Henri Butler
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST

 

Comment expliquez vous la formidable rencontre artistique avec Corey HARRIS sur votre album commun " VU-DU MENZ " ?
Tout d'abord je voulais dire que je suis très heureux d'être ici en France. Par contre, il va falloir que je travaille sérieusement mon français (rires). C'est vraiment un pays très agréable avec des gens formidables. Merci de m'accueillir.

Pour en revenir à la question, j'avais entendu parler de Corey HARRIS lorsque je suis revenu à la Nouvelles Orléans, il y a 7 ans environ. J'avais très envie de le rencontrer et d'entendre sa musique. C'est justement en l'entendant que j'ai eu envie de faire de la musique avec lui, au moins à l'occasion d'une jam session.

Quand vous êtes un artiste et que vous écoutez un autre artiste avec lequel vous avez envie de travailler, la première des choses est de bien réaliser ce qu'il y a chez cet artiste qui peut rentrer en communion avec ce que vous vous avez dans votre musique. Ecouter est un art et tout le monde n'a pas été initié à cet art. Je me sens privilégié de pouvoir faire ça. Après avoir entendu Corey deux ou trois fois, je suis allé le voir et nous avons envisagé de faire un " bœuf " ensemble. Après avoir fait ce " bœuf " il m'a demandé de jouer sur quelques morceaux de son album.

La synergie et le respect mutuel ont grandit à cette occasion. Nous avons, de ce fait, décidés d'avoir un vrai projet commun. Nous sommes rentrés en studio en janvier 2000 et notre album est sorti sur le label ALLIGATOR en avril 2000. Nous avons décidé de nommer notre album " Vu-Du Menz " car c'était une collaboration magique.
Je pense que la magie est née du respect mutuel que nous avons l'un pour l'autre.

Il y a une grande tradition de pianistes à la Nouvelle Orléans, comment vous positionnez vous par rapport à vos aînés et que pensez vous apporter de nouveau ?
Cette tradition a commencée avec des gens tels que Champion Jack Dupree qui a quitté le pays pour fuir les lois ségrégationnistes. Il était un musicien à mi-chemin entre un style rural et un style urbain. Puis Professor Longhair est arrivé et il a apporté une nouvelle rythmique. A partir du moment où il a enregistré des morceaux tels que " Tipitina's " ou " Mardi Gras in New Orleans " le piano blues et le piano rythm'n'blues n'a plus jamais été le même en Louisiane.

Beaucoup d'autres pianistes ont contribués au succès de ce style musical, de Huey " Piano " à Ray Charles qui lui aussi venait souvent jouer dans des clubs de la Nouvelle Orléans dans les années 50. Toute la musique des années 40 et 50 que j'écoutais était une musique issue de l'école " classique " dont James Booker était un représentant essentiel. Tout est parti de là pour moi. James Booker est mort au début des années 90….
Alan Toussaint quant à lui est apparu sur la scène louisianaise au début des années 60 en tant que pianiste et auteur-compositeur. Sa force réside dans ses mélodies. Tous les éléments rythmiques de sa musique viennent d'influences extérieures telles que les Beatles et d'autres musiciens locaux de l'époque.

Personnellement j'ai " émergé " au début des années 70 en voulant faire quelque chose qui, musicalement, m'appartienne vraiment. J'ai travaillé en prenant comme modèle Professor Longhair, particulièrement en ce qui concerne son jeu de la main gauche. En ce qui concerne la main droite c'était toujours dans un style " New Orleans " inspiré par James Booker. Cela a été mon point de départ lorsque j'ai commencé à jouer de façon publique.
Avant de commencer à jouer ce style, j'étais un grand fan du pianiste de jazz Mc Coy Tyner qui a longtemps joué avec John Coltrane. J'ai également joué avec Roland Hanna, un autre grand pianiste de jazz, ainsi qu'avec George Duke et quelques autres.

En 1980, j'ai pris au mot le dicton qui dit " Go west young man " (" Vas vers l'ouest jeune homme ") et j'ai eu mon premier contrat d'enregistrement après avoir rencontré Charlie Haden. Mon premier disque a été enregistré avec un quatuor à cordes, mes deux premiers albums étaient des enregistrements de jazz sur le label MCA. Cela a été une chance d'enregistrer en tant qu'artiste de jazz, donc j'en ai profité, mais dès le troisième album je me suis orienté vers le style " New Orleans ", avant de revenir au jazz le cinquième album venu.
Tout cela pour dire que, grâce aux musiciens côtoyés sur la scène louisianaise et grâce à l'adhésion de mon public qui m'a permis d'intégrer le blues pur et le jazz néo orléanais dans ma musique avec une touche de piano classique, j'ai pu trouvé mon propre style.

 

 
Interviews:
Les photos
Les vidéos
Les reportages
 

Les liens :

Interview réalisée
le 24 juillet 2003 au
Cognac Blues Passion

Propos recueillis par
David BAERST

 

Le
Blog
de
David
BAERST
radio RDL