GAS (Gaspard OSSIKIAN)
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST


Gaspard, tu nous reviens avec un nouveau groupe, GAS, peux tu m'en parler ?
Bien sûr !
Mon groupe précédent, les Wanana Blues Blasters, n'existe plus. Cela a été une très belle histoire, une parenthèse durant laquelle j'ai vraiment pu faire beaucoup de choses….

Les groupes changent et, de ce fait, les noms de ceux-ci également. GAS est le diminutif de mon prénom, Gaspard. D'ailleurs mes potes et les musiciens m'appellent Gas depuis des lustres et des lustres.
De ce fait, c'est le premier nom de groupe qui nous est venu à l'esprit. Ceci dit on peut aussi délirer sur ce nom puisque j'adore " La soupe aux choux " comme film (rires).

Tu parlais des Wanana Blues Blasters, peux tu justement revenir un peu plus en détail sur ton parcours ?
Je vais essayer de condenser tout cela….

De surcroît, ça tombe bien car j'ai toutes les dates en tête. Il y a quelqu'un que tu connais qui est Joël Bizon qui m'a fait une bio et qui m'a, de ce fait, posé de nombreuses questions. Je l'ai relu dernièrement, ce qui explique que je connaisse bien toutes ces dates.
J'ai commencé la guitare en 1974 à l'âge de 12 ans un peu par hasard. Un membre de la famille, très grand professeur de musique et théoricien a incité mes parents à me faire apprendre un instrument.

J'avais le choix entre l'accordéon, le piano et la guitare. J'ai décidé de prendre des cours de guitare car il y a eu entre cet instrument et moi un vrai déclic physique, j'étais à l'aise….
J'ai pris un peu près un an de cours de solfège avec ce cousin. C'était vraiment très lourd. Cependant chez lui, il y avait un autre élève beaucoup plus âgé que moi, qui à l'époque faisait du bal. Le répertoire des groupes de bal à l'époque c'était Statu Quo, ACDC etc….

Un jour alors que j'étais resté un peu plus longtemps après mon cours, je l'ai entendu jouer quelque chose qui m'a directement touché. Je suis allé le voir en lui disant " Hey, mais c'est exactement ce que je veux faire ! ".
J'en ai parlé à mon prof' qui m'a rétorqué " Oui, mais attention, lui c'est pas pareil, c'est un adulte et c'est du blues qu'il fait, une musique de sauvages, c'est vraiment pas terrible ". Sur le coup j'ai pris cela à la légère mais puisque que mon prof insistait pour me faire apprendre par cœur les partitions de Sidney Bechet, j'ai claqué la porte.
Les coïncidences m'ont fait rencontrer de nouveaux guitaristes et des personnes qui m'ont fait entendre plein de choses.
Alors que j'étais au Lycée, avec un pote tous les mercredis après-midi, nous faisions, comme dirait Joël Bizon, de la " récupération directe de disques " dans le Monoprix du coin.

Nos butins étaient souvent constitués de disque de Jethro Tull ou Frank Marino. Un jour au milieu de tous ces vinyles, s'est glissé un Fenton Robinson que j'ai mis sur la platine, c'était un morceau terrible, " I hear some blues downstairs ".
Ce disque était à l'époque dans les bacs parce qu'il avait eu un Grammy et donc était distribué à l'échelle internationale.
Quoiqu'il en soit, ça a été une vraie claque pour moi, le disque a été très vite usé car je l'ai vraiment décortiqué.

