Gaëlle, je crois que le virus de la musique s’est emparé de toi très tôt. As-tu grandi dans un environnement propice à sa propagation ?
Il est vrai qu’avec un père batteur dans un groupe de hard rock, j’ai été sensibilisée très tôt à cet art. Enfant, je baignais déjà dans la musique qu’il écoutait : Led Zeppelin, Toto, Jimi Hendrix…
De son côté, ma mère était une amatrice d’artistes tels que Joe Cocker, Janis Joplin …
La musique était donc un élément primordial dans notre foyer. Il y avait des vinyles partout, c’était tout simplement magique !
A titre personnel, quand as-tu commencé la pratique de la guitare et du chant ?
J’ai pris mes premiers cours de guitare vers l’âge de 13 ans.
Après avoir arrêté un moment, j’ai recommencé quelques temps plus tard.
En ce qui concerne le chant, j’ai énormément appris dans une école de gospel pendant un an.
Peux-tu revenir sur tes premières expériences musicales ?
J’ai donné mon premier concert dans un club nommé Le Balajo à Bastille. C’était une première partie…
Après cette première expérience, j’ai rencontré des musiciens qui étaient membres d’un groupe de funk et de rhythm & blues (Les Funkeys, nda). J’ai travaillé à leurs côtés pendant 6 ou 7 ans…
Nous étions 12 musiciens et nous tournions un peu partout.
C’était une aventure très enrichissante qui reflète mes tous premiers pas dans le monde de la musique. Par la suite, j’ai rencontré les musiciens de Cam On, avec qui une longue route musicale est née …
Dans le passé je me suis, également, essayée à la comédie musicale. Il s’agissait de spectacles montés en faveur d’associations, pour des enfants autistes par exemple…
Mon style a donc été forgé par des expériences artistiques très diversifiées lorsque j’étais plus jeune…
L’envie d’écrire tes propres chansons s’était-elle déjà emparée de toi à ce moment là ?
Il est vrai que j’ai toujours griffonné…
A 18 ans j’ai eu l’opportunité d’écrire une comédie musicale, produite par le comédien Dieudonné, qui se nommait « Couleurs d’amour ». J’en avais signé tous les textes mais, malheureusement elle n’a jamais vu le jour…
Cependant, elle a été l’élément déclencheur qui m’a donné l’envie d’écrire davantage. Dans un premier temps, j’ai beaucoup travaillé pour les autres avant d’assumer de le faire pour moi. Il m’était délicat de me livrer et de me dévoiler sur du papier…
Profitais-tu, malgré tout, du fait d’écrire pour les autres afin de te dévoiler ou répondais-tu, simplement, à des « commandes » en t’adaptant aux artistes pour lesquels tu proposais des textes ?
C’était plus sur « commande ». Les thèmes choisis étaient très spécifiques et m’étaient donnés par les artistes. Parfois, ils me faisaient simplement écouter une musique qui pouvait, ou non, m’inspirer…
J’écrivais donc en fonction des personnes, en les rencontrant et en discutant avec eux… c’est ainsi que les choses se développaient.
Ton premier album « Yesterday’s Shadow » résulte d’une rencontre avec Neal Black. Peux-tu revenir sur celle-ci ?
Cette rencontre est vraiment une chose exceptionnelle, c’est un grand monsieur…
Elle s’est déroulée au Soubock (salle de spectacles située à Cauville dans le Calvados, nda), il y a environ quatre ans. Je m’y produisais avec Cam On et nous y étions programmés le même mois que lui. D’ailleurs, curieuse de nature, je suis allée écouter sur le net tous les groupes programmés à cette période… je me souviens qu’il y avait également Gang.
Ceci dit, Neal m’avait vraiment fortement marquée et j’ai décidé de le contacter par internet.
Il est revenu vers moi en me proposant, déjà à ce moment là, une collaboration artistique.
Les choses se sont, cependant, réellement concrétisées il y a environ un an...
Avant l’enregistrement, avais-tu déjà une idée précise de ce que tu voulais faire où t’es-tu laissé guider par l’expérience du chanteur-guitariste texan ?
J’ai toujours aimé la musique qui s’inspire du blues, du blues-rock et du folk.
A la base mon projet, avec Cam On, était très blues-rock. Malheureusement, il n’a jamais pu se développer comme je l‘aurais souhaité.
