Hubert # 06
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST

 

Hubert, dans un premier temps, pourrais-tu revenir sur ton parcours musical, précédant la création de The Hub?

Mon parcours musical commence très tôt…
J’ai débuté en tant que membre de quelques groupes niçois puisque, comme mon nom d’artiste l’indique, je suis originaire du département des Alpes Maritimes (06).
C’était l’époque durant laquelle les départements avaient encore un numéro (rires)…
Ma toute petite enfance, c’est-à-dire entre l’âge de 10 et 15 ans, a été passée à écouter les disques des Rolling Stones et des Beatles.
C’était dans les années 1970, on peut donc en déduire que j’avais des goûts assez classiques pour cette période.
Dès mes 15 ans, je me suis davantage porté sur la musique anglaise de la deuxième partie des années 1970...  Par ailleurs, je revendique encore aujourd’hui cette fascination pour les Clash et tout le mouvement punk.
C’est alors que j’ai décidé de monter sur scène et de commencer, à mon tour, de faire du bruit.
Vers mes 16/17 ans, j’ai amorcé un net virage vers le rock des origines, le rockabilly etc…hubert
Certains disent que je suis resté un incorrigible « petit rocky » dans l’âme mais, à titre personnel, je n’en ai pas l’impression. Ceci dit, je ne peux pas renier l’influence qu’un groupe comme les Stray Cats a pu avoir sur moi. C’est grâce à lui que j’ai remonté le temps et que je me suis penché sur les racines de cette musique. 
Je ne suis pas, alors, directement remonté au blues des années 1920, mais je me suis forgé une bonne connaissance de la scène de Memphis des années 1950 (studio SUN etc…).
On peut donc en déduire que j’avais déjà une passion affirmée pour les sons bien roots.
Parallèlement à cela, j’étais très admiratif (et c’est encore le cas aujourd’hui) du groupe The Cramps, que j’ai vu sur scène lorsque j’avais 15 ou 16 ans… et qui m’a marqué à vie !
A l’instar des musiciens de rockabilly et des bluesmen, assister à l’un des concerts de ce combo n’était pas une action anodine, ce n’était pas une distraction…
On sentait qu’on assistait à un truc dangereux, qui pouvait mal tourner à tout moment, et qui était vraiment intense (rires) !
Si la musique n’est pas intense à ce point là, elle n‘a pas lieu d‘être…

