Grand March
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST

Nda : Evoquant le temps qui passe et le passage à « l’âge mûr », l’album « Growing Old » de Grand March est le plus violent du groupe à ce jour. Violent dans sa forme, avec l’incursion d’un rockinspiré par celui des années 1970…et violent dans le fond, avec des textes qui vont jusqu’à évoquer les heurts conjugaux. Un disque que les membres du combo prennent comme un exutoire. Une opportunité saisie pour mettre en relief des sujets délicats et pour montrer ce en quoi ils croient. Pour couronner le tout, ce brûlot incisif (sur fond de blues engagé et d’ambiance sombre) est encore relevé par de d’entêtantes parties de guitare slide et de chaleureux accords d’orgue Hammond.
Fred Lichtenberger (fondateur, batteur et, parfois, guitariste de Grand March) est revenu, dans l’émission Route 66, sur les émotions qui se dégagent de ce 6 titres, véritable démonstration de ce que peut être la liberté d’expression au sein d’un quartet.

Fred, ta venue dans l’émission est liée à la sortie du troisième disque de Grand March, « Growing Old ». Cependant, en introduction à cet entretien, peux-tu revenir sur ton cursus musical personnel ?
Mon apprentissage de la musique a commencé il y a bien longtemps. J’ai débuté par la clarinette, car j’ai grandi dans un petit village qui ne proposait des cours que pour cet instrument…ainsi que pour la trompette. Cependant, depuis mon plus jeune âge, je rêvais de faire de la batterie. Cette option n’était, alors, pas possible pour moi…au même titre que de prendre des cours de saxophone (instrument qui était mon deuxième choix). De ce fait, j’ai accepté de me consacrer à la clarinette. 66
D’autant plus qu’on m’avait dit que cet instrument menait tout droit au saxophone. J’y ai donc consacré quelques années de ma vie, avant de me lancer dans la pratique du saxophone. Plus tard, lorsque j’ai touché mon premier salaire (à l’âge de 16 ans), je me suis acheté une batterie et je ne me suis jamais arrêté d’en jouer…

Conserves-tu une tendresse particulière pour les cuivres puisque, comme tu viens de le dire, tu étais aussi amateur de saxophone ?
Je continue d’en écouter aujourd’hui, alors que j’avais complètement occulté la chose à une période. Il est vrai que lorsqu’on est âgé de 10 à 14 ans, on a souvent tendance à trouver les cuivres « has been ». Heureusement, l’âge de la maturité est arrivé et c’est à ce moment-là que je me suis retourné sur mon parcours…et que je me suis remis à écouter de la clarinette. J’ai trouvé cela super et j’ai regretté d’avoir arrêté. Sur le précédent disque de Grand March, nous avions fait appel à Denis Leonhardt, qui est le clarinettiste du groupe Weeper Circus, le temps d’une chanson (en l’occurrence « Lady belle », sur laquelle on retrouve aussi du soubassophone). Donc, pour répondre à ta question, je continue d’écouter des big bands …

Possédais-tu des influences particulières en ce qui concerne les saxophonistes, as-tu écouté du jazz par exemple ?
Non, pas du tout…mes origines tournent autour de quelques disques fondateurs que je « piquais » à mes parents. Parmi les tous premiers, c’est la guitare qui était mise en avant, car il s’agissait d’enregistrement du groupe anglais The Shadows. Cela a constitué l’une de mes premières révélations musicales (dans le registre des musiques amplifiées). Puis, ayant grandi à la campagne, je suis véritablement né à la musique dans les années 1990 via la période grunge. J’avais une quinzaine d’années à ce moment-là (Fred en profite alors pour rendre hommage à Chris Cornell, chanteur du groupe Soundgarden, disparu quelques jours avant l’émission, nda).

