Ike Turner 2
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST

 

Quand avez-vous commencé la musique ?
J'ai commencé à jouer du piano à l'âge de 6 ans. Mon professeur était Pinetop Perkins. Il m'a appris le boogie woogie, le blues. C'est à partir de là que j'ai transformé le blues et le boogie woogie en rock'n roll. C'est pour cela que l'on m'a donné ma place au sein du " Rock'n Roll Hall of Fame " (Musée du Rock'n Roll). Grâce à mon morceau " Rocket 88 ", qui est considéré comme le premier rock' roll enregistré.
J'ai gagné à Memphis l'impression d'une note de musique à mon nom sur le trottoir (équivalent des Etoiles sur le Hollywood Boulevard pour le cinéma) aux côtés d'autres artistes. Tout ça à cause de mon dernier album " Here and Now " qui est sorti il y a quelques mois.
Maintenant, j'espère qu'il y aura mon nom sur une bouteille de cognac (rires).

B.B. King dit que vous êtes l'inventeur du rock'n roll. Little Richard dit que vous en êtes l'innovateur. Est-ce arrivé par hasard ou bien vouliez-vous créer un nouveau style ?
Le rock'n roll est la combinaison entre le boogie woogie et le blues. J'en donne un bon exemple sur scène.

Vous êtes ami avec Little Milton depuis les années 50. Comment vous êtes-vous connus ?
Little Milton vivait à Greenville dans le Mississippi où je jouais tous les week-ends. Puis je suis allé vivre à Saint Louis, Mississippi. Nous nous sommes beaucoup croisés dès lors. J'ai transformé Saint Louis en ville du Jazz et du Blues !
Quand Little Milton est venu à son tour s'installer à Saint Louis, je suis allé vivre à Memphis où j'ai enregistré " Rocket 88 " dans les studios Sun de Sam Philips.
Ensuite, c'est Little Milton qui est venu enregistrer pour Sun. Elvis Presley venait souvent m'écouter jouer dans les clubs noirs lorsqu'il était enfant. Un jour à Las Vegas où je venais de gagner une somme importante aux dés, Elvis (qui se produisait aussi à Vegas à ce moment-là) s'est approché de moi. Il m'a dit : " Te souviens-tu de moi ? ". J'ai répondu que non. Il a tiré ses cheveux en arrière et a reposé la question. J'ai répondu à nouveau par la négative. Il m'a alors dit : " Je suis le petit blanc que tu cachait derrière ton piano, pour que je puisse assister à tes concerts sans être embêté ".
A ce moment-là, Elvis et moi avions beaucoup de succès. C'est la dernière fois que je l'ai vu. Il était accompagné par le Colonel Parker.

Vous étiez " talent scout " (chercheur de talents) pour les frères Bihari et pour Sam Philips dans les années 50. A ce moment, le rock'n roll grandissant n'a-t-il pas fait de l'ombre au blues ?
A l'époque, le rock'n roll de Presley et de tous ces gens-là, on n'en parlait pas encore car il n'existait pas. A cette époque-là, la ségrégation était présente à tous les niveaux. Les stations de radios blanches ne passaient pas de disques de noirs.
Sam Philips a apporté mon disque " Rocket 88 " à un DJ de station blanche qui a le courage de diffuser le morceau sur sa radio. Le titre a plu au public et les gens sont allés acheter le disque en masse.
C'est à ce moment que Sam Philips s'est dit que s'il trouvait un blanc qui sache jouer comme un noir, il ferait fortune …

Qu'est-ce qui vous a ramené à jouer du blues pur et dur sur votre dernier album " Here and now " ?
J'ai reçu la visite d'un gars qui s'appelle Robert Johnson (rie à voir avec le légendaire créateur de " Sweet Home Chicago ") qui m'a trouvé en train d'improviser au piano. Il m'a conseillé d'enregistrer cela et de faire ce style de musique sur scène. Il a tellement insisté que j'ai créé un label rien que pour sortir ce disque.
C'est donc la musique que je fais tranquillement chez moi que l'on trouve sur ce disque. C'est aussi lui qui m'a poussé à revenir sur scène au premier plan avec le piano en avant, en tant que leader du groupe et non plus en tant qu'accompagnateur comme c'était le cas avant.

Que ressentiez-vous à l'époque en entendant les " rockabilly cats " du Tennessee ou du nord de l'Arkansas ?
Au début, c'était étrange. Il est vrai qu'au départ, j'aurais pu avoir un sentiment négatif en disant : " ils prennent notre musique ". Finalement, je n'y ai plus pensé et cela ne m'a jamais obsédé.


 
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Les liens :

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Interview réalisée au
Cognac Blues Passions
en juillet 2002

Propos recueillis par
David BAERST

 

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