Neal m’a offert l’opportunité de me lancer dans un registre plus acoustique. Un côté que j’assimilais déjà depuis quelques années en parallèle à mon projet blues-rock.
Grâce à lui j’ai assumé ce choix, tout en développant ma créativité en collaborant sur des morceaux écrits ensemble. C’est ainsi que cette belle aventure a été lancée !
En amont de l’enregistrement, de quelle manière avez-vous travaillé ensemble puisque vous étiez assez éloignés géographiquement ? Comment la structure des chansons s’est-elle mise en place ?
La manière dont nous organisions les sessions de travail était très drôle. Je partais travailler chez lui pendant deux jours, où nous nous retrouvions sur la route lorsqu’il était en tournée. Nous profitions des salles de conférences des hôtels afin d‘avancer nos compositions. Nous avons également fait quelques sessions d’une semaine chacune, à proximité du studio où l’enregistrement s’est déroulé. C’était magique !
Quand on lit les crédits de l’album, on se rend compte que cela a été un véritable travail familial. En effet, on retrouve au casting Magali Walden (épouse de Neal) aux claviers et Wayne Walden à l’harmonica. As-tu eu l’impression d’intégrer une famille ?
Dès que Neal nous ouvre la porte de sa musique, ça devient immédiatement très familial !
C’est quelqu’un qui, aussi bien humainement que musicalement, donne beaucoup.
C’était fantastique, pour moi, de me retrouver immergée dans un tel univers !
Avec lui on peut travailler dans la confiance la plus totale. Chacun apporte ses idées. Qu’elles soient retenues ou non, tout se fait naturellement… sans aucun problème.
Comme tu le disais précédemment, ton style est inspiré par le blues mais lorgne également du côté de la musique folk voire de la pop. Quels sont les artistes, issus de ces sphères musicales, qui t’inspirent le plus ?
Je suis une grande fan de Jonny Lang… C’est très blues-rock et sa voix est rocailleuse mais j’adore !
J’aime aussi Janis Joplin ainsi que quelqu’un que j’ai découvert beaucoup plus tard, à savoir Pura Fe’.
J’admire son travail et suis toujours bluffée lorsque j’assiste à l’un de ses concerts. Elle a eu une grande influence sur le son que j’ai souhaité aborder en formule acoustique.
Pura Fe’ a été l’une des premières, dans le monde du blues, à utiliser des boucles lors de ses concerts. Est-ce une expérience qui te tenterait ou t’es-tu déjà testée à cet exercice ?
Oui, j’ai déjà essayé !
Cependant, je vais d’abord continuer à me concentrer sur mon instrument principal, qui est la guitare…
Je n’ai donc pas tenté l’expérience à une plus grand échelle, mais suis vraiment admirative de la manière dont Pura Fe’ le fait.
Depuis la sortie du disque, tu as été littéralement « adoptée » par un grand nombre de musiciens de blues français et internationaux. Quels sont ceux dont tu te sens, actuellement, la plus proche ?
Les choses, il est vrai, se sont « dégoupillées » de manière assez hallucinante. C’est fantastique de constater qu’autant de musiciens suivent mon projet.
J’ai rencontré différentes personnes comme Elliot Murphy, ce qui est extra !
Concernant la scène française, je me sens proche de Jean-Christophe Pagnucco du groupe Les Witch Doctors. Il est un excellent compositeur et arrive, rapidement, à repérer et à ressentir les choses lorsqu’il entend une voix. Il parvient aussi à déterminer ce qui conviendrait le mieux à un artiste. Il a, par exemple, écrit une chanson intitulée « Black delta dirt » qui me procure toujours beaucoup d’émotions lorsque je l’interprète sur scène.
Dans un registre différent (le métal mélodieux), j’ai fait quelques scènes avec Patrick Rondat. Cet homme est une véritable mine d’or de la musique. C’est une chance considérable que de pouvoir rencontrer de telles personnes !
Serais-tu prête à développer ces échanges, de manière à ce qu’ils se transforment en collaborations artistiques plus poussées (écriture de chansons, enregistrements communs…) ?
Oui, d’autant plus qu’il est très enrichissant de s’ouvrir à d’autres artistes. J’adore écrire et échanger sur la musique avec des gens qui viennent d’autres milieux (et qui apportent leurs propres touchers à mes chansons).