Aujourd’hui avec ce nouveau concept, The Hub, tu réunis des personnalités assez différentes les unes des autres. Comment cette idée t’est-elle venue ?
Après cette première période rockabilly etc… j’ai joué au sein de combos un peu plus rhythm & blues, qui comprenaient souvent des sections de cuivres. De ce fait mes goûts personnels se sont, de plus en plus, orientés vers la musique noire dans toute sa diversité.
Il y a de cela une bonne dizaine d’années, j’ai commencé à en avoir marre de jouer dans des groupes (de répéter et d’avoir différentes déconvenues avec certains musiciens).
Puis, j’ai fait plusieurs rencontres déterminantes… Dans un premier temps avec le bluesman américain Little Victor qui habitait à trois blocs de chez moi. Il jouait dans la rue où j’habitais, je suis donc allé le voir et me suis dit « putain, mais c’est sûr, c’est cela qu’il me faut… jouer du blues tout seul ».
J’ai donc beaucoup travaillé avec lui et appris à son contact.
Il m’a présenté d’autres personnes, comme David Evans (grand musicien et ethnomusicologue dont vous pouvez également retrouver une interview sur le présent site, nda), avec lesquelles j’ai également appris beaucoup de choses.
Par la suite, pendant quelques années, j’ai joué du delta blues tout seul (avec foot stamp, slide etc…). Mon répertoire était constitué de reprises que je me réappropriais complètement.
J’ai sorti un premier album sous le nom Hubert # 06, « One Man Delta Blues Show » (produit par Grégoire Garrigues), qui retranscrit à merveille cette période de ma vie. Il m’a permis, par exemple, d’obtenir le prix « électro-acoustique » au Festival « Blues sur Seine » …
Il m’arrive d’ailleurs encore de me produire tout seul en spectacle. Il faut dire que c’est un frisson qui est vraiment unique. Par exemple, en mai 2011, j’ai fait une première partie à La Cigale. Je me suis pointé sans personne  et… c’était phénoménal !
J’au aussi joué avant Johnny Winter à Bourg en Bresse…
Ce sont des émotions qui sont vraiment uniques. On arrive vraiment à capter le public, à lui parler et à jouer un blues qui est totalement en adéquation avec son propre état d’âme.
Il peut y avoir un sentiment de violence ou de tendresse qui vous passe sur scène et, quand vous êtes tout seul, vous faites exactement ce que vous voulez.
Il ne vaut pas mieux avoir ce genre d’inspiration subite lorsque l’on se produit au sein d’un groupe, avec lequel on a répété pendant 6 mois, ça pourrait foutre le bordel (rires) !
C’est pour cela que j’aime encore, parfois, me produire en solo. Que ce soit en formule acoustique ou électro-acoustique…
Ce n’est qu’il y a deux ou trois ans que le concept The Hub m’est venu…
En effet, sur la même base instrumentale, j’ai commencé à composer des chansons (aussi bien en français qu’en anglais).
De surcroît, une rencontre déterminante s’est faite il y a environ 2 ans… avec Yarol Poupaud.
C’est vraiment un mec phénoménal, une personnalité dans le « rock business » français…
Il a d’abord sévit, avec pas mal de succès, au sein d’un groupe nommé FFF. Si ce combo se situe assez loin du blues pur et dur Yarol est, parallèlement, un grand passionné de musiques américaines (blues, folk, country etc…). En se rencontrant, nous nous sommes rendu compte que nous avions les mêmes origines musicales…
Comme il le dit dans certaine interviews (sans que je réussisse à savoir si c’est sincère ou une blague) :  « j’ai approché Hubert # 06 car je l’ai entendu jouer et j’ai voulu lui piquer des plans »…
Putain, il s’intéressait à ma manière de produire ces espèces de sons roots que je tenais, pour ma part, de Little Victor et compagnie… c’est incroyable !
C’est vraiment un très bon guitariste doublé d’un mec très instinctif qui, en plus, est très bon batteur, très bon bassiste (il joue aussi des claviers, de l’accordéon, bref il joue de tout…).
Quand il m’a proposé de développer le projet The Hub, et d’enregistrer un premier album sur son propre label, en entendant les morceaux que je jouais tout seul il s’est écrié : « putain, je rajouterais bien une basse  »…
Alors là je me suis exclamé : « bingo ! », puisque le premier truc que je m’étais juré était de ne pas utiliser de basse (rires).hubert


Ceci parce que, dans les années 30, les bluesmen pouvaient utiliser des drums mais rarement une basse…
De plus, depuis mon amour pour The Cramps, j’étais persuadé que cet instrument était superflu.
Mais là, en trois minutes, il s’est assit, a joué de la batterie avec les pieds (grosse caisse plus charley) et a pris une basse dans les bras. J’ai joué mes morceaux comme s’il n’était pas là, il s’est greffé dessus et c’était tout simplement magique…
C’est un mec qui a un groove phénoménal et il arrive vraiment à se mettre au service des musiciens avec lesquels il joue.
Il y a donc eu toute une période The Hub à deux…
Il faut dire que ce concept existe sous plusieurs formes…
Il y a The Hub en solo (moi tout seul), en duo (moi et Yarol qui joue de la basse/batterie et qui fait les chœurs)…
Il nous est, aussi, arrivé de nous produire avec un batteur et un harmoniciste (en l’occurrence Steve Verbeke, nda).
Le concept en compagnie de Yarol est actuellement en veille.
En effet, il est un peu moins disponible ces temps-ci…
Après s’être occupé de moi, il a pris en mains la destinée d’un type assez prometteur qui devrait commencer à « cartonner »… un certain Johnny Hallyday (rires).
Il va partir en tournée avec Johnny, en tant que guitariste et directeur artistique. Il a aussi réalisé son dernier single et devrait, en principe, nous réserver d‘autres surprises aux côtés de cet artiste emblématique (je ne peux pas en dire plus tant que la chose n’est pas officialisée)…
Je l’ai donc un peu moins « sous la main »…
Cependant, on s’est promis qu’il réaliserai mon prochain album, c’est une certitude !
Il faut dire que Yarol a toujours été royal.
Il a encouragé le concept The Hub afin de redonner un nouvel élan à Hubert # 06.
Lançant la chose, avec son label, comme étant le premier album d’un nouvel artiste…
Il s’est toujours mis à mon service en me disant : « The Hub c’est toi ».
J’ai également un tourneur qui me trouve des dates…
Une fois chose faite, on commence à penser à la configuration dans laquelle nous allons donner tel ou tel concert… Si Yarol (plus un batteur ou un choriste) sont là c’est bien, sinon, j’y vais tout seul…
C’est pour cela que, ce soir, tu me verras sur scène avec une nouvelle formule que je viens de mettre au point.
Je me produirai, en effet, en duo avec un excellent batteur… Cela « le fait » vraiment…
C’est une idée qui m’est venue en allant assister à un concert de Seasick Steve ou en m’inspirant des Black Keys voire des White Stripes…

