pas fais tant d'enregistrement pour des français, le dernier
qui me revienne à l'esprit c'est Eddy Mitchell (morceau "
Sur la route 66 ", extrait de l'album " Frenchy ", Nda).
Ils me connaissent de réputation, assez vaguement
" Ah oui oui, ce français en amérique ",
tu vois.
Mais ils savent
.
Un autre grand moment dans ton cursus c'est les
tournées avec Bob Dylan, comment s'est faite la rencontre ?
C'est grâce à James Trussart (grand créateur de guitares,
Nda), qui déjà m'avait filé le numéro de téléphone
de Willy à l'époque. J'étais chez lui dans son atelier,
nous bricolions à Los Angeles quand le bassiste de Dylan, Tony
Garnier, entre car James lui avait fait une guitare basse.
Nous avons commencé à discuter puis James lui a demandé
ce qu'il faisait, ce a quoi il a répondu : " Nous répétons
avec Bob mais c'est pas super, on se fait un peu chier ". Puis
il est parti et James m'a dit que c'est moi qui devrais aller là-bas
et jouer avec lui. Il a donc rappelé Tony tout de suite après
et lui a dit : " Ecoute, vous devriez essayer Freddy ".
Tony a donc dit à Dylan : " Tu devrais essayer le guitariste
de Willy" ce à quoi il a répondu par l'affirmative.
Je suis donc allé à une répétition 3 ou 4
jours après et ça a cliqué, ça a marché
.
Peux tu parler du bonhomme Dylan, comment est-il
?
Non parce que je ne le connais pas.
Je le connais musicalement car notre conversation était uniquement
musicale. C'est quelqu'un de très privé, on s'échange
des mots de temps en temps mais il est très privé, on ne
le voit pas du tout. Je trouve ça parfait, tu vois le dialogue
était musicale ce qui me convient.
Pour moi quand tu fais de la musique c'est encore mieux quand tu ne connais
pas la personne car tu fais abstraction du caractère et de la personnalité
et tu ne prends que la musique, ce qui est super !
Dylan change constamment ses setlists, était-ce
facile à suivre ou trop inattendu, y avait-il des pièges
?
Oui, c'était intense.
C'était comme retourner à l'école. Je bossais vraiment,
j'avais un classeur avec toutes les chansons parce qu'il y en a tellement
.
C'était du travail, lors de la première tournée je
prenais toutes les listes et je regardais les morceaux où je n'étais
pas très bon puis je bossais.
Petit à petit tu t'y fais, chaque soir tu ne sais pas ce qui va
se passer et j'adorais ça parce que tu étais toujours sur
le fil.
Avec toutes ces improvisations, ça passe ou ça casse et
moi j'aime ça dans la musique.
N'est-ce pas trop frustrant après tous
ces concerts et morceaux joués de ne pas avoir de trace sur un
album ?
Non parce que c'est comme quand tu vas en vacances quand tu es petit,
tu le gardes pour toi, c'est ton jardin secret.
Va savoir, peut être va t-il me contacter pour son prochain album.
Comme notre collaboration s'est bien passée, les portes sont toujours
ouvertes.
A ce jour il n'y a vraiment rien d'enregistré
?
Si nous avons fait une télé ensemble pour le 75ème
anniversaire de la salle l'Apollo à New-York, c'était très
sympa d'ailleurs
.
Quelle était la réaction de Willy
Deville par rapport à ta collaboration avec Dylan, frustration
ou fierté ?
Oui ça l'a agacé (rires) mais ça va il a compris,
en plus il aime beaucoup Dylan. C'est son maître donc ça
c'est bien passé, il n'y a pas eu d'histoire.
Tu nous offres en 2005 ton premier album solo
" Minimal " enregistré seul à la guitare, pourquoi
ce disque et d'où t'est venue l'inspiration ?
Après avoir joué 1 an avec Dylan je suis tombé malade,
de ce fait j'étais " hors circuit " pendant 4 mois, je
n'étais pas bien. Ayant, à cause de cela, perdu le job avec
Dylan, c'était une grande frustration, je me suis dis qu'il fallait
que je sois actif et que je fasse quelque chose dès que ça
irait mieux.
Je me suis donc plongé dans ce projet et j'ai fais cet album.
Je ne pouvais pas organiser des séances avec d'autres musiciens
car ça serait trop long et puiserait trop d'énergie.
Je me suis donc dis : " ben, voyons
voir ce que tu sais faire juste avec un instrument " et voilà
le résultat.
J'ai enregistré ce disque chez moi à la maison comme j'ai
un studio et du bon matériel. Je suis content car le disque est
comme une photo de moi.
Le disque est constitué d'instrumentaux
qui sont des morceaux assez courts, un peu comme si tu avais pris des
notes sur un bloc
Oui, exactement !
En plus comme je ne chante pas, que c'est instrumental, je n'avais pas
envie de m'étendre.
J'ai fais ça comme on pourrait faire des berceuses pour un enfant.
Je voulais que ce soit varié et qu'il y ai du relief.
Après ce disque très proche de l'os,
très minimaliste, est ce que tu souhaiterai donner une suite "
maximale " où tu pourrais donner un plus large aperçu
de ta palette ?
Oui certainement, si j'en fais un autre ce sera très différent.