J’apprécie le fait de découvrir de nouvelles choses, ce n’est que de cette manière qu’un artiste peut évoluer. C’est, par exemple, ce qui se passe avec les guitaristes Michaal Benjelloun (qui tourne énormément à mes côtés), William Atzel et le batteur Jimmy Montout…
Nous travaillons ensemble depuis plus d’un an, au delà d’être des musiciens, ils sont aussi des compositeurs de talent.
Justement, tu as largement apporté ton propre talent à l’écriture des chansons qui composent ton premier album. Où as-tu puisé ton inspiration ?
Cet album est le reflet d’un moment assez particulier de ma vie…
Les thèmes abordés ont été développés avec Neal Black, mais sont le fruit de choses vécues…
Par exemple, La chanson « Let my child sleep in peace » évoque le tsunami qu’il y a eu en Malaisie…
A ce moment là, mon frère travaillait dans ce pays et a vu des connaissances perdre leurs enfants dans ce drame. J’en ai été très affectée et j’ai souhaité évoquer le sujet.
Cet album parle également d’intolérance sur « Little Sunshine » et de la vie en générale, ce qu’elle nous apprend, ce qu’elle nous prend et ce qu’elle nous donne. Bien sûr, il évoque aussi l’amour sous tous ses angles et, autant que possible, de manière humoristique.
Neal Black a apporté un côté plus « sauvage », une chose qui se ressent particulièrement sur le titre « Wild girl »…
En résumé j’aborde des thèmes qui me touchent, qui peuvent m’affecter ou qui me font sourire.
C’est toujours délicat de parler de cela car on n’ose pas toujours se dévoiler. La musique aide beaucoup les artistes dans ce domaine. Elle permet de le faire partager aux gens plus facilement.
Tout le monde connait Neal Black en tant que chanteur et guitariste. Je trouve, par contre, que trop rares sont les gens qui ont vraiment pris conscience de son immense talent de songwriter. T’a-t-il ouvert des portes et permis de découvrir d’autres auteurs-compositeurs texans ? A son contact t’es-tu davantage plongée dans cet univers très riche de la musique américaine ?
C’est une culture que, je l’avoue, je ne connaissais pas vraiment…
Neal m’a donc fait écouter beaucoup de choses différentes. J’en ai « picoré » des morceaux, que nous avons essayé de restituer dans notre écriture. Cette collaboration a, vraiment, été très forte. D’ailleurs, nous envisageons de la poursuivre dans le futur. Je l’adore !
Je n’oublie pas qu’il m’a ouvert une porte dans le milieu du blues, dont je ne suis pas vraiment issue, même si cette musique est la base de tout ce que j’aime !
Je n’aime pas tellement cataloguer les gens mais, à titre personnel, de quelle école te sentirais-tu la plus proche. Dans une sphère musicale, à côté de quels artistes te situerais-tu ?
Je n’oserais jamais me comparer à des artistes que j’admire (rires) !
Si on ne sait pas où nous mettre, avec mes musiciens, on a qu’à nous positionner sur une nouvelle étagère !
Cela voudra peut être dire que l’on apporte un peu de nouveauté, tout en conservant un côté authentique dans ce que nous faisons.
Comment souhaiterais-tu faire évoluer ta musique dans le futur. Te sens-tu prêtes à tenter de nouvelles expériences ?
J’adore notre côté acoustique, mais nous continuons de le faire évoluer.
Avec Neal, nous n’avions prévu que de faire 3 ou 4 titres ensemble. Ceci afin de tester les réactions du public. Tout s’est tellement bien passé, que nous avons rapidement mis le cap sur un album complet de 12 titres.
Le choix d’enregistrer avec des instruments acoustiques (guitares, percussions, piano…) s’est, logiquement, imposé….
Pour la suite des évènements, je pense m’orienter vers des chansons plus électriques.
C’est dans ce sens que notre musique va évoluer, en conservant une large dose d’authenticité.
Le fait d’écrire en anglais te vient-il naturellement ou écris-tu d’abord tes textes en français avant de les traduire ?
Dans le passé, j’écrivais beaucoup en français pour les autres.
Par rapport à ma culture musicale, le fait d’écrire mes propres textes en anglais m’est venu naturellement. De plus, je suis davantage à l’aise lorsque je chante dans cette langue. Elle m’apporte davantage de liberté. C’est pour ces raisons qu’il n’y a qu’un titre en français sur l’album (« Ladybug », nda)…
Tu as, aussi, eu l’occasion de te produire régulièrement outre Manche. Peux-tu revenir sur ces expériences, celles d’une jeune française qui se « frotte » aux clubs anglais ?
