Irma THOMAS
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST


A l'heure à laquelle nous parlons, quelle est la situation exacte à la Nouvelle-Orléans et comment cela s'est-il passé pour vous ?
La Nouvelle-Orléans " redémarre " et recommence à vivre. Pour ma part je n'y ai pas perdu que mon Club mais aussi ma maison et quelques autres propriétés. J'ai absolument tout perdu, mais je ne suis pas la plus durement touchée car il y avait un des quartiers les plus pauvres et anciens de la ville, dans lequel vivaient beaucoup de musiciens, où les maisons ont été arrachées de leurs fondations et emmenées par les eaux. Ce lieu avait déjà été touché il y a quelques années par un autre ouragan mais cela n'avait pas été aussi dur qu'avec Katerina.

Ces gens ont tout perdu et ont été déplacés un peu partout aux Etats-Unis. Ce sont ces gens qui avaient créé le son de la Nouvelle-Orléans. Au point où en sont les choses aujourd'hui il est à craindre que l'on ne retrouve jamais cette vivacité et cette originalité propres à la musique de cette ville.

Qu'avez-vous pensé de la réponse du Gouvernement Fédéral ?
Personne ne s'attendait à une catastrophe d'une telle force, ni l'administration ni qui que ce soit d'autre. Ils étaient prêts à affronter une tempête mais pas un ouragan de cette force et surtout pas une inondation comme celle qui a suivi le passage de Katerina.
Ils ont fait certaines choses comme déplacer les habitants dans des lieux couverts afin de les mettre en sécurité. Il s'est avéré que ce n'était pas une bonne idée mais cela fait partie de l'apprentissage. Ils font de leur mieux compte tenu des circonstances…

Quelle place occupe exactement la musique de la Nouvelle-Orléans dans votre œuvre puisque vous avez enregistré dans beaucoup d'endroits différents aux USA ?
Absolument toute la place (rires) !
Je suis la musique de Louisiane. Le fait d'avoir enregistré dans plusieurs villes des USA ne change rien au fait que je suis Irma Thomas de la Nouvelle-Orléans en Louisiane.

Que pensez-vous de votre collaboration avec Scott Billington (célèbre producteur de disques de Blues, notamment pour le label Rounder, Nda) ?
C'est une collaboration qui a duré 20 ans sans que nous ne devenions spécialement proches. Scott allait chercher des chansons et me les proposait. A partir de celles-ci je faisais ma propre sélection, choisissant les morceaux que je préférais et ceux dont je pensais pouvoir faire des versions " décentes ". Je rendais ma sélection à Scott Billington qui donnait son approbation. Tout cela pour faire des disques qui ont toujours été très corrects.

Quelle différence avez-vous ressentie avec Joe Henry pour " I Believe to my Soul " ?
C'est le frère de Joe Henry qui m'avait entendu chanter au Festival " Jazz Heritage " de la Nouvelle-Orléans alors que je me produisais avec d'autres chanteuses pour un hommage à Sister Rosetta Tharpe. Il avait aimé et m'a proposé de faire partie du projet, ceci avec l'autorisation des disques Rounder. J'ai deux chansons sur cet album…

Il y a aussi eu dernièrement des rééditions de vos faces ACE produites par Jerry " Swamp Dogg " Williams…
Il est très différent des autres producteurs avec lesquels j'ai travaillé. Il voulait toujours que je hurle, notamment pour un morceau sur lequel je devais le faire pendant 6 minutes. Ceci n'est pas mon école, hurler n'est pas ma façon de chanter. Mais puisque c'était l'argent de la maison de disques et des producteurs je me suis pliée à leurs règles, d'autant plus que j'étais payée pour le faire.
Je n'ai même pas crié autant en accouchant (rires) !

Vous êtes depuis 20 ans sur le même label, Rounder, comment expliquez-vous cette longévité ?
Pendant toutes ces années j'ai eu d'autres propositions qui étaient toutes du même niveau. C'est à dire que c'étaient des propositions inférieures aussi bien financièrement qu'artistiquement par rapport à ce que j'ai chez Rounder.
En plus, même si Scott Billington me propose des projets, je peux garder mon indépendance tout en tentant parfois de nouvelles expériences musicales. Le label Rounder et Scott Billington sont loyaux envers moi. Ils me respectent comme artiste, donc je ne vois pas pourquoi je ne leur apporterais pas la même loyauté. Je n'ai peut-être pas la même promo que sur une major mais Rounder fait le maximum pour m'assurer tout de même une promotion efficace.

N'est-ce pas cruel de constater que c'est " grâce " à l'ouragan Katerina, que de nombreux artistes de Louisiane se retrouvent en tournée en Europe cet été ?
Chacun le ressent d'une façon différente…
Je suis quelqu'un d'optimiste, je vois toujours le verre à moitié plein. Cette catastrophe naturelle était très cruelle…

D'un autre côté, en ce qui me concerne, la dernière fois que j'ai chanté en France c'était en 1988. Après l'ouragan les gens me croyaient disparue et décédée et se sont rendu compte, alors, que j'étais quelqu'un de talentueux, que j'étais capable de chanter, de danser, de vous divertir…
Cela a donc provoqué une relance de ma carrière de ce côté-ci de l'Atlantique même s'il est vrai que c'est cruel que cela soit lié à Katerina.

Y a-t-il une chance de voir votre club, le Lion's Den, ré-ouvrir, de vous y entendre chanter à nouveau et de pouvoir y déguster votre gumbo ?
(Rires) En fait la priorité pour mon mari et moi est d'abord de retrouver un foyer et de pouvoir faire bâtir une nouvelle maison. Une fois que cela sera fait, soit nous construirons un nouveau " Lion's Den " ailleurs, soit nous ré-ouvrirons celui de la Nouvelle-Orléans, si c'est possible.
Si cela arrive, je ne changerai rien, je ferai encore mon riz et mes haricots rouges ainsi qu'à l'occasion, mon gumbo.

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Interview réalisée au
Cognac Blues Passions
le 28 Juillet 2006

Propos recueillis par
David BAERST

 

 

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