Je ferai un disque avec du chant, du rythme, ce sera autre chose. J'y
pense actuellement mais je ne veux rien dire, ça commence à
me travailler et je commence à avoir des idées.
Je suis content d'avoir fait Minimal car je crois que si les circonstances
n'avaient pas été comme elles ont été, je
n'aurai jamais fait un disque. Vu les circonstances, c'était comme
un accident de faire cet album et c'est bien comme ça. C'est une
trace dans ma vie
Tu as un parcours unique, tu as accompagné
les plus grands, aurais tu encore des souhaits de collaboration ?
Après Dylan je dois dire que c'est un peu difficile, honnêtement.
Je pense que dans d'autres circonstances, j'aurai pu l'accompagner quelques
années, bien que j'ai deux petites filles et que, de ce fait, je
n'aurai pas pu faire cela durant 50 ans non plus.
Après j'aurai pu me lancer dans la production ou monter un label,
faire quelque chose de plus parallèle.
Entre parenthèses, simultanément
à ton album est sorti celui de Larry Campbell (autre guitariste
de Dylan, Nda), l'as tu écouté et qu'en pense tu ?
C'est remarquable, c'est tout à fait autre chose.
C'est un fanatique de musique irlandaise et de vieille musique américaine.
Il a donc repris de vieux morceaux qu'il a réarrangés pour
l'occasion, c'est brillant.
As tu eu des retombées de la part de Willy
Deville ou Bob Dylan concernant ton album ?
Je ne sais pas ce qu'ils en pensent.
J'en ai filé un à Willy mais je ne sais même pas si
il l'a écouté. Je ne l'ai pas encore donné à
Dylan mais je le ferai à mon retour. De toute façon il est
fort possible qu'il ne l'écoute pas.
As tu autre chose à ajouter en conclusion
?
Je voulais dire que cette histoire avec Dylan c'était vraiment
super. Le fait de l'avoir fait que pendant 1 an m'a permis de ne voir
que le bon. Parfois après plus de temps il peut se passer des choses,
tu vois. Super souvenir et superbe expérience, je me sens vraiment
chanceux d'être tombé dans cette entreprise à ce moment
là et que ça ai fonctionné comme ça.
Cela s'est terminé un peu durement, mais voilà c'est la
vie.
Quand tu reviens en France comme c'est le cas
aujourd'hui, retrouves tu un " second souffle " et y a t'il
plus de connivence avec le public français ?
Un petit peu mais globalement je dirai non, il y a quelques gens qui pourraient
crier : " Freddy ! " mais c'est tout.
Le public est un tout, tu ne vas pas commencer à cibler les personnes.
Ce qui est sûr c'est que lorsque je suis de passage en France, j'ai
vraiment envie de revenir parce qu'il y a tant de choses
. C'est
ton passé, ta culture, tu ne peux pas t'en séparer comme
ça. A titre d'exemple, pendant la tournée, alors que nous
étions à Hambourg, j'ai trouvé un restaurant alsacien
dans lequel je suis directement allé mangé une choucroute
(rires).
C'est ton nid
.
Cette tournée européenne de Willy
Deville s'achève demain à Bruxelles, aurais tu une anecdote
qui te revienne sur celle-ci ?
Pour moi l'anecdote sur cette tournée c'est que Willy a été
d'une constance que je n'ai jamais vu.
Il n'a fait que des bons concerts même si ça a pris un peu
de temps pour démarrer, pour se remettre dans le bain.
Il n'a jamais été aussi constant et bon, c'était
très agréable car sur les autres tournées c'était
toujours un peu en dents de scie avec des crises par ci par là.
Cette tournée c'était du gâteau
.
Quand tu seras de retour à Los Angeles,
tu vas mettre la guitare de côté pendant un certain temps,
t'occuper de ta famille ou tu vas tout de suite enchaîner sur autre
chose ?
Non, ce que je vais faire c'est de la plomberie et du carrelage parce
que j'ai une salle de bains à faire (rires).
Une semaine après on va faire un concert avec Willy à New-York
et scoop
fin mai je vais jouer à Ste Marie aux Mines tout
seul, une première et je grelotte d'avance
.
C'est Rodolphe Burger (artiste alsacien ex leader du groupe Katonoma,
Nda) qui m'a invité. Il fait chaque année son festival
et c'est super car il m'a invité au moment où je n'étais
pas trop bien. Il m'avait vu à Paris avec Dylan et m'avait dis
: " Si tu veux, je t'invite, tu seras
mon invité au Festival ". Je crois que c'était
avant mon disque et cela a certainement joué
.
Il m'a invité et je n'y croyais pas car des fois en musique on
dit des choses et avec le temps ça part en fumée
.
Je vais y aller, j'étais chez lui aujourd'hui, je l'ai vu et je
vais y aller
.
C'est un événement pour moi de jouer tout seul sous mon
nom, il va falloir assurer
.
Ce concert en amènera certainement d'autres
Je ne sais pas on verra car je ne sais pas si tourner tout seul m'attire
outre mesure.
Faire quelque chose avec d'autres gens, par contre, oui.
Remerciements : Christophe Frappa (tour
manager), Isabelle Louis (Eagle Records) et surtout Freddy (à bientôt
dans une winstub !).
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