Guy Forsyth
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST

 

Guy, peux-tu me présenter les musiciens qui t’accompagnent actuellement ?
Naj Conklin tient la basse au sein du groupe alors que Jeff Botta en est le batteur. Nous vivons tous à Austin, Texas. Avant que Naj devienne notre bassiste (cette collaboration remonte, à ce jour, à environ deux mois) c’est Jeff qui tenait ce rôle. Ce sont vraiment des musiciens très confirmés, qui ont collaboré avec de nombreux autres groupes, et qui ont participé à beaucoup de projets. A titre personnel, j’apprécie aussi le fait de travailler avec des gens différents de temps en temps…guy

Quand as-tu commencé à jouer de la musique ?
J’ai, aujourd’hui, 42 ans et j’ai commencé à jouer de l’harmonica à l’âge de 16 ans. Avant je chantais déjà un petit peu. Il faut dire que ma mère et mon père, bien que non professionnels, n’arrêtaient jamais de chanter… que ce soit à la maison, dans la voiture etc…
J’avais de qui tenir !
Tout cela a toujours fait partie de ma vie et, à l’âge de 21 ans, je me suis lancé dans une carrière professionnelle à Austin, Texas…

D’où t’est venu le goût de l’harmonica, puisque c’est par cet instrument que tu as commencé ?
Mon père m’en avait offert un à l’occasion de Noël. C’était, en fait, une méthode qui contenait un harmonica avec un livre d’apprentissage. Cette dernière était signée par Jon Gindik et se nommait « Country & Blues For The Musically Hopeless ».
J’ai, immédiatement, été accroché par cet instrument que je pouvais emmener partout. De fil en aiguille, je me suis mis à la recherche de disques sur lesquels se trouvait, sur la pochette, un harmonica. Pour être tout à fait honnête, avant cela, je ne savais pas vraiment ce qu’était le blues. Bref je suis allé chez un disquaire de Kansas City, où je vivais alors, et je me suis mis à rechercher des vinyles…
Le premier que j’ai pris en mains était un disque du fameux James « Superharp » Cotton . J’ai été très impressionné en découvrant la pochette et me suis écrié « Oh mon Dieu, c’est incroyable! ». Je l’ai acheté et n’ai pas arrêté de l’écouter en boucle pendant une longue période. De plus, au même moment, je me passionnais pour une formidable émission de radio spécialisée dans le blues. Cette dernière était animée par Lindsay Shannon et était diffusée du côté de Kansas City. Je l’écoutais tout le temps…
Puis, à l’âge de 17 ou 18 ans, j’ai commencé à fréquenter les Clubs de la ville. Ainsi, j’ai pu assister à des prestations de Little Hatch (chanteur et harmoniciste trop méconnu qui a, pourtant inspiré des artistes tels que Snooky Pryor, Junior Wells ou Little Walter, il est décédé en 2003 à l’âge de 81 ans, nda) qui, bien que natif du Mississippi, vivait à Kansas City depuis 1946. Il était déjà âgé mais, pour mon plus grand bonheur, il continuait à se produire. Puis j’ai fréquenté Lee Mc Bee (réputé pour avoir joué au sein du groupe Mike Morgan & The Crawl), un autre chanteur-harmoniciste de la ville.
C’est ainsi qu’a débuté ma passion de l’harmonica…

Tu as déjà survolé la chose mais peux-tu me parler, en détails, de tes débuts professionnels ?
A l’âge de 18 ans, j’avais déjà eu l’occasion de jouer de la musique avec de nombreuses personnes. Ceci était lié au fait que je fréquentais assidûment les jam sessions de la ville. J’étais toujours sur le côté de la scène pour attendre le bon moment, afin de m’incruster. Dès que je sentais bien le truc, j’allais voir le groupe dur scène et disais « S’il vous plait, s’il vous plait, je veux jouer ! ».
J’ai commencé à faire mes premiers concerts, dans des petits endroits, en accompagnant le songwriter Jeff Black (originaire de Kansas City mais résidant aujourd’hui à Nashville, nda).Il est peu connu en Europe mais certaines de ses chansons ont atteint les premières places des charts country aux Etats-Unis (et ont été reprises par des artistes tels que Waylon Jennings, Sam Bush, BlackHawk etc…, nda).
Rapidement, j’ai décidé de m’installer à Austin au Texas. Cette ville est, pour moi, le meilleur endroit pour un musicien. Il y a de la musique « live » partout … C’est aussi une très bonne école car de nombreux artistes y vivent ou s’y rendent pour travailler. Ainsi, j’ai été confronté à un grand nombre de styles différents… tous les jours de la semaine !
Il y a des Clubs partout, c’est vraiment l’endroit idéal pour apprendre ce métier.
Lors de ma première semaine passé là-bas, je me suis retrouvé face à Kim Wilson, l’un des meilleurs harmonicistes de la planète… c’est très instructif !
Quand tu fais de la musique, le meilleur moyen de progresser est d’être confronté à des musiciens qui sont meilleurs que toi. Dans ces cas là tu ne peux que gravir des marches, progresser… ou rentrer chez toi…

