
Gaspard, tu nous reviens avec un nouveau groupe,
GAS, peux tu m'en parler ?
Bien sûr !
Mon groupe précédent, les Wanana Blues Blasters, n'existe
plus. Cela a été une très belle histoire, une parenthèse
durant laquelle j'ai vraiment pu faire beaucoup de choses
.
Les groupes changent et, de ce fait, les noms de ceux-ci également.
GAS est le diminutif de mon prénom, Gaspard. D'ailleurs mes
potes et les musiciens m'appellent Gas depuis des lustres et des lustres.
De ce fait, c'est le premier nom de groupe qui nous est venu à l'esprit.
Ceci dit on peut aussi délirer sur ce nom puisque j'adore "
La soupe aux choux " comme film (rires).
Tu parlais des Wanana Blues Blasters, peux tu
justement revenir un peu plus en détail sur ton parcours ?
Je vais essayer de condenser tout cela
.
De surcroît, ça tombe bien car j'ai toutes les dates en tête.
Il y a quelqu'un que tu connais qui est Joël Bizon qui m'a
fait une bio et qui m'a, de ce fait, posé de nombreuses questions.
Je l'ai relu dernièrement, ce qui explique que je connaisse bien
toutes ces dates.
J'ai commencé la guitare en 1974 à l'âge de 12 ans
un peu par hasard. Un membre de la famille, très grand professeur
de musique et théoricien a incité mes parents à me
faire apprendre un instrument.
J'avais le choix entre l'accordéon, le piano et la guitare. J'ai
décidé de prendre des cours de guitare car il y a eu entre
cet instrument et moi un vrai déclic physique, j'étais à
l'aise
.
J'ai pris un peu près un an de cours de solfège avec ce
cousin. C'était vraiment très lourd. Cependant chez lui,
il y avait un autre élève beaucoup plus âgé
que moi, qui à l'époque faisait du bal. Le répertoire
des groupes de bal à l'époque c'était Statu Quo,
ACDC etc
.
Un jour alors que j'étais resté un peu plus longtemps après
mon cours, je l'ai entendu jouer quelque chose qui m'a directement touché.
Je suis allé le voir en lui disant " Hey, mais c'est exactement
ce que je veux faire ! ".
J'en ai parlé à mon prof' qui m'a rétorqué
" Oui, mais attention, lui c'est pas pareil, c'est un adulte et
c'est du blues qu'il fait, une musique de sauvages, c'est vraiment pas
terrible ". Sur le coup j'ai pris cela à la légère
mais puisque que mon prof insistait pour me faire apprendre par cur
les partitions de Sidney Bechet, j'ai claqué la porte.
Les coïncidences m'ont fait rencontrer de nouveaux guitaristes et
des personnes qui m'ont fait entendre plein de choses.
Alors que j'étais au Lycée, avec un pote tous les mercredis
après-midi, nous faisions, comme dirait Joël Bizon, de la
" récupération directe de disques " dans le Monoprix
du coin.
Nos butins étaient souvent constitués de disque de Jethro
Tull ou Frank Marino. Un jour au milieu de tous ces vinyles, s'est glissé
un Fenton Robinson que j'ai mis sur la platine, c'était
un morceau terrible, " I hear some blues downstairs ".
Ce disque était à l'époque dans les bacs parce qu'il
avait eu un Grammy et donc était distribué à l'échelle
internationale.
Quoiqu'il en soit, ça a été une vraie claque pour
moi, le disque a été très vite usé car je
l'ai vraiment décortiqué.
En voulant en savoir plus sur Fenton Robinson j'ai fait connaissance du
monde du blues. Par la suite, je suis allé voir des concerts en
grande quantité. Ainsi j'ai pu admirer de grands noms aujourd'hui
disparus comme Albert King, Albert Collins qui étaient des
" Aliens ", des " Extras-terrestres "
pour moi. Albert Collins, par exemple, n'a toujours pas été
égalé dans le son et sa façon de jouer. Le seul artiste
que je regrette de ne pas avoir vu est Freddie King.
