Pouvez-vous me parler du concept des Hell's Kitchen
et de votre histoire ?
Monney B (chanteur guitariste): Le groupe existe depuis 5 ans et
nous venons tous les trois d'horizons différents. Notre objectif
est de faire du Blues d'une manière particulière avec des
instruments qui ne sont pas destinés à faire de la musique
mais plutôt des sons, surtout lorsqu'on les laisser tomber par terre.
Cette formule nous a bien fait rigoler donc nous sommes partis dans cette
direction.
Dans un premier temps nous avons fait des reprises de titres que nous aimions
beaucoup comme les premiers John Lee Hooker. De fil en aiguille nous avons
composé, les gens ont aimé et notre formule a pris de l'ampleur.
Si on sent très bien vos influences très
"roots", votre musique sonne parfois comme du "Garage",
est-ce juste ? Pouvez-vous m'en dire plus sur la nature de votre musique
et est-ce que, pour vous, l'avenir du Blues doit passer par ce genre de
métissage ?
Monney B: Je ne sais pas si cela doit passer par du métissage,
ce qui est certain c'est que nous essayons de faire du Blues qui soit
contemporain, qui colle à notre environnement, à notre culture
d'européens.
Nous ne sommes ni noirs ni nés au fin fond de la Louisiane. Nous
faisons quelque chose avec ce qu'il y a dans l'air. Un gars comme Robert
Johnson, s'il vivait en 2006, ferait peut-être aussi quelque chose
comme ça, avec ce qu'il a sous la main. C'était d'ailleurs
le tribut de ces gens-là au début du siècle.
Dans quels types de formations vous produisiez-vous
auparavant ?
Monney B: J'étais dans des groupes de Punk, des groupes
de Hard aussi au début puis des choses plus Rock Alternatif.
Nicolas R (contrebasse / contrebassine): Moi je jouais dans un
trio de Musique Française Alternative qui était assez space,
j'ai aussi fait du Jazz et du Hard Rock à mes débuts.
Cédric Taillefert (batterie): Moi je faisais du jazz.
Avez-vous trouvé, dans le Blues, une certaine
expression que vous ne trouviez pas dans les autres musiques ?
Monney B: Oui, il y a une grande liberté quand nous jouons
ensemble. Nous sommes un trio et nous nous permettons énormément
de choses différentes. Il y a de grandes plages d'improvisation,
nous jetons des choses par terre, nous sautons des morceaux pour en faire
d'autres que nous n'avions jamais faits auparavant. C'est en fonction
de l'ambiance.
C'est aussi une manière d'exprimer la vie, lorsque nous sommes
tristes ou gais cela se ressent, nous ne freinons pas nos instincts.
C'est une expression qui est vraiment jouissive!
Quels types de sujets abordez-vous dans vos textes
?
Monney B: Les sujets sont assez classiques mais systématiquement
tournés en dérision. Il y a beaucoup d'ironie, d'ailleurs
j'aime beaucoup les histoires où les animaux domestiques dictent
la vie des gens, par exemple. J'en fait mon beurre assez souvent (rires).
Pour cela vous vous inspirez de choses diverses
qui ne sont pas forcément en relation avec la musique, comme la
Bande Dessinée ?
Monney B: Oui, il y a aussi les contextes politiques qui m'inspirent,
tout comme les romans noirs américains. J'aime aussi les histoires
simples de couples, de familles, les relations avec les gens, les amis
et toutes formes de choses qui vivent.
Outre vos propres compositions, quels types de
reprises faites-vous sur scène actuellement ?
Monney B: Une chanson de Chuck E. Weiss "Devil with
Blue Suede Shoes", c'est un gars qui a travaillé avec
Tom Waits, un vieux roublard qui traîne ses savates depuis 40 ans
sans avoir fait beaucoup d'albums et de concerts. Nous faisons parfois
"Boogie Chillen" de John Lee Hooker ainsi que des titres
de Bo Diddley, Muddy Waters et "These boots are made for walkin'"
de Nancy Sinatra.
Pouvez-vous me parler de votre discographie ?
Monney B: Notre tout premier disque était auto-produit,
le deuxième "The Big Meal" était distribué,
enfin le dernier en date est "Doctor's Oven".
Le fait d'être distribué aujourd'hui
par un label comme Mosaïc vous permet-il de constater une grande
différence par rapport à l'époque où vous
étiez auto-produits ?
Monney B: Oui, maintenant que nous avons une bonne structure en
France (le groupe est suisse, Nda), label, distributeur, tourneur,
nous pouvons sillonner tout le pays et faire de nombreuses choses intéressantes.
Y a-t-il beaucoup de groupes à votre image
en Suisse, est-ce une scène très active ?
Monney B: Il y a beaucoup de choses en Suisse mais dans notre créneau,
qui est tout à fait particulier, il y a peu d'autres groupes, nous
pouvons citer The Dead Brothers, Monsters ou Révérend
Beat Man qui a le label Voodoo Rythm à Bern. On considère
souvent que nous faisons du Néo-Blues, je pense qu'il y a peu de
groupes de ce genre en Europe et même dans le Monde.