Tu as commencé la pratique de la musique par la clarinette, puis par la batterie et on te connait, aussi, en tant que guitariste au sein de Grand March. Joues-tu encore d’autres instruments ?
Non, pas vraiment, même si j’aurais adoré savoir jouer du cor ainsi que de l’orgue (et, plus particulièrement, l’orgue Hammond). Si j’avais l’opportunité d’apprendre le clavier, je pense que j’y consacrerais beaucoup de temps. J’adore ce son et, d’ailleurs, sur « Growing Old », nous avons fait appel à Florian Damour qui y interprète d’incroyables parties d’orgue Hammond…

Peux-tu me présenter les personnes qui t’accompagnent dans cette aventure Grand March ?
Bien sûr ! Il y a Hélène Braeuner au chant. Cette dernière a commencé à se consacrer à cet art lorsque nous nous sommes installés à Rouen (Hélène et Fred sont un couple à la ville, nda). C’est au même moment que je me suis mis à la guitare, car nous étions seuls. Je lui soumettais mes compositions et elle chantait dessus. C’est ainsi que notre collaboration artistique a vu le jour. A la basse, il y a Cyrille Martin, avec lequel je fais de la musique depuis 20 ans. Nous avions enregistré notre premier disque commun sur un enregistreur cassette Tascam à 4 pistes. Lui, pour le coup, est un vrai multi-instrumentiste (pianiste de formation mais aussi guitariste et, bien sûr, bassiste). Il a rejoint Grand March en 2012. Le « petit jeune » de la bande est Aurélien Meyer qui est parmi nous depuis 2013. Il est très influencé par les sons des années 1970. Il nous apporte sa « patte » plus osée ; plus rock’n’roll… Grâce à lui, c’est un vent de fraicheur qui souffle sur notre projet !

De quelle manière le groupe Grand March a-t-il vu le jour ?
Le groupe est né en 2009. Nous avions commencé à « chantonner » avec Hélène et, toujours en 2009, est arrivé notre premier petit garçon. Pour fêter cette naissance, nous avons décidé d’envoyer, en guise de faire part, un disque. Ce dernier a été enregistré durant la grossesse de ma compagne. Il est constitué de reprises de titres de folk qui nous plaisaient bien durant cette période. Nos proches, amis et familles, nous ont poussés à poursuivre. L’un de nos amis, Emmanuel Ledrich, a tenu à écouté ce que nous avions fait d’autre et s’est proposé pour nous aider à réaliser notre premier disque. C’est ainsi que nôtre premier 4 titres, « Novels », a vu le jour en 2010.

Si le groupe est né en 2009, tu avais déjà l’habitude de travailler avec certains de ses membres auparavant. Etait-ce au sein d’autres combos ?
Oui puisque, avec Cyrille, nous avons formé une multitude de groupes dont Headlight qui faisait des reprises, ainsi que May (groupe également constitué de Magali Lanoy, qui est la compagne de Cyrille) qui a sorti un disque… Pour des raisons professionnelles, nous avons été contraints de mettre un terme à ces expériences. Ce n’est, avec Hélène, que lors de notre retour à Strasbourg que nous avons décidé d’enclencher la machine Grand March. Cyrille a immédiatement adhéré à ce projet, dans le but de s’éclater. A cette occasion, il a décidé de changer d’instrument et de passer à la basse. En 2011 (à Mulhouse, au Noumatrouff) nous avons fait la première partie de Lily Wood and the Prick, devant 400 personnes. Cette expérience était géniale ! Nous avons donc décidé d’aller plus loin et nous sommes tombés, par hasard, sur Aurélien qui nous a rejoints. Il en résulte un combo plus rock…

Votre idée de départ était davantage éloignée du rock, quelle était votre conception de la musique à vos débuts ?
Nous étions partis sur une base folk rock, jouée en duo (guitare, chant et, éventuellement, des percussions). Notre premier disque est, vraiment, ancré dans cette veine. Puis, au fur et à mesure, l’ensemble a pris une nouvelle dimension…surtout lorsqu’Aurélien a commencé à « prendre en mains » les compositions que je lui soumettais. Il les a retravaillées de manière très rock. Cela n’est, aujourd’hui, pas pour nous déplaire car nous pouvons ainsi naviguer entre ces différents registres…en fonction de nos envies.

