Hell's Kitchen
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST


Pouvez-vous me parler du concept des Hell's Kitchen et de votre histoire ?
Monney B (chanteur guitariste): Le groupe existe depuis 5 ans et nous venons tous les trois d'horizons différents. Notre objectif est de faire du Blues d'une manière particulière avec des instruments qui ne sont pas destinés à faire de la musique mais plutôt des sons, surtout lorsqu'on les laisser tomber par terre. Cette formule nous a bien fait rigoler donc nous sommes partis dans cette direction.

Dans un premier temps nous avons fait des reprises de titres que nous aimions beaucoup comme les premiers John Lee Hooker. De fil en aiguille nous avons composé, les gens ont aimé et notre formule a pris de l'ampleur.

Si on sent très bien vos influences très "roots", votre musique sonne parfois comme du "Garage", est-ce juste ? Pouvez-vous m'en dire plus sur la nature de votre musique et est-ce que, pour vous, l'avenir du Blues doit passer par ce genre de métissage ?
Monney B: Je ne sais pas si cela doit passer par du métissage, ce qui est certain c'est que nous essayons de faire du Blues qui soit contemporain, qui colle à notre environnement, à notre culture d'européens.

Nous ne sommes ni noirs ni nés au fin fond de la Louisiane. Nous faisons quelque chose avec ce qu'il y a dans l'air. Un gars comme Robert Johnson, s'il vivait en 2006, ferait peut-être aussi quelque chose comme ça, avec ce qu'il a sous la main. C'était d'ailleurs le tribut de ces gens-là au début du siècle.

Dans quels types de formations vous produisiez-vous auparavant ?
Monney B: J'étais dans des groupes de Punk, des groupes de Hard aussi au début puis des choses plus Rock Alternatif.

Nicolas R (contrebasse / contrebassine): Moi je jouais dans un trio de Musique Française Alternative qui était assez space, j'ai aussi fait du Jazz et du Hard Rock à mes débuts.

Cédric Taillefert (batterie): Moi je faisais du jazz.

Avez-vous trouvé, dans le Blues, une certaine expression que vous ne trouviez pas dans les autres musiques ?
Monney B: Oui, il y a une grande liberté quand nous jouons ensemble. Nous sommes un trio et nous nous permettons énormément de choses différentes. Il y a de grandes plages d'improvisation, nous jetons des choses par terre, nous sautons des morceaux pour en faire d'autres que nous n'avions jamais faits auparavant. C'est en fonction de l'ambiance.

C'est aussi une manière d'exprimer la vie, lorsque nous sommes tristes ou gais cela se ressent, nous ne freinons pas nos instincts.
C'est une expression qui est vraiment jouissive!

Quels types de sujets abordez-vous dans vos textes ?
Monney B: Les sujets sont assez classiques mais systématiquement tournés en dérision. Il y a beaucoup d'ironie, d'ailleurs j'aime beaucoup les histoires où les animaux domestiques dictent la vie des gens, par exemple. J'en fait mon beurre assez souvent (rires).

Pour cela vous vous inspirez de choses diverses qui ne sont pas forcément en relation avec la musique, comme la Bande Dessinée ?
Monney B: Oui, il y a aussi les contextes politiques qui m'inspirent, tout comme les romans noirs américains. J'aime aussi les histoires simples de couples, de familles, les relations avec les gens, les amis et toutes formes de choses qui vivent.

Outre vos propres compositions, quels types de reprises faites-vous sur scène actuellement ?
Monney B: Une chanson de Chuck E. Weiss "Devil with Blue Suede Shoes", c'est un gars qui a travaillé avec Tom Waits, un vieux roublard qui traîne ses savates depuis 40 ans sans avoir fait beaucoup d'albums et de concerts. Nous faisons parfois "Boogie Chillen" de John Lee Hooker ainsi que des titres de Bo Diddley, Muddy Waters et "These boots are made for walkin'" de Nancy Sinatra.

Pouvez-vous me parler de votre discographie ?
Monney B: Notre tout premier disque était auto-produit, le deuxième "The Big Meal" était distribué, enfin le dernier en date est "Doctor's Oven".

Le fait d'être distribué aujourd'hui par un label comme Mosaïc vous permet-il de constater une grande différence par rapport à l'époque où vous étiez auto-produits ?
Monney B: Oui, maintenant que nous avons une bonne structure en France (le groupe est suisse, Nda), label, distributeur, tourneur, nous pouvons sillonner tout le pays et faire de nombreuses choses intéressantes.

Y a-t-il beaucoup de groupes à votre image en Suisse, est-ce une scène très active ?
Monney B: Il y a beaucoup de choses en Suisse mais dans notre créneau, qui est tout à fait particulier, il y a peu d'autres groupes, nous pouvons citer The Dead Brothers, Monsters ou Révérend Beat Man qui a le label Voodoo Rythm à Bern. On considère souvent que nous faisons du Néo-Blues, je pense qu'il y a peu de groupes de ce genre en Europe et même dans le Monde.

