Innes Sibun - Au Camionneur - Strasbourg le 05 mars 2015
Nda : Connu pour avoir été le guitariste de Robert Plant (durant la tournée mondiale 1994/95 de ce dernier) Innes Sibun est, malheureusement, trop rare sur les scènes françaises. Pourtant ce fin expert des trois accords se révèle être l’un des plus dignes héritiers du mouvement « british blues boom » des années 1960. Livrant des concerts aussi longs que denses, l’artiste ne connait ni économie ni lassitude lorsqu’il se retrouve devant un public. Il en a, une nouvelle fois, fait la preuve lors de son unique passage dans l’hexagone (Au Camionneur à Strasbourg) après quelques dates en Allemagne. Il m’a accordé l’entretien qui suit une poignée d’heures avant ce concert, qu’il a terminé trempé…de la pointe de ses cheveux jusqu’aux ourlets de son pantalon.
Afin de débuter cet entretien Innes, peux-tu me présenter les musiciens qui constituent le groupe avec lequel tu es actuellement en tournée ?
Oui, il y a Dermot James à la batterie, Andrew Maggs à la basse et Jon Buckett aux claviers… Pour ma part je suis chanteur et guitariste.
Peux-tu, justement, m’en dire davantage sur toi et tes origines ?
Je m’appelle Innes Sibun et jeviens de Bath, en Angleterre. Je joue de la guitare, du dobro et de la mandoline…
Quand et pour quelles raisons as-tu décidé de te lancer dans l’apprentissage de la guitare ?
Je crois que cela remonte à ma prime adolescence, alors que je devais avoir 11 ou 12 ans. J’ai entendu un morceau de BB King à la radio et cela m’a totalement bouleversé. J’ai immédiatement décidé de commencer à jouer et d’essayer de reproduire ces notes.
As-tu, alors, bénéficié de l’appui d’un professeur ou t’es-tu lancé tout seul ?
J’ai appris par moi-même. Je m’appuyais sur BB King, Otis Rush ou John Lee Hooker en écoutant leurs disques. Je ne savais pas lire la musique et je faisais tout à l’oreille. J’observais, également, attentivement les musiciens que j’avais l’occasion de voir sur scène, des gens tels que Roy Buchanan ou Rory Gallagher.
En dehors de tous ces experts du blues et du blues-rock, puisais-tu aussi ton inspiration auprès d’artistes évoluant dans des registres musicaux différents ?
Au départ, j’étais totalement immergé dans le blues. BB King ainsi qu’Otis Rush étaient à la base, à eux seuls, d’une part importante de mon inspiration. Peu après, je me suis intéressé à une facette plus acoustique de cette musique et me suis mis à écouter Robert Johnson, Skip James et des artistes tels que ceux-ci. Bien sûr, des musiciens plus intégrés à la scène rock se sont également immiscés dans mes influences. Je veux parler par-là de Jimi Hendrix ou de Paul Kossoff du groupe Free. Au même titre, j’adore des guitaristes emblématiques de la soul music comme Cornell Dupree ou certains gars qui se sont illustrés auprès de Stevie Wonder. Je trouve aussi qu’il y a de grands spécialistes de la six cordes dans l’univers du gospel. Mes influences sont donc variées, d’autant plus que je trouve également de nombreuses qualités à des groupes tels que The Red Hot Chili Peppers ou Black Sabbath. En cherchant un petit peu, on se rend rapidement compte que tous ces gens ont beaucoup écouté BB King ou Freddie King…
Selon toi, quelle est la chose qui t’a le plus touché la première fois que tu as entendu du blues ?
