Comment expliquez vous la formidable rencontre
artistique avec Corey HARRIS sur votre album commun " VU-DU MENZ
" ?
Tout d'abord je voulais dire que je suis très heureux d'être
ici en France. Par contre, il va falloir que je travaille sérieusement
mon français (rires). C'est vraiment un pays très agréable
avec des gens formidables. Merci de m'accueillir.
Pour en revenir à la question, j'avais entendu parler de Corey
HARRIS lorsque je suis revenu à la Nouvelles Orléans, il
y a 7 ans environ. J'avais très envie de le rencontrer et d'entendre
sa musique. C'est justement en l'entendant que j'ai eu envie de faire
de la musique avec lui, au moins à l'occasion d'une jam session.
Quand vous êtes un artiste et que vous écoutez un autre artiste
avec lequel vous avez envie de travailler, la première des choses
est de bien réaliser ce qu'il y a chez cet artiste qui peut rentrer
en communion avec ce que vous vous avez dans votre musique. Ecouter est
un art et tout le monde n'a pas été initié à
cet art. Je me sens privilégié de pouvoir faire ça.
Après avoir entendu Corey deux ou trois fois, je suis allé
le voir et nous avons envisagé de faire un " buf "
ensemble. Après avoir fait ce " buf " il m'a demandé
de jouer sur quelques morceaux de son album.
La synergie et le respect mutuel ont grandit à cette occasion.
Nous avons, de ce fait, décidés d'avoir un vrai projet commun.
Nous sommes rentrés en studio en janvier 2000 et notre album est
sorti sur le label ALLIGATOR en avril 2000. Nous avons décidé
de nommer notre album " Vu-Du Menz " car c'était une
collaboration magique.
Je pense que la magie est née du respect mutuel que nous avons
l'un pour l'autre.
Il y a une grande tradition de pianistes à
la Nouvelle Orléans, comment vous positionnez vous par rapport
à vos aînés et que pensez vous apporter de nouveau
?
Cette tradition a commencée avec des gens tels que Champion Jack
Dupree qui a quitté le pays pour fuir les lois ségrégationnistes.
Il était un musicien à mi-chemin entre un style rural et
un style urbain. Puis Professor Longhair est arrivé et il a apporté
une nouvelle rythmique. A partir du moment où il a enregistré
des morceaux tels que " Tipitina's " ou " Mardi
Gras in New Orleans " le piano blues et le piano rythm'n'blues
n'a plus jamais été le même en Louisiane.
Beaucoup d'autres pianistes ont contribués au succès de
ce style musical, de Huey " Piano " à Ray Charles qui
lui aussi venait souvent jouer dans des clubs de la Nouvelle Orléans
dans les années 50. Toute la musique des années 40 et 50
que j'écoutais était une musique issue de l'école
" classique " dont James Booker était un représentant
essentiel. Tout est parti de là pour moi. James Booker est mort
au début des années 90
.
Alan Toussaint quant à lui est apparu sur la scène louisianaise
au début des années 60 en tant que pianiste et auteur-compositeur.
Sa force réside dans ses mélodies. Tous les éléments
rythmiques de sa musique viennent d'influences extérieures telles
que les Beatles et d'autres musiciens locaux de l'époque.
Personnellement j'ai " émergé " au début
des années 70 en voulant faire quelque chose qui, musicalement,
m'appartienne vraiment. J'ai travaillé en prenant comme modèle
Professor Longhair, particulièrement en ce qui concerne son jeu
de la main gauche. En ce qui concerne la main droite c'était toujours
dans un style " New Orleans " inspiré par James Booker.
Cela a été mon point de départ lorsque j'ai commencé
à jouer de façon publique.
Avant de commencer à jouer ce style, j'étais un grand fan
du pianiste de jazz Mc Coy Tyner qui a longtemps joué avec John
Coltrane. J'ai également joué avec Roland Hanna, un autre
grand pianiste de jazz, ainsi qu'avec George Duke et quelques autres.
En 1980, j'ai pris au mot le dicton qui dit " Go west young man
" (" Vas vers l'ouest jeune homme ") et j'ai
eu mon premier contrat d'enregistrement après avoir rencontré
Charlie Haden. Mon premier disque a été enregistré
avec un quatuor à cordes, mes deux premiers albums étaient
des enregistrements de jazz sur le label MCA. Cela a été
une chance d'enregistrer en tant qu'artiste de jazz, donc j'en ai profité,
mais dès le troisième album je me suis orienté vers
le style " New Orleans ", avant de revenir au jazz le cinquième
album venu.
Tout cela pour dire que, grâce aux musiciens côtoyés
sur la scène louisianaise et grâce à l'adhésion
de mon public qui m'a permis d'intégrer le blues pur et le jazz
néo orléanais dans ma musique avec une touche de piano classique,
j'ai pu trouvé mon propre style.
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