Depuis tes débuts, la situation des musiciens a-t-elle évoluée, est-ce plus difficile ?
Je ne le ressens pas vraiment… peut être parce que j’ai la chance de pouvoir jouer dans de nombreux Festivals. Principalement aux Etats-Unis et en Europe, mais aussi au Japon…
J’avais déjà eu l’occasion de me produire en France avant ce jour mais j’ai, principalement, joué dans le nord de l’Europe comme la Belgique, la Hollande, le Danemark, la Norvège etc…
C’est mon travail et c’est la chose que j’aime faire…

Es-tu surpris de constater que ta musique s’exporte dans des pays aussi éloignés du Texas ?
Cette musique peut voyager dans le monde entier. Le blues, sous toutes ses formes, est présent partout. Cette musique fait partie intégrante du paysage culturel et tout le monde s’en sent proche. Elle appartient aux habitudes des gens, à leur « chez eux ». C’est, un peu, comme la cuisine… Elle existe partout mais chaque pays lui donne une particularité qui lui est propre. Le blues a continué à grandir lorsque des grands créateurs du genre ont tenté des « aventures européennes » ou se sont installés de ce côté-ci de l’Atlantique. Le continent européen représente quelque chose de très important pour les musiciens de blues et de jazz.
Le blues est une musique qui raconte les différentes expériences que l’être humain peut vivre tout au long de son existence. Même les enfants, dès leur plus jeune âge, peuvent se retrouver charmés par ces rythmes… Vraiment, je ne suis pas surpris que le blues traverse aussi bien le temps, les langues et les frontières… Cette forme d’art dégage une âme et une puissance qui vient toucher chacun d’entre nous, même si on n’est pas né au fin fond du Mississippi. Cette musique est, également, formidable en live… elle parvient à capter l’attention du public comme peu d’autres.
C’est, aussi, le cas des autres sons roots américains, des genres qui s’immiscent dans le quotidien de chacun et qui réunis les gens. Dans des soirées entre amis, il y a toujours quelqu’un pour s’installer au piano, prendre une guitare ou un accordéon et commencer à jouer.
Aujourd’hui la musique est partout, au supermarché quand tu fais tes courses par exemple… toutes les technologies s’emparent d’elle pour créer des sons plus ou moins crédibles…
Heureusement les vrais genres musicaux subsistent pour toutes les raisons que je viens d’évoquer. Je suis heureux de pouvoir jouer du blues devant un public… De plus je sais, qu’à chaque fois, il y aura toujours un (ou plusieurs) gamin qui découvrira la chose et en tombera sous le charme. Ce jeune perpétuera, peut être, la tradition à son tour…

Nous avons beaucoup parlé d’harmonica, depuis le début de cet entretien, mais ce n’est la seule corde que tu possèdes à ton arc…
En effet je chante, je joue de l’harmonica, de la guitare, du ukulélé etc…
J’aime les instruments… Je ne pense pas être un « super professionnel » pour chacun d’entre eux mais je crois que je m’en sors bien… Sur scène j’aime raconter des « histoires musicales »… J’écris des chansons depuis que j’ai 16 ans et, au jour d’aujourd’hui, je dois en être à 500 compositions…
Je connais des personnes plus prolifiques mais mon but est, simplement, de raconter des histoires…

De quoi parlent ces histoires ?
Je crois que les chansons que j’aime le plus sont celles qui s’adressent à une personne en particulier . Tu chantes pour un public mais je crois que tu peux le toucher en interprétant un titre qui soit directement adressé à ta petite amie, à un ami, un ennemi…
J’aime les choses directes et parler à la première personne. Il s’agit d’éléments qui, en général, sont propres au blues. Il est parfois difficile de faire passer certaines émotions mais tu ne peux jamais connaître à l’avance l’impact qu’une chanson aura. L’auteur-compositeur est l’héritier du poète, il s’agit de trouver des mots et de donner des noms à une émotion pour en faire un texte cohérent.

