Hugh Coltman
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST


Nda : Figure emblématique du rock-blues anglais des nineties (au sein du groupe The Hoax), Hugh Coltman poursuit une carrière remarquable, teintée de diversité et de rencontres.
 Que ce soit sous son propre nom ou aux côtés d’autres musiciens, ses recherches le mènent toujours à une régularité exemplaire sur un point de vue qualitatif.
 C’est à l’issue d’un soundcheck exécuté au service du pianiste de jazz Eric Legnini (alors en tournée avec son projet « Afro Jazz Beat ») que j’ai enfin pu rencontrer ce sujet britannique si francophile. Un artiste talentueux doublé d’un homme attachant et, bien souvent, touchant…

Hugh, tu as commencé la pratique de la musique en tant qu’autodidacte. Chose que tu « regrettes » parfois, comme tu as pu le dire lors de certaines interviews. Ne penses-tu pas, au contraire, que cela a pu être un atout (en termes de feeling et de spontanéité) dans le façonnage de ton style et de ta personnalité artistique ?hc
 Je ne regrette pas le fait d’avoir débuté de cette manière. Sinon, je pourrais encore bosser ma technique. Par contre, comme je travaille régulièrement avec des musiciens qui ont effectué ce travail dans le passé, je suis obligé de m’appuyer sur leurs connaissances.Je peux leur expliquer, grosso modo, quels sont les accords que je souhaite utiliser mais, lorsque nous abordons des choses compliquées, je ne peux pas être très précis dans mes sollicitations. Par exemple, pour Eric Legnini, tout va très rapidement car il sait utiliser les bons termes et possède les bonnes connaissances musicales. Chose qui lui permet de pouvoir transmettre des informations rapidement.

Le fait d’être autodidacte a-t-il, malgré tout, pu constituer un avantage dans ta carrière ?
 Je le pense… Je trouve toujours que les musiciens qui étudient la musique (en commençant par le solfège par exemple), avant de la jouer, perdent quelque chose de très important dès le départ.J’ai un ami qui était professeur de piano et qui donnait des cours à des enfants qui, parfois, avaient déjà été saoulés par le solfège. Il leur demandait de simplement de lui faire un « bruit ». Peu importe qu’il s’agisse d’un ré, d’un sol ou d’un fa. Il suffisait simplement pour lui que ces jeunes trouvent une connexion avec le son afin qu’ils puissent faire quelque chose avec. C’est ce qui est bien avec le fait d’être autodidacte…ne posséder que le son, en faisant abstraction du solfège et de ce qui va avec… Si je ne devais regretter qu’une chose à ce jour, ce serait de ne pas posséder certaines connaissances musicales.

Pour en revenir à ta propre jeunesse, ta famille était-elle férue de musique. Ton environnement était-il déjà très porté vers cet art ?
Il y avait, en effet, pas mal de musique autour de moi lorsque j’étais gamin. Mon père jouait du cor, ma mère de l’alto et mon frère du violon. Moi j’étais un peu le « raté ». J’ai essayé la clarinette, puis le violon mais j’ai tout lâché au bout d’un an.Dès que l’excitation de débuter la pratique d’un instrument était passée, j’arrêtais…Ce qui est drôle c’est que, maintenant, mon père et mon frère ne font plus de musique.C’est moi qui mène une carrière alors que j’étais, à la base, le moins doué pour cela (rires). D’un autre côté, si mon environnement était musical, nous ne nous retrouvions pas tous autour d’un piano pour chanter ensemble le dimanche…

Quels étaient, à cette époque, tes artistes de prédilection ?
 J’ai commencé à chanter alors que je devais avoir huit ou neuf ans. L’école mettait en place une comédie musicale et m’avait choisi afin d’incarner le rôle d’Oliver Twist.C’est une expérience que j’ai bien aimée, sans me dire que je deviendrai chanteur par la suite.Plus tard à l’école secondaire, alors que j’étais âgé de douze ou treize ans, une chanteuse est venue interpréter des titres de gospel devant les élèves. J’habitais à 4 kilomètres de cet établissement scolaire et devais prendre mon vélo pour rentrer chez moi. Je me souviens avoir fait tout ce chemin en fredonnant « When the saints go marching in » ou une chanson dans cet esprit. Je « jammais » littéralement dans ma tête, j’improvisais autour de la mélodie. C’est probablement à ce moment précis que le déclic a eu lieu.De plus, j’ai perdu ma mère alors que j’étais jeune. Elle était une admiratrice de jazz et possédait pas mal de disques dans ce registre. En essayant de rechercher qui elle était, j’ai beaucoup écouté ces enregistrements. Sans que je m’en rende compte avant de la perdre, ces sons étaient présents autour de moi lorsque j’étais petit…