En voulant en savoir plus sur Fenton Robinson j'ai fait connaissance du monde du blues. Par la suite, je suis allé voir des concerts en grande quantité. Ainsi j'ai pu admirer de grands noms aujourd'hui disparus comme Albert King, Albert Collins qui étaient des " Aliens ", des " Extras-terrestres " pour moi. Albert Collins, par exemple, n'a toujours pas été égalé dans le son et sa façon de jouer. Le seul artiste que je regrette de ne pas avoir vu est Freddie King.
Tu vois, ça a été tout un parcours à la fois de plaisir et d'apprentissage. C'était apprendre en regardant, bien qu'avec Albert Collins il n'y avait rien à apprendre car il jouait avec un capot en mi-mineur ce qui était incroyable. Il y avait l'énergie et le feeling à prendre dans tout cela, d'ailleurs je prenais ce qui me semblait bon de prendre.

Ensuite je me suis lancé en cherchant des petites formations locales de blues dans mon département, la Loire.
J'ai débuté dans mon premier groupe en 1983, il se nommait " Bad Boys ". Ce combo cherchait un guitariste, je me suis lancé et cela m'a permit de faire mes armes.
A cette époque j'ai rencontré Fred Brousse nous habitions très près l'un de l'autre et étions tous deux des passionnés de blues. Au même moment, il y avait un bar, " La Boîte à musique " et en passant devant avec Fred alors que nous faisions la manche, nous avons entendu la musique de Little Milton, James Cotton etc…. Nous sommes directement rentrés et le patron, Gérard, nous a dit : " Vous aimez bien le blues ? Cela tombe bien, moi aussi ! Vous êtes guitaristes ? Parce que je cherche des guitaristes ! ".

Là est née une histoire d'amitié très importante pour nous. Gérard nous a permit pendant deux ans de venir chez lui tous les mardis et jeudis afin de faire des animations blues. Il nous donnait la pièce de temps en temps, nous payait, ce dont nous étions très fiers. A l'époque 15 ou 20 ou 30 balles dans la soirée c'était énorme pour nous. C'est dans cet endroit que nous avons appris à jouer devant un public, nous y avons fait nos armes.
En dehors de cela nous avions notre duo et tournions. Après un moment nous avons décidé de nous agrandir et avons fondé le " 49 Blues Band " qui a été un super groupe. Ce dernier reste pour moi un très bon souvenir mais il y a eu plein de choses dramatiques comme le décès du bassiste….

Avec ce groupe, nous avons fait la première partie de BB King à Cahors en 1988. Puis Fred a déménagé sur Lyon, chacun a fait son bonhomme de chemin. De rencontre en rencontre et de groupe en groupe j'ai joué pour des artistes comme Jean Sangally par exemple. De son côté Fred avait son groupe et moi le mien mais nous avons toujours gardé le contact. C'est pour cette raison que nous sommes tous les deux membres de la " Chicago Revue " de Maurice John Vaughn.
Fred bossait avec Maurice depuis de nombreuses années, un jour je devais partir avec eux en tournée en Grèce mais cela ne s'est pas concrétisé. Trois ou quatre ans plus tard j'ai reçu une lettre de Maurice me demandant ce que je faisais à ce moment là car il n'avait pas de nouvelles de moi. Sur cette lettre il me disait qu'il venait en Europe au mois de mars 2002. Avec l'appui de Fred je suis allé jammer quelques soirs avec eux puis j'ai intégré le groupe lors de la tournée suivante. Avec Fred, nous sommes les liens européens de Maurice John Vaughn !

Ce dernier a rajouté à sa revue d'autres musiciens comme celui qui est pour moi un des meilleurs chanteurs de blues actuel et un immense batteur : Donald Ray ou Velvet Mac Nair. Son groupe est ainsi constitué d'un batteur de Chicago, Murphy à la basse et BJ Emery au trombone, c'est un quatuor. Avec les invités dont je te parlais plus haut, cela constitue une revue de blues à l'ancienne mais en 2006.
Un bon mélange d'ancienneté et de fraîcheur, bref si je n'étais pas dans le groupe et que je serais dans le public, je crois que je prendrais mon pied !
Je te dis cela en toute modestie….