Vous êtes quatre individualités, vos goûts musicaux respectifs diffèrent-ils ?
Tout à fait ! Nous sommes tous riches d’influences diverses et nous nous rejoignons sur certaines (Led Zeppelin, le grunge, la musique folk…). Pour la survie d’un groupe, je pense qu’il faut se permettre de la diversité et se donner l’opportunité de « laisser entrer » de nouvelles idées…en fonction des influences des uns et des autres.

Dans cette émission, nous tentons de défendre ardemment la musique folk. Quels sont vos artistes de prédilection dans ce registre (qui est, en-soi, très diversifié) ?
Nous apprécions le mouvement folk contemporain avec, notamment, une jeune femme qui s’appelle Alela Diane (qui a été découverte au début des années 2000). Elle est, un peu, la fondatrice des idées que nous avons essayé de mettre en place. Quelqu’un comme Sufjan Stevens nous a, aussi, beaucoup marqués. Il est, aujourd’hui, passé à l’electro…ce qui démontre à quel point il est complet. Je pourrais citer des dizaines d’autres artistes…

Je vois, parfois, passer le nom des Dandy Wahrols dans les articles qui vous sont consacrés. Ce groupe a-t-il une grande importance à vos yeux ?
Il m’a, particulièrement, touché à une période (dans les années 1990 et au début des années 2000) mais, au final, je l’ai oublié en cours de route… Il doit, malgré tout, en rester quelque chose dans notre musique.

Votre chanson « Burn the man down » illustre votre approche du blues. Quel est votre rapport à cette musique ?
C’est notre guitariste, Aurélien, qui nous a apporté cette touche blues. A titre personnel, je ne suis pas un spécialiste de cette musique. Ceci-dit, dans Grand March, nous revenons au blues par l’intermédiaire des chansons que nous écoutons. Les groupes des années 1960 et 1970 s’étaient tous abreuvés à cette source musicale. Nous avons essayé d’en tirer quelque chose pour nous-mêmes…

Peux-tu revenir, plus en détails, sur les deux disques qui ont précédé « Growing Old » ?
Le tout premier, « Novels », était un 4 titres assez folk et plutôt dépouillé. Il a été enregistré avec Emmanuel Ledrich. Avec Hélène, nous avions tout fait nous-mêmes (guitares, batterie, basse etc.). Nous voulions pouvoir reproduire son ambiance à deux sur scène, sans trop en ajouter. En 2014 est sorti « One Crowded Hour… », un 9 titres qui commençait déjà à tendre vers le rock. Le disque représente ce tournant, même s’il puise ses origines dans la musique folk. Notre nouveau disque, nous l’avons voulu relativement court (il est constitué de 6 plages), nous avons confié beaucoup de choses à Aurélien. Il a « retraduit » les compositions que nous lui avons fait parvenir. Il en découle une atmosphère beaucoup plus rock.

Le choix du format 6 titres est-il lié à un manque de temps ou a une envie de proposer un résultat compact…qui frappe du début à la fin ?
Il y a, bien sûr, cette envie de réduire la voilure mais nous avions écrit d’autres morceaux. Nous avons « élagué » au maximum pour pouvoir proposer quelque chose de condensé, qui puisse permettre de rentrer dans une ambiance. Entre la composition, les répétitions et l’enregistrement, cela demande un travail de dingue. Il faut donc avoir du temps et…de l’argent. En effet, le coût d’un studio est à prendre en compte. De plus, le mode de consommation de la musique évolue. Le format « disque long » est en déclin. Je crois que les gens n’ont plus envie de cela, ils souhaitent juste écouter quelques chansons et rentrer dans une ambiance. On passe assez vite à autre chose, avant d’y revenir… C’est ce faisceau de raisons qui nous a poussés à produire un 6 titres…

Peux-tu me présenter votre label, # 14 ?
Avec plaisir ! Il s’agit d’un label (coopératif à la base) strasbourgeois, qui a été créé par Joël Beyler il y a trois ans. Il est, principalement, constitué par un panel d’artistes qui se produisent dans un registre « chanson française ». Nous faisons figure d’exception dans son catalogue, mais nous en étions la première signature. Cette « ligne historique » fait que nous continuons à travailler avec Joël. Un vrai dialogue s’est instauré entre nous, nous pouvons tout nous dire et échanger sur nos points de vue respectifs (production, enregistrement…).