Outre ta participation dans la comédie musicale au sein de laquelle tu incarnais Oliver Twist à l’école, quelles ont été tes premières expériences musicales avant que tu ne fondes le groupe The Hoax ?
J’étais dans une école de théâtre et, un jour, j’ai acheté une guitare car je souhaitais maitriser les rudiments de cet instrument. Je me suis naturellement mis au blues car un technicien du théâtre (qui nous aidait à monter et descendre les décors de nos productions) aimait cette musique et m’a appris à jouer la chanson « Stormy Monday ». Je progressais à mon rythme, surtout pour mon propre plaisir. N’ayant pas été élevé d’une manière qui pouvait me faire penser que je pourrais tout faire, j’imaginais que je n’arriverais à pas grand-chose… même lorsque j’étais en fac de théâtre. Je faisais donc cela à la légère sans objectif professionnel particulier. C’était juste un truc qui me plaisait… De ce fait, je ne m’imaginais même pas pouvoir intégrer un groupe un jour.C’est lorsque j’ai rencontré Jesse Davey, qui allait de devenir le guitariste de The Hoax (qui est en fait le groupe de mon village), que j’ai pris conscience de mes capacités. Il cherchait un chanteur afin de former ce combo. En faisant mes premiers pas à ses côtés, je me suis dit que c’était possible. Le fait de me retrouver en compagnie de gens qui avaient un objectif précis m’a aidé. Plus je faisais de scène avec eux, plus je me sentais bien en chantant.C’était assez arbitraire, à l’image de toute ma vie d’ailleurs (rires)…

The Hoax a été fondé en 1991 puis s’est séparé en 1999 pour mieux se reformer en 2008. Tu reviens d’ailleurs tout juste d’une tournée anglaise avec tes camarades…
Pour te corriger un petit peu, le groupe s’est vraiment reformé il y a deux ou trois mois. En 2008, nous nous sommes contentés de jouer dans un festival qui fêtait ses dix ans. Nous avions déjà participé à sa première édition. Cela a donc servi de prétexte à un « reunion tour » qui n’a été que très ponctuel.Chacun d’entre nous avait ses propres projets, que ce soit en Angleterre, aux USA ou en France.Puis, en redonnant quelques concerts à la fin de l’année 2011, l’évidence de refaire un album ensemble est apparue à nous. Tout était cool et simple entre nous, les problèmes qui avaient fait que le groupe se sépare avaient disparu. Nous avions tous mûri et tout était sous contrôle. Comme nous n’avions pas d’argent, nous avons lancé une souscription auprès des internautes. Lorsque ces derniers ont entendu les « essais » postés sur le net, l’engouement est devenu très fort. Nous nous sommes rendu compte que nos admirateurs n’avaient pas oublié le groupe et le suivaient toujours, même quinze ans après la sortie de notre précédent opus. Pendant nos prestations scéniques, des fans arrivaient avec des t-shirts évoquant nos tournées du début des années 1990. C’était incroyable et cela nous a donné l’idée de proposer aux internautes de nous aider à faire le disque.

Notre objectif était de réunir 20.000 euros et nous avons pu obtenir cette somme en seulement une semaine et demi. Je n’y croyais pas mais cela est arrivé ! C’est là que le groupe a réellement redémarré et nous venons de réaliser une tournée anglaise, très intense, de quinze dates en vingt jours. Notre bassiste et notre guitariste habitant aux Etats-Unis nous ne pouvons plus nous produire continuellement. Nous faisons donc des « mini-tournées ». La prochaine est prévue pour décembre 2013 et j’espère que je pourrai trouver quelques dates en France.C’est vraiment cool de pouvoir remonter sur scène avec ce groupe et, de surcroit, avec un nouveau disque. De plus, le fait de revenir avec un nouvel album, quinze ans après le précédent, est une chose excitante. Cette durée aurait pu créer une « image sacrée » autour de notre musique du et handicaper nos nouvelles chansons (qui pourraient sembler différentes et ne pas plaire). Heureusement, tout s’est très bien passé et The Hoax a pu renouer avec les hit-parades blues anglais et européens.

La France est un pays que tu connais bien puisque tu y es installé depuis, maintenant, une bonne douzaine d’années. Pourquoi as-tufait ce choix, l’hexagone t’inspire-t-il d’un point vue artistique ?
 Encore une fois, ma décision de venir m’installer ici a été assez arbitraire.Ma grand-mère vivait en France quand elle était petite et m’en parlait souvent (c’est elle qui a aidé mon père au décès de ma mère). Du coup, après la séparation de The Hoax, j’ai décidé de quitter mon village et me suis rendu à Londres et à Edimbourg. Puis, je suis parti en vacances à Paris avec une copine. J’ai apprécié cette ville et, comme j’aimais la langue française, j’ai décidé de m’installer en France afin de l’apprendre. Je voulais y vivre un an, le temps de la maitriser tout en écrivant un album… avant de revenir en Angleterre où je souhaitais fonder un nouveau groupe. La vie en a voulu autrement parce que j’ai rencontré de chouettes types, dont un chanteur-rappeur nommé Spleen et plein d’autres musiciens. C’est maintenant la treizième année que je passe dans ce pays…hc