Je ne sais pas, c’est une chose étrange. J’étais très jeune lorsque j’ai commencé à jouer de la guitare et tous mes amis ne juraient, alors, que par le punk-rock. Tout le monde écoutait les Sex Pistols ou les Clash. De mon côté, j’allais en classe avec des disques de John Lee Hooker dans mon sac… Je ne peux vraiment pas l’expliquer, j’étais simplement en phase totale avec cette musique. C’est une chose qui ne m’a jamais quitté et, aujourd’hui encore, je prends un plaisir énorme à écouter Freddie King. Rien n’a changé depuis ma jeunesse…
Peux-tu évoquer ta première expérience sérieuse avec un groupe, au sein du Innes Sibun Blues Explosion ? Oui, en effet, c’était mon premier groupe sérieux ! Auparavant j’avais joué dans des petites formations de punk-rock, ou d’autres musiques, afin de me forger une petite expérience. Avec Blues Explosion, j’ai eu la chance de travailler avec Mike Vernon qui a produit notre premier album « That’s What The Blues Can Do » en 1991. Avec ce disque, nous sommes même parvenus à nous hisser à la première place des charts blues en Hollande. Nous avons aussi eu l’occasion de tourner dans plusieurs pays différents comme la France, la Hollande, l’Allemagne etc. Cette expérience a accéléré les choses pour moi puisqu’elle m’a permis de me forger une certaine notoriété et, par la suite, d’intégrer le groupe de Robert Plant.
Est-il facile, lorsque l’on débute, de travailler avec un personnage aussi charismatique que Mike Vernon ?
C’est vraiment un type formidable et travailler avec lui a été un réel plaisir. J’étais totalement fasciné car ce monsieur a produit des disques devenus cultes et a prêté son talent à des artistes aussi importants que Peter Green, Eric Clapton (qu’il connait depuis les années 1960), John Mayall, David Bowie, Ten Years After, Dr Feelgood, Eddie Boyd, Freddie King, Robben Ford et des dizaines d’autres… Actuellement, il vit en Espagne et j’ai eu l’occasion de le revoir là-bas l’an dernier alors que j’y donnais des concerts. Il est resté le même, c’est vraiment un homme formidable…quelqu’un de fantastique !
Puisque tu l’as évoqué auparavant, peux-tu revenir sur ton travail auprès de Robert Plant ?
Je considère que j’ai simplement été chanceux d’être au bon endroit, au bon moment. Robert avait besoin d’un guitariste et je connaissais son bassiste, Charlie Jones, avec lequel j’avais déjà eu l’occasion de collaborer. L’ancien chanteur de Led Zepellin souhaitait un musicien possédant une culture blues et j’ai, ainsi, participé à une audition à Birmingham. A ma grande surprise j’ai obtenu le job et j’ai pu participer à une grande tournée qui a traversé l’Amérique du Nord, l’Amérique du Sud et l’Europe. C’était fantastique !
Par la suite, qu’est-ce qui t’a poussé à mener une carrière sous ton propre nom ?
Je crois me souvenir que, lorsque j’ai fini la tournée avec Robert Plant, j’ai rapidementété approché par un type de New-York nommé Arnie Goodman. Il m’a proposé de me rendre dans sa ville afin d’y enregistrer un album. Depuis, j’ai sorti une petit dizaine de disques sur des labels indépendants de blues.
Quels sont les sujets que tu évoques le plus facilement au sein de tes chansons ?
On y retrouve les thèmes inhérents au blues. Ainsi, je revisite régulièrement la malchance, les femmes et ce genre de choses (rires). Bien sûr, mes chansons sont aussi empruntes de ce qu’il peut m’arriver dans la vie, au quotidien. De toutes mes expériences, qu’elles soient heureuses ou malheureuses…
En dehors de tes collaborations avec Mike Vernon et Robert Plant, quelles sont les expériences professionnelles qui te laissent les meilleurs souvenirs ?
Je crois que mes meilleurs souvenirs remontent, en fait, à l’époque durant laquelle je jouais avec Robert Plant. Après avoir donné un concert, il nous arrivait de nous retrouver dans un club de blues (comme le Buddy Guy’s Legends à Chicago ou Antone’s à Austin). Nous faisions alors des jams jusqu’au bout de la nuit avec des musiciens américains et c’était vraiment incroyable ! Quelque-soit l’endroit ou les circonstances j’aime toujours le fait de jouer, que ce soit devant deux personnes dans un club ou plusieurs dizaines de milliers dans un stade. C’est ce qui me rend le plus heureux…
Toi qui fréquentes la scène blues des deux côtés de l’Atlantique, estimes-tu qu’il y a beaucoup de différences d’un continent à l’autre ?