En termes d’écriture, avez-vous changé votre manière de travailler depuis que vous êtes passé d’un duo à un quartet ?
Jusque-là nous travaillions à deux avec Hélène…nous écrivions des petits bouts de chansons (textes et musiques) avant de les soumettre aux autres. Depuis peu, Aurélien s’implique beaucoup et nous avons fini par composer à trois. Ceci dit, il y a toujours une seule et unique personne à la base de chaque chanson. Lors de nos répétitions, nous composons également…
De ce fait, depuis que nous faisons des concerts pour promouvoir ce disque, nous avons réussi à « sortir » quelques nouvelles chansons. Nous espérons que ces dernières feront l’objet d’un prochain disque…

Vos thèmes sont, parfois, lourds (violence conjugale…). Que souhaitiez-vous évoquer sur « Growing Old » ?
Le morceau qui a donné son nom au disque, « Growing old », évoque le passage à l’âge mûr. Nous vieillissons tous et, arrivés à la quarantaine, cette chanson fait office de constat… Pour « Burn the man down », nous nous sommes inspirés de l’actualité puisque cette chanson a été composée au moment de l’affaire Jacqueline Sauvage (qui a obtenu la grâce présidentielle totale le 28 décembre 2016, nda). Une histoire tragique qui nous a marqués (que faire ? comment faire ?). Puis, il y a des chansons plus légères, comme « Be my baby », qui permettent de prendre un peu de recul et de ne pas parler que de choses trop lourdes…

De quelle manière le groupe conçoit-il son avenir ?
Tout est ouvert… Nous continuerons la musique, ou pas. Nous ferons, peut-être, autre chose…nous écrirons un livre par exemple. Si nous poursuivons dans la musique, notre registre évoluera peut-être encore. Il y a quelque chose de positif qui se cache dans le concept « Growing Old ». La possibilité de s’inventer et de se réinventer encore et encore…

Dans l’avenir, le groupe pourrait donc se décliner de manière totalement différente ?
Oui… mais je ne peux pas en préjuger aujourd’hui. Nous verrons ce qu’il se passera demain.

Trois disques en 8 ans, cela peut paraitre beaucoup aux yeux de certains mais, aussi, très peu aux yeux d’autres. Quelle régularité souhaiterais-tu obtenir ?
Il y a des groupes qui sortent des disques tous les 20 ans et qui, à chaque fois, font des petits miracles. Nous n’avons pas la prétention de vouloir en faire car, en plus, nous « chargeons la mule ».
En effet, nous avons un deuxième groupe qui s’appelle Backyard Folk Club (avec Magali Martin-Lanoy et Hélène Braeuner au chant, Cyrille Martin au banjo et à la guitare ainsi que Fred Lichtenberger à la guitare, nda). Ce dernier a été formé il y a 3 ans. Il faut du temps pour faire cela car nous menons tous, de front, une activité professionnelle et avons une vie de famille. Sortir un disque tous les deux ans est déjà un rythme soutenu pour nous.

Puis-je te laisser le (ou les) mot(s) de la fin ?
Merci de nous laisser ce temps qui nous permet de nous exprimer. Ces moments sont rares et ils méritent d’être soulignés. Les auditeurs sont en droit d’attendre beaucoup de notre part, à nous d’être les meilleurs possible. Merci à vous de relayer notre musique…

Remerciements : Elsa Constanpopoulos (Inkypyt)

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Interview réalisée
Studio RDL - Colmar
le 24 mai 2017

Propos recueillis par
David BAERST

En exclusivité !

 

 

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