Le fait d'avoir côtoyé Maurice John Vaughn si tôt t'as t'il ouvert des portes ? Est-ce que, de ce fait, d'autres musiciens de Chicago se sont intéressés à toi ?
Effectivement, nous faisons beaucoup de rencontres....

Cependant je préfère pour le moment me concentrer sur la revue de Blues, c'est une progression en fait.
Sur la dernière tournée que nous avons fait ensemble il y avait vraiment une superbe cohésion. Au fil du temps il y a de plus en plus de choses merveilleuses qui se rajoutent.
De ce fait ce serait bête de casser quelque chose de bon qui va être encore meilleur dans les temps à venir. Ce serait con de s'éparpiller.....

Tu sais, cela demande beaucoup de boulot, c'est énorme à gérer une telle équipe...
Quand nous sommes en Festival, nous partageons les repas avec des gens tels que Hubert Sumlin, Carey Bell ou dernièrement Leon Blue avec lequel j'ai bien accroché. Il faut dire que je suis un grand admirateur d'Albert Collins et que Leon l'a accompagné.
J'ai d'ailleurs assisté à un concert les réunissant. Quand je lui ai dit cela il était étonné que je lui rappelle certaines choses dont il ne se souvenait pas.

Nous sommes bien incrustés dans le milieu du blues noir de Chicago, par exemple Willie Smith est un ami de Murphy puisqu'ils sont originaires du même coin. C'est une connexion incroyable!

Tu as prononcé dans cet entretien le mot feeling qui est très important à mes yeux et qui caractérise bien ton jeu de guitare. Peux tu justement nous parler de celui-ci ?
Le blues c'est le mal être et quand tu joues le blues c'est un espèce de bonheur qui t'envahie, c'est inexplicable!
C'est à ce moment là que tu mets ton feeling et ta personnalité au service du blues après que ce dernier t'ai chopé.
D'ailleurs il y a un disque de Freddy King qui est évident à ce sujet, c'est "My feeling for the blues".

Il a fait ce titre car nous avons tous des accroches avec d'autres styles musicaux mais le blues on veut vraiment le servir au mieux, du plus profond de notre propre personne et de notre âme....

Quant à la technique, chacun développe la sienne. Mes guitaristes préférés sont ceux qui sont instinctifs car le blues est une sorte d'instinct de survie qui t'aide en plein mal être, quand tu touches le fond....
Il faut allier le bon goût à ton instinct comme l'a fait justement Freddie King avec "Hideway", la technique vient après.
Par exemple Albert King n'avait pas une grande technique, mais c'était un "Jedi" (rires)!

Est-ce qu'il t'arrive de retrouver ce feeling chez des jeunes guitaristes?
Absolument!

Le jeune Monster Mike Welch a vraiment le truc!
Il est tout jeune est a une maturité énorme mais ce n'est pas tout. Il a vraiment le truc!
Quand il arrive il se passe forcément quelque chose, ça dépote.
J'aime aussi Steve Johnson qui est un peu plus rock.

J'étais justement la semaine dernière avec Monster Mike Welch qui m'étonnait car il bosse tout le temps. De ton côté le travail au quotidien est-il aussi important?
C'est bien qu'on en parle!
Jouer de la guitare c'est comme être un athlète de haut niveau, si un marathonien ne cours pas tous les jours il perd son niveau, c'est la même chose qui se passe quand on pratique un instrument.
En tant que guitariste, si je m'arrête, ne serait-ce qu'une semaine, je vais perdre de la précision, de la vélocité etc...

De ce fait après une seule soirée tu te retrouves avec le bout des doigts qui lancent si tu ne saignes pas.
Tu es obligé d'avoir un contact physique au quotidien avec ta guitare si tu veux te maintenir à un niveau élevé.

Ceci dit c'est comme le vélo, ça ne s'oublie pas. Mais il faudra que tu puises en toi, dans ton feeling....
Mike il est tout jeune, il n'a pas encore retapé une maison, manier la truelle et fait du carrelage. Dans ces moments là, tu es obligé de lâcher la guitare et ça fait très mal....