Oui, effectivement, je trouve qu’il y en a. D’ailleurs, il suffit de voir les grands noms du blues américain qui se produisent dans le cadre de grandes manifestations en Europe, alors qu’ils jouent davantage dans des petits clubs aux USA. Ces gens aiment venir de ce côté-ci de l’Atlantique car ils y trouvent un meilleur accueil. Pour ma part, je retournerai jouer au Texas au mois de mai prochain. J’apprécie autant le fait de jouer aux USA qu’en Europe. En fait, je vais là où on me paye (rires) !
Maintenant que tu es devenu un véritable leader, pourrais-tu accepter de redevenir session-man ou accompagnateur d’un autre artiste sur scène ?
Oui j’aimerais beaucoup et ce serait formidable ! Etre à la tête de son propre groupe demande une incroyable débauche d’énergie et j’aimerais, de temps en temps, redevenir un sideman.
Dans cette optique, aurais-tu un souhait de collaboration ?
Je reste ouvert à toute suggestion et toute opportunité. Si quelqu’un fait appel à moi, je serai heureux de faire de mon mieux et de jouer de la guitare pour lui. Ce serait cool (rires) !
En dehors de tes futurs concerts aux USA, as-tu des projets à court terme ?
Oui, j’ai déjà eu l’occasion de me produire en Russie à deux reprises cette année et je vais bientôt reprendre la route afin de retrouver mon public espagnol. Je suis également programmé dans plusieurs festivals, au Royaume Unis, dans les mois à venir. J’ai un nouveau disque qui vient de sortir et qui s’intitule « Blues Transfusion ». Il est distribué, en Europe, par le label belge Blues Boulevard Records. J’ai enregistré cet album, au cours de l’année 2014, en Bosnie-Herzégovine. J’y figure d’ailleurs aux côtés de musiciens locaux, qui m’accompagnaient lors de Festivals en Europe de l’Est. J’avais vraiment envie d’enregistrer avec eux. Les sessions se sont déroulées dans un excellent studio (The Pavarotti Music Centre Mostar) et dans des conditions idéales. L’ultime chanson de l’album « Give up the fight » a, quant à elle, été enregistrée à Holt, au Royaume-Unis. Sur cette dernière, je suis accompagné par le bassiste Charlie Jones (qui a joué avec Jimmy Page & Robert Plant ainsi qu’avec le groupe Goldfrapp) ainsi que par le batteur Clive Deamer (que l’on a vu aux côtés de Robert Plant, Portishead ou encore Radiohead).
A-t-il été facile de travailler avec des musiciens bosniaques. Ont-ils une bonne connaissance du blues ?
Oui, ce sont des musiciens formidables. Il faut dire qu’il y a une excellente école du rock dans ce pays, où tous les aspects de cette musique sont développés. Il n’existe plus de barrières culturelles comme à une certaine époque et la scène bosniaque n’a rien à envier à de nombreuses autres qui, pourtant, sont davantage reconnues. J’espère même avoir l’occasion d’y réenregistrer dans l’avenir. Ce sont vraiment de très bons musiciens !
Souhaites-tu ajouter un dernier mot à l’attention de ton public français ?
J’aimerais simplement dire que j’adore jouer en France car le public y est fantastique. Je repars en direction de l’Angleterre demain mais je vais, d’abord, profiter au maximum de l’opportunité qui m’est offerte de jouer à Strasbourg ce soir. J’aimerais revenir plus souvent dans ce pays, j’espère que j’en aurai l’occasion dans l’avenir.
Remerciements : Pierre Failly (Blue Box Prod) et Benoit Van Kote (Au Camionneur)
http://www.innessibun.org.uk
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