Pouvez-vous me parler plus spécifiquement de votre dernier album en date paru en avril 2006 ?
Monney B: C'est un disque qu'on a réalisé d'une manière particulière puisque nous avons passé 5 jours en studio sans savoir exactement ce que nous allions faire. On se regardait et on attaquait des "trucs" sans structure définie, sur un clin d'oeil nous changions d'accord.

Nous avons pris tout le matériel enregistré et l'avons produit, enlevant, par exemple, la grosse caisse pour la remplacer par un bruit de porte. D'autres fois nous rajoutions des verres sur lesquels nous tapions. Puis nous avons enregistré les voix, les instruments acoustiques et les percussions. Nous avons fait un travail considérable à la maison.

Au terme de ce boulot nous avons donné les fichiers à mixer à un gars qui travaille avec les Young Gods, un groupe indus suisse mythique. Il a fait sonner le truc de manière particulière, assez menaçante...

Arrivez-vous facilement à trouver des médias suisses qui diffusent vos morceaux ?
Monney B: Pour nous cela fonctionne à double tranchant. Nous faisons quelque chose de particulier, donc ça intéresse les journalistes. De ce fait, nous avons beaucoup de presse écrite. D'un autre côté, peu de radios nous diffusent, bien que certaines stations nationales passent nos morceaux car ils estiment qu'il y a quelque chose de nouveau. Nous ne faisons ni de la Breat pop, ni du Rap, donc nous ne touchons pas le grand public en général.

Avez-vous rencontré des groupes, dans des Festivals par exemple, dont vous vous sentez proches ?
Monney B: Ici a Cognac, nous avons beaucoup aimé Eric Bling avec lequel nous avions déjà correspondu puisque nous avons un ami commun à Londres. On aime beaucoup son travail, il est seul sur scène avec sa guitare acoustique. Il balance un thème et le met en boucle, puis en balance un autre pour aussi le mettre en boucle, idem avec l'harmonica et les divers objets dont il se sert pour faire des percussions.

C'est une très belle musique, très Blues et très intimiste. Nous nous sentons proches de cette école-là. Nous préférons cela à des solos de guitare de 20 minutes par exemple (rires).

Avec ce genre d'artistes, vous commencez à former des "clans" pour pouvoir vous échanger des plans ?
Monney B: Oui, c'est ce qui est en train de se passer avec des groupes et je pense que dans l'avenir nous ferons des choses ensemble.

Comment pensez-vous faire évoluer votre musique dans l'avenir, pouvez-vous aller plus loin dans le délire ?
Monney B: (rires) Ce n'est pas impossible...

Nicolas R: Ce n'est pas tellement une démarche intellectuelle, nous faisons ce que nous ressentons. Certaines choses vont peut-être nous influencer dans l'avenir, notre musique se fait avec les tripes.

Avez-vous justement de nouveaux projets ?
Monney B: Nous commençons la composition des prochaines chansons. Pour le moment nous tournons considérablement. Nous faisons des concerts, nous rigolons bien et la bière est bonne et fraîche (rires)!

En terme de conclusion auriez-vous un message à faire passer ?
Monney B: Oui je cherche une corde de ré 35, il n'y en avait nulle part dans le Festival, je me suis donc servi d'un câble de camion que j'ai trouvé dans la rue (rires)!

Puisque tu parles de matériel, qu'utilisez-vous, notamment Cédric ?
Cédric Taillefert: Il y a des objets de cuisine, un fouet, un washboard, un tambour de machine à laver, une poubelle, une pelle, des dés à coudre. C'est un mixte en fonction des différents endroits où nous avons enregistré nos albums.

Pour l'enregistrement en lui-même, vous recherchez du matériel "vintage" ?
Monney B: Non, ça ferait bien de le dire, mais désolé non. Quand nous travaillons sur une chanson, Cédric commence à taper sur tout ce qui bouge, quand ça fait "ploc ploc" nous enregistrons et quand ça fait "gling gling" nous enregistrons aussi. Nous étions un jour dans une serrurerie et nous avons tapé sur tout ce qui nous passait par la main. Nous avons enregistré ces sons puis nous les avons samplés. Nous utilisons des samplers pour des raisons pratiques...

Quand nous trouvons un son qui nous fait rigoler dans une serrurerie nous l'enregistrons sur notre disque dur. Ce type de mots peut paraître bizarre aux puristes du Blues mais nous sommes en 2006 et il n'est pas question pour nous d'être passéistes...

Justement, quelles personnes constituent votre public, sont-elles "Punk-Rock" ou "Blues-Roots", puisque votre musique peut toucher beaucoup de monde ?
Monney B: C'est vrai et c'est ce qui est étonnant. Nous nous sommes rendu compte, en faisant des concerts, que nous avions du "punk à bière" jusqu'à la mère de famille qui nous dit "c'est suuuper bien j'ai beaucoup aimé". Les gens ne savent pas que ce genre de musique existe, c'est une frange du Blues un peu particulière dans laquelle nous avons choisi de nous placer.

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Interview réalisée au
Cognac Blues passions
le 30 Juillet 2006

Propos recueillis par
David BAERST

 

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