Pour revenir à ta nouvelle formation, GAS, peux tu me présenter les gaillards qui t'accompagnent et me parler de tes projets?
J'ai vraiment trouvé deux supers copains qui sont des excellents musiciens!

Il y a Cédric Sanjuan, le batteur, qui maintient justement sa batterie comme un athlète, il bosse tous les jours et il a une énorme culture musicale. Il vient davantage du jazz que du blues mais il a le truc, comme je le disais auparavant il a mis son feeling au service du blues. Il ne massacrera jamais un shuffle, son niveau est excellent. Dans le passé il a, par exemple, accompagné Zorah Young.
Cette dernière a aussi été accompagnée par notre bassiste, Luc Blackstone. C'est son vrai nom, ce qui est incroyable parce qu'il est black! C'est un grooveur fou, il a une très grande sensibilité et une technique énorme. Il admire beaucoup Johnny B Gayden et il connaît plusieurs autres styles musicaux.

Nous partageons aussi une passion pour la funk music des années 70, Motown etc...
Cédric partage aussi cette culture même si il est plus jeune que nous. De ce fait notre blues, bien que très classique et très lent, va forcément danser. Ce qui est un bon critère car il faut absolument faire danser le public, aussi bien dans la tête que dans les jambes.

Si tu veux toucher que le cerveau il faut faire dans l'expérimental mais moi j'aime quand ça danse, c'est pourquoi Luc est le bassiste idéal. Dernièrement il était en "résidence" avec le chanteur du Peuple de l'herbe, ce qui explique qu'il soit un peu KO en ce moment (rires).

Allons nous retrouver cette collaboration gravée sur CD prochainement ?
Oui nous allons prochainement travailler sur un cd. J'espère arriver à mon objectif car j'ai le soutien de gens tels que Donald Ray et Maurice John Vaughn qui veulent me prêter main forte. Je vais donc m'appliquer!

Voudrais-tu ajouter autre chose, par rapport aux conditions de vie des jeunes musiciens actuellement, par exemple ?
Oui, je voudrais dire que les ASSEDIC me font vraiment chier (rires)!
C'est grave, je suis intermittent et pour moi aujourd'hui être dinosaure ou intermittent c'est la même chose...
Mon souhait serait que l'on trouve un compromis et que ces gens croient en la musique et aux artistes en général.

Il ne faut pas nous laisser tomber car nous ne savons faire que ça, que pourrions nous faire d'autre?
Ce serait du gâchis et nous serions frustrés. Nous donnons une part de bonheur partout où nous passons alors pourquoi en priver les gens.
J'aimerais bien changer d'antenne ASSEDIC (rires), heureusement ça s'arrange, ils croient enfin que je suis un vrai musicien car jusqu'à ce jour ils en doutaient. J'ai ramené un cd et mon press book et depuis ça va mieux, il faut dire qu'il y a eu beaucoup d'abus. Nous essuyons un peu les plâtres en ce moment.

Pour conclure mon souhait serait qu'un génie vienne me dire :"Gaspard, demain tu vas gagner ta vie et tu ne seras plus intermittent!". C'est une charge vraiment lourde mentalement, psychologiquement, à supporter. Surtout lorsque, comme moi on est père de famille avec des crédits etc...

Il suffit qu'une ligne soit incomplète pour que tu ne touches rien, j'aimerais vraiment sortir de tout cela...
Ceci dit, encore merci que la France soit le seul pays européen dans lequel il y a de l'intermittence.

C'est un acquis social unique! Il faudrait le préserver, voir l'étudier mais avec le MEDEF, l'UNEDIC et tous ces technocrates qui essayent de gratter de ci de là, on est vraiment mal barré!

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Interview réalisée au
Caf'Conc' d'Ensisheim
le 27 janvier 2006

Propos recueillis par
David BAERST

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