Nda : Cette interview a été réalisée en compagnie du groupe In Volt au grand complet (le chanteur Enton Genius, le guitariste Rony Genius, le batteur Jeff Panss et le bassiste Lino Agnetti). Elle revêt un intérêt particulier pour moi, puisqu’elle est la dernière a avoir été enregistrée au Caf’ Conc’ d’Ensisheim… Un endroit légendaire, ayant accueilli des milliers de musiciens, scandaleusement contraint de fermer définitivement ses portes le 1er juillet 2012... après 19 ans d’activité au service de la culture…
A titre personnel, je n’ai découvert le groupe qu’à l’été 2011 (lors de l’une de ses prestations au Cognac Blues Passions). Cependant, In Volt a été fondé en 2007... Aussi, pouvez-vous revenir sur vos tous débuts ?
Rony Genius : J’étais très pote avec notre ancien bassiste, Sylvain !
Ensemble nous étions membres d’un groupe de rock blues…
Notre chanteur ayant été victime d’un gros accident de voiture, je me suis chargé de le remplacer.
Jeff était un voisin à ce moment là. Etant très cool, j’étais sûr que la perspective de nous rejoindre le « brancherait ». Ensemble, nous avons donc formé un trio avec lequel nous avons enregistré un CD que nous avons envoyé à Frankie Pfeiffer (incontournable et sympathique figure du milieu rock et blues français, nda). Ce dernier a tellement apprécié, qu’il a décidé de coproduire notre deuxième disque…
On peut considérer que cet opus « In Volt » est le premier CD officiel du groupe, le précédant n’étant pas distribué.
C’est aussi Frankie qui nous a conseillé de faire appel à un chanteur à part entière. Du coup nous avons pensé à pas mal de gens mais nous sommes vite tournés vers mon frère, Enton Genius. Avec lui, ça l’a tout de suite fait !
C’est de cette manière que notre histoire s’est goupillée !
Vous venez tous d’univers musicaux assez différents. Pouvez-vous me parler de vos cursus artistiques respectifs ?
Enton Genius : Je suis tombé dedans quand j’étais tout petit puisque j’ai 6 ans d’écart avec « le frelu» . Sous l’impulsion de ce dernier, quand ma mère changeait mes couche, c’était toujours sur un fond musical constitué de disques d’ACDC…
Mon père, quant à lui, écoutait de la bonne « variète » au début. Puis il s’est mis à écouter de la merde alors que « la mère » était à fond dans le classique…
A titre personnel, je suis passé par toutes les phases : rock, hard rock, hip hop, rap (ce qui cassait les couilles à mon frangin et, du coup, me faisait bien plaisir… d‘autant plus qu‘il était très borné et ne voulais rien écouter d‘autre que des « skeuds » pourris à la con)…
Par contre je n’écoutais pas de jazz et très peu de blues.
J’ai commencé à chanter vers l’âge de 14 ans. Je crois me souvenir que le premier titre que j’ai interprété est « Knockin’ on heaven’s door ». C’était avec Alain Bertand, qui était mon professeur de musique…
Par la suite j’ai fait comme les Commitments… Je reprenais Otis Redding pour son côté blues et je chantais du James Brown, ou des titres d’Aretha Franklin, pour la « teuf ».
Je me suis fait plaisir avec d’autres groupes.
Par exemple, je chantais au sein des Tocar’s. Nous faisions des reprises de groupes tels que les Raconteurs…
C’était pour la déconne mais c’était sympa !
Puis, comme il l’a dit, j’ai reçu un coup de fil de mon frangin… auquel j’ai répondu « I put my dick on your shoulders » (rires) !
