Nda : De la musique folk au rock et des terres irlandaises au grand ouest américain, le groupe Gunwood s’est forgé son propre univers. En l’espace d’un seul album, « Traveling Soul » (Zamora) le trio, qui a davantage pris son temps qu’il n’a dégainé plus vite que son ombre, s’est imposé aussi bien auprès des amateurs de musiques roots que d’un public ouvert à toutes les sonorités…pourvu qu’elles soient bonnes. En attendant une suite à leur premier opus, les multi-instrumentistes sillonnent inlassablement (et avec abnégation) les routes européennes. Un investissement de tous les instants qui laisse présager que Gunnar Ellwanger (chant, guitare, claviers…), Joao Francisco « Jeff » Preto (chant, basse, harmonica, banjo…) et David Jarry-Lacombe (chant, batterie, claviers) n’ont pas fini de nous faire mordre la poussière, avant de s’envoler avec elle vers un avenir radieux.
D’un financement participatif, pour l’aboutissement de votre premier album, jusqu’à des prestations à Rock en Seine (ou, en juillet 2018, au Cognac Blues Passions) tout est allé très vite pour vous ces 12 derniers mois. Comment expliquez-vous cet engouement soudain pour le groupe, ainsi que cette prolifération de concerts…puisque vous n’arrêtez jamais ?
Gunnar Ellwanger : Ce projet, que nous avons monté ensemble, existe déjà depuis 5 ans. A ce moment-là, j’avais déjà plus de 50 (voire une centaine) de compositions enregistrées dans mon ordinateur. Je mourrais d’envie de les réaliser avec un groupe. A la naissance du projet, nous débordions d’une forte envie de partager de la musique avec les gens. Nous avons mis toute notre énergie dedans… Je pense que si on veut vraiment quelque chose, on y arrive ! 
De quelle manière vous êtes-vous rencontrés. Vous connaissiez-vous depuis longtemps ?
David Jarry-Lacombe : Oui, d’ailleurs je joue avec Jeff depuis une vingtaine d’années. Nous avons rencontré Gunnar environ 5 années après le début de notre collaboration, car nous répétions dans le même studio que lui…en banlieue parisienne. Nous admirions son travail et reconnaissions sa voix qui est très caractéristique, puisque nous l’avions entendue au sein d’autres projets. De ce fait, quand il nous a présenté ses maquettes (à un moment opportun car moi et Jeff étions libres à ce moment-là) nous avons saisi l’occasion. D’autant plus que nous « kiffions » ses maquettes !
Quels sont vos parcours musicaux respectifs, en amont de la fondation de Gunwood ?
David Jarry-Lacombe : Je suis un batteur, en grande partie, autodidacte. Je n’ai, en effet, pris des cours que sur le tard. J’ai fait l’école du « do it yourself »… J’ai donc beaucoup joué afin de maîtriser mon instrument, puis j’ai participé à plusieurs groupes et fait beaucoup de scènes (alors que j’étais encore très jeune). Je n’étais pas forcément prêt, mais j’y allais la tête baissée. C’était une grande aventure humaine, le fait social était presque aussi important que le fait artistique…
Joao Francisco « Jeff » Preto : David est un vrai soldat et c’est mon compagnon de route depuis une vingtaine d’années. C’est avec lui que j’ai fait mes armes et, comme lui, je suis autodidacte. Tout au long de mon parcours, j’ai été bassiste, guitariste, chanteur et j’ai joué d’autres instruments…
Gunnar Ellwanger : J’ai commencé la musique alors que j’étais relativement jeune. Je devais, effectivement, être âgé de 6 ans. Dans un premier temps j’ai pris des cours de piano mais je suis, rapidement, passé à la guitare. Ceci est lié au fait que j’avais envie de faire du rock et qu’il est délicat de reprendre du Guns N’ Roses au piano (rires) ! A 11 ou 12 ans j’ai commencé à monter des petits groupes. Au Lycée, j’ai participé à des projets très différents (qu’il s’agisse de rock psychédélique, de soul music, de pop, de folk etc.). Pour certains j’étais sideman, pour d’autres arrangeur… Puis, j’ai souhaité créer LE vrai projet. C’était il y a 5 ans…
Gunnar, on a pu découvrir certains de tes titres (créés en solo) il y a quelques années sur internet. Ton univers était déjà très personnel… Quel est-il exactement et quelles sont tes influences ?