Tu vois, ça a été tout un parcours à la fois
de plaisir et d'apprentissage. C'était apprendre en regardant,
bien qu'avec Albert Collins il n'y avait rien à apprendre car il
jouait avec un capot en mi-mineur ce qui était incroyable. Il y
avait l'énergie et le feeling à prendre dans tout cela,
d'ailleurs je prenais ce qui me semblait bon de prendre.
Ensuite je me suis lancé en cherchant des petites formations locales
de blues dans mon département, la Loire.
J'ai débuté dans mon premier groupe en 1983, il se nommait
" Bad Boys ". Ce combo cherchait un guitariste, je me
suis lancé et cela m'a permit de faire mes armes.
A cette époque j'ai rencontré Fred Brousse nous habitions
très près l'un de l'autre et étions tous deux des
passionnés de blues. Au même moment, il y avait un bar, "
La Boîte à musique " et en passant devant avec Fred
alors que nous faisions la manche, nous avons entendu la musique de Little
Milton, James Cotton etc
. Nous sommes directement rentrés
et le patron, Gérard, nous a dit : " Vous aimez bien le
blues ? Cela tombe bien, moi aussi ! Vous êtes guitaristes ? Parce
que je cherche des guitaristes ! ".
Là est née une histoire d'amitié très importante
pour nous. Gérard nous a permit pendant deux ans de venir chez
lui tous les mardis et jeudis afin de faire des animations blues. Il nous
donnait la pièce de temps en temps, nous payait, ce dont nous étions
très fiers. A l'époque 15 ou 20 ou 30 balles dans la soirée
c'était énorme pour nous. C'est dans cet endroit que nous
avons appris à jouer devant un public, nous y avons fait nos armes.
En dehors de cela nous avions notre duo et tournions. Après un
moment nous avons décidé de nous agrandir et avons fondé
le " 49 Blues Band " qui a été un super
groupe. Ce dernier reste pour moi un très bon souvenir mais il
y a eu plein de choses dramatiques comme le décès du bassiste
.
Avec ce groupe, nous avons fait la première partie de BB King
à Cahors en 1988. Puis Fred a déménagé sur
Lyon, chacun a fait son bonhomme de chemin. De rencontre en rencontre
et de groupe en groupe j'ai joué pour des artistes comme Jean
Sangally par exemple. De son côté Fred avait son groupe
et moi le mien mais nous avons toujours gardé le contact. C'est
pour cette raison que nous sommes tous les deux membres de la "
Chicago Revue " de Maurice John Vaughn.
Fred bossait avec Maurice depuis de nombreuses années, un jour
je devais partir avec eux en tournée en Grèce mais cela
ne s'est pas concrétisé. Trois ou quatre ans plus tard j'ai
reçu une lettre de Maurice me demandant ce que je faisais à
ce moment là car il n'avait pas de nouvelles de moi. Sur cette
lettre il me disait qu'il venait en Europe au mois de mars 2002. Avec
l'appui de Fred je suis allé jammer quelques soirs avec eux puis
j'ai intégré le groupe lors de la tournée suivante.
Avec Fred, nous sommes les liens européens de Maurice John Vaughn
!
Ce dernier a rajouté à sa revue d'autres musiciens comme
celui qui est pour moi un des meilleurs chanteurs de blues actuel et un
immense batteur : Donald Ray ou Velvet Mac Nair. Son groupe
est ainsi constitué d'un batteur de Chicago, Murphy à
la basse et BJ Emery au trombone, c'est un quatuor. Avec les invités
dont je te parlais plus haut, cela constitue une revue de blues à
l'ancienne mais en 2006.
Un bon mélange d'ancienneté et de fraîcheur, bref
si je n'étais pas dans le groupe et que je serais dans le public,
je crois que je prendrais mon pied !
Je te dis cela en toute modestie
.