En fait ça a été un oui direct, ça s’est fait comme ça…
(Nda : Enton Genius, ancien élève des prestigieux Cours Florent, a aussi la particularité d’être passé par la case théâtre, nda)
Jeff Panss : Moi, quand j’ai commencé à jouer de la batterie, j’étais à fond dans le hard rock (Metallica, Iron Maiden, Faith No More…). Puis, pour travailler mon instrument, j’ai du me pencher sur d’autres styles. Du coup j’ai fait de la fusion, du funk mais aussi du blues et du jazz, qui sont des étapes obligatoires dans ce type d’apprentissage. A un moment donné, une porte s’est ouverte dans le monde du métal. J’ai donc intégré un groupe nommé Lik…id avec lequel j’ai donné pas mal de concerts intéressants. J’ai, par exemple, eu la chance de faire la première partie de Korn… ce qui reste une superbe expérience. Un jour, Jérôme (Rony Genius) m’a appelé et je me suis dit « pourquoi pas ».
Petit à petit, nous nous sommes mis à faire des compositions… surtout avec l’arrivée du petit frère. Je reste succinct car l’apprentissage de la batterie t’oblige à aborder beaucoup de styles variés (même de la salsa par exemple). De ce fait, j’ai vécu de nombreuses expériences différentes…
Au bout de 20 ans de pratique, je me rends compte qu’il ne reste qu’une seule chose… ma passion du rock. C’est pour cette raison que je tenais à en faire avec In Volt !
Lino Agnetti : En ce qui me concerne ça va être plus long, car je suis le plus âgé de la bande !
Je viens de ce que l’on appelle le pub rock et de toutes les musiques qui sont à l’origine de ce mouvement musical, en particulier celles des artistes issus du british blues boom (Kinks, Rolling Stones, Animals…).
Dans les années 1974-75, j’étais très influencé par des groupes tels que Dr. Feelgood ou The Inmates. Comme Rony Genius, j’ai eu ma période hard rock. D’ailleurs le premier disque que j’ai enregistré, qui date de 1986, a été fait au sein d’un groupe de hard originaire de Bourges, Excess. Ce combo n’a pas « vendu des caisses » mais c’était sympa !
Puis je suis retombé dans le pub rock avec Medecin’e, un ensemble originaire d’Angers puis basé sur Nantes.
Nous avons enregistré quatre albums ensemble…
J’ai également intégré un groupe de blues, Les Crop’s, avec lequel j’ai gravé deux disques.
Tout cela sans oublier de préciser que j’ai aussi travaillé avec Futura et Rock’n’Roll Elephant.
Maintenant me voila avec In Volt, nous sommes partis pour faire du rock’n’roll !
Rony Genius : Je suis tombé dans l’amour de la guitare assez jeune. Ceci grâce au fils de ma nourrice qui, un jour, a débarqué avec l’album « Highway To Hell » d’ACDC…
Ce disque a été une véritable révélation. J’avais douze balais et le choc a été terrible, j’ai adoré !
J’ai donc « branché » mes parents pour qu’ils me permettent de jouer de la gratte. La réponse, sans appel, a été négative car ils me disaient que j’étais nul à l’école et que, de ce fait, je ne méritait pas de jouer de la guitare. Donc quand j’ai eu 17 ans, j’ai utilisé ma premier paie correcte pour acheter une gratte et un ampli. Je m’y suis mis tranquillement, en autodidacte avec quelques potes qui me montraient des trucs.
J’ai décidé de m’y consacrer sérieusement au moment de la sortie du premier album blues de Gary Moore « Still Got The Blues ». J’ai flashé sur ce disque et j’ai décidé de le bosser de A jusqu’à Z.
Mes autres influences sont le hard rock et le blues au sens large du terme…
C’est de là que vient ma culture musicale…
Pourquoi avoir choisi le nom d’In Volt ?
Rony Genius : Le terme Volt est un hommage appuyé au morceau « High voltage » d’ACDC. Le In est un clin d’oeil aux pédales des guitares. Quand tu branches ton jack dans la prise prévue à cet effet, le terme « in » y est toujours écrit. C’est pour ces raisons que j’ai choisi ce nom…
Sur une scène française déjà très riche et diversifiée, sur quels atouts vous appuyez-vous pour vous démarquer ?
Rony Genius : C’est une question à laquelle il est difficile de répondre….
Je dirais que notre atout principal est à ma droite. Il s’agit de mon frangin Enton Genius car, sur scène, il sait « envoyer le truc » !