Gunnar Ellwanger : Je suis très influencé par le folk américain et le folk irlandais. J’ai eu la chance d’avoir un père musicien qui jouait dans un groupe qui reprenait du bluegrass et du folk irlandais. Pendant des années, j’ai joué dans des styles différents. A un moment tout est revenu à moi, en plus des années grunge qui sont passées par là. De ce fait, je n’ai pas eu envie de fonder un groupe de folk pur, mais de proposer une version plus musclée de cette musique (avec une section basse-batterie et des sons saturés). Par contre, le chant à trois voix a toujours une place très importante à mes yeux. C’est, en partie, pour cela que j’ai fait appel à Jeff et David. Je savais que, en plus d’être d’excellents musiciens, ils étaient de très bons chanteurs.
Gunnar vient d’évoquer le brassage culturel et musical dont est issu le groupe. En ce qui te concerne, David, comment définirais-tu votre univers musical ?
David Jarry-Lacombe : Pour faire très simple : folk, rock, blues (même si le blues fait partie intégrante du rock). Les chansons partent de mélodies traditionnelles anglophones. Nous sommes tous les trois âgés d’environ 35 ans. Il y a donc 35 années de culture musicale qui sont passées par là. De ce fait, la liste des références est très très longue…
Comment vous situez-vous sur cette scène blues qui aime bien « cataloguer » les groupes… Pour ma part, je ne déroge pas à la règle et je vous situe entre Cotton Belly’s et Moriarty. Cela vous semble-t-il juste ?
David Jarry-Lacombe : Je crois que nous ne sommes pas très bons en « scène blues française ». Je ne peux pas te dire où nous placer au sein de celle-ci. C’est pour cette raison que Gunnar parlait de folk rock. Si nous avons des accents blues, c’est parce que nous venons du rock, pas parce que nous nous situons sur la scène blues française. Par contre, les noms que tu as cités nous parlent. Nous avons, par exemple, une connexion avec Moriarty car c’est le guitariste-contrebassiste de ce combo qui a dessiné la pochette de notre album…et qui a réalisé notre affiche. Il a bien aimé notre projet et nous avons un très bon contact avec lui. En ce qui concerne les classifications, tant mieux si elles sont variées. Cela montre la diversité de notre registre, ce qui est plutôt chouette !
Gunnar Ellwanger : Effectivement, comme le dit David, nous ne suivons pas à 100% les groupes de la scène blues française. Ceci-dit, lorsque j’ai commencé l’apprentissage de la guitare avec mon père…c’était du blues ! Nous en jouions non-stop durant de nombreuses heures. De ce fait, je suis aussi influencé par Eric Clapton ou Jimi Hendrix. C'est-à-dire la « deuxième génération » du blues, qui se mélangeait déjà au milieu rock. Nous avons joué dans quelques festivals de blues et nous y avons toujours reçu un bon accueil. En tout cas, on ne nous a pas jeté d’œufs car nous ne pratiquons pas du blues en 12 mesures (rires).
David Jarry-Lacombe : C’est ce qui est surprenant ! Nous sommes programmés sur de chouettes festivals de blues alors que ce n’est pas notre premier réseau. Nous en sommes étonnés et très contents !
On connait votre passion pour la musique folk. Etes-vous allés jusqu’à remonter à la source de celle-ci, à éplucher des textes revendicatifs propres à cet idiome. De plus, vous attachez-vous particulièrement à l’art du songwriting ?
Gunnar Ellwanger : Evidemment et il y a beaucoup de musiques qui me plaisent dans le folk old time. Je pense que la musique irlandaise est à la base de ce registre qui a migré jusqu’au Etats-Unis. Le storytelling dans les morceaux est quelque chose qui me parle beaucoup. Cependant, mon inspiration ne vient pas que de ces chansons folk mais aussi de la littérature. Il y a, notamment, un écrivain allemand qui m’a beaucoup touché. Il s’agit d’Hermann Hesse avec « Siddhartha » et « Le Loup des Steppes ». Son univers, un peu noir par moments, est très particulier. A une certaine période, il me correspondait beaucoup… Puis, j’estime qu’il est très important d’écrire sa propre histoire et de ne pas redire ce qui a, déjà, été dit il y a 60 ans. C’est ce que nous essayons de faire…
Quels sont, justement, les thèmes actuels qui vous sont chers ?