Pour en revenir à la deuxième partie de ta question, je crois que tout m’inspire. Peu importe l’endroit où je vis. Ceci dit, pour le début de ma carrière en solo, en tant qu’auteur-compositeur-interprète, il était primordial pour moi de vivre en dehors de l’Angleterre. Quand j’ai démarré dans la musique, cette action n’était pas ciblée pour moi… c’est un heureux concours de circonstances qui m’y a amené. Il m’était indispensable de quitter mon pays pour me lancer dans un nouveau projet.Puis j’avais 27 ans, l’âge où l’on se demande ce que l’on va faire de sa vie. Je ne tenais pas particulièrement à la passer en jouant dans des pubs pour une poignée de monnaie… cela me faisait un peu peur. J’ai, bien sûr, aussi vécu cette expérience en France (jouant même parfois gratuitement sur des scènes ouvertes) mais le fait que ce soit dans un autre pays me donnait l’impression d’être un peu en vacances. De très longues vacances…

En 2004, tu as réellement débuté ta carrière en solo sous le nom de Hugh Coltman dans un registre différent de celui de The Hoax (moins blues rock). Comment pourrait-on définir au mieux ta musique personnelle ?
Je ne sais pas, en l’écoutant tout simplement…C’est pop-folk-soul, ce qui peut vouloir dire tout et n’importe quoi. Pour moi ce sont simplement des chansons…La chose qui m’inspire le plus dans ce que je fais est la mélodie... Le mieux est d’en faire le tour et d’écouter. D’autant plus, qu’aujourd’hui, on peut tout écouter gratuitement sur internet (rires) !

Ta carrière est riche en collaborations, tu as déjà travaillé avec beaucoup de musiciens différents. Est-il aisé pour toi de passer d’un registre à l’autre ?
Personnellement j’adore cela, même si on me le reproche assez souvent.On me demande si je suis un crooner, un songwriter, un chanteur de pop etc…Cela peut être nuisible à une carrière si on le situe dans l’optique de l’industrie de la musique car, dans ce cas, on devient plus difficile à définir. De mon côté, je ne peux pas réfléchir de cette manière. Si un projet me branche, j’ai envie de le faire. J’ai une très bonne amie, Krystle Warren, qui a enregistré un excellent disque avec Eric Legnini« The Vox ». Puis elle a tourné un an avec ce pianiste belge avant de partir travailler avec Rufus Wainwright dont elle est, par ailleurs, une grande admiratrice. Du coup, elle m’a proposé de faire à sa place la deuxième année de dates avec Eric. Comme j’admire beaucoup cette chanteuse, il s’agissait d’un gros défi pour moi. Au final, il en résulte une expérience extrêmement enrichissante.De manière générale, voir comment les autres musiciens travaillent, écrivent des chansons et abordent la scène ne peut être qu’une chose très positive.

Tu as sorti ton dernier album en date « Zero Killed » (Mercury) à la fin de l’année 2012. As-tu déjà de nouveaux projets d’enregistrements en cours ?
Ce disque est sorti en octobre 2012 et à partir de novembre de la même année je suis parti en tournée avec The Hoax. Nous avons aussi enregistré l’album du groupe, aux Etats-Unis, pendant un mois. Puis il y a eu les dates avec Eric Legnini et j’ai une famille dont je dois m’occuper. De ce fait, il ne me reste pas beaucoup de temps. D’un autre côté j’ai quelques bribes de chansons à disposition. Elles aboutiront probablement à un nouvel album qui sera plus « roots » que « Zero Killed », qui était très fourni en termes d’arrangements et aussi plus « mature ».Actuellement, j’ai surtout envie d’aller vers quelque chose de plus dépouillé. Je n’ai pas peur, s’il le faut, de prendre six mois pour écrire le disque. Cela ne serait pas bien grave…

As-tu une conclusion à ajouter à cet entretien ?
Simplement conseiller aux gens d’acheter les albums auxquels je participe, mais aussi d’autres disques. Ne téléchargez pas tout, car les sites spécialisés ne donnent pas forcément beaucoup d’argent aux artistes.En dehors de ça, je peux juste ajouter que je me considère comme quelqu’un d’assez chanceux dans le sens où j’arrive à vivre avec un métier que j’aime beaucoup faire. C’est, malheureusement, le cas pour très peu de gens de nos jours. Je touche du bois pour pouvoir continuer sur cette voie, car c’est quelque chose qui me rend très heureux.Les temps sont durs pour tout le monde, je me considère donc vraiment comme quelqu’un de très chanceux…

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Interview réalisée
à l' Auditorium du CREF
Festival de Jazz de Colmar
le 12 septembre 2013

Propos recueillis par
David BAERST

En exclusivité !

 

 

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