Nous travaillons de plus en plus sur nos propres compositions, même si nous apprécions toujours glisser une reprise de ci de là.
Le « nerf de la guerre » est de proposer nos propres titres, qui sont teintés de rock et de blues.
Ceci dit, c’est vraiment sur scène que nous essayons de nous démarquer et de nous défendre.
Enton Genius : La scène est une chose, c’est vrai… Mais il y a autre chose !
Depuis que Lino est avec nous ça « déboite » vraiment car c’est le bassiste qu’il nous fallait, un truc qui martèle !
Nous vivons ce que nous faisons. Nous ne faisons pas de la zic pour simplement dire que nous en faisons.
On y met de l’huile de coude, de la crasse, du sexe, de la drogue, du rock’n’roll …
Des fois on renverse des bières mais ce n’est pas grave s’il y en a plus parterre, que dans nos godés, à la fin de la soirée. Il faut que notre musique possède une odeur de chiottes, une odeur de cul, un truc qui défonce quoi !
Si ce soir nous nous cartonnons en bagnole, on saura que pour notre dernier concert on aura tout donné… Qu’on se sera fait plaisir et qu’on en aura donné au public, ce qui est le plus important…
Vous savez qu’en France on aime bien mettre des étiquettes sur les groupes…. D’ailleurs on a tendance à vous catégoriser dans la rubrique blues rock, ce qui me semble restrictif lorsque l’on entend votre musique. Vous-mêmes, comment la définiriez-vous ?
Rony Genius : A l’image de nos parcours respectifs, on y trouve de tout. Il y a du hard rock, du blues, du folk… Ceci dit c’est le rock qui se démarque le plus. D’ailleurs, chez les disquaires, notre album n’est pas dans les bacs étiquetés blues mais au rayon rock international.
Notre distributeur et notre label nous considèrent davantage comme un groupe émergent de ce courant musical. Dans notre premier album, il ne doit y avoir que deux blues…
Nos prochaines compositions seront encore davantage ancrées dans le rock !
Pouvez-vous, justement, me parler plus en détails de votre premier album officiel ?
Rony Genius : En effet, « In Volt » est le « vrai premier » car le précédent est davantage une « maquette de présentation » qu’un disque à part entière. Ce CD est né de ma première rencontre avec Frankie Pfeiffer qui a, avec nous, coproduit cet album. Ses conseils et nos envies nous ont poussé à faire quelque chose de différent. Notre style est devenu plus travaillé et s’est attaché à l’aspect scénique grâce à la présence d’Enton, qui est un vrai chanteur.
Dans cet album, il y a un vrai « univers rock »…
Il y a une phrase de Dominique Boulay, tirée de son article dans Blues Magazine, que je trouve assez juste et qui dit « C’est du blues sans être du blues et c’est du rock sans être du rock ». Notre musique est donc une vraie fusion …
On y trouve une ballade très proche de l’univers folk et des morceaux très énergiques.
Jeff Panss : On cherchait une identité…
Etant tous issus de milieux un peu différents, même si le rock est notre dénominateur commun, nous sommes parvenus à trouver une personnalité qui nous soit propre dès le premier album. C’est une chose qui n’est pas évidente à faire… Nous pouvons donc être très satisfaits d’avoir trouvé notre son.
Cette identité il faut que nous la gardions précieusement.
Nous mettrons un point d’honneur à continuer de faire avec, tout en continuant d’explorer de nouveaux horizons sonores.
Y’aurait-il, malgré tout, des groupes issus de la scène française dont vous vous sentiriez proches ? Si ce n’est sur la forme, au moins sur le fond…
Rony Genius : (longue hésitation) Hé, hé…
Pour fêter la sortie du disque, nous avons fait le New Morning, en première partie du Blues Power Band. Même si nous sommes différents (ils sont plus blues que nous, bien que leur dernier album en date « Dark Room » soit plus rock… ce que je trouve mieux), nos démarches sont assez identiques.
Il y a beaucoup de groupes de blues français, au sens strict du terme. Je pense, par exemple, à Awek ou Shake Yout Hips que j’adore.