On pourrait ajouter des artistes plus anciens à cette liste, comme les figures marquantes du label Fat Possum. Je pense, par exemple, à RL Burnside, Junior Kimbrough, T Model Ford etc…
Oui bien sûr !
D’ailleurs Little Victor a pas mal joué avec Burnside…


J’en profite pour rendre hommage au batteur qui m’accompagne. Il n’est pas dans cette pièce donc ça ne devrait pas nuire à sa modestie (rires) !
Il s’appelle Sylvain Blondin, c’est un type qui a une très grosse culture rock mais aussi une excellente connaissance du blues et du jazz. En même temps il est capable d’improviser…
C’est un plus en ce qui me concerne car, à l’instar d’un John Lee Hooker, je m’autorise parfois à changer d’accords ou à faire une mesure à 5 temps puis une autre à 3 temps. Sylvain est un mec qui est capable de suivre ça, comme l’est Yarol…

Avec tous ces gens venus d’univers différents quelle serait, pour toi, l’étiquette qui collerait le mieux à la musique de The Hub ?
Pour moi c’est du blues !
Cette musique est vraiment ancrée dans le delta blues, il n’y a pas de solo, pas de ligne de basse monstrueuse ( quand la ligne de basse apparaît, c’est toujours pour souligner le côté « tribal »)…
Je suis très attaché à la musique traditionnelle américaine des années 1930 voire 1940...
Le blues postérieur à cette période m’intéresse beaucoup mais je ne suis pas trop un adepte du solo de guitare.
Quand je disais à Yarol que j’avais horreur des guitar héros, alors qu’il est l’un des plus grands solistes de France, il rigolait…
Je n’ai pas honte de dire que cette musique est une expérience actuelle du delta blues, une « delta blues expérience »…
Bref, du delta blues français « from Paris » qui sonne résolument avec son époque !hubert

As-tu été surpris pas l’excellent accueil de la presse vis-à-vis du premier opus de The Hub ?
J’étais très content, en effet, de constater que les critiques étaient aussi bonnes…
J’aurais, cependant, aimé que la distribution et la promotion suivent un peu mieux et que cela se matérialise par des ventes plus conséquentes et concrètes..
En même temps si mon obsession était de « déchirer dans les charts », un bon conseiller en marketing me dirait de ne pas faire du blues (rires) !

Peux-tu me présenter cet album, « A Sleepless Night », plus en détails. T’es-tu chargé de l’écriture des chansons tout seul, ou as-tu été aidé par tes camarades ?
Au moment de l’écriture, il n’y avait que Yarol et moi-même…
Je l’ai composé seul à 100%, en français et en anglais.
Il est très représentatif de mon univers musical. Il y a des côtés très delta blues mais il ne faut pas perdre de vue, qu’à l’époque, la différence entre musique noire et musique blanche n’était pas aussi marquée que ce que l’on pense aujourd’hui.
Il y avait des mecs qui jouaient à la campagne, des pauvres, des paysans. S’il y avait beaucoup de noirs parmi eux, il y avait aussi des blancs.
La musique de l’un des musiciens que je vénère le plus, Mississippi John Hurt, est emprunte d’influences folk voire parfois de country music.  On ressent la même chose en écoutant Leadbelly…
J’ai donc fait des morceaux qui peuvent un peu sonner country…
Il y a divers styles de blues qui sont représentés dans ce disque. On y trouve du boogie à la John Lee Hooker mais aussi, ce que je préfère, du blues rural.
J’aime beaucoup les gospels ruraux à la Blind Willie Johnson en fait… La slide sur la corde aigue qui donne le thème… avec des choses très répétitives, envoûtantes et lancinantes…
Il y a un morceau comme cela qui se nomme « Non ne dis rien »…
Ce sont tous, au départ, des titres conçus pour être joués en solo….
J’arrivais dans le studio de Yarol Poupaud (BTR Studios, nda) et ils improvisait, quasiment, un arrangement pour chaque titre. Nous avons fait très peu de séances, on faisait deux chansons en un après-midi.
Je lui présentais mon travail qui était déjà « bien mûr » et lui rajoutait une basse, un clavier, un accord d’accordéon, de l’harmonium etc…
Il a apporté un vrai travail de production, puis le disque a été mixé !
On y trouve, également, un morceau très gospel sur lequel j’ai souhaité des chœurs.
Pour cela j’ai, par exemple, fait appel à Alain Chennevière…
C’est (et je le dis avec précaution) mon « Exile On Main Street » à moi…
Quand les Rolling Stones ont enregistré cet album, il ont fait un condensé de toutes leurs influences, de toutes leurs passions musicales (le blues, la soul, le rock and roll etc…).
Moi mon registre s’étend plutôt dans les sous-familles du blues mais c’est, je le répète, mon « Exile On Main Street» à moi !