Le fait d'avoir côtoyé Maurice John
Vaughn si tôt t'as t'il ouvert des portes ? Est-ce que, de ce fait,
d'autres musiciens de Chicago se sont intéressés à
toi ?
Effectivement, nous faisons beaucoup de rencontres....
Cependant je préfère pour le moment me concentrer sur la
revue de Blues, c'est une progression en fait.
Sur la dernière tournée que nous avons fait ensemble il
y avait vraiment une superbe cohésion. Au fil du temps il y a de
plus en plus de choses merveilleuses qui se rajoutent.
De ce fait ce serait bête de casser quelque chose de bon qui va
être encore meilleur dans les temps à venir. Ce serait con
de s'éparpiller.....
Tu sais, cela demande beaucoup de boulot, c'est énorme à
gérer une telle équipe...
Quand nous sommes en Festival, nous partageons les repas avec des gens
tels que Hubert Sumlin, Carey Bell ou dernièrement
Leon Blue avec lequel j'ai bien accroché. Il faut dire que
je suis un grand admirateur d'Albert Collins et que Leon l'a accompagné.
J'ai d'ailleurs assisté à un concert les réunissant.
Quand je lui ai dit cela il était étonné que je lui
rappelle certaines choses dont il ne se souvenait pas.
Nous sommes bien incrustés dans le milieu du blues noir de Chicago,
par exemple Willie Smith est un ami de Murphy puisqu'ils sont originaires
du même coin. C'est une connexion incroyable!
Tu as prononcé dans cet entretien le mot
feeling qui est très important à mes yeux et qui caractérise
bien ton jeu de guitare. Peux tu justement nous parler de celui-ci ?
Le blues c'est le mal être et quand tu joues le blues c'est un espèce
de bonheur qui t'envahie, c'est inexplicable!
C'est à ce moment là que tu mets ton feeling et ta personnalité
au service du blues après que ce dernier t'ai chopé.
D'ailleurs il y a un disque de Freddy King qui est évident à
ce sujet, c'est "My feeling for the blues".
Il a fait ce titre car nous avons tous des accroches avec d'autres styles
musicaux mais le blues on veut vraiment le servir au mieux, du plus profond
de notre propre personne et de notre âme....
Quant à la technique, chacun développe la sienne. Mes guitaristes
préférés sont ceux qui sont instinctifs car le blues
est une sorte d'instinct de survie qui t'aide en plein mal être,
quand tu touches le fond....
Il faut allier le bon goût à ton instinct comme l'a fait
justement Freddie King avec "Hideway", la technique vient après.
Par exemple Albert King n'avait pas une grande technique, mais c'était
un "Jedi" (rires)!
Est-ce qu'il t'arrive de retrouver ce feeling
chez des jeunes guitaristes?
Absolument! 
Le jeune Monster Mike Welch a vraiment le truc!
Il est tout jeune est a une maturité énorme mais ce n'est
pas tout. Il a vraiment le truc!
Quand il arrive il se passe forcément quelque chose, ça
dépote.
J'aime aussi Steve Johnson qui est un peu plus rock.
J'étais justement la semaine dernière
avec Monster Mike Welch qui m'étonnait car il bosse tout le temps.
De ton côté le travail au quotidien est-il aussi important?
C'est bien qu'on en parle!
Jouer de la guitare c'est comme être un athlète de haut niveau,
si un marathonien ne cours pas tous les jours il perd son niveau, c'est
la même chose qui se passe quand on pratique un instrument.
En tant que guitariste, si je m'arrête, ne serait-ce qu'une semaine,
je vais perdre de la précision, de la vélocité etc...
De ce fait après une seule soirée tu te retrouves avec le
bout des doigts qui lancent si tu ne saignes pas.
Tu es obligé d'avoir un contact physique au quotidien avec ta guitare
si tu veux te maintenir à un niveau élevé.
Ceci dit c'est comme le vélo, ça ne s'oublie pas. Mais il
faudra que tu puises en toi, dans ton feeling....