Lino Agnetti : Nous ne nous mettons pas de barrière, tout simplement…
Enton Genius : En fait, nous sommes la nouvelle influence !
Ce sont les prochains groupes qui revendiqueront notre style !
Chacun à sa propre personnalité et c’est heureux… car c’est ce qui créé la diversité. Si nous chantions en français, nous serions proches des univers de Trust, du Cri De La Mouche, de Satellites, de Noir Désir etc…
Je trouve que le dernier album d’Arthur H est mortel…
Sans être fan de Thiéfaine, je trouve que ce mec a vachement évolué avec son dernier disque…
Ceci dit, nos premières influences restent anglo-saxonnes et datent principalement des années 1970.
Vous vous démarquez aussi par l’extravagance de vos prestations scéniques. Cet aspect se retrouve-t-il aussi au sein même de vos textes ?
Rony Genius : Nous dénonçons certaines chose même si nous ne voulons pas trop entrer dans la politique. Nous ne sommes pas là pour ça…
Enton Genius : Avant tout, nos textes évoquent la teuf, la chouille entre potes, les virées, les grosses cuites, l’amour, la mort etc…
L’un de nos morceaux les plus grave, « Shoot gun blues », est inspiré d’un fait divers qui s’est passé près de chez nous. Il relate l’histoire d’un père et de son fils qui se sont fait butter…
Nous préparons comme tu le sais, notre prochain album. Au niveau des textes, ce dernier sera certainement plus « franc ». Nous y dénoncerons des choses de manière plus catégorique.
Nous y parlerons certainement des « grosses carottes » de ce monde… la finance et des choses comme ça.
Nous y évoquerons, peut être, aussi de tous ces cafés-concerts qui ferment à travers toute la France…
Cependant, il y aura toujours des titres funs qui donneront envie de s’éclater et de faire la teuf…
Au départ, je n’étais pas aussi extravagant sur scène… C’est mon professeur de musique qui, un jour, m’a dit « T’es qu’un pauvre con car, quand on répète, tu montes sur les tables et te comportes comme dans ta piaule…alors fais ça sur scène ! ».
Donc, un jour je me suis retiré le bras des fesses (rires) !
Maintenant je m’éclate… les gens aiment ou pas mais moi je m’amuse !
Quand tous les musiciens et spectateurs sont dans cette dynamique, c’est vraiment top !
Puisque vous les évoquez, pouvez vous être plus précis quant à vos projets ?
Rony Genius : Le projet le plus immédiat est de venir à bout de ce deuxième disque. Nous y travaillons activement tout en nous donnant le temps. L’objectif est de le sortir en 2013... De ce fait nous peaufinons nos titres avec beaucoup d’attention, avant de les présenter aux gens avec lesquels nous travaillons. Nous composons un maximum… après nous passerons un grand coup de faux pour retenir les dix meilleures chansons.
Jeff Panss : Nous allons nous entourer d’un maximum de professionnels, qui nous aideront à obtenir le meilleur de nous-mêmes.
Rony Genius : C’est-à-dire : élargir le cercle pour grandir davantage !
Enton Genius : Nous avons eu de bons retours sur le premier album. Nous ne nous y attendions pas…
Nous avons envie de continuer sur cette lancée. Pour cela, nous y mettrons les « bouchées doubles » afin d’obtenir un résultat qui surpasse nos propres attentes.
Avez-vous une conclusion à ajouter ?
Rony Genius : Nous te remercions d’être venu à notre rencontre, car nous savons que tu as un emploi du temps compliqué…
J’espère que Yannick Kopp (propriétaire du Caf’ Conc’ d’Ensisheim) va rapidement rebondir. C’est vraiment dommage qu’un tel lieu disparaisse. Je lui souhaite de pouvoir trouver un endroit qui lui permette de monter une affaire du même type. Nous avons reçu un superbe accueil ici et je pense que la suite de la soirée va être excellente !
Remerciements : à Frankie Pfeiffer et à tout le groupe In Volt !
www.involt.fr
www.myspace.com/involt2007
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