Pouvez-vous me parler plus spécifiquement
de votre dernier album en date paru en avril 2006 ?
Monney B: C'est un disque qu'on a réalisé d'une manière
particulière puisque nous avons passé 5 jours en studio
sans savoir exactement ce que nous allions faire. On se regardait et on
attaquait des "trucs" sans structure définie, sur un
clin d'oeil nous changions d'accord.
Nous avons pris tout le matériel enregistré et l'avons
produit, enlevant, par exemple, la grosse caisse pour la remplacer par
un bruit de porte. D'autres fois nous rajoutions des verres sur lesquels
nous tapions. Puis nous avons enregistré les voix, les instruments
acoustiques et les percussions. Nous avons fait un travail considérable
à la maison.
Au terme de ce boulot nous avons donné les fichiers à mixer
à un gars qui travaille avec les Young Gods, un groupe indus
suisse mythique. Il a fait sonner le truc de manière particulière,
assez menaçante...
Arrivez-vous facilement à trouver des médias
suisses qui diffusent vos morceaux ?
Monney B: Pour nous cela fonctionne à double tranchant.
Nous faisons quelque chose de particulier, donc ça intéresse
les journalistes. De ce fait, nous avons beaucoup de presse écrite.
D'un autre côté, peu de radios nous diffusent, bien que certaines
stations nationales passent nos morceaux car ils estiment qu'il y a quelque
chose de nouveau. Nous ne faisons ni de la Breat pop, ni du Rap, donc
nous ne touchons pas le grand public en général.
Avez-vous rencontré des groupes, dans des
Festivals par exemple, dont vous vous sentez proches ?
Monney B: Ici a Cognac, nous avons beaucoup aimé Eric
Bling avec lequel nous avions déjà correspondu puisque
nous avons un ami commun à Londres. On aime beaucoup son travail,
il est seul sur scène avec sa guitare acoustique. Il balance un
thème et le met en boucle, puis en balance un autre pour aussi
le mettre en boucle, idem avec l'harmonica et les divers objets dont il
se sert pour faire des percussions.
C'est une très belle musique, très Blues et très
intimiste. Nous nous sentons proches de cette école-là.
Nous préférons cela à des solos de guitare de 20
minutes par exemple (rires).
Avec ce genre d'artistes, vous commencez à
former des "clans" pour pouvoir vous échanger des plans
?
Monney B: Oui, c'est ce qui est en train de se passer avec des
groupes et je pense que dans l'avenir nous ferons des choses ensemble.
Comment pensez-vous faire évoluer votre
musique dans l'avenir, pouvez-vous aller plus loin dans le délire
?
Monney B: (rires) Ce n'est pas impossible...
Nicolas R: Ce n'est pas tellement une démarche intellectuelle,
nous faisons ce que nous ressentons. Certaines choses vont peut-être
nous influencer dans l'avenir, notre musique se fait avec les tripes.
Avez-vous justement de nouveaux projets ?
Monney B: Nous commençons la composition des prochaines
chansons. Pour le moment nous tournons considérablement. Nous faisons
des concerts, nous rigolons bien et la bière est bonne et fraîche
(rires)!
En terme de conclusion auriez-vous un message
à faire passer ?
Monney B: Oui je cherche une corde de ré 35, il n'y en avait
nulle part dans le Festival, je me suis donc servi d'un câble de
camion que j'ai trouvé dans la rue (rires)!
Puisque tu parles de matériel, qu'utilisez-vous,
notamment Cédric ?
Cédric Taillefert: Il y a des objets de cuisine, un fouet,
un washboard, un tambour de machine à laver, une poubelle, une
pelle, des dés à coudre. C'est un mixte en fonction des
différents endroits où nous avons enregistré nos
albums.
Pour l'enregistrement en lui-même, vous
recherchez du matériel "vintage" ?
Monney B: Non, ça ferait bien de le dire, mais désolé
non. Quand nous travaillons sur une chanson, Cédric commence à
taper sur tout ce qui bouge, quand ça fait "ploc ploc"
nous enregistrons et quand ça fait "gling gling" nous
enregistrons aussi. Nous étions un jour dans une serrurerie et
nous avons tapé sur tout ce qui nous passait par la main. Nous
avons enregistré ces sons puis nous les avons samplés. Nous
utilisons des samplers pour des raisons pratiques...
Quand nous trouvons un son qui nous fait rigoler dans une serrurerie nous
l'enregistrons sur notre disque dur. Ce type de mots peut paraître
bizarre aux puristes du Blues mais nous sommes en 2006 et il n'est pas
question pour nous d'être passéistes...
Justement, quelles personnes constituent votre
public, sont-elles "Punk-Rock" ou "Blues-Roots", puisque
votre musique peut toucher beaucoup de monde
?
Monney B: C'est vrai et c'est ce qui est étonnant. Nous
nous sommes rendu compte, en faisant des concerts, que nous avions du
"punk à bière" jusqu'à la mère de
famille qui nous dit "c'est suuuper bien j'ai beaucoup aimé".
Les gens ne savent pas que ce genre de musique existe, c'est une frange
du Blues un peu particulière dans laquelle nous avons choisi de
nous placer.
www.hells-kitchen.ch
|