Mike il est tout jeune, il n'a pas encore retapé une maison, manier
la truelle et fait du carrelage. Dans ces moments là, tu es obligé
de lâcher la guitare et ça fait très mal....
Pour revenir à ta nouvelle formation, GAS,
peux tu me présenter les gaillards qui t'accompagnent et me parler
de tes projets?
J'ai vraiment trouvé deux supers copains qui sont des excellents
musiciens!
Il y a Cédric Sanjuan, le batteur, qui maintient justement
sa batterie comme un athlète, il bosse tous les jours et il a une
énorme culture musicale. Il vient davantage du jazz que du blues
mais il a le truc, comme je le disais auparavant il a mis son feeling
au service du blues. Il ne massacrera jamais un shuffle, son niveau est
excellent. Dans le passé il a, par exemple, accompagné Zorah
Young.
Cette dernière a aussi été accompagnée par
notre bassiste, Luc Blackstone. C'est son vrai nom, ce qui est
incroyable parce qu'il est black! C'est un grooveur fou, il a une très
grande sensibilité et une technique énorme. Il admire beaucoup
Johnny B Gayden et il connaît plusieurs autres styles musicaux.
Nous partageons aussi une passion pour la funk music des années
70, Motown etc...
Cédric partage aussi cette culture même si il est plus jeune
que nous. De ce fait notre blues, bien que très classique et très
lent, va forcément danser. Ce qui est un bon critère car
il faut absolument faire danser le public, aussi bien dans la tête
que dans les jambes.
Si tu veux toucher que le cerveau il faut faire dans l'expérimental
mais moi j'aime quand ça danse, c'est pourquoi Luc est le bassiste
idéal. Dernièrement il était en "résidence"
avec le chanteur du Peuple de l'herbe, ce qui explique qu'il soit un peu
KO en ce moment (rires).
Allons nous retrouver cette collaboration gravée
sur CD prochainement ?
Oui nous allons prochainement travailler sur un cd. J'espère arriver
à mon objectif car j'ai le soutien de gens tels que Donald Ray
et Maurice John Vaughn qui veulent me prêter main forte.
Je vais donc m'appliquer!
Voudrais-tu ajouter autre chose, par rapport aux
conditions de vie des jeunes musiciens actuellement, par exemple ?
Oui, je voudrais dire que les ASSEDIC me font vraiment chier (rires)!
C'est grave, je suis intermittent et pour moi aujourd'hui être dinosaure
ou intermittent c'est la même chose...
Mon souhait serait que l'on trouve un compromis et que ces gens croient
en la musique et aux artistes en général.
Il ne faut pas nous laisser tomber car nous ne savons faire que ça,
que pourrions nous faire d'autre?
Ce serait du gâchis et nous serions frustrés. Nous donnons
une part de bonheur partout où nous passons alors pourquoi en priver
les gens.
J'aimerais bien changer d'antenne ASSEDIC (rires), heureusement ça
s'arrange, ils croient enfin que je suis un vrai musicien car jusqu'à
ce jour ils en doutaient. J'ai ramené un cd et mon press book et
depuis ça va mieux, il faut dire qu'il y a eu beaucoup d'abus.
Nous essuyons un peu les plâtres en ce moment.
Pour conclure mon souhait serait qu'un génie vienne me dire :"Gaspard,
demain tu vas gagner ta vie et tu ne seras plus intermittent!".
C'est une charge vraiment lourde mentalement, psychologiquement, à
supporter. Surtout lorsque, comme moi on est père de famille avec
des crédits etc...
Il suffit qu'une ligne soit incomplète pour que tu ne touches rien,
j'aimerais vraiment sortir de tout cela...
Ceci dit, encore merci que la France soit le seul pays européen
dans lequel il y a de l'intermittence.
C'est un acquis social unique! Il faudrait le préserver, voir
l'étudier mais avec le MEDEF, l'UNEDIC et tous ces technocrates
qui essayent de gratter de ci de là, on est vraiment mal barré!
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