Et ta musique, comment la qualifierais-tu ?
Je ne sais pas si je pourrais la définir…
C’est une chose difficile, comme je ne pourrais le faire pour décrire le travail d’autres songwriters que j’aime beaucoup comme Tom Waits ou Lucinda Williams…
Je n’arrive pas à dire à quel(s) genre(s) ils appartiennent. Je sais juste que c’est bon et que  le terme qui est le plus proche de ce qu’est leur œuvre est… « du bon travail »!
Je sais que les gens aiment donner des noms aux choses, les classer dans des catégories ou des boites virtuelles. A titre personnel, je ne m’en sens pas capable car je suis touché par  des multitudes de sons. L’appellation que je préfère pour mon travail est « americana » car je suis américain, c’est d’où je viens. Ce terme résume à merveille mes différentes influences et englobe de nombreux genres musicaux que j’aime, que j’écoute et que je joue. Cela va du blues à la pop, en passant par le jazz, le gospel, le rock’n’roll, le hard rock, la folk… Chacune de ces familles musicales englobent des sous-familles… Rien que pour la country music il y en a un nombre considérable !
J’ai vraiment une grande collection de disques et je suis sûr que toi aussi. Probablement que chaque personne qui lit ou écoute cette interview en a aussi une (rires) !
Je pense que, dans la plupart des cas, ces collections ne sont pas « monochromatiques »… qu’on y trouve pas qu’un seul style musical… Il ne faut pas s’arrêter au nom d’un genre qui a été inventé, il y a bien longtemps, par les compagnies de disques. Il faut s’arrêter a des artistes, des histoires et des chansons qui vous touchent, quelque en soit le rythme. L’important c’est la qualité du musicien et les frissons qui te parcourent lorsque tu l’écoutes. Ce ressenti est différent pour chacun d’entre nous…guy

As-tu enregistré beaucoup d’albums à ce jour ?
J’ai enregistré 11 albums sous mon propre nom et 5 avec le groupe Asylum Street Pankers… sans parler de toutes les autres collaborations et sessions réalisées pour d’autres artistes. J’ai vraiment joué sur beaucoup de disques et mon nom figure, aussi, au générique de nombreuses compilations.
J’ai créé mon propre label, Small and Nimble Records, sur lequel je ne sors que mes disques. J’investis mon argent dedans et, de ce fait, je ne fais que ce que j’ai envie de faire. J’ai le contrôle le plus absolu, sur tout ce que je fais, et je peux choisir la musique que je veux enregistrer. Je reste honnête avec ma démarche artistique et je produis ce que je veux…
A une époque, j’avais signé avec le légendaire label Antone’s d’Austin. J’ai eu la chance d’enregistrer d’excellents albums grâce à ce dernier. Cependant j’ai remarqué que certaines personnes de cette compagnie étaient inefficaces et qu’ils ne pensaient qu’à l’argent. Chose qui n’est ni mon moteur, ni ma philosophie de la vie…

Depuis que je te croise, dans les travées du Cognac Blues Passions, je te sens comme un poisson dans l’eau…
Oui j’adore le fait d’être en tournée à travers le monde !
Cela me permet de rencontrer énormément de grands musiciens et de songwriters talentueux. Je me dis, à chaque fois, que j’ai de la chance de vivre cette vie. Ce métier est formidable, voyager à travers la planète, rencontrer des gens intéressants et jouer pour des publics à chaque fois très différents.
Le mot clé de ce que je fais est « partage » !
J’essaye donc de partager ma musique et mon expérience avec tous ceux qui le souhaitent. Il faut faire en sorte d’être heureux et reconnaissant … Tu peux avoir tout l’argent du monde, si tu n’apprécies pas tout cet argent cela ne sert à rien d’en avoir. Tout ce que j’espère le plus est que ma musique apporte un peu de bonheur au public. C’est aussi une des raisons pour lesquelles j’aime mon travail, il rend les gens heureux…

Quels sont tes projets ?
Je travaille sur un nouvel album pour le début de l’année 2012. Je repartirai en tournée après cette sortie. En attendant je suis vraiment très heureux de constater que je remporte du succès partout où je passe. Même si je n’ai jamais signé de « hit » et que je ne peux pas me permettre d’arrêter de faire mon métier pour me prélasser au soleil. Je m’estime heureux, d’autant plus qu’il est meilleur pour un artiste de rester actif et de continuer à faire des choses. Dans ce métier, tout stopper n’est pas une solution, même si on a gagné assez d’argent pour vivre confortablement jusqu’à la fin de ses jours…
Ceci dit, mon projet le plus immédiat est de m’occuper de ma fille. Cet enfant et mon plus beau travail à ce jour. Je me demande même si je ne vais pas donner une suite à ma progéniture…

As-tu une conclusion à ajouter ?
Merci de m’avoir lu et écouté… Si vous ne me connaissez pas, je vous invite à découvrir mon travail sur mon site internet : www.guyforsyth.com
J’espère retrouver un maximum de personnes issues de ton auditoire (et de ton lectorat) sur les routes. Je le remercie pour son attention et te remercie, toi David, pour cette interview.

www.guyforsyth.com
www.myspace.com/guyforsythband

 

 

 
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Les liens :

guyforsyth.com
myspace.com/guyforsythband

Interview réalisée
au Cognac Blues Passions
le 8 juillet 2011

Propos recueillis par
David BAERST

En exclusivité !

 

 

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