A l’instar de ta musique tes textes, tout en puisant dans le vivier des grandes traditions, évoquent-ils des thèmes actuels ?
Ce sont plutôt des thèmes éternels…
Mes textes sont basés sur la souffrance, les rapports humains, l’amour, les séparations, l’attente, l’absence…
Il n’y a rien sur la crise économique ou l’éventuelle réélection de Nicolas Sarkozy (rires) !
J’ai décidé de royalement ignorer tous ces sujets… et j’ai, peut être, eu tort…
Je ne suis donc pas un bluesman engagé… ni même concerné (rires) !

De qui est constitué ton public. Intéresses-tu principalement les amateurs de blues ou davantage des passionnés de rock and roll, voire de musique garage ?
C’est un public assez diversifié. Toutes les différentes franges que tu as citées y sont représentées.
Les amateurs de blues traditionnel ont adhéré, il y a une certaine reconnaissance de ce milieu là.
Sinon, on peut parler de public « rock traditionnel » ou « rock élargi ». D’ailleurs mon tourneur n’a pas grand chose à voir avec le blues. Mon idée est que ce genre peut être joué ailleurs que devant des bluesmen et en dehors des endroits traditionnellement rattachés à cette musique.
Je me suis produit à La Cigale, en première partie d’une artiste qui s’appelle Madjo (une nana dont l’univers va de la folk à un style proche de celui de la chanteuse Camille par exemple).
J’ai aussi fait « l’avant groupe » pour un combo français de teenagers, nommé Archimède. Là j’avais un public de gamines !
A chaque fois les gens sont assez bluffés car ils se rendent comptent qu’ils n’ont pas une bonne image du blues.
Chose qui était aussi, je l’avoue, le cas pour moi dans les années 1970... car je résumais cela à des mecs un peu bedonnants, avec de grosses moustaches et des cheveux longs, qui font des solos qui durent une demi-heure, un son mou etc….
Je vais encore me faire des amis en disant cela (rires) !
Finalement, quand on écoute un mec comme Robert Johnson ou les premiers enregistrements de Muddy Waters, on se rend compte qu’il y a autant de violence, d’urgence et de sauvagerie que dans ce qu’ont pu produire The Clash ou The Cramps bien plus tard…
J’ai vraiment envie de faire découvrir cela à un public très large !

Quels sont tes projets ?
L’album est sorti en 2011, de ce fait je vais me mettre à travailler sur le prochain.
Le label de Yarol Poupaud ayant arrêté son activité, j’en ai trouvé un autre. Je serai le premier artiste de cette petite structure…
L’idée est d’enregistrer un 4 titres qui devrait sortir en septembre.
Puis je partirai à la recherche d’un label plus important, bénéficiant d’une distribution plus large….
Il y en a plusieurs, donc je ne vais pas les citer… ils se reconnaîtront (rires) !

As-tu une conclusion à ajouter ?
Une conclusion ?
C’est une très bonne idée ça !
Je possède un t-shirt, qui est ici dans la loge, que j’ai acheté au Biscuits & Blues de San Francisco. Côté verso, il y a une inscription qui dit « Keep the blues alive ». 
Je trouve que cela est génial mais ça me donne l’impression qu’il y a plein de gens qui craignent que le blues meurt.
Rassurez-vous, je pense qu’il ne risque rien !
Je ne veux pas me présenter comme le « sauveur »  d’une chapelle, mais je veux totalement me mettre à son service !
Je veux faire passer des émotions…
Le blues est un style mais c’est surtout un langage. Il faut donc l’utiliser pour s’exprimer !
Ce n’est pas une chapelle devant laquelle on vient prier chaque matin. Il faut parfois un peu lui manquer de respect. Comme ont pu le faire les mecs de Fat Possum, les Black Keys, les White Stripes etc…

 

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Interview réalisée
au Théâtre 13
(Festival Blues au 13)

le 18 février 2012

Propos recueillis par
David BAERST

En exclusivité !

 

 

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