Nda : Débutant sa carrière en pleine période punk George Thorogood est, depuis 1977, l’un des artistes ayant permis de creuser le sillon d’un rock-blues gonflé à la testostérone et débordant de speed. Fidèle à ses accompagnateurs, The Destroyers, il a signé 16 albums enregistrés en studio (dont cinq disques d’or aux USA), 5 albums enregistrés en public (dont un disque de platine aux USA) et 6 compilations (dont un disque d’or et un disque de platine aux USA). Le tout faisant de ce showman, l’un des recordmen en termes de ventes dans ce registre musical… De nombreux musiciens de la scène rock alternative actuelle se revendiquent de son école, The Jon Spencer Blues Explosion en tête (Jon Spencer lui rendant par ailleurs un vibrant hommage le soir même, sur l’une des scènes du Cognac Blues Passions). Rare dans les médias européens, George Thorogood a cependant accepté de me recevoir dans sa loge, peu de temps avant son concert, pour un entretien éclair. Une discussion (en américain et non en anglais comme il m’en avertira, avec humour, avant le début de l’enregistrement) dont il tiendra les rênes en grand professionnel.Voici donc, transcrit ci-dessous, le résultat de cet intimidant tête-à-tête avec le natif de Wilmington, Delaware… un moment forcément inoubliable !
George, comment l’idée d’enregistrer un album en hommage au label Chess Records (« 2120 South Michigan Ave. », Capitol Records, 2011) t’est-elle venue à l’esprit ?
C’est la multinationale Capitol Records qui est à l’initiative de ce projet…En effet, l’idée de départ provient davantage d’elle que de moi-même. Quand une firme de cette importance te propose un challenge aussi ambitieux, tu ne peux pas laisser passer l’opportunité. La relation entre nous a donc été très forte durant toute l’élaboration de cet album…
Pourrais-tu décrire ce qu’il y a de si particulier, pour toi, dans le son qu’a popularisé le label Chess Records ?
C’est comme pour tous les autres guitaristes de rock et de blues de ma génération…Tu sais, nous possédons tous des collections de disques importantes, issues du catalogue de ce label. C’est vraiment le genre de matériel à avoir à portée de main si tu veux apprendre à jouer de cette musique. Il te suffit d’écouter Chuck Berry, Bo Diddley ou encore Howlin’ Wolf…A titre personnel je suis un grand fan des trois artistes que je viens de citer et, plus jeune, j’ai collectionné tout ce qui avait un rapport avec les productions Chess.
J’ai étudié avec soin ces enregistrements qui sont, à proprement parler, à la base du mouvement blues rock. C’est ce label qui a fait le lien entre le blues et le courant dominant du rock’n’roll contemporain des années 1950. Bo Diddley et Chuck Berry sont probablement, aux yeux de nous tous, deux des guitaristes qui ont transformé le blues en rock’n’roll. Ils ont créé un style qui est devenu populaire et qui a connu les honneurs du Top 40 américain. Sans l’appui du label Chess tout cela n’aurait pas été possible et, de mon côté, je continue à travailler sur ce modèle.
Etais-tu nerveux à l’idée d’enregistrer tous ces classiques du genre, cela représentait-il quelque de particulier pour toi ?
Non, d’autant plus que le choix des chansons émanait également de ma maison de disques, Capitol Records… Pour ma part, je tenais surtout à interpréter « 2120 South Michigan Avenue» qui est un instrumental des Rolling Stones (qui pour le coup a donné son nom à l’album de George Thorogood, nda). Il figure sur le deuxième album, enregistré en grande partie au studio Chess de Chicago et sorti en 1964, de ce groupe anglais. Je pense que tu connais ce disque qui s’intitule « 12X5 ». Est-ce que tu vois à quoi ressemble pochette ?
Oui bien sûr ! As-tu également vu la photo qui réunit Billy Gibbons et Bo Diddley ? Billy y porte des lunettes noires, je trouve ce cliché formidable… vraiment !
De manière plus générale, comment pourrais-tu décrire ton approche de la guitare ?
Forte (rires) !!!
Mais utilises-tu une technique qui t’est propre ?