Gunnar Ellwanger : Il y a des thèmes récurrents comme le rêve, le voyage…tout ce qui peut toucher de près ou de loin à l’amour ou à la vie. Il y a, également, le temps qui passe et l’irréversibilité… Puis, il y a des histoires « rapportées » par d’autres gens. Il m’est arrivé, à plusieurs reprises, d’écrire pour des personnes précises, après avoir été touché par ce qu’elles me disaient.
J’aimerais évoquer votre premier album, « Traveling Soul ». Pouvez-vous revenir sur son élaboration ?
David Jarry-Lacombe : Une première édition du disque est parue en avril 2017. Puis, ce dernier a été réédité en octobre de la même année avec une chanson supplémentaire (sur laquelle figure Ben L’Oncle Soul). Nous avons pris le temps pour le faire et avons fourni un gros boulot de préparation avant d’entrer en studio (afin de sélectionner les chansons, de doser la part des influences que nous souhaitions mettre en avant etc.). Nous avons eu la chance de pouvoir réaliser la version finale du disque aux Studios Ferber, qui est un endroit mythique. Cela s’est fait en plein mois d’août à Paris, nous étions un peu hors du temps. A la base, nous pensions enregistrer 12 chansons pour n’en retenir que 10. Au final, tous les titres se retrouvent sur le CD… Nous sommes très contents de ce travail qui nous a permis de mettre en avant les voix, les textes, ainsi que les jolies mélodies de Gunnar. Le fait de pouvoir défendre cet album est un réel plaisir !
L’enregistrement date de 2016 et, depuis, vous n’avez quasiment pas cessé de donner des concerts. Le fait de vous produire devant un public vous a-t-il permis de développer encore davantage ces morceaux, ont-ils beaucoup évolué au fil des scènes ?
Gunnar Ellwanger : Certains ont, en effet, évolué. Il y a même des morceaux que nous aurions presque envie de réenregistrer… mais nous préférons passer à la suite. Nous commençons à penser à notre prochain album. Le travail en studio n’est pas le même que celui produit sur scène. En studio, on peut se permettre des choses supplémentaires, comme le fait de jouer sur des orgues Hammond B-3 et des plaisirs de ce type. Il s’agit de deux mondes différents qui doivent se compléter et nous sommes heureux, sur scène, de ne pas jouer à la note près ce qui a été fait lors des sessions. De plus, je pense que le public est content de découvrir une deuxième version du disque en live.
Le son de votre prochain album sera-t-il sensiblement différent ou allez-vous vous cantonner au registre qui est, aujourd’hui, le vôtre ?
Gunnar Ellwanger : En termes d’écriture, le résultat se situera à peu près dans la même veine. En ce qui concerne la sonorité, comme nous sommes sur la route depuis 1 an, nous avons continué à nous peaufiner. Nous avons en tête de produire un son un peu plus brut, mais il est encore un peu trop tôt pour en parler davantage.
Depuis 2 ans, vous avez côtoyé Zim Moriarty, Hugh Coltman, Ben L’Oncle Soul… Vous ont-ils ouvert des portes et y-a-t-il d’autres artistes avec lesquels vous pourriez, aujourd’hui, envisager une collaboration ?
Gunnar Ellwanger : Il y en a toute une série ! Le fait de donner des noms d’artistes avec lesquels nous souhaiterions travailler pourrait nous porter malchance (rires). Il y a notamment une personne mais, comme je suis superstitieux, je ne vais pas prononcer son nom…en espérant que nous aurons, bientôt, une belle surprise à te présenter !
Souhaitez-vous ajouter une conclusion à cet entretien…ou évoquer un sujet dont j’aurais omis de parler ?
David Jarry Lacombe : Là, comme ça, je ne vois pas… Nous aimerions, simplement, remercier les gens qui nous suivent. Ils sont de plus en plus nombreux et viennent assidument assister à nos concerts. L’aventure ne fait que commencer !
Remerciements : Nicolas Humbertjean
www.gunwoodofficial.com
https://fr-fr.facebook.com/GunwoodCircle
|
|
Interviews: |