Je suis allée, pour la première fois, en Angleterre en 2009. J’avais besoin de faire un break et je suis partie, avec ma guitare, chez une copine. Ce séjour a duré plusieurs mois…
J’y ai donné un premier concert dans un petit café. Le programmateur ayant adoré, il m’a mise en relation avec de nombreux autres contacts et, en un mois et demi, j’avais déjà fait 23 dates.
J’étais toujours très émue avant de monter sur scène. Mon statut de « petite française » me faisait craindre le pire mais les gens étaient charmants avec moi. Les anglais sont des adeptes de l’échange culturel, ils sont très à l’écoute…
J’y suis retournée une semaine, en janvier 2012, afin d’y donner 3 concerts. J’ai osé interpréter des chansons françaises et j’ai réussi à faire chanter le public dessus. C’était très drôle !
As-tu rencontré beaucoup de musiciens locaux sur place ?
Oui, d’autant plus qu’il s’agissait souvent de scènes partagées avec d’autres artistes.
En janvier dernier, j’y ai rencontré un duo constitué de la chanteuse Ayo-Dele Edwards et du guitariste Mike Dunne. Ce dernier n’est âgé que de 18 ans mais possède un excellent niveau de guitariste de jazz. Je suis restée en contact avec eux et essaye de les faire venir jouer à Paris. Je ne possède pas une grande « culture jazz » mais je souhaite continuer à échanger avec ce tandem.
Ces deux artistes méritent de connaitre une plus grande reconnaissance !
Etant très curieuse, il ne m’est pas difficile de faire des découvertes musicales (rires) !
Nous avons parlé de tes compositions et de celles réalisées avec Neal. Cependant il y a une reprise dans ton album. Il s’agit du magnifique titre « None of us are free » de Solomon Burke. Pourquoi ce choix ?
A la base, je n’osais pas demander à Neal de faire un duo avec lui. C’était déjà trop beau de travailler à ses côtés !
A ma grande surprise, il me l’a proposé lui-même…
J’étais vraiment aux anges à ce moment là !
Dans cette optique, nous avons sélectionné plusieurs morceaux, dont celui-ci.
Solomon Burke était un grand monsieur, la barre était très haute… surtout pour moi !
Le texte est très prenant…
Nous l’avons enregistré au mois d’août 2011, soit environ deux mois avant la disparition de ce géant de la musique soul. C’était, à plus d’un titre, magique d’avoir inclus cette chanson à l’album…
Peux-tu me parler de tes projets ?
Je ne sais pas si je peux déjà te parler de mes projets (rires) !
Il y a des choses en route en tout cas…
Je ne pensais pas que mon premier disque recevrait un tel accueil, pour de l’autoproduction… ça fait vraiment plaisir !
Nous avons des concerts importants qui arrivent. Parmi eux il y a de grands festivals, dont « Les Dérives du Sud » en Corse cet été, en compagnie de Louis Bertignac.
C’est vraiment hallucinant !
Nous partagerons la scène avec Nina Attal sur le festival « Les 60 cordes » le 13 mai et de nombreuses autres dates (dont 3 jours de concerts en juin dans une formule trio, avec Neal Black et Randy H, dans le sud) sont, d‘ores et déjà, planifiées.
De plus, j’aurai le plaisir (en octobre 2012, au Cabaret Sauvage à Paris) de faire la première partie des incontournables Mountain Men que j’adore (à l’occasion de la sortie du nouvel album de ces derniers, nda) !
Pour mes prochains enregistrements, je vais m’appuyer sur mes affinités musicales et travailler avec des personnes rencontrées depuis ces derniers mois. Je vais développer un côté plus électrique, tout en conservant ma touche acoustique. La suite, vous la connaitrez très prochainement, en suivant nos aventures (rires) !
As-tu une conclusion à ajouter ?
Merci, c’est un plaisir d’être avec toi aujourd’hui.
J’espère que nous nous reverrons très vite afin de partager autant de choses sur la musique, avec ou sans le blues… mais surtout avec (rires) !
Remerciements : Christine Rosenzweig (One Way’s Booking) et toute la sympathique équipe de la Brasserie des Tanneurs à Colmar.
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