Non, je n’ai pas de technique (rires)… En fait c’est cela ma technique, le fait de ne pas en avoir (rires) !
Tout n’est donc que question de feeling pour toi…
Oui, tout le monde a sa propre technique et tout le monde possède son propre son…Je pense qu’il faut laisser faire le côté naturel des choses. Quand tu commences à te forcer pour avoir ton propre son, cela ne sert à rien. Ceci dans la mesure où tout doit venir de ton for intérieur. Il ne faut pas essayer de faire semblant…
Où trouves-tu ton inspiration aujourd’hui ?
Mon inspiration… elle vient simplement du fait que j’essaye de produire un travail carré et basé sur ma propre personne ! Comme toi, comme lui (en désignant Bruno Migliano, le photographe officiel du Cognac Blues Passions, présent lors de l’entretien, nda). En fait, je suis ma propre source d’inspiration (rires) ! Elle peut venir quand je nettoie ma voiture ou lorsque je me trouve dans un grand magasin. Mon inspiration vient de là… Je le vis de manière naturelle et très cool, à la Mick Jagger (rires) !
Parmi les musiciens de la nouvelle génération, y-en-a-t-il un en particulier que tu préfères ?
Oui, ma fille… elle est ma nouvelle source d’inspiration. Elle est même meilleure que moi (il s’agit de Rio Thorogood, que l’on retrouve aux chœurs sur l’album « 2120 South Michigan Ave. », nda) !
De quoi es-tu le plus fier depuis le début de ta carrière ?
C’est ce dont je suis le plus fier (George Thorogood fait référence à sa précédente réponse, nda).
Quels seraient tes projets les plus chers, ceux tu souhaiterais voir aboutir ?
Un peu comme tout le monde… Me retrouver dans un film avec Robert De Niro ou me retirer sur la Côte d’Azur avec mon épouse, afin de m’y prélasser…
Tu tournes beaucoup aux USA et dans de nombreux pays européens mais beaucoup moins en France. Comment cela se fait-il alors que tu as beaucoup de fans dans ce pays ?
C’est une chose que je ne peux malheureusement pas expliquer…
Aurais-tu une dernière chose à ajouter à cet entretien ?
Tout ce que je pourrais dire d’autre est que j’ai été flatté de discuter de certains sujets avec toi. Tu sais, c’est formidable d’être, à nouveau, invité à faire des concerts en France. C’est la première fois que je reviens me produire dans ce pays depuis 1982. J’espère que j’aurai la possibilité de rejouer ici dans le futur… (George revient alors sur la précédente question, nda) Cela dépendra des conditions financières car c’est un voyage qui revient cher, entre l’avion et toute la partie logistique. Je crains que cette situation se généralise à de nombreux autres groupes dans le futur. Les derniers à pouvoir le faire sont des artistes comme Paul Mc Cartney, The Rolling Stones, Madonna, Bruce Springsteen…
Dans les deux ou trois ans à venir, la situation va continuer à se compliquer pour des raisons économiques. Si l’on me paye 9 ou 10 millions de dollars pour une tournée tout ira bien (rires). Par contre s’il s’agit de partir sur les routes dans des conditions de confort qui ne sont pas bonnes… cela n’en vaudra pas la peine.Tout est régit par l’argent de nos jours. Venir de ce côté-ci de l’Atlantique n’est pas comme donner une série de concerts au Mexique, les coûts ne sont pas les mêmes. Pour la même raison, nous avons arrêté de tourner en Australie depuis quelques années… l’investissement de départ est trop important.Comme le dit Chuck Berry, c’est la finance qui dicte tes actes…Les Rolling Stones ont 300 millions de dollars en banque. Même s’ils en perdent 10 sur des dates, cela ne se ressent absolument pas… c’est un luxe que très peu d’artistes peuvent se permettre… Sinon, je n’ai qu’une chose à te dire « merci beaucoup » (George prononce ces deux derniers mots en français, nda) !
Remerciements : Lydia Fremeaux (Veryshow), Mike Donahue Management, Valérie, Rebecca & Chloé (R&V Hayat Chatelus) et l’ensemble du service de presse du Cognac Blues Passions, Bruno Migliano pour les photos.